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J'irai marcher par-delà les nuages
20 janvier 2007

La folle voix......

« Ecrire, ce n’est pas parler ». Et pourtant… Ecrire porte la voix. Quelle voix ? Pas la voix de notre bouche, pas celle de nos dents, de nos lèvres, de notre langue. Ecrire porte une voix. Une voix de nous. Une voix qui erre en nous. Quelqu’un parle en nous bien au-delà des sons émis. Et c’est un interminable monologue. La litanie infinissable. « Ecrire, ce n’est pas parler », c’est dire. Dire la voix en nous. Et révéler la présence.

Il y a entre la chair et l’os un être qui rode, un être de gravité. A la démarche incertaine et ombreuse. Il y a derrière P1010325notre face de jour, un spectre qui claque des dents. Qui rit parfois. Qui pleure souvent. Et qui parle, un monologue inaudible, interminable. Et l’écriture nous dit sa présence. Dans le creux des silences. Car l’écriture porte la voix de l’ombre. Entre le mouvement des phrases. « Ecrire, ce n’est pas parler ». Car on ne dit jamais rien, rien qui tienne dans un univers en expansion. Et parler c’est contredire la voix de l’ombre. Et parler c’est faire taire la voix de l’ombre. Le réel et le vrai, toujours cette dualité. Et cette déchirure. Et notre vagabondage entre parler et dire. Entre le réel et le vrai, sans jamais être ni vraiment dans l’un ou dans l’autre. A cause d’un univers en expansion. Avec les trous noirs.

Et l’écriture a été inventée comme une arche qui tente de rejoindre les rives du fleuve impraticable. Fleuve. Flots des jours, et notre pitoyable insignifiance. « Ecrire, ce n’est pas parler », car parler c’est se ravaler à chaque mot, à chaque idée, c’est se renier inlassablement par désespoir, ou vacuité, ou peur, ou lâcheté. Et c’est le bruit de nos pas et leurs traces qui s’effacent. Et l’impatience exacerbée. Et le ciel qui s’assombrit.

Ecrire c’est dire, et dire n’est jamais vraiment lisible, puisque dire se fait au couteau, juste entre la chair et l’os. Et dire c’est signifier. Et signifier c’est toucher du doigt le soleil et chaque étoile du ciel. L’écriture révèle la trace du couteau à chaque souffle de la voix.

 

 

 

S2154Ô mon dieu, mes ombres saignent, et ma voix à tant de mal à traverser mon sang. Ma voix, la folle qui tient ma maison, celle qui connaît mes histoires, mes attentes, mes ivresses sauvages, celle qui c’est nourrit au lait de ma solitude, celle qui a creusé mon ventre pour enfanter mes monstres ou mes diamants. Ma folle voix, avec ses vocalises muettes, ses murmures provocants, celle qui me souffle d’incompréhensibles songes, avec sa façon bien à elle de vriller ma mémoire et de raidir ma main qui écrit. Ma folle voix, qui a besoin de tant de vide. « Ecrire, ce n’est pas parler », et elle le sait. Elle, qui pèse sur mes mots pour les rendre impraticables, elle, qui trace des arabesques devant mes yeux, tissant de 29_auroreterribles linceuls avec les fils coupés de mes souvenirs, de mes amours. De mes amours. De mes amours.

Ma folle voix qui a besoin de tant de vide, de tant de lande, de tant d’exil. Ma folle voix qui appelle tous les incendies et qui me voudrait roi ou mendiant. Et elle s’écorche dans ma parole, et me le rend bien, au centuple. De son silence épais elle me retire du monde des vivants. Car il lui faut tout, mon espace et mon temps, et mes yeux, et mes lendemains, et mes toujours. Elle me vide, et me veut fait de rien.

Alors je suis vidé. Vidé des jours et des visages. Vidé de mes histoires. Vidé des peaux que j’ai caressé, des sourires que j’ai tenté. Vidé comme une grande cathédrale de malheur, vidé de mes compassions, des mes murailles de Chine, de mes cascades nordiques, vidé comme un puits de désert.

Alors je suis vidé. Vidé de mes rencontres, et des baisers que l’on offrait au détour de l’aurore. Car il lui faut tout, les ventres que l’on a aimés, la sueur des corps. Même les gestes oubliés, la main que l’on n’a pas tendu. Tout, même mes crépuscules, des mes prières. Tout, même mes océans. Surtout mes océans. De mes cris d’orgueil ou d’effroi.

« Ecrire, ce n’est pas parler ». Et pourtant… Ecrire porte la voix. Une voix qui erre en nous. Ecrire c’est l’anti-matière de la parole. Un trou noir de l’espace des mots. Le trou noir de l’attente, et des tempêtes de l’attente, et du soleil de l’attente. Léger comme une grâce…

« Ecrire, ce n’est pas parler » c’est chanter, juste avant la mort.

Léger.

Léger.

Chanter, juste avant la mort.

Franck.

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Commentaires
D
Ecrire c’est l’anti-matière de la parole...<br /> <br /> Heureuse de revenir te lire Franck! <br /> Je reste sans voix;)<br /> <br /> Je pense aussi que certains silences sont comme la parole, je repars de chez toi avec de nombreuses pensées, comme à chaque fois, tes mots ne sont jamais "innocents" ou futiles...chaque lettre a son importance, chaque respiration...chaque pensée. <br /> <br /> Merci Franck <br /> <br /> Amitiés<br /> <br /> Domi
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F
J'ai envie de retenir qu'on écrit avec ce que l'on ne sais pas.<br /> Dès que la maîtrise devient trop importante on écrit plus... on raconte ou on pense par écrit, mais ce n'est plus vraiment ça...<br /> Je me souviens de mes années d'analyse... et toutes les voix que j'ai du utilser durant ces années de divan... il y avait les jours où je parlais, les jours où il y avait des échanges, des réponses, et puis il y avait ces journées de La Voix, avec cette tonalité si particulière, parfois j'avais l'impression de l'accrocher comme lorsqu'on monte dans un train en marche... une voix bizarre, qui prenait racine au creux du ventre, une voix plus grave, plus lente, qui résonnait lorsqu'elle me passait dans la gorge. J'aivais cette drôle d'impression qu'elle était à l'oeuvre bien avant moi... et que, elle seule pouvait dire quelque chose de la Verité, pas seulement ma vérité, mais La Vérité, celle qui est inscrite dans le ciel ou dans les enfers...<br /> Souvent, quand j'écris, j'essaye de retrouver cette voix. Je l'ai en mémoire en moi, et c'est elle qui dicte, les mots, les rythmes, les coupures, les silences...<br /> Bien sûr le silence, dans l'analyse comme dans l'écriture, est important ; bien sûr écrire c'est aussi se battre avec ce silence... mais je ne sais pas pas si certains silence ne sont pas déjà de la parole. Je ne dis pas cela pour l'idée paradoxale....mais parce que j'ai vraiment la sensation que certains de mes silences ne sont pas silencieux du tout...<br /> En fait le silence appartient à la parole... ou peut-être à la Voix, à cette Voix qui erre en nous....<br /> ...<br /> et puis au bout du compte, j'aime l'idée qu'il y a quelque chose de mystérieux dans le geste d'écrire, quelque chose qui nous échappe définitivement....<br /> <br /> Merci à vous toutes qui êtes venues si gentiment compléter mon texte, en lui apportant vos couleurs et votre Voix....
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I
l'écriture vient là où il y a vide de parole, ou abscence de paroles, cette voix qui erre et ne peut se dire, cette voix solitude qui ne peut être partagée par la parole dite , parce que la parole sert toujours à autre chose qu'à parler de soi, même en psychanalyse il me semble que ce qui se tait en soi est plus important que ce qui se dit,<br /> dire la (sa) souffrance n'est pas suffisant pour qu'elle disparaisse;<br /> ainsi, ce que l'on ne sait pas encore des émotions qui nous submergent et de quelles façons on va les transformer, c'est ça écrire . (tout cela dit un peu au hasard et rapidement , je ne suis sûre de rien , <br /> mais voila ce que m'inspire ce beau texte)
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C
"parler" en analyse :c'est tout dire, c'est dire tout.Parler est de l'ordre de l'extraspection.<br /> Ecrire est plus de l'ordre de l'introspection .Et ,quand on est en analyse,écrire console,adoucit la souffrance du parler.
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J
Ecrire ou parler...ce n'est pas la même chose mais il n'empêche que seule la pensée est leur racine commune....alors...l'ombre de nous-même est dans les deux façons d'exister ou de se taire et de faire dire ce que l'on veut au miroir de soi...<br /> Ton texte es beau et demeure malgré ce torture de la conscience de soi ....hors de soi elle n'est plus conscience ....mais "répétitrice" de souvenirs ou de rêves recomposés....<br /> Ecrire ...oui...dans le silence tapageur de mes pensées...chutttttttt<br /> Tendresse Franck
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