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J'irai marcher par-delà les nuages
21 juin 2005

Alors je chante.....

C’est une photo noir et blanc. Je dois avoir trois ans. C’est l’été. Derrière est inscrit " Royan ", je reconnais l’écriture de ma mère. La photo est prise à hauteur d’homme, elle est bien cadrée. J’y suis seul, debout, les deux mains dans les poches, un pantalon large coupé à la moitié des mollets, style corsaire, des sandales blanches, un tee-shirt à manches longues, lesquels sont relevées au-dessus des coudes. Un vrai petit bonhomme. Je lève la tête, je regarde en l’air. Déjà. Il paraît que mes cheveux n’ont poussé que très tardivement. Sur cette photo, je semble n’avoir qu’un fin duvet blond. Tous les enfants sont beaux à trois ans. Je ne déroge pas à la règle. Sur cette photo je donne l’impression d’être un petit garçon plein de promesses.
Ah ! … Un détail. Je ris aux éclats.

J’ai beau fouiller dans tous les cartons, les albums : c’est la seule photo où je ris.
Donc, j’ai arrêté de rire à trois ans.

Cette photo me fascine, comme si elle recelait un secret. A chaque fois je me dis : il y a quelque chose ici que tu as perdu. Pourtant ce rire, je le sens encore en moi. Il est quelque part. Mais où ?
En fait, l’histoire de la photo : ce sont les premières vacances de mes parents. Ma grand-mère, Simone, (j’en ai parlé ici) les accompagne. Si je lève la tête, c’est que je regarde quelqu’un au balcon. Longtemps j’ai cru que c’était ma mère. Mais en vérité c’était ma grand-mère.
Bref, je regarde le ciel et je ris aux éclats.
Dans ma pose il y a une aisance, une décontraction qui m’étonne encore aujourd’hui. Ca aussi je l’ai perdu.

Et je me dis que cette photo sait quelque chose de moi que j’ignore.
Bien sûr il m’arrive de rire aujourd’hui, mais ce rire si spontanée, si évident, si naturel, si lumineux…
Que devient un rire qui s’efface ? Je regarde toujours le ciel et j’ai toujours la tête en l’air. Mais plus le rire. Je crois qu’un rire qui s’efface vire, tourne, ou bien il se condense, il y a comme un précipité vert dans le corps. Oui, le rire qui s’effondre est vert, vert acide. Avec une pointe de jaune. Les éclats de rire pourtant si légers, quand ils ne sont pas offerts au ciel, viennent tapisser le fond du corps d’une couche épaisse d’humeurs saumâtre. Un rire qui n’est pas ri devient lourd, parfois c’est impossible à porter.

Il ne faut pas confondre cela avec le malheur. Le rire est cet accord spontané avec l’existence et souvent le rire s’effondre bien avant que le malheur n’arrive. Mais le rire peut s’effacer sans raison apparente. C’est une question de lumières et de reflets. Dans le rire d’enfance il y a bien entendu, les yeux, les joues, la bouche, la gorge, mais il y a toujours la lumière. En fait, le rire dévit la lumière, il l’absorbe. Et dans le même temps il la rend. Quand un enfant rit, on remarque toujours ce vacillement de l’air autour de lui, ; bien sûr il y a le battement des ailes de l’ange à coté, mais je ne parle pas de ça. Ou bien si, je parle de ça. Pour qu'ils apparaissent les anges, ils doivent souvent s’appuyer sur le tremblement que fait la lumière pour sortir de l’ombre. Donc, le rire et l’ange c’est la même chose. L’effacement du rire c’est d’abord un effacement de la lumière. Parce que rire c’est un navire chargé d’azur, un calice gorgé de rêves, un éclat de ciel constellé de lucioles, des aurores porcelaines allumées en corolles…

Le rire s’efface mais ne disparaît pas définitivement. Souvent, dans ma nuit, je crois l’entendre encore, il prend des formes variées : c’est mon rire étouffé qui m’oblige à partir, à errer, à ne considérer la vie qu’à l’envers, c’est lui qui m’arrache l’âme, c’est lui surtout qui porte mon chant…

Alors je chante… je chante….je chante…. C’est la seule façon pour que mon rire revienne avec mille anges en farandole autour…

Franck

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Commentaires
F
Je suis sûr Chris que ton rire est à fleur de coeur,cela se sent dans textes... Je crois que ton lest tu l'as déjà laissé tombé depuis longtemps...<br /> Tendrement<br /> Franck
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F
Oui, Coumarine on en est tous là, fouiller au plus profond, pour retrouver ce rire... mais il faut soulever beaucoup de choses très sombres avant d'y accéder....<br /> Bises Coumarine<br /> Franck
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C
Dis-moi Franck pourquoi tes mots me remuent au plus profond<br /> Cet enfant qui a rentré son rire, c'est un peu moi aussi<br /> Je l'ai retrouvé à présent, mais j'ai dû aller le rechercher loin très loin<br /> Il m'a été fidèle<br /> Heureusement<br /> Bises cher Franck
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C
C'est ça, exactement: aller à l'essentiel! C'est ce que nous perdons en vieillissant, parce qu'on se remplit d'inutile, de fallacieux. Finalement tout ça nous alourdit, et nous empêche de voler comme les enfants. Eux n'ont rien sur leurs ailes, et nous, nous devrions jeter du lest...<br /> <br /> <br /> Je t'embrasse Chris
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F
Merci pour ce beau commentaire Chris... oui, je m'émerveille encore, pas assez souvent à mon goût... il faut beaucoup désapprendre.... la vie nous remplie de choses inutile, importantes, mais inutiles... j'aime le rire des enfants, mais aussi leur gravité, quand ils fixent un papillon, ou simplement la lumière qui flotte autour d'eux... ils vont à l'essentiel...<br /> Tendrement<br /> Franck
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