Chante ma douce......
Cette semaine sera un peu agitée. Aujourd’hui je remonte à Paris préparer mon déménagement. Depuis ma naissance c’est mon dix-huitième. Instable ? Non, pourtant. Certains jours je rêve d’une grande lande de bruyère battue par les vents. Une lande de mystères et de brumes violacées. Et d’orages claquants. Une terre d’hostilités. Une terre inhospitalière. Certains autres jours, je rêve, d’un paysage méditerranéen. La mer bleue, des calcaires blancs, un soleil brûlant et aveuglant. Une île. J’ai l’âme îlienne. Impossible sérénité d’exilé. Toujours dans un retour ou un départ. Des joies courtes, si courtes, et des langueurs si vastes, si profondes, si nostalgiques, comme la mer qui berce mes rêves, comme la mère qui blanchie sous la terre. Les vagabonds ne sont pas d’une géographie terrestre, ils sont d’un lieu du cœur. D’un espace troué du cœur. Ils habitent partout, et ne sont jamais chez eux. De toutes les façons, mon pays, ce sont ses yeux et ses lèvres qui murmurent une vieille chanson :" sensuale… invisibile… teorico… ", je ne me souviens plus de la mélodie. Mais j’appartiens à ce rêve. Je ne suis que de ce rêve…. Impossible et si vrai, si lointain et si présent. Inutile et si nécessaire. Que serait la terre sans un lieu qui appelle, que serait le cœur sans une âme qui l’invite. Et qui chante dans le vent : " sensuale… Invisible…. " Aujourd’hui, je prends le train. Et je vais retrouver les quelques objets qui désormais me suivent. J’en ai si peu. Cela faisait cinq ans que j’étais dans ce petit appartement parisien. Cinq ans, à plier, empaqueter, ce n’est pas grand chose. Ce n’est rien même. A la fin de la semaine je serais installé en Dordogne. Provisoirement. J’aurais sans doute du mal à venir écrire ici cette semaine. Je ne sais pas. On verra bien. J’en profiterais pour réfléchir à tout ce qui c’est passé ici ces derniers temps. Car ce qui compte ce n’est pas moi. Ce n’est pas ma vie que je raconte. Vous avez bien compris qu’il s’agit d’autre chose. Mon histoire a très peut d’intérêt. Même s’il est parfois nécessaire de l’user un peu plus ici. Vous comprenez bien, que moi, en tant que tel, n’a aucun intérêt ; c’est l’autre qui compte. Puisque " je, est un autre ". Cet autre du texte qui cherche son air. Au bord de l’asphyxie. Ecrire, aimer c’est d’abord se perdre. Mais c’est terrible, je vous l’assure de se perdre. Car si vous êtes à peu près sûr de la présence de l’ogre, vous n’êtes absolument pas certains que vos petits cailloux serviront à vous sauver. Chaque jour on joue un peu plus avec la mort. Ecrire, aimer c’est le même voyage, c’est la même mer, c’est la même tempête, et c’est la même espérance. Insensée. Désespérante. Eclatante. Foudroyante. Ecrire ne soigne pas puisque c’est ça la maladie, aimer ne guérit pas puis que c’est ça la maladie. Ce qui compte c’est d’écrire assez vrai, d’aimer assez juste, pour inventer un temps supplémentaire. Un sursis. Un surcroît. Ou un reste. Une mer dans la mer. Ou simplement une île, battue par les vents, écrasée de soleil, et d’orages, où je t’attendrais serein et digne. Puisque je sais déjà ta chanson, je te reconnaîtrais : " sensuale… invisibile… ". Chante ma douce invisible, je n’ai que mes mots pour te donner la vie, chante ma douce sensuelle je n’ai que mon rêve pour te faire un chemin, chante ma douce belle je n’ai que mon âme pour te faire un pays. Franck