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J'irai marcher par-delà les nuages
20 mai 2005

Prométhée....

C’est l’histoire de Prométhée. Une partie de l’histoire. Après la jeunesse, après les folies, après les blagues, après le feu, après son frère, après Pandore. C’est la partie la plus longue de sa vie. La partie christique, celle que je préfère, parce que je m’y reconnais. Le rocher, l’aigle, le froid et les siècles immobiles. C’est un morceau de son histoire, un morceau de la mienne, de la votre peut-être. Il y a toujours (presque toujours) un temps dans la vie où l’on est enchaîné sur un rocher. La chair et l’âme prise dans la trivialité des heures, des jours…

" …Je ne sais plus… je ne sais plus depuis combien de jours, combien de nuits je suis là, planté, cloué, enchaîné à ce rocher…. je ne sais plus…

Ma mémoire me fait mal, mes yeux s’effarent dans cette nuit du Caucase, cette nuit du bout du monde. Mon âme s’abîme, tout ceci est trop dur, trop vain, ce cauchemar ne cessera donc jamais ? …

J’aimerais, enfin, m’oublier dans un sommeil lointain, m’évaporer ou me dissoudre, m’en aller sur la pointe des pieds loin de ces chaînes, partir sans effrayer les ombres. Peu à peu mon cœur s’est fané, flétri, recroquevillé dans un chagrin d’une douleur infinie, si seulement les dieux me laissaient mourir. Mourir… un rêve à n’en plus finir. Mourir et devenir si léger, comme une prière à peine murmurée, comme un souffle dans l’azur. J’ai appris que les âmes volent très haut quand enfin elles sont dépouillées des mots qui les portent.

Mon fanal brûle encore : lui, saurait m’emporter au firmament comme un trait définitif, un trait absolu. J’appartiens au ciel, je le sais, je le sens dans ma chair tourmentée. Mourir pour aller moissonner les blés éternels des Champs Elysées. Alors une muse attendrie pourrait écrire sur la pierre noire de mon tombeau une épitaphe couleur de lune :

" Ici dort enfin Prométhée
Il a voulu vivre au-delà des lois du ciel
Il n’a vécu que les chaînes de ta terre
Jusqu’au bout il fut une sentinelle vigilante
Jusqu’à l’absence, jusqu’au silence.
Prométhée, père des hommes, nous est mort comme une promesse. "

Point d’épitaphe, point de mort, ces pensées me torturent dans le froid de cet hiver du Caucase. Déjà les rochers sont pris dans un gel blanc cristallin et la nuit éternelle a condensé l’espace. Je me sens désormais telle une écharde inutile flanquée dans la peau de la terre, un chancre posé là, le foie offert à un aigle vorace, et à la douleur.

Dans cette nuit qui pousse et qui souffle, mes rêves fragiles me livrent à des monstres hideux qui m’écartèlent et me déchirent l’âme. Pourtant les étoiles susurrent d’étranges mélodies, je les sens vibrer dans l’espace, souvent elles agitent mon cœur d’une vérité saisissante et mystérieuse, elles me disent d’aller au bout du temps, des secondes, au bout de l’instant ; quand elles me parlent ainsi, je me sens bouleversé d’une urgence irrémédiable, comme si rien, jamais, n’avait existé ;

Mais les étoiles se taisent parfois, alors éclate et m’éclabousse une peur qui rend tout irréversible ; ce corps enchaîné devient trop lourd, trop douloureux, ma conscience chancelle, même si chaque nuit je veux continuer à croire que mes cris peuvent ouvrirent sur l’horizon divin, même si j’espère expier au pied de ce rocher définitif pour me dire sauvé, un instant, du néant. Alors je tremble de tous mes os au bord de ce crépuscule inhumain et je m’enfonce lentement, inexorablement dans un oubli de l’âme, en silence.

… Silence de mes nuits sans amour, silence des ténèbres quand la lune ne vient pas déposer sa lumière molle et livide sur les brumes évanescentes du soir ; je perçois simplement un souffle, un souffle obscure qui rappelle à ma mémoire les soupirs lointains et les chants si profonds des humains angoissés, terrifiés des tous premiers temps….Silence des nuits du Caucase, silence des nuits du bout du monde…Silencieuse respiration rythmée, noire, longue, infinie. Silence du cœur.

Puis, le jour : un soleil incertain, triste monte à nouveau dans un ciel sans couleurs, presque blanc. Il fait encore si froid, la vie dans mes veines se rétrécis toujours un peu plus ; d’ailleurs il fait froid même dans mes rêves, le désir semble s’être figé en cristaux transparents prêt à se briser, même ma mémoire s’est durcie…Il fait trop froid pour se souvenir, tout est sec en moi, tout est vide, sec et froid, c’est l’hiver de mon âme, un temps d’avant le néant où même le temps perdu à disparu.

Je suis planté, crucifié sur ce rocher comme un grand phare inanimé. "

Franck.

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