Neige.....
Je viens de relire " Neige " de Maxence Fermine. Relire lentement, le livre est si petit. Petit, ne convient pas, rare plutôt. Voilà, rare. A chaque fois il faut le lire d’une traite. Un vol droit dans un ciel éclatant. Ecriture lumineuse, pensée lumineuse. Blanche avec cette transparence de pierres précieuses, blanche avec des éclats tremblants, blanche et précise, et blanche à nouveau comme une écume fraîche roulant sur la vague. Blanche, infiniment blanche et sereine, et profonde, et légère. Si peu de mots pour tant d’émotions, tant de couleurs pour la gloire d’une seule, tant de silences pour un son si pur…. Quelques flocons blancs : " Car l’amour est bien le plus difficile des arts. Et écrire, danser, composer, peindre, c’est la même chose qu’aimer. C’est du funambulisme. " Ou encore : " Lorsqu’il mourut, il se laissa gagner par la blancheur du monde. Enfin, à lire et réciter comme une prière pour affermir notre désir toujours défaillant : " Ecrire c’est avancer mot à mot sur le fil de la beauté, le fil d’un poème, d’une œuvre, d’une histoire couchée sur un papier de soie. Ecrire c’est avancer pas à pas, page après page, sur le chemin du livre. Le plus difficile, ce n’est pas de s’élever du sol et de tenir en équilibre, aidé du balancier de sa plume. Ce n’est pas non plus d’aller tout droit, en une ligne continue parfois entre coupé de vertiges aussi furtif que la chute d’une virgule, ou que l’obstacle d’un point. Non, le plus difficile, pour le poète, c’est de rester continuellement sur ce fil qu’est l’écriture, de vivre chaque heure de sa vie à hauteur du rêve, de ne jamais redescendre, ne serait-ce qu’un instant, de la corde de son imaginaire. En vérité, le plus difficile, c’est de devenir un funambule du verbe. " Quand je relis ces paroles blanches, je suis dans le même temps, emporté et terrorisé. Enthousiaste et tétanisé. Une grosse boule au creux du ventre. Une boule de neige. Froide et brûlante à la fois. Aurais-je la force de résister au vertige ? Je repense à mon texte d’hier. Le versant clair de la nuit. Il existe une parole qui chante à merveille le versant clair de la nuit. Versant de neige. Versant blanchi. Elle nous vient des cloîtres. Chants des monastères dont la mélodie complexe semble se frayer un passage à travers l’ombre étroite de nos âmes, à travers nos vies défaites. Les notes semblent avoir été recueillies sur les lèvres des mourants. Ultime souffle vêtu de l’épuisement nécessaire pour entreprendre le plus grand des voyages. Il faut avoir dépassé toutes les tristesses de nos vies, en avoir effacé toutes les joies pour que demeure seule une respiration pure d’amour. Celle là qui pourra brûler tous nos mensonges. Cette musique ne pouvait naître qu’au très fond de la nuit, elle ne pouvait issir que de la fragilité de nos songes, car il lui faudra traverser d’un seul et unique trait tous les océans d’indifférence pour enfin se poser sur l’infini d’un silence. Ainsi de la parole blanche….. Neige. Ce matin il pleut, on se croirait en hiver. Neige. Franck.
Il était heureux.
A hauteur du cœur. "
J'ai toujours eu cette sensation que le temps de neige était un temps d’achèvement.
Temps hors du temps… pluie blanche de temps… de souvenirs.
La neige qui tombe c’est la nostalgie qui affleure une dernière fois. La neige qui tombe c’est la définition même de la tristesse ; surgissement de la fin dans un présent qui se décompose… Pluie blanche de temps décomposé.