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J'irai marcher par-delà les nuages
24 novembre 2007

Après le jour sans fin.....

Et il y eut cet été de Norvège, cet été au soleil palissant. Au soleil insistant. Où le jour appelait une nuit qui se dérobait. Te souviens-tu de l'été de Norvège, et des landes sans nom. Et ce jour éternel, presque inhumain. Qu'ils sont loin les étés de Norvège bordés par les forêts de Finlande et ce jour infini pour délier nos promesses et défaire nos chairs d’un désir agonisant.

 

 

Quelque chose de blanc accrochait nos paroles comme une pâle et monotone absence, celle qui nous attendait plus au sud, au retour. Finir l'amour au bout des terres, c'est finir davantage, c'est finir un peu plus. Finir l'amour dans ce jour caribou_usfws_375x250sans fin, c'est arrêter le temps sur la blessure, sur la faille.

 

Ce n'était plus la guerre. C'était juste la fin, la fin des terres de l'amour. Le Cap Nord de l'amour. La fin du continent. Avec sa falaise abrupte, et l'océan, et le jour sans lendemain. Et puis après plus rien. Plus rien.

 

 

Te souviens-tu de l'été de Norvège, de notre naufrage sur cette terre tachée de neiges éternelles, salies à force de ne pas fondre, salies par les vents de Norvège, et les mensonges et les distances et les oublis. Et de ce jour sans fin, et de ce temps à l'impossible nuit, et ce soleil blême qui décomposait sa course, jusqu'à l'arrêter, un soleil épuisé, sans chaleur avec juste un reste de tendresse lorsqu'il frôlait l'horizon sans l'atteindre, sans jamais plus l'atteindre, à peine une caresse, pas même un baiser sur les eaux mornes du nord. Et la fatigue de ce jour immortel où le sommeil exhortait la nuit à venir. Et qui ne venait pas. Jamais. Inlassablement le jour. Et le corps qui réclamait la nuit. Et nos gestes maladroits pour éviter les contacts. La chair se séparait de la chair à la vitesse de nos silences. Et de la gêne. Et tes pudeurs d'adolescente pour cacher la blancheur de tes seins. Serrés sous cette tente où nous avions si froid et où la peau s'interdisait la peau, où les regards fuyaient les regards, blottis dans le jour et tirant sur le froid comme sur une couverture, un gros édredon de manque glacial, blanchi par un soleil blafard.

 

Nos dernières nuits ne furent pas des nuits mais ce jour trop long, ce jour de plusieurs jours. Et pourtant nous étions sans impatience. L'habitude et le renoncement suffisait. La fin se dit toujours avant la fin. Et même si parfois l'ancienne complicité nous surprenait elle devenait douloureuse, à force de jour. Nos dernières nuits n'eurent pas de lit, pas de draps froissés, pas d'étoile, encore moins de lune. Nos dernières nuits furent sans caresse, sans soupir, comme si le bout des terres disait la fin de tout. La fin des mots. La fin des corps. Au bout de chaque histoire il y a une île, après cette île, une autre encore, et au bout de cette autre, il y a une falaise, et puis plus rien. Simplement la plainte obsessionnelle du ressac contre la pierre crue. Nous étions si près et déjà si éloigné. L'espace clôt de la voiture, l'espace clôt de la tente, l'espace clôt de nos silences. L'espace forclos de la falaise et ce jour impensable. Nous étions hors délais. Vaincus par l'usure. Et par le jour. La lumière interminable.

 

Et cette nuit qui nous manquait.
Les dieux nordiques se sont arrêtés là, au bout de cette falaise en jetant dans la mer quelques crocs de rocs durs pour mordre l'infini des flots, et comme seule musique les vents polaires et comme seule clarté ce jour bien trop long après cette nuit bien trop froide.

 

Nous sommes montés au nord comme par défi, acceptant par avance ce temps d'intimité comme la prolongation de nos malentendus. Nous sommes montés au nord sans espoir sur nous deux, sans rancœur, sans chagrin, sans doute, avec un peu de mélancolie. Comme pour accompagner le vol des oies sauvages. Et leurs cris dans le ciel dévasté de Novège.

 

Là-haut, au nord, les fleuves n'ont pas l'espace d'être des fleuves, ils n'ont que le temps d'hurler en torrent avant de se jeter des montagnes, saut de l'ange des eaux, bondissement d'écume et de rage. C'est un pays où les torrents meurent. C'est le pays des fins, des arrêts, des coupures, dans un jour infini. Et les torrents sautent dans le vide.

 

Pays métaphore, nouant nos contradictions en déliant nos vies. Et il y eut ce réveil insensé où la terre résonnait d'un tq_001722_gvacarme grandissant. Et il y eut ce bruit sourd qui venait de loin comme une apocalypse. Un fracas de la terre. Le grondement de la terre comme un orage des profondeurs. Et il y eut ce tremblement de la terre et du jour, et il y eut cet instant de terreur dans tes yeux et ce martèlement qui allait nous dévaster. Et notre jaillissement hors de nos sacs de couchage et brusquement cette vision. La horde des rennes. La horde ancestrale qui surgissait. Immense troupeau, qui venait de nulle part. Immense galop de la horde vers le nord, vers le bout des terres. Nous étions nus et les rennes galopaient tête et bois baissés. Il y en avait partout autour de nous. Et nous étions nus hébétés, transis dans ce déchaînement et cette explosion de violence brutale et entêté. Combien étaient-ils ? Cent.... Mille... dix mille. Et la horde se divisait à l'approche de notre petit campement. Où courraient-ils dans cette joie du galop ? Pourquoi allaient-ils vers ce nord, vers cette fin des terres ? Pourquoi cette jubilation de la course et cette désespérance ? Est-ce la mort que l'on cherche au septentrion de nos vies. Est-ce inscrit dans le sang des vivants qu'il faille aller au nord, au bout des terres ? Qu'il faille aller vers cette dernière falaise de cette dernière terre ?

 

Nous étions nus dans cette lande froide, envahis par cette horde primitive galopant vers le nord. Depuis le commencement des temps, galopant vers le nord.

 

La horde des rennes. La horde ancestrale qui surgissait. Immense troupeau, qui venait de nulle part. Immense galop de la horde vers le nord, vers le bout des terres, vers la fin des temps, et les rennes galopaient tête et bois baissés. Il y en avait partout autour de nous. Et nous étions nus hébétés, transis dans ce déchaînement et cette explosion de violence brutale et entêté. Et c’était au bout des terres. Et c’était la fin des temps.

 

Te souviens-tu de ce pays de Norvège ? De cet été. De ce jour sans nuit. Et de la horde. Et de la falaise. Et des vents 008_Apolaires. Te souviens-tu que tout au nord, est un lieu sans parole puisque c'est la fin des terres, et qu'à la fin des terres les mots n'ont plus de sens ? Hormis le saut. Sans parole hormis le hurlement du nord et le fracas de la horde dans son dernier galop. C'était un jour sans fin, sans véritable lendemain. Nous étions des torrents désolés, nous ne serions jamais fleuves, comme ces torrents de Norvège qui sautent dans la mer d'une écume bouillonnante et joyeuse et rageuse. Tu étais nue au milieu de la horde, tendant ta poitrine comme la dernière falaise de la dernière terre.

 

 

Ainsi l'écriture...
S'ouvrant dans la blancheur des temps, le lieu définitif des premiers mots, après les dernières terres.
Ainsi l’écriture,
qui déploie son silence après les derniers instants.
Au-delà du vide, au-delà du rien, commence le renouveau du texte, une simple désespérance.
Juste après la fin.
Et faire apparaitre la nuit dans un jour sans fin.
Et accomplir l’inachevable.
Ainsi l’écriture.

 

Franck.

 

 

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Commentaires
C
Les lemmings. Cette course désincarnée vers le nord, absente, déjà au-delà de sa fin, cela ressemble fort à celle des lemmings. Vers le sucide collectif.
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