Une tombe dans la voix......
J’ai des tombes dans la voix. Des cercueils encore ouverts. De larges trous de terre que le temps creuse encore. J’ai des morts qui m’appellent dans les chants à venir.
Nous avons plusieurs mémoires. La plus lourde, n’est faite d’aucun souvenir. Elle n’est que persistance. Elle est sans douleur, puisqu’elle est la douleur même. Puisque c’est le nom de la douleur. Elle s’accroche dans le dos de nos jours, comme une bosse. Elle n’a besoin ni de souvenir, ni d’image, puisqu’elle tient toute entière dans le sang des saisons.
J’ai des tombes dans la voix, de grands cercueils ouverts que je n’ai pas su fermer. Et cette mémoire là, ne connaît pas l’oubli, elle est là, au revers des mots. Elle souffle. Elle pousse. Elle pèse sur les silences. Elle est l’opiniâtre patience de la mort, son sourire édenté.
Ecrire c’était déjà te rejoindre
J’ai ta tombe dans ma voix. Tu étais pourtant jeune. Tu étais déjà belle.
Tu es ma bosse, et mon chant à venir.
Tu fus mon premier poème.
Tu seras le dernier.
Notre premier baiser appuyé contre le grand mur du cimetière d’Ajaccio signait notre destin. Dans la paume de ma main j’ai les îles Sanguinaires, des stigmates de feu, des noces rouges et bleues. J’ai dans ma voix la couleur de tes yeux qui s’effarent des ces aurores que nous n’avons pas vu.
J’ai ta tombe dans ma voix. Une nuit qui persiste et qui porte ton nom.
Franck.