Mais c'est mieux....
Il y a un moment où l’on sent que c’est dans la solitude la plus profonde, la plus absolue que vous serez à l’abri. Vous la connaissez bien, celle-là. Sa forme, son goût. C’est votre meilleure ennemie. Elle sait tout de vous. L’intérieur surtout. Les endroits qu’il faut serrer, presser. Parce que c’est dans le corps qu’on la sent au mieux. Au plus intense. Quelque chose qui circule. Lourd et lent et profond, à l’intérieur. Parfois ça touche l’os, les articulations et ça fait de grosses bulles qui claquent et qui montent jusqu’au cerveau. Ensuite c’est l’œil. Je dis l’œil parce que je suis borgne. Un virus que j’ai ramené d’Afrique. Il y a longtemps, et qui m’a bouffé les tissus de l’œil droit. Sans doute avais-je voulu toucher les yeux avant les mains. Je n’en sais rien. Bref, borgne. C’est pour cela que je suis si bien chez les aveugles. Mais c’était avant. Maintenant ça fait plus mal. Mais c’est mieux. Plus mal c’est toujours mieux. Franck
Donc l’œil. La solitude investie l’œil. Elle absorbe d’abord les couleurs. On voit toujours les couleurs mais vous ne les comprenez plus, elles n’ont plus de sens. Devant vous c’est plat. Chaque chose a perdu sa profondeur, même les paysages. Une hémorragie de vie.
En fait, c’est faux. Autour de vous tout continue mais sans vous. On est séparé du monde par une énorme boursouflure d’égo. Et c’est l’œil qui vous le dit. Et c’est le ventre qui l’entend.
Souvent je me dis que mon ventre sait beaucoup plus de choses que mes neurones.
Donc, là, j’écris ces mots avec mon ventre. C’est une sensation bizarre et absurde en même temps.
Mais j’ai l’habitude, c’est ma compagne. Elle me connaît par cœur. Elle sait très bien s’enrouler autour de moi, la peau, les membres, les idées, les rêves. Surtout les rêves. Elle les suce avec amour, délectation. Attention tout est chaste entre nous. C’est une sensualité à l’envers.
Avant quand je buvais de l’alcool. Beaucoup d’alcool. Le corps ne suivait plus. A force, il craquait, il suintait. Dans la tête il y avait un véritable champs de mines, et de drôles d’incendies mélangés à un brouillard sans fin. Lent, lourd, épais. Et sans fin. Sans fond. Et c’était tous les jours, dans chaque heure du jour. A la fin, les jours n’existent plus, ni les heures. Et dans le cœur il n’y avait plus rien, une lande où seuls quelques fantômes subsistaient.