....Notre marche est ferme et dans la lumière..
Drôle ce qui se passe ici parfois. Avant la prière, des gens font du mal comme pour s’excuser qu’ils prient. A ceux là je dis que la prière ne lave rien. Il faut d’abord enlever tous les masques. Avant de s’adresse au ciel, ou aux Anges, ou a l’Ange. Toi qui viendras, tu sais lire les mots, et juste derrière, ce qu’ils cachent. Tu sais les retourner comme un gant mal ajusté. Tu connais mon passé. Du moins la part légèrement caché. Voilà mon passé. Cela fait treize ans. Je suis toujours alcoolique puisqu’on le reste toute sa vie. Mais je ne bois plus d’alcool. Treize ans que je suis sevré. Treize ans de lucidité absolue. Et je peux dire que depuis treize ans pas un seul jour où une pensée mauvaise ne m’a pas traversé la tête. C’est un combat jamais fini. Chaque jour il faut refaire un serment. Dire oui, a la vie. Dire non, au verre qui vous nargue. Aujourd’hui c’est un combat facile. Mais il a fallut le mener jour après jour, certaine fois heure après heure. Avec des encouragements tel que : qui a bu boira. Alors, à celle qui viendra je peux dire : je ne sais pas ce que c'est que le bonheur, mais je crois aux êtres qui se veulent du bien, aux êtres qui s'offrent mutuellement, sans masque, je crois qu'entre les êtres qui s'aiment s'invente chaque jour un printemps et que les blés repoussent d'autant mieux qu'on a trempé la terre aride de nos larmes. Je connais Princesse les monstres qui marchent avec toi, et ceux-là ne me font pas peur. J'ai vaincu les miens, on vaincra les tiens. Franck
Bref, quelle importance, ces gens…..
Tu as raison, il y a un temps, pour les mots et leurs couleurs, et un temps de silence et de vérité crue. Celui qui viendra, n’aime pas le bruit, le vacarme social. Il a déjà survécu à des choses tristes. Il fallut qu’il renaisse. Celle qui viendra, je sais d'où elle vient, je sais ses cauchemars, je sais ses peurs parfois, ses larmes aussi, je sais les nerfs qui se vrillent dans la tête. Mais je sais tellement d'autres choses.
Je sais que mes couleurs, quelques soient leurs brillances, ne changent, ni ne changeront le monde, oui je le sais.
Celle qui viendra a connu les endroits sordides, les échanges de sexe, les souillures. Celle qui viendra aura mal à sa mémoire, mal dans ses rêves.... et je ne suis pas magicien.
Je ne prétends rien.... la seule chose que je sais c'est que son passé vaux le mien.
Je ne la cache pas, mais je ne la dis pas. Avec un père comme ça s’était inévitable. Au départ on en sourit. Cela s’appelle de l’alcoolisme mondain. Au départ j’ai quinze ans et le samedi soir mon père parfait mon éducation. Pour cela il lui faut de la bière. Beaucoup de bière. Je suis autorisé à l’accompagner. Ce sont les rites de passage. Après je n’ai plus besoin de lui. Ca prends des années. Rien ne se voit au départ. Mais très vite c’est tous les jours. Un peu tous les jours. Après c’est plus. Enfin c’est beaucoup tous les jours. Oh, certes. Je n’ai pas été un alcoolique violent. J’étais un doux, un parlatif, un explicatif. Socialement personne n’a jamais rien remarqué. Avec Sandrine nous nous sommes séparés. Pas à cause de l’alcool, mais je crois que ça ne m’a pas aidé à être lucide. Lentement, mais sûrement les doses augmentent. Dés le matin pour lancer la machine il faut du carburant, et ça dure toute la journée, le soir on se couche épuisé. Et le lendemain cela recommence…. Il parait que c’est une maladie. Mais c’est une maladie honteuse. On la tait. Les jours et la vie se construisent autour de l’alcool. D’abord le manque, puis la chaleurs des premières gorgées, puis le début de l’ivresse, et cet instant magique où l’on se sent un roi, puis la légère dépression où la tristesse s’insinue, puis la marée de désespoir. Chaque jour pareil. Sauf que c’est n’est pas pareil, mais vous ne le savait pas. C’est chaque jour un peu plus. Un peu plus de tout. Plus d’alcool, plus de tristesse, plus de désespoir. Un désespoir dont vous ne savez pas d’où il peu venir. La douleur de ce désespoir est violente, elle est dans tout le corps. Pour l’apaiser il faut continuer à boire. Et puis un jour les choses basculent. Au fond de vous vous savez que vous avez un problème, mais vous vous le taisez. Parce que vous n’y pouvez déjà plus rien. Vous ne pouvez plus décider d’arrêter. Alors vous continuez. Et un jour, cela bascule. Les doses augmentent brusquement. Quelque chose est cassé à l’intérieur. Ce n’est plus mondain, c’est compulsif. Vous voulez en finir. Vite. Alors les doses sont impressionnantes. Un litre de Gin, deux litres, ou de whisky. Certains jours c’est trois. Vous avez la tête fracassée. Vous n’êtes rien. Plus rien. Sinon cette douleur incommensurable. Ce désespoir. Vous êtes proche de votre tante. Elle supporte les deux ou trois litres. Et puis un jour vous êtes hospitalisé. On vous dit que vous êtes alcoolique, on vous dit qu’il faut arrêter, et qu’il faudra ne jamais plus boire d’alcool. Vous écoutez, mais vous ne croyez pas ce que l’on vous dit. C’est impossible à entendre. On ne croit pas ces paroles. Vous restez trois semaines. Première cure. A la fin de la cure ils vous font le test de dégoût. Trois fois. Il vous donne un comprimé d’Espéral, et ils vous servent votre alcool préféré. Et pendant cinq ou six heures vous allez agoniser sur votre lit, le cœur battant à cent trente, les boyaux qui se tordent à l’intérieur, les vertiges. Trois fois, histoire de vous faire comprendre. Après vous sortez. Et c’est là que tout commence. Rechute, plus grave encore. Comme si la mort m’appelait pour me rejeter, pour me narguer. J’apprends à gérer le temps. S’arrêter un jour, deux jour, trois jour, ….. A chaque rechute, gagner un peu plus de temps. Le temps : le pire ennemi et le meilleur ami de l’alcoolique. A chaque fois que vous rechutez vous êtes submergé par un océan de culpabilité noire. Vous êtes sans issue. Sans avenir. Vous ne pouvez pas admettre une vie sans alcool, vous transigez, vous dites que dans quelques temps vous pourrez recommencer, de temps en temps…. Non. Jamais plus. Plus une seule goûte. C’est toujours impossible à entendre. Un jour, je suis allongé sur un lit, j’ai une perfusion dans le bras. Je sens que la vie s’en va. J’ai la certitude absolue que si je ferme les yeux je ne pourrais plus les ouvrir. Tout reflue à l’intérieur, je n’ai plus de force, plus de désir, plus rien. Je ne veux plus rien, j’ai envie de fermer les yeux. Pourtant non. Ils restent ouvert. Une après-midi entière à être dans cet état d’absence absolue. Peu à peu le sang est revenu. Avec un peu de vie autour. Autre hospitalisation. C’est là que je rencontrerais Lionel. Un compagnon d’infortune. Mon ami Lionel. Il est mort quelque mois après. J’en parlerais un jour de Lionel. De sa lumière.
Celui qui vient ne peut pas faire de promesses, car il croit que souvent elle sont stupides, et n'engagent comme dit l'autre que ceux qui les écoutent. Non, pas de promesses "bourgeoises", sauf celle d'être avec toi, à coté de toi, au plus près de toi.
C'est le regard que tu pourrais poser sur moi qui m'effraie. J'ai peur de ne pas être digne, ou a la hauteur. Notre route est singulière, très peu la fréquente, elle n'est pas balisée, elle est pleine de fourrés, de ronciers, mais notre marche est ferme et dans la lumière.