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J'irai marcher par-delà les nuages
22 octobre 2005

Par où s'écoule ce qui me reste......

Puisque c’est sans fin…..

J’ai reçu le monde dans un enchevêtrement absolu. Définitif. Une confusion, un désordre. En fait, je n’ai pas été invité le jour de ma naissance. Ce jour là je n’étais pas là. Ailleurs. Déjà. Ils ont fait un paquet à mon attention, qu’ils ont déposé dans l’endroit transpercé de la vie. L’endroit ouvert à tous les vents. Ils l’ont laissé là, en attendant que je passe le prendre.
Et j’ai du oublier de passer. Je n’ai jamais été là. Même aujourd’hui. Il aurait fallu me faire naître. Au moins une fois. A la place j’ai erré dans des limbes opaques et ténébreuses.

Alors c’est sans fin, puisqu’il n’y a pas de lieu.

On vous plante l’enfance avec des clous. Comme le grand crucifié. Lui, le père, il n’aimait pas les enfants, pas plus le sien que ceux des autres. Elle, la mère était dans la déraison de son amour effondré. Ses vingt ans sont tombés sur le sol comme un sac de billes qui se déchire. Alors elle s’est absentée de sa parole, de ses gestes, de sa lumière, elle est devenue sa femme. Jamais ma mère. Elle lui a donné son temps, sa peau, ses cuisses, son ventre, mais son âme d’oiseau s’était déjà envolée. C’est une tragédie miniature. Tous les jours cela se passe ainsi. Une tragédie insignifiante. Une goutte d’eau qui s’éclate un rayon de soleil. Quelques éclaboussures de lumière, et puis, plus rien. Elle aussi, n’était pas là le jour de ma naissance. Personne. On ne peut pas habiter un lieu où il n’y a personne.

On vous plante l’enfance dans le sang, avec des clous. Des clous de silence. Les plus longs, les plus pointus. Ils rentrent facilement dans la chair de l’enfance ces clous là.

Car ils brassaient du silence. Les mots tombaient comme un verre qui se brise. Et les bords coupant des mots blessaient tous les rires, tous les élans. La moindre joie se tranchait la gorge sur les morceaux coupant des mots tombés, des mots brisés.

Dès qu’on marche, on apprend à passer de pièce en pièce dans la plus grande transparence et à déposer de temps à autre sa misère sur le sol. On jette des cubes ou des osselets, on ouvre un livre cent fois ouvert, on apprend à user chaque chose, chaque instant, chaque saison, on apprend l’attente vaine. Et les nuages défilent, se font, se défont, au gré des vagues grises d’ennui, qui se déversent au creux des jours sans fin, où le silence règne en maître absolu.

Voilà, j’ai été condamné à rêver. A rêvasser, même. J’ai collé ma face d’enfance sur la vitre du monde et la buée de mon souffle à envahie mon horizon. Comme un brouillard entre le monde et moi. Un brouillard sur lequel mon petit doigt dessinait des formes absurdes, des signes cabalistiques, qui me permettaient de glisser, sans trop d’encombre, sous la surface âpre et rugueuse des heures.

Aujourd’hui encore, puisqu’il n’y a pas de fin.

Tous mes mots sont en vracs, posés là. Je voudrais m’endormir dessus. Je voudrais qu’ils soient comme un tapis dansant, un matelas de paroles douces et aimantes. Je voudrais qu’ils s’ordonnent dans le sens de mon rêve. Changer de tristesse. Changer de ciel. Les prendre un par un. Toujours les même mots. Les regarder à nouveau. Les essayer dans une parole. Les passer à la lumière du jour. Voir leurs reflets. Kaléidoscope de mémoire. Cendres. Parole en cendres noires. Scories des heures perdues. Des mots en formes de reste.

Je les prends, je le reprends, les pèse, les soupèse. J’en cherche le centre de gravité. Je les mets dans ma bouche, pour en goûter l’amertume, l’acidité. Les peser, c’est bien là la question. Dire le bien, dire le mal ou ne rien dire. Ou redire, sans cesse. Les paroles du Bien n’ont pas de poids dans la balance. Sauf les gestes arrachés, dénudés, dépouillés. Le mal est lourd et compact. Lui, il pèse. On cherche un instant de paix. Un seul instant. Mais l’on se noie dans la lenteur orgueilleuse des océans. Les grands édifices de l’espérance, drapés dans leurs manteaux solennels, sont à l’agonie et brûlent sur l’autel pétrifié de nos cœurs. Rien, rien ne tient, même la chair humide des femmes n’adoucit plus l’absence, ni le désordre des mots. Ni le bien, ni le mal qui ronge. Ni l’oubli.

Il reste la grâce, qu’on confond souvent avec la lumière. Pour aujourd’hui il reste la grâce. La grâce, c’est marcher sur le fil des mots avec une ombrelle rouge. C’est se couper la langue et boire son sang après chaque mensonge, la grâce c’est écrire dans la neige pour l’éternité, c’est tracer dans le sable le visage de l’amoureuse, ou celui de dieu, c’est le corps joyeux du papillon jouant dans les corolles transparentes du vent. La grâce c’est avoir le cœur percé, comme il existe des paniers percés. Le cœur percé qui laisse s’écouler nos offrandes. Pour ne rien garder. Rien.

Celle-là, portait la grâce comme un diadème de feu.

Je lui ai dis : Dieu sourit quand on lui désobéit avec le cœur pur, il sourit. Comme lorsqu'il surveille les enfants. Le désir pur, du cœur et du corps est une aubaine pour lui, il ne se nourrit que de cela. Sois heureuse de ton désir. Offre ton corps à ton bien aimé, fait lui ce beau cadeau d'être une femme amoureuse, langoureuse. On reçoit par le cœur, mais par nos chairs aussi. Elles s'épanouissent et s'ouvrent comme des fleurs pour qu'on les respire. Dieu sourit parce que c'est le temps des amours purs, le corps se vide de nos maux inutiles, du vacarme de nos paroles vaines pour faire une large place. Aussi large qu’un ciel étoilé.

Je lui ai dis ces paroles de sable et de nuages, qui ne sont que des murmures que j'égraine comme un chapelet.

Je n’ai jamais été là. Même aujourd’hui. Il aurait fallu me faire naître. Au moins une fois. A la place j’ai erré dans des limbes opaques et ténébreuses. Des silences cloués sur le corps, par où s’écoule ce qui me reste.

Franck

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Commentaires
T
Franck, elle était peut-être là, elle, celle dont tu parles avec "grâce"...<br /> <br /> ET elle y est peut-être encore, qui sait?<br /> <br /> Il faut parfois avoir le coeur solide lorsqu'on lit quelques mots et maux...<br /> <br /> Bois ton sang Franck, je t'aime même absent.<br /> Egrenne et murmure...<br /> je suis le souffle qui s'exhale de ta bouche!<br /> <br /> Vide tes amertumes.<br /> Où est la lumière qui a frolé ta peau?<br /> As-tu la moindre idée de ce qu'elle t'a donné?<br /> ou laissé? ou confié? comme le plus cher et précieux de ses présents! t'être présente...<br /> peut-être...<br /> <br /> .....<br /> <br /> Je connais cette "blessure du néant" qui fait qu'on n'arrive jamais à naître, sauf si
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S
C'est pas grave. ça n'arrive qu'aux gens passionnés quand ils sont à fond dans un trip .
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C
peut-être ais-je mal interprêté, c'est tout à fait possible...<br /> <br /> Si c'est le cas, toutes mes excuses à toi, Simone, sincèrement.<br /> <br /> Caly
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F
Vous êtes indulgents.. et au fond cela me plaît...<br /> Vous me faites aussi de beaux cadeaux. Merci Patricia de ce beau texte qui m'a touché, juste à l'endroit fragile.<br /> Simone, je ne sais si vous avez raison. Je ne le vis pas comme une chance. Et les jeunes filles en fleurs, ne sont pas si nombreuses que cela....Il reste de longs instants vides, vains, sans personne....que du temps qui s'écoule et le sang qui bat aux tempes... de toutes façons merci de cette question. Elle est légitime. Je me la pose souvent, sous d'autres formes,et comme d'habitude je n'ai pas de vraies réponses. Sans doute l'écriture comble l'espace entre moi et le monde. C'est un espace infini, dont je ne vois ni le bout, ni la fin. Parfois je rêve de simplicité, de banalité, simplement d'un endroit pour poser ce qui me reste à vivre... et à chaque fois la réalité me cloue aussi surement, que les silences d'enfances.<br /> J'aime ta lecture Chris, avec ou sans commentaire, ton regard est suffisant.<br /> Comme toi le Lechantdupain, toujours fidèle, discret et sobre.<br /> Caly, merci aussi, tu sais, je crois que la question de Simone était bienveillante. En fait, j'en suis sûr...comme je viens de le dire, je ne sais pas s'il y a une réponse à cette question, mais elle me hante souvent...<br /> Oui, merci à tous, votre soutien est important pour moi, surtout en ce moment...<br /> Franck
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S
Un point de vue n'est jamais moche Caly surtout si on le gagne à la sueur d'une réflexion , et d'une expérience .Je ne force personne à le partager mais je te refuse le droit de me le contester et de le juger connement depuis ton vague(puisqu'inexplicité)lieu commun . Si tu as lu de l'ironie dans mon message , c'est que l'ironie est en toi puisqu'elle n'était surtout pas en moi .
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