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J'irai marcher par-delà les nuages
19 juillet 2005

...C'est là que je veux brûler !

Au départ je ne voulais pas le faire. Et puis cela m’est apparu comme une évidence. N’on pas qu’Angeline ai besoin de moi, non. Mais pour dire, ce que je crois de son aventure littéraire. Pour dire son talent à l’état brut. Comme ce diamant trouvé dans la boue de la terre. Chaque jour en la lisant j’envie ce talent, cette force, ce courage.

" Le hasard m'a fait tomber sur votre blog. J'ai commencé à lire, un peu dans le désordre et puis j'ai tout repris. Je ne saurais décrire… mais j'ai cru entendre une musique. Derrière les phrases… une musique lente, grave. Derrière les mots brutaux, crus, provocants, parfois injustes, derrière des mots brûlés jetés pour blesser un papier trop pur, une musique et des fulgurances, et puis l'odeur acre du sang qui s'écaille, comme un chant qui se coagule dans l'âpreté d'un rire qui se fige. " Ce fut ma première impression. La sidération Il y des écritures qui font cet effet. Peu je le reconnais. Cela m’est arrivé avec Calaferte. Quand je la lis, je pense à Calaferte. Parfois à Miller. Ces mots arrachés du néant. Puisque l’important est de se survivre pour avoir le droit de ressusciter.

Et puis il fallait lire et dire cette révélation.  "  Oui, je crois que tu écris avec votre corps, comme tu dis esprit et chair mélangés. J'irai plus loin, à certains moment ce n'est pas la chair qui écrit, mais la viande ; comme si tout partait de la viande. La chair nous renvoie à quelque chose de sacré, tandis que la viande c'est déjà l'enfer en nous qui brûle.
Cette sensation, bien sûr, n'est pas constante, j'ai même l'impression qu'au fur et mesure de tes textes la chair apparaît plus souvent. En attendant, il faut mettre l'os à nu.
Non, ton écriture n'est pas lourde, même dans ses maladresse dues à l’urgence absolue, non ton écriture n'est pas lourde, je dirais qu'elle est drue. Drue, parce que chargée de vie, vigoureuse parce que débordante d'espoir, abondante parce que saturée de douleur. Tu avances dans tes mots comme un soldat entêté, sans aucune complaisance, ni pour toi, ni pour les autres. De toute façon tu es déjà consumée, tu ne risques plus rien, chaque pas te rapproche du plus loin, du plus pur. "

Un jour j’ai rajouté : " A te lire, on sait pourquoi écrire et un acte grave et lumineux. "

Chaque jour une cascade, chaque jour cette marée de l’âme, ou cette moisson du ciel.

" Ta parole est vraie parce quelle est folle, parce qu’elle est défaite, parce qu’elle est en équilibre sur le fil coupant de l’âme, parce qu’elle est sans cesse inachevée. Elle est vraie parce qu’indéchiffrable, puisque qu’elle dit l’impossible de nos existences. Angéline la vérité n’est pas donnée, elle est un surcroît, ou un reste plutôt, il faut user nos vies pour la faire apparaître. C’est pour cela que la vérité fait mal, c’est d’ailleurs comme ça que nous la reconnaissons : parce qu’elle fait mal.

La vérité du mot c’est le silence qui le suit, la vérité de l’amour c’est le silence qui le précède.

Il te faut conquérir l’âme du monde pour l’accomplir ou le brûler. Pour l’accomplir en le brûlant.
La puissance n’est rien s’il n’y a pas l’abandon et l’abandon pure folie s’il n’y a pas l’offrande.
L’amour véritable c’est peut-être cela, la puissance et l’offrande qui passent ensembles sous la même arche, la puissance qui s’exalte de sa disparition, saisie d’un trouble d’une douleur sublime pour ouvrir le ciel, éclabousser la nuit.
Il y a dans ce que tu écris quelque chose qui résiste à la désespérance, quelque chose qui appartient à la joie "

Et ainsi de sa pureté : " Qui sait lire ne peut douter de ta pureté. La pureté ce n’est pas un état donné, une chose acquise pour l’éternité, la pureté c’est pas la blancheur naïve, la candeur intouchable, non, rien de tout ça. La pureté fait mal parce qu’elle brûle, c’est une marche épuisante vers la dépossession, vers l’abandon, c’est arracher de soi des lambeaux de mémoire, arracher la chair des souvenirs, c’est enflammer son sang, c’est être dans le jour et inventer la nuit, c’est être dans la nuit et accueillir chaque mot comme des lucioles, c’est savoir que les paroles du soir sont souvent encombrées et qu’il faut avant de s’en servir les blanchir dans un grand bain de silence, c’est savoir que les paroles du matin n’effacent jamais totalement la nuit parce que dans la rosée des mots on décèle toujours quelques chagrins inconsolés, c’est faire rentrer le soleil dans la maison des mots et c’est jeter au vent des poèmes oubliés. "

Un jour on lui avait dit de nouvelles paroles blessante, comme s’il fallait toujours blesser la blessure : " L’autre jour tu mentionnais quelqu’un qui t’avait traité de " petite écri-vaine ", rien que de le lire cela m’a fait mal. Quelle violence ! Quelle hargne ! Quelle aigreur au fond ! Faut-il souffrir beaucoup pour prendre la peine d’écrire cela au lieu de passer son chemin ! Non, Angéline tu n’es pas une " écri-vaine ", sûrement pas. Mais plutôt une écri-veine, à cause du sang qui circule dans tes textes, un sang lourd et épais, chargé d’histoires, de regards, de rencontres. Oui ! Ecri-veine parce que tes mots reviennent tous vers le cœur. Tes mots partent des organes les plus lointains, les plus malades parfois, les plus blessés souvent et remontent dans les veines du langage, dans les veines de la mémoire, pour converger enfin vers le cœur. Un jour tu as été arrachée, jetée dans l’ailleurs du cœur, là-bas dans le lointain Portugal et tes mots de sang veineux coulent un à un chaque jour pour le rejoindre ce cœur, pour être dans ce cœur au plus près de la vie battante.

Tes mots bouillonnent d’amour, pourquoi ne voient-ils pas ? "

Elle écrit la Maison des Morts, c’est un drôle de maison : " Ta maison Angeline est une drôle de maison, c’est la maison des glaces, des reflets, on croit voir l’autre et c’est soi-même que l’on voit, on croit voir les vivants et c’est morts qui apparaissent et inversement et à l’infini. Les intellos diraient : une mise en abîme. J’aime cette expression : mettre en abîme, un regard en poupée russe, l’infinie décomposition du réel pour en trouver l’ultime résistance, l’ultime souffle.

Elle est belle ta maison Angeline, les gens se promènent dans tes pièces, autour de tes meubles, dans tes couleurs, et pourtant ils se reconnaissent dans chaque objet, comme si c'était leur propre maison. Ils y a ceux, qui visite ta cuisine, ceux qui sont dans ton salon, évidemment beaucoup veulent visiter ta chambre ou ta salle de bain. Elle est ouverte à tous les vents, parfois tu y as froid, tu voudrais la quitter, faire le ménage une bonne fois pour toutes, chasser tous ces gens qui se croient chez eux, qui mettent les pieds sur la table, et leurs doigts sur tous tes souvenirs, et puis c’est sans fin, il y en a toujours d’autres et d’autres qui viennent et ils te parlent tous en même temps. C’est une maison ouverte au vent des mots…comme ton cœur… "

Et toujours des textes qui arrivent du plus profond de nous même : " Ce matin j’avais décidé de ne pas écrire, pour me mettre dans vide, dans le rien. Et puis impossible. J’ai lu ton texte. Impossible de ne pas t’écrire. A nouveau tu pose ta main d’écriture sur mon corps. Je la sens sur mon bras. J’ai lu ton texte. Texte de nuit. Texte de bruit, de chaleur, de désir, de crépuscule où les corps se frôlent, se frottent, mélange leurs salives, leurs sueurs, où le sexe est dans tous les gestes, tous les mots, tous les regards. Nuit délire, nuit dérive. Nuit lumière. De ta nuit lumière tu me parles, et j’entends chacune de tes paroles. Ta plume gratte le papier, chaque mot veut le déchirer, arracher les fibres du blanc pour que le noir de l’encre s’infiltre jusqu’au sang. Comme si le papier était ta peau et qu’il fallait la trouer une bonne fois pour toutes. Voilà pourquoi je continuerais à penser et à dire que tu es quelqu’un de bien. On sait bien qu’il n’y pas de bien et de mal, surtout quand on a connu le " Mal ", et je ne ferais pas de psychologie à deux balles, les discours tu les connais tous et tu les as tous entendus ; tes nuits brûlées sont riens, la seule chose qui importe c’est d’approfondir l’écriture. Nous le savons tous les deux, c’est là que ça se passe, le reste, le jugement des uns ou des autres, le correct ou l’incorrect on s’en fous. Tu es déjà plus loin, non, plus profond convient mieux, tu es plus profond. Celui là qui te frôle au hasard de la nuit, ne touche rien, et il ne le sait pas, il touche sa mort et il ne le sais pas, il a un royaume à coté de lui et il ne ferme ses doigts que sur du sable brûlant qui s’échappe, il serre du vide alors qu’il a un soleil à aimer. Il ne sait rien du corps morcelé, de l’écriture morcelée, il ne sait pas les organes tremblants, il ne sait pas le chaos puisque c’est lui le chaos, il ne sait rien des mots qui pleurent, des nerfs vrillés. "

Je ne suis pas un professionnel de l’analyse littéraire, et au fond cela ne m’intéresse pas vraiment. L’analyse. Certains pourraient dire que le style d’Angeline est brouillon, ou cassé… c’est le contraire. Son style s’accroche à la pensée qui est tout sauf linéaire et il faut cerner au plus près la chose à dire. Il y a des vérités qu’on ne perce pas de front. Contrairement aux petites vérités les vérités importantes sont comme le feu, elles brûlent alors il faut les cerner comme un incendie. Sur plusieurs front. Son style, c’est plusieurs front à la fois pour cerner au plus près une réalité du monde, une vérité de l’être. C’est une lutte pied à pied, mot à mot. On peut ne pas aimer c’est légitime, mais on ne peut pas remettre en cause l’intention.

Il y a une chose qui est importante sans laquelle on ne comprend pas. C’est l’extraordinaire courage, et l’extraordinaire dignité.
Tout d’abord dans ce refus d’être dans la victimisation. Angeline ne témoigne pas, elle fait de la littérature. Même si elle se sait misérable, comme nous tous. Son orgueil c’est de faire de la littérature. Parce que la dignité est a ce prix. Il serait facile d’être victime. Mais la littérature oblige à sortir de soi-même l’incorruptible noyau, notre joyau le plus pur, le plus intact, le moins sali.
En cela elle me fait penser à Joé Bousquet. Lui aussi a du convaincre qu’il ne faisait pas une littérature de paralytique. Et ça lui a coûté. Cher.
La dignité c’est le refus de la complaisance. Et là je sais ce que cela coûte. Il m’est arrivé d’être complaisant, avec moi-même. Je lutte, mais il m’arrive d’y revenir. Angeline ne l’est jamais. Et d’abord avec elle-même, en suite envers son écriture. Même quand elle parle des chairs, des sexes, du sexe. Ses mots sont là pour dire une vérité qui nous habite tous, et non pour nous faire saliver ou nous faire horreur.
Quant à l’horreur, elle le répète souvent ce n’est pas elle qui l’a inventé. La dire c’est nous faire souvenir qu’elle vient des humains, comme nous.
Qui peut dire sans cillé qu’il est exempt de toutes bassesses. Dire le monde dans ses trivialités c’est aussi appeler ses lumières. Les mots ont deux versants. Il faut vouloir passer derrière.
Pour être sûr d’atteindre la cible il faut une écriture polyphonique. Une écriture instinctive, sans fard, sans maquillages, nue, sans apprêt. Et c’est cela qui est difficile à entendre. Regardez, l’énergie, regardez l’invention, regardez l’art quand il se crée, comme ça devant vous

Angeline n’est pas sans lumière puisqu’elle écrit,
elle n’est pas sans musique puisqu’elle écrit,
elle n’est pas sans espérance puisqu’elle écrit,
elle n’est pas sans amour puisqu’elle écrit.

Et pour finir, si elle est l’enfer ; c’est là que je veux brûler.

Franck

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Commentaires
F
Je remercie toutes celles qui sont venues déposer un commentaire sous ce texte. Vous l'aurez compris, il me tenait à coeur.... C'est important de dire les choses..... Et de nous rappeler, une fois de plus, comme le dit Angeline tous les jours, que l'amour ne se conditionne pas...<br /> Elle nous montre la route, celle de la lumière, nous ne faisons que suivre.<br /> Encore merci à vous toutes.<br /> Franck
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C
C'est un tres beau texte Franck. Rien à dire de plus...Si...peut être comme on dirait ailleurs "Inch'Allah".<br /> <br /> Je t'embrasse ami élégant...
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C
Si je dois poster un commentaire, un seul sur ton blog, ce sera sur ce texte ci.<br /> <br /> En hommage à tes mots et aux écrits d'Angeline.<br /> <br /> Bises à tous les deux.
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S
D'accord avec toi Alix
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A
Ton texte est admirable, Franck, il dit si bien ce qu'est la littérature d'Angeline.<br /> A chaque fois que je la lis, me vient à l'esprit le mot liberté, cette immense liberté qu'elle s'autorise qui fait que son écriture est belle et montre sa grandeur.<br /> Alix
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