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J'irai marcher par-delà les nuages
2 octobre 2008

Couleurs.....

Les mots tombent sur la tranche. En tombant ils coupent la lumière. D'un coté l'ombre, de l'autre le silence.

 

 

 

Et chaque mot est voué à cette violence, à la coupure, à la faille. Ils sont là pour blesser, tuer.
Tuer quelque chose en nous. Le mot qui n'arrache rien ne devrait pas être écrit. Tuer la certitude, l'arrogance. Et la blessure est le rappel constant de notre précarité. Et c'est une douleur. Mais une douleur supportable puisque nous tenons à elle. Notre surabondance de vie est une profusion douloureuse, mais supportable. On voudrait ne pas la connaître et pourtant on s'y vautre. Ce n'est pas sensuel. Et pourtant il y a de la jouissance.

 

 

 

Chaque mot est voué à la violence et à la mort. Là où il tombe le réel se brise. Là où il tombe se crée une béance. Et c'est l'œil qui nous regarde.
Les textes et les images rebondissent. Je sais que je continue. La parole, ma parole, m'a assigné une place.
Est-ce vraiment une place ? Un devoir ? Une volonté ? Non, rien de tout ça.

 

 

 

La voix, quand elle s'élance affirme tout d'abord une exigence. Une exigence sans objet. Une exigence nue, primitive, élémentaire. Une extension. Si l'exigence n'est pas assez puissante, assez purifiée, la parole tombe. Je sens la chute de ces cailloux à l'intérieur. Tout dans le geste devient lourd, épais, pénible. Je sens la douleur diffuse, ce mal de l'intérieur. Entretenir un élan exigeant. La parole assigne, d'ailleurs elle me regarde. Je sais son regard, son regard de silence. Ce palais de nuages bordé de ciel. Je sais l'œil à travers la béance.

 

 

 

En ce moment j'ai des couleurs qui m'accompagnent. En fait, ce sont des sensations de couleurs. Je ne les vois pas vraiment, mais elles sont là. Des couleurs franches. Nettes. Du bleu. Souvent j'ai cette impression de bleu puissant. Et le rouge aussi. Et l'or solaire parfois. Je ne sais quoi faire de ces couleurs, je n'en connais pas le sens, ni la destination. Mais elles sont là.
Le bleu, je crois savoir. La mer, le mouvement, le ciel. C'est le cœur de mon imaginaire. J'ai dans l'œil de ma chair toutes les nuances de bleu. Jusqu'à la violine des ecchymoses. Jusqu'à ce qui ne soit plus bleu. Mais surtout le bleu translucide et profond de la mer. Un bleu blanchi d'écume, ourlé de semence. Je n'ai qu'à fermer les yeux et le bleu monte comme une marée. C'est une impression ni agréable, ni désagréable. C'est comme ça. Comme si mon cerveau appelait ce flottement de bleu.
Avec les lumières dans la vague.
Il y a quelque chose à l'intérieur qui cherche sa place, qui cherche son accroissement, il y a quelque chose qui s'affranchi de ma raison et qui veut déborder. C'est une sensation. Toujours. Je ne peux pas la nommer. Je ne peux pas l'expliquer. Je peux simplement dire un mouvement lent de couleur bleu. Et l'horizon.
Ces heures d'enfance à regarder l'horion à la césure de la mer et du ciel. Les yeux fixés sur cette ligne propre, pure. Regard immobilisé, fasciné, envahi. Ligne de fuite. J'ai toujours eut le pressentiment diffus d'appartenir à ce lieu irréconciliable de la mer et du ciel où l'on ne saurait dire s'il y a mariage ou divorce. Des heures passées, sans pensée, sans envie. Simplement le bleu et la cicatrice du temps et de l'espace. Sans désir, sinon celui de résister à l'écrasement du silence.
Plus tard j'ai pu mettre de la musique sur ce bleu. Mais plus tard. Chopin par exemple. Je ne sais pourquoi Chopin est bleu, peut être à cause de l'eau. Immanquablement quand j'entend Chopin j'ai une sensation d'eau : en gouttes, en ruisseau, en torrent en tempêtes, et cette montée de bleu fluide en moi. Quand je déborde c'est bleu. C'est toujours bleu. Le bleu appelle en moi le surcroît, l'excès. L'ivresse. Je crois que mes ivresses d'alcoolique étaient bleues. Ce qui est immense en moi est bleu. Ce qui veut survivre en moi est bleu.
Sans doute ce qui veut aimer en moi est bleu.
Même mes douleurs chéries sont bleues, mes tristesses, mes chagrins, ces déferlement de trains bleus. Certains auteurs sont bleus. Neruda, ou d'autres. Mais lui surtout. Quelque soit le poème, j'ai d'abord cette forte impression de bleu. Comme lorsque je regarde le visage de certaines femmes. Les beautés les plus évidentes sont bleues, la peau, les yeux, les lèvres, le sexe. Oui, des peaux céruléennes, et des sexes intenses et profond comme du bleu de four.

 

 

 

Ecrire est la chose la plus bleue que je fais. Même lorsque mon imaginaire est envahi de rouge, le mouvement reste bleu. On ne peut pas décrire vraiment. Ca se passe au niveau de la chimie. Au niveau où les molécules exhalent leurs derniers souffles avant de se défaire. Il n'y a pas d'intelligence là. Rien n'est construit. A bout d'organisation la chimie des molécules se mue en un immense chaos. Tant de matière structurée pour fabriquer un si fatal désordre. Et ce sont de grands à-plats d'émotions colorées. Je ne vois pas la couleur, mais je sais que c'est bleu dans le mouvement. C'est l'évidence. Le bleu c'est ce qui résiste à la mort. Au rouge. L'autre couleur.
Souvent quand plus rien n'est bleu, c'est rouge. La brûlure qui invite la fin. Souvent au bout du bleu le rouge commence. Souvent quand tout a tellement débordé, quand l'effondrement est là puisque rien ne peut être tenu indéfiniment, la force du bleu s'épuise. Quand l'excès, à force d'excès m'écrase, alors le rouge apparaît comme une stridence. Un son vrillé. Perçant. Le rouge est mon pays de misère. De reniement. De violences. De rages obscures. L'incendie dans l'azur. J'ai des orages rouges au bout de mon impatience.

 

 

 

Alors l'écriture c'est bien cette sensation de bleu au cœur sanglant du rouge.
Vivre est la chose la plus rouge que je fais.
Ecrire est la chose la plus bleue que je fais.
Et ma rêverie a la couleur d'or d'un soleil à l'aube.
Et ma mémoire est blanche, aussi blanche qu'un grand champ de neige.
Et mon enfance reste désespérément grise.

 

 

 

Les mots tombent sur la tranche. En tombant ils coupent la lumière. D'un coté le silence, de l'autre les couleurs.

Franck.

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Commentaires
F
C'est cet affolement que l'on essaye d'apaiser dans l'écriture. Cette agitation insensée..<br /> Alors on écrit et l'on croit tenir un morceau du sens. On croit.... on est toujours duppé à ce "je"...<br /> Pourtant on continue... c'est pathétique, mais on continue....
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J
Les mots sont des cafards aveugles qui courent affolés dans l'épaisseur de nos images.
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C
Oui, je rejoins Sonya dans son appréciation: c'est un beau texte. Un texte où beaucoup vont se reconnaître. Au moins tout ceux et celles qui écrivent "bleu" puisque que c'est leur âme qui perle..<br /> <br /> Vibrer est la chose la plus rouge que je fais.
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F
Merci Sonya....<br /> Et ta trace ici, le complète....
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S
C'est un texte magique.<br /> Un texte qui te ressemble, teinte pour teinte.
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