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J'irai marcher par-delà les nuages
27 janvier 2007

Chaconne....

(1er mouvement) (Altos, haut bois, bassons, cors et quelques autres instruments) (Mouvement lento, forte) (Étirer les notes jusqu’à ce qu’elles cassent). (Toutes) (Les bémols sont proscrits, même s’ils sont écrits, ne pas les jouer)(Le chœur restera silencieux)(Le piano ne jouera que sur les touches noires)

 

Quelque chose se souvient. Quelque chose se souvient de la première nuit du monde. Epaisse et souveraine. La ciaconapremière nuit du monde. Une plénitude dans l’épaisseur. Grande nuit des dieux. Sans temps. Sans parole. Toute en prière. Première nuit du monde, où l’homme parlait seulement aux dieux. Où les dieux répondaient à l’homme. Et c’était un dialogue. Et c’était la première nuit du monde. Et chaque destin s’accomplissait, car il n’y avait pas d’événement, pas de quotidien, seulement des miracles ou des tragédies. Seulement de la rocaille et du vent.

 

 

 

Le laboureur levait sa face aux cieux, sa face de sillons lourds, sa face de glaise ravinée. Et le laboureur baissait les yeux. Et il s’attelait. Pour creuser sa vie. Et c’était la nuit du monde, la première, la seule, la grande. Un temps sans écriture. Seulement des signes, des marques, des stigmates. Et puis des incantations sous les étoiles. C’était le temps demains_1925p l’ordre et de l’éternelle présence. Et les ombres avaient plus de vie que la chair. Temps fixe. Brûlant sous le soleil et le regard accablé des dieux. Et c’était un temps sans écriture. Le temps des pierres, sans futur, sans passé, sans issue. Un temps habité, sans espace. Des matins, des soirs, et la tragédie du vent entre les deux.

 

 

 

(2ème mouvement) (Harpe, violoncelle, violons, piccolo, viole de gambe, timbales, triangle ou carré, guimbarde, et mirliton) (Je tiens particulièrement au mirliton)(Le chœur restera toujours silencieux)(Le piano ne jouera que sur les touches blanches… pour changer)

 

Et le jour est venu, et avec le jour, l’aube des temps. Et la lumière a palie les créations divines. Et avec le jour, l’écriture. Et avec le jour, la mémoire. Et avec le jour la peur. La peur du retour. La peur de la fin. Et avec le jour, la fin des prières. Et avec le jour, l’absence. Et avec le jour, le silence changea de couleur et de destin. Et le jour est venu avec l’aube des temps. Et l’écriture, et les voix de l’écriture, et les solitudes de l’écriture. Et les mémoires. Toutes les mémoires.

 

 

 

L’écriture porte en elle la tentation du retour, c’est pour cela qu’elle s’écrit à rebours du temps qui la dit.chaconne

Retour sur l’inaccompli.

Sur l’inaccompli des temps à venir. Sur l’inaccompli éternel. L’impossible accomplissement. L’impossible sacre.

La défaite.

 

 

 

(3ème mouvement) (Tout l’orchestre)(Respecter les silences, tous les silences et les soupirs, tous les soupirs)(Les violons devront insister sur la couleur bleue, les cuivres se chargeront du rouge)(Le chœur continuera à être silencieux, il est la voix silencieuse, et la première nuit du monde)(Le chef s’inspirera du printemps et du vol des oiseaux pour guider l’orchestre)

 

L’écriture passe son temps à se suspendre, comme si dans ses stases successives se trouvait sa vérité ultime. La Vérité. L’écriture cherche son silence, dans l’au-delà des mots. L’accomplissement du dire dans le vide. Le vide d’après.

L’écriture est solaire, mais elle se souvient de la nuit, car l’écriture c’est la mémoire. Et l’écriture est solaire, c’est pourquoi elle a affaire aux ombres, aux traces qui s’effacent, aux rêves qui rattrapent nos gestes, à ce qui respire encore dans les coins les plus perdus de nos vies.

Comme si le geste d’écrire avait besoin de s’arrêter pour s’accomplir. L’ultime appel à la vie. Et le geste se resserre. Comme la matière dans l’atome. Resserrement de l’espace de l’écriture pour lui donner la puissance du cri. Le cri. Le mot dénué de parole. Le dire pur. Le tintement de la vie dans la chair. La révélation.

Rimbaud cesse d’écrire. Cesse-t-il d’être poète ? Ou bien commence-t-il à le devenir ? Ou bien l’a-t-il toujours été ? L’accomplissement dans l’inaccompli. L’inachevable. Le précaire comme horizon infini. La peau vulnérable du poème se raidi jusqu’à la cassure, jusqu’à la faille de lumière brutale.

Ecrire c’est autre chose qu’écrire. C’est avant tout signifier le feu, et tout ce qui pourra détruire le feu, et tout ce qui art040708sera écrit.

Le feu. Le feu séparé de la chaleur. Le feu comme principe d’ascension et de disparition. Chemin de retour à la nuit. Retour à la nuit lumineuse.

 

 

 

Franck.

 

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Commentaires
A
Le dire pur. Le tintement de la vie dans la chair. La révélation.<br /> <br /> ça c'est vraiment bien.
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C
"Le feu séparé de la chaleur. Le feu comme principe d’ascension et de disparition. Chemin de retour à la nuit. Retour à la nuit lumineuse."<br /> <br /> Oui. C'est ça. Me fait sourire parce que comme souvent je peine à exprimer mon ressenti sur ton texte, et par rapport à ce que j'éprouve après coup. <br /> <br /> Ascension est le mot qui me percute le plus dans ce que tu dis à propos de l'écriture. Et je m'exprime en toute humilité. Mais n'est-ce pas tout un travail sur soi d'abord pour être dans la verticalité de l'écrit plutôt que dans l'horizontalité du Soi? Monter plutôt que raser les pâquerettes? tu comprends ce que je veux dire? <br /> <br /> Hum. Sans doute qu'il faut "vidanger" ses ballasts, pour pouvoir monter. S'alléger de tout le superflu.Epurer sa plume. Apurer l'ardoise.
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P
oui, si vrai...Entre Ombre et se coiffe de sa nuit, Entre Lumière et te drape des dernières couronnes... Soumis tous dans l'écrit.
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N
merci
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I
très beau texte sur l'écriture , solaire et musique.
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