....et je devins un ciel....
J’étais la poussière et le sable, tu fus le vent et l’éclair. Tu as glissé comme une ombre neigeuse sur mes cendres fragiles, et tu t’es suspendue, un temps, à ma folie flamboyante. Tu m’as poussée aux frontières des enfers, aux bords de ces abîmes, de ces archipels pourpres. Ange infatigable tu étais cette lande amère offerte aux souvenirs, qu’une aube veuve et frénétique incendiait chaque jour.
J’étais pauvre tu m’as donné la démesure. J’étais le chaos, tu m’as appris la grâce. Je n’étais qu’une note, tu m’as montré l’octave. Je n’étais qu’une écume en déroute, tu as su la tisser en dentelle de givre. Tu as soufflé sur mes plaies dérisoires, oubliant tes humeurs, tes rumeurs, tes horreurs, tu as soufflé sur mes plaies vaines et frivoles avec la patiente douceur d’une mère attentive, avec la complicité d’une sœur câline et la tendresse d’une femme amoureuse.
J’étais la poussière et le sable, tu fus la lumière et l’étoile. J’étais misérable, tu m’as fait sentier, chemin, passage. J’étais taciturne, tu fus ventre de délivrance. J’étais un puits sans fond, tu m’as offert ta margelle. Je n’étais qu’un désert, tu m’as fais un royaume. Je n'étais qu'une friche, tu m'as fait jardinier. Je n’étais qu’un silence tu m’as fais symphonie. Tu m’as offert tes mots pour nourrir ma parole et tes incantations pour guider mes prières. Tu étais cette voix fauve blanchie de ferveur exaltée, incandescente, étincelante ; tu étais un orage, un tourbillon enluminé d’innocence égarée.
J’étais la poussière et le sable et ton vent a soufflé pour disperser mes cendres, et je devins nuage poussé par ton absence. Et je devins un ciel.
" Les Anges (…) sont les âmes qui ont choisi le Ciel. Ils peuvent se passer des mots ; il suffit qu’un Ange pense à un autre Ange pour l’avoir près de lui. Deux êtres qui se sont aimés sur la terre ne forment qu’un seul Ange. Leur monde est régi par l’amour ; chaque Ange est un Ciel. (…)Les Anges peuvent regarder au nord, au sud, à l’est et à l’ouest ; ils verront toujours Dieu face à face. " (J. L.BORGES)
Franck.