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J'irai marcher par-delà les nuages
9 juin 2005

Une nuit d'été....

C’est arrivé quelques fois. L’été.
Nous habitions notre petite maison au milieu des champs.
La nuit, l’été, avec simplement les draps sur nos corps nus. Isabelle avait un sommeil léger. Tout chez elle était léger, même son sommeil. Alors il lui arrivait de se réveiller. Souvent à cause des rêves. Elle en faisait de toutes les couleurs. Souvent le matin elle en parlait, entre deux gorgées de café, mais elle ne racontait pas tout, les séquences osées elle les enjambait en rosissant légèrement. J’adorais ses bouffées de pudeurs. La nuit souvent elle se réveillait. Il m’est arrivé de la cueillir à ce moment précis où elle se rapprochait de moi et posait sa main sur le haut de ma cuisse. Deux gisants collés l’un à l’autre. Deux gisants de chair chaude. Souvent nous nous rendormions… Et puis, c’est arrivé. La première fois, je ne dormais pas, j’écoutais sa respiration en me laissant bercer. J’étais dans sa seule présence. Les yeux fermés, calme ; elle, allongée à coté de moi. Rien de grave ne pouvait arriver. Et puis elle s’est réveillée, je l’ai sentie se tourner et se retourner. Je ne bougeais pas, même quand elle a repoussé le drap. Et j’ai senti son souffle sur ma poitrine, sur mes lèvres, j’avais l’impression qu’elle respirait mon corps, elle ne le touchait pas ou si peu, à peine un effleurement. J’étais réveillé, mais je ne bougeais pas. Il y avait quelque chose d’envoûtant dans cette nuit d’été, quelque chose qu’il ne fallait pas déranger. Sa main s’est poser sur mon corps, je l’ai reçu comme une eau tiède, ses gestes n’avaient pas de poids, elle ne voulait pas me réveiller.

Ta main, Isabelle, tes doigts de plumes tendres partout sur ma peau, et puis ta bouche, comme une source chaude. Tu embrassais avec lenteur, avec douceur, et moi je sentais ton souffle et tes cheveux. Une symphonie d’effleurement. Et puis tu as commencé à murmurer, des sons à peine audibles, un chant ? une prière ? des mots d’amour ? Que l’exil était doux dans ton pays satin !Qu’il était difficile de ne pas te saisir pour t’embrasser ! Mais il y avait quelque chose d’envoûtant dans cette nuit, quelque chose qu’il ne fallait pas déranger. Le temps s’était déposée sur la table de chevet, à coté de la lampe éteinte et du réveil, et avait jeté sur nos vies un voile de soie. Ta chaleur avait pris la forme de mon corps et tes baisers celle de mon cœur, tu as à peine saisi mon sexe dans le feu de tes lèvres, tu cherchais autre chose, tu poursuivais sans doute ton rêve, et ce corps abandonné au sommeil et la nuit te permettait de le cerner. Je n’ai pas bougé ou si peu. J’étais dans une dérive ouatée. Un temps d’éclipse. Je recevais chaque caresse, chaque baiser comme ces journées d’automne encore gorgées de soleil et lourdes d’un épuisement divin. La nuit, les corps ont une odeur épaisse, enivrante, c’est un parfum qui parle, qui nous dit le désir, je vivais ton odeur Isabelle, je n’étais plus que ça. Longtemps, cela a duré longtemps. Tu étais légère, Isabelle, dans cette nuit tremblante, et ton ombre avait plus de poids que tes doigts, on aurait dit que tu célébrais une messe dont toi seule connaissais les rites. Tu étais une prêtresse appelant à son secours tous les anges et toutes les fées. J’ai eu envie de mourir, Isabelle, dans cette cérémonie. Il y avait quelque chose d’envoûtant et de parfait dans ces instants, quelque chose d’indépassable dans ce don d’amour simple et si définitif, déjà je savais que cette nuit compterait plus que les autres, comme si nous avions franchi un au-delà du désir. Qu’y a-t-il après le désir des chairs ? Qu’y a-t-il après l’arrachement des chairs essoufflées et débordantes ? Que reste-t-il quand les corps se sont frottés l’un à l’autre, quand les sueurs et les salives ne sont plus que des ruisseaux incendiés ? Que reste-t-il après les gestes heurtés et les sexes cognés. Qui sommes-nous après l’effondrement, après l’échange des peaux, après la jouissance ? Qui sommes nous après nos cris ? Cette nuit là tu m’as donné un au-delà du désir, quelque chose de léger et d’infini à la fois, Comme si le plaisir se nourrissait aussi de ces gestes retenus, inachevables, qu’aucun mots ne vient distraire. Cette nuit là, tu t’ais fabriqué un secret aussi léger que ton sommeil, parce que chez toi tout était léger. Un secret dont j’étais l’otage consentant.

Franck.

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Commentaires
L
Tu partages tes secrets en distillant tes mots comme des parfums suaves Franck. Quelle nuit d'été tu m'as fait vivre là en reliant le désir de la chair et celui de l'inconscient. Tu es chasseur du plus intime d'Isabelle et sa proie en la laissant s'exprimer. Un bien joli festin des sens que tu ne risques pas d'oublier, ni moi d'ailleurs dans des souvenirs anciens.
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F
Que ta haine m'est douce dite ainsi!! Tes messages sont ma récompense. Les bouilleurs de crus connaissent "la part de l'ange", les bouilleurs de mots espèrent toujours qu'une part de ceux-ci seront assez légers pour atteindre une âme généreuse...<br /> Mille merci, Chris.<br /> Bises<br /> Franck
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C
Je te hais d'écrire aussi bien :)). De transmettre avec tant d'émotions tes pensées, tes frissons, le parfum, le souffle.<br /> Je viens tous les jours désormais, ça me fait du bien de passer ici, et il y a peu de blogs qui me font cet effet là. Continue.<br /> <br /> Bises Chris
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F
Tu as raison, Alan, il faut souhaiter à tous de tels moments, les moments parfaits sont rares et fragiles, ils sont dans notre mémoire un peu comme des papillons, souvent insaisissables... il faut s'en approcher avec précaution de peur qu'ils ne s'effritent et que la couleur de leurs ailes ne s'effondre tristement sur nos doigt maladroits....<br /> Merci de ton passage, cela fait, plaisir les nouvelles visites.<br /> A bientôt, j'espère...<br /> Franck
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A
joli texte troublant voire enivrant on a tous des souvenirs magiques de ces instants si parfaits si purs , je souhaite à tous de tels moments d'intimité et de plaisirs partagés <br /> <br /> dommage que cela soit si rare voire meme unique ?
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