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J'irai marcher par-delà les nuages
3 juin 2006

La vague....encore....toujours....

Parce que la vague est un envoûtement. Sa puissance vient de loin. D’ailleurs. D’un autre temps. Elle a commencée bien avant notre regard, comme la lumière des étoiles. Comme un long écho du temps. Les vagues naissent d’un endroit secret de l’océan. Nul n’en sait le lieu. Tous le redoutent. C’est un lieu de puissance et d’effondrement. C’est un lieu de la mer qui invente les naufrages. Là, au centre de ce lieu, il a un point, un point minuscule, si petit qu’il n’a pas d’espace, c’est sans doute un point d’orgue, on sait qu’il existe, mais nul ne l’a vu, et nul ne pourra jamais le voir, c’est là que naissent les vagues. Toutes les vagues. Elles naissent d’une inquiétude de la terre et d’une résonance, une sorte de vibration, elles naissent d’un murmure des dieux, elles naissent d’un désenchantement, d’une affliction, comme ces mères qui accouchent, et au moment de l’apparition de l’enfant hésitent entre la joie et le désespoir. Il y a dans la naissance des vagues comme un haussement d’épaule de l’océan. A peine. Mais suffisant, comme un désintérêt, une sorte de dédain ou d’indifférence, comme si l’océan était déçu par les rêves de l’humanité, comme s’ils s’en retournait chez lui au centre des abîmes, et que le haussement d’épaule, ce tremblement de colère rentrée fasse naître les vagues. Un long frissonnement venu des âges de l’univers. Dans l’envoûtement de la vague il y a cette mémoire douloureuse et cette oscillation, cet ébranlement des eaux du dédain, et le rappel incessant de notre indigence, cette espèce d’absence, cette perpétuelle défaillance. L’écriture de l’eau qui roule tente de reprendre le mouvement d’avant, celui dont on vient. Reprendre la main sur le tangage des rêves et la vacillation de la raison. Comme la danse du chamane, comme s’il s’agissait de rappeler les forces premières, celles du sang ancestral, de retrouver le pur, le non corrompu. L’inaltérable. Appeler la démence et l’ivresse du balancement, les faire rentrer sous sa peau les faire glisser le long des os, tendre ses viscères à ce brassement monotone jusqu’à l’écoeurement, jusqu’au vomissement. C’est l’écriture de la mémoire et de l’oubli, de l’amour impossible, et de la mort trop lente et trop loin, c’est une écriture qui s’aveugle sur l’horizon, et qui tremble, et qui s’essouffle. L’écriture de la mer ce n’est pas l’écriture du voyage, elle n’a pas cette tension secrète et sourde, ce n’est pas l’écriture de l’ailleurs, du partir, elle a trop de retour dans sa langue, trop de langueur dans sa perte, trop de folie dans son ignorance. L’écriture de la mer ne porte pas l’espérance, elle n’est pas la bouteille qui contient le message, elle n’est qu’une vague. Que la vague. Une et innombrable. Elle n’est qu’une eau dans l’agitation de son errance, elle n’est qu’elle-même, dans cet au-delà d’elle-même. Elle n’est que simple extension de la clarté. Expansion de l’abandon. Elle n’est que son instant dilaté, sans autre volonté que de l’être pleinement. Infiniment perdue, infiniment retrouvée. Elle se contient, elle se résiste et si elle ploie parfois, si on l’entend se briser, c’est pour mieux se recomposer, mieux se concentrer. Aller de l’éclat du mot à l’esquille de la parole. Aller de l’identique défait de l’habitude, à l’identique enveloppé de sa propre recomposition. Embrun paradoxale de l’infime et de l’immense. Paradoxe de la plénitude et du doute. De la dérive.

Il y a dans l’écriture de la vague une sauvagerie insoupçonnée, née des profondeurs immobiles qu’elle recouvre, et de cette résignation à ne signifier rien d’autre que le mouvement, que la présence. Une présence débarrassée de l’ombre, car elle est l’égale du soleil. Elle porte sa propre lumière, c’est ce qui la rend si étrange. Si envoûtante. Et le soleil si révérencieux à son égard.

Il y a sur le bord de la vague un rire d’enfant ou un rayon de lune, c’est ce qui la blanchit et lui donne la force d’aller au bout de son enroulement, d’aller au bout de son outrance dans la profusion du verbe, et dans cette démesure lancinante.

Le soleil dit : « Je suis… ». La Mer dit : « Je consens… ». Et la vague murmure : « Je m’efforce…. Comme la graine et la fleur, je m’efforce… comme l’arbre, je m’efforce. »
Que pourrais-je dire, moi l’insolent, moi le piètre, moi le vivant fragile ? Que pourrais-je dire, sinon, je m’efforce.
Dans l’écriture de la vague je m’efforce, comme dans une prière débarrassée de ses faux dieux. Une prière sans adresse, comme le rire d’un enfant qui perce la lumière….

Franck.

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Commentaires
L
tes mots comme un miroir , on s'y contemple, on s'y scrute, on s'y perd, on s'y retrouve...<br /> reflet de nos émotions, nos histoires...alors bien entendu le coeur y souffre dans tes mots mais il y vit aussi parce qu'il sait aussi pourquoi soit il bat furieusement, soit calmement...<br /> au plus près de l'expression, rares sont les hommes qui ainsi retranscrivent...<br /> Je le dis avec mon ressenti Franck...mots perce-neige, brise-lame, casse-caillou, souffle-larme, en mon âme et mémoire...<br /> Voilà tu sais les mots pour le dire :o))
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F
Il y a peut-être de ça Baramine, dans la vague... <br /> Mais est-ce que la vague revient parce qu'elle serait mécontente d'elle-même ? est-ce qu'elle chercherait toujours sa perfection ultime ?<br /> Ou alors est-ce qu'elle n'est pas le renouveau du même...?<br /> De qu'elle vague parle-t-on ? De la première, si indécise qui commence la marée, ? De celle si souveraine au plus fort des eaux ? Ou celle, encore si fragile la dernière qui meure à peine écumante sur la plage ?<br /> Faire... faire encore et toujours...., c'est au bout du "même" que se trouve le nouveau...
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F
Oui, Ysa, il y a du mantra dans la vague, quelque chose qui nous relie... plus quelque chose qui rappelle, mieux quelque chose qui nous appelle....S'efforcer est la chose la plus digne que l'on puisse encore faire, ceux qui disent le contraire s'agitent, brassent....
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F
Oui, Lunar, c'est tout à fait la bonne question... et comme toutes les bonnes questions on n'en connait jamais la réponse...<br /> Le Verve créateur c'est la pire des folie, c'est aussi le plus beau des compliments....<br /> Je ne crois pas qu'écrire nous sauve...pourtant on veux y croire avec acharnement... c'est cette croyance, cette foi folle et dérésonnable, qui donne à l'homme toute sa dimension... c'est dans cette constance à s'opposer à la mort et à inventer des images pour nier l'inacceptable...<br /> Il ne s'agit pas de gagner ou d'avoir raison, il s'agit simplement d'afirmer son doute avec assez de conviction et d'humilité... au bout du compte, qui est-on ? je n'en sais rien, peut-être seulement ce "Non" Prométhéen, ou ce caprice d'enfant têtu... non ! non, je ne veux pas !.... non !et non! C'est le mot qui commence toutes les prières, mais on ne l'entend pas...mais je t'assure qu'il y est...
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F
Merci Lubna de ta sensibilité, de ton coeur porté par ton oeil de lectrice, comme un retour de vague, comme l'échange des eaux, ce brassage des émotions... la mer nous parle parce que souvent elle nous fait taire, elle écrase notre vacarme....<br /> Quant au reste Lubne, non, je ne sais rien...vraiment rien, c'est pour cela que tes commentaires me touchent...
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