Rouge...
Ecrire soulage l’enfant qui me porte.
Rouge…
Le rêve était rouge.
D’habitude je ne me souviens pas de mes rêves. Là, il était rouge. Un envahissement de rouge. Une chute de neige rouge. D’où me vient cette image ? La neige rouge. Où ai-je lu ça ? Ce rouge est incrusté dans l’électricité de ma tête. Et dans mon rêve tout était rouge, même la neige. Surtout la neige. Une avalanche de sang cotonneux. Une sorte de plumetis vermillon sur l’écarlate de l’horizon. Rouge. Comme à l’intérieur d’un corps. Les yeux du rêve pris dans l’épaisseur d’une chair ouverte. Sentine perdue et vorace. Chair vorace. Rouge. Elle est là, dans le rêve rouge. Là. Déplaçant une ombre pourpre. Une ombre de velours pourpre. Grande tenture lourde et pourpre. Je devine à peine son visage. Mais je sais qu’elle est belle. Mon rêve le sait. Pas besoin d’un visage pour savoir la beauté des êtres. Mon rêve le sait. Ses lèvres comme une blessure. Elle saigne. Des mots. Une parole cramoisie qui brûle. Une neige de feu autour. Elle brûle. Je brûle. On est dans le rouge. Le rêve nous a mis dans le rouge. Pour nous protéger. C’est certain. Protéger de l’innocence. La neige crisse sous nos pas. Il fait froid. C’est l’hiver. Un hiver rouge. Nous marchons en silence. Il n’y a pas de destination. Il n’y a jamais de destination. Quand on arrive c’est toujours nulle part. Toujours. Pourtant ce rêve est un mélange. Dans ce rouge il y a l’expression d’une violence abrupte et dans le même temps une plénitude immense, intense. Je traverse la couleur et c’est comme une symphonie. Comme si elle était une musique. Des milliers de notes de musique tombent. Rouges. Sur le tapis rouge. C’est comme un bonheur cette marche dans le rouge. Un bonheur. Elle est là, à coté. Dans son silence elle me parle. Je l’entends. Il y a une tremblance, c’est par-là que je l’entends. Par la tremblance. Cet ébranlement du monde autour. On est sur ce chemin de chair rouge. Dans l’envahissement du sang. Invulnérable. C’est la sensation du rêve. Invulnérable. Pourquoi ce rêve ? La première marche de l’arc-en-ciel. Je ne sais pas lire les rêves. Parfois je lis certains dessins des étoiles. Jamais les rêves. Alors pourquoi ce rêve rouge. Et cette marche vers nulle part avec ce sentiment d’accomplissement. Comme si le rouge devait me parler. Me dire un secret. Comme si s’était ma seule destination. Une fatalité. Un bonheur incarnat.
Et dans ses yeux cette poudre de cinabre, et dans mon cœur érubescent les étoiles amarantes. Et dans ce ciel garance des promesses de roses.
Ecrire soulage l’enfant qui me porte.
Comme la mer soulage la source du poids du fleuve.
Ce qui nous fascine dans les vagues c’est le chant des sources. Des millions de sources. Des millions d’étoiles dans les vagues. Les sources ne meurent jamais à cause des marées qui leurs rend grâce.
Les océans sont rouges, pour que l’enfant, en nous, invente le bleu.
Les rêves sont rouges pour brûler les yeux des amoureux.
Franck