Le temps du silence...
Mon Ange. On est entré dans le temps du silence. Le premier silence. Cela arrive toujours de la même manière. Silence, absence, silence. Là, nous sommes au premier silence. C’est encore un espace habité par des échos, des ombres, mais les mots n’y trouvent pas leurs points d’appuis, ils ne se forment plus, ils ne se disent plus. Les mots se taisent, ils perdent leurs lumières, ils sont écrits à l’encre sympathique, mais il n’y plus la flamme pour les révéler, alors ils restent dans le blanc du papier, dans le blanc du cœur. Noir.
Etre dans ce premier silence, c’est être de l’autre coté de la lumière dans un royaume ombreux, épais, lent, froid. Noir.
Il est de ces soirées
Où l’on parle tout seul
Où l’on parle tout seul
A cette femme absente que l’on ne connaît plus
Mais qui un jour peut-être
Mais qui un jour jamais.
Pourtant je sais qu’après le noir, qu’après nos morts révolues il est un versant clair de la nuit. On y accède en ayant épuisé tous les mots, en se laissant porter par l’aile solitaire du silence.
On y accède par la prière mille fois répétée jusqu’à la perte la plus définitive de soi.
On y accède par un unique regard d’amour. Fragile et transparent.
Le versant clair de la nuit n’advient qu’après que toutes les larmes se soient usées dans le temple de misère. Il faut cueillir assez de perles d’absence sur chaque étoile du ciel pour que jaillisse un jour cette lumière d’après la lumière.
Cette lumière des profondeurs. L’ultime joyau. Lumière de nuit, lumière du manque à la nuit, lumière pure d’amour.
Il est de ces soirées où devant ses mains vides
On dit des mots d’amour
On dit des mots d’amour
Des mots bien trop beaux
Bien trop grands
Des mots bien trop…
On invente des mots qui se noieront demain dans l’océan glacé d’une vie bien trop molle
D’une vie bien trop seule
Elle était pourtant jeune
Elle était déjà belle.
Au bout des cascades de l’enfer, bien au-delà de tous nos souvenirs, fleurit l’élixir de joie, une pluie fine de gouttes de soleil sur l’éternité des temps.
Au versant clair de la nuit il est des fleurs secrètes, chacune d’elles contient un firmament dans lequel résonnent les rires des enfants, les berceuses des mères, les prières des saintes. Chacune d’elles est un sourire tremblant dans les reflets d’un ruisseau printanier.
Il est de ces soirées où l’on pleure dépeuplé sur le tas consumé de ses amours mort nés.
Alors on masque la détresse par des rires inventés
On masque la tristesse
Par des rêves de ciels
De ciels bien trop bleu
De ciels bien trop grands.
Mon Ange, nous y voici. Nous sommes entrés dans le temps du silence. Silence, Absence, Silence. S.A.S. Silence, Oubli, Silence. S.O.S. ti ti ti – taa taa taa- ti ti ti. Cela aussi était inscrit. Combien de mots a-t-il fallut pour en arriver là ? Au départ nous étions sur un chemin, perdus tous les deux et puis la fraternité de la route nous a rapprochés, et puis la lumière t’a reconnue, t’a enveloppée. Maintenant tu es une étoile si proche du soleil. Le ciel entier t’a désignée, le ciel entier t’a appelée. Je suis toujours sur le chemin et je lève la tête et je te vois, tu es si loin déjà, mais tu voles… Tu voles… Tu voles… C’est cela le plus important.
Franck.