Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
J'irai marcher par-delà les nuages
19 mai 2005

Quelques secondes intactes....

s_noir_et_blanc1

Elle est allongée sur le dos. Elle ne dort pas. Moi je regarde son corps, ombre blanche dans la pénombre de la chambre. On connaît tous ces moments suspendus. Tout est là. On n’attend rien de plus. Le désir en nous sait qu’il aura sa part de lumière. C’est un temps sans urgence. Elle est allongée nue, sur le dos et moi je regarde son corps nu. Les pieds, les jambes, les cuisses, le sexe, le ventre, les seins, le cou, les lèvres, les yeux, la chevelure. Je regarde ses cotes s’élargir lentement, régulièrement à chaque respiration. C’est le moment des corps, où il n’y a pas d’enjeu, où il suffit d’être là. Simplement là. J’ai toujours aimé cet instant d’avant l’amour, où les peaux ne se touchent pas encore, où la chair s’offre seulement au regard, et au silence. Un temps sans épaisseur, un temps fragile, car on sait qu’il ne durera pas, mais que c’est sans importance, qu’il est fait pour s’évaporer, pour se diluer, que tout changera au premier contact des peaux. Elle est allongée nue, sans pudeur, sans impudeur, dans l’attente souveraine de la première caresse. Elle sait mes regards, elle les sent. La chair frémit légèrement, comme une houle lente. Elle sait mes regards, pour en recueillir la chaleur. Elle étire sa peau au plus large, elle ouvre un peu plus grand les cuisses, pour ne pas couler dans les draps, pour se sentir porter un peu plus loin par une fraîcheur nouvelle. Rien n’est urgent mais tout est ultime. C’est l’instant du fleuve d’ombres où les souffles se déshabillent, les couleurs sont vulnérables, elles flottent dans le noir laiteux de la chambre. Elle est allongée nue, fantôme de neige sous le velours tremblant d’un voile de cendre. Elle est dans ses basses eaux, dans la volupté des limbes, dans l’éphémère mystère, juste avant l’abîme, juste avant la folie. Et elle énumère ses noms, parce quelle sait qu’elle les oubliera. Et moi j’épèle son nom pour le célébrer et l’exalter. C’est un temps en filigrane, un temps vacillant, une fissure dans laquelle se distingue, à peine, la fulgurance tremblante des aurores boréales. Au pied du lit nous avons laissé nos histoires, nos morsures, nos blessures imprononçables, pour être dans la seule rémission du sang qu’on s’apprête à échanger. L’espace autour de nous est île pourpre ceinte de chasteté, de lenteur, comme une liturgie sereine et dérivante, seulement porté par l’odeur de nos corps en attente.

Tout le poids de l’amour est là. Dans cet instant d’avant. Dans ce silence d’avant. Moment fugitif, quelques secondes arrachées à nos actes précipités, arrachées à nos impatiences, quelques secondes intactes de feu vertical avant que l’horizon bascule.

Franck.

Publicité
Publicité
Commentaires
C
waou........ je me laisse bercer.... je n'ai pas de mots..... tout comme coumarine, tu t'exprimes extrêment bien... et je pense qu'elle a été modeste en employant ces mots !......<br /> .............
Répondre
F
Merci Coumarine, c'est vrai, il y a des moments qui nous échappent, tant et si bien qu'on ne les retient pas assez, même notre mémoire les oublie.<br /> Merci encore de ce commentaire si touchant.<br /> Bise<br /> Franck
Répondre
C
Franck...je suis pleine d'admiration en te lisant...je me laise couler dans tes mots magnifiques et si vrais<br /> De l'art de célébrer par les mots les petits moments d'éternité...ceux de l'AVANT<br /> C'est superbement exprimé...
Répondre
Publicité
J'irai marcher par-delà les nuages
J'irai marcher par-delà les nuages
Derniers commentaires
Archives
Newsletter
Visiteurs
Depuis la création 168 003
Catégories
Pages
Publicité