La parole charrie deux fleuves......
La parole charrie deux fleuves. Deux voix. Il y a toujours deux langues dans la voix du texte.
J'écris à l'intérieur de l'écorce. En-deça de ma peau. Sur les parchemins des viscères. J'écris dans un étouffement progressif. A l'intérieur. Pas à pas je remonte la spirale du coquillage de ma langue.
Au départ la bouche était béante, grande ouvert sur l'océan. Et puis je suis parti vers le centre, vers le rare, vers le peu, vers l'intérieur. Des tours de plus en plus court dans la spirale des mots. Avec de moins en moins de place. Et la mer est loin, et le ciel est loin, et l'air manque. Et chaque mot est de plus en plus difficile à atteindre, ma langue râpe, s'écorche, ma parole s'épuise à racler les parois du texte. C'est un tunnel qui se rétréci à chaque tour. Un resserrement. Lent. Un étouffement. Lent. Mon endroit d'écriture n'a plus d'espace. Comme une pénétrante agonie qui rafles les dernières mises oubliées sur la table de « je ».
Et c'est un cheminement vain. Il n'y a rien au bout de la route. Le centre est un lieu vide. Nulle présence. Au bout de la spirale il n'y a rien. C'est seulement un point d'écrasement.
Ce point se nomme la disgrâce. Il est sans épaisseur. Et sa masse est infinie. Il est le lieu de l’attente.
La parole charrie deux fleuves. Deux voix. Il y a toujours deux langues dans la voix du texte. Celle qui pousse. Celle qui tire. Et chaque mot pèse le poids de son contraire. Et le chant s’élève du lieu où les forces s’annulent. Et le chant s’élève de l’instant immobile. Absolu irrévocable et solitaire.
Franck