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J'irai marcher par-delà les nuages
30 novembre 2013

Ce soir à la bougie.... (Nocturne)

Il y a dans cette flamme de bougie quelque chose qui souffre. De l'infime qui souffre. Tout ce qu'il y a de pauvre sur terre se rassemble et se reconnaît dans cet étirement du feu, dans cette hésitation verticale. La chandelle dit l'infinie solitude et le dénuement, elle dit aussi la foi comme si celle-ci avait besoin d’une aile éphémère pour s'envoler. Le simple et le pauvre, marchent de concert, ainsi la chandelle qui offre ses ombres pour taire l'insupportable, et sa lumière pour clamer l'irréductible.
La flamme pauvre nous défait de nos rages, elle accompagne nos rémissions, et parfois elle sacre nos résurrections. Elle est une amie délicate qui nous apprend le silence, une amie généreuse qui écoute en dansant, une amie qui console parce qu'elle est attentive et qu’elle ne juge point. Un soleil à notre dimension, simplement du bleu, du jaune, un peu de rouge, du noir, du blanc. Soleil de l’accablé et du seul, elle berce, elle adouci, parfois elle chante, elle enveloppe d'une soie étrange notre rêverie épuisée.
Il y a dans cette flamme quelque chose qui rassemble nos morceaux éparpillés, qui maintient l'unité de notre désir, qui contient notre abandon. Il y a, là, un espace de temps et lumière qui nous protège de nous-même, de nos affaissements, de nos écroulements, c’est la vie suffisante, la vie tolérable, la vie tolérante. Là, les ombres deviennent conciliantes. Il y a dans cette chandelle quelque chose de digne, d'infiniment sérieux et sage ; une gravité dépossédée de sa lourdeur. Rouge. Etrange silence que celui du rouge de cette flamme solitaire. Etrange lumière vacillante, qui appelle en nous la mesure et la lenteur. Etrange puissance que cette fragilité tremblante.
Le temps de la flamme pauvre est toujours le temps des aveux, le temps des chandelles est un temps de soupirs, de respiration profonde, comme s'il s'agissait de faire remonter nos douleurs sur la mèche du cœur et de les consumer. Temps sombre et clair à la fois, temps de puissance désarmée, temps qui fabrique du temps. Comme si le temps du feu était un temps gagné, arraché au néant. Comme si précisément ce feu frissonnant, ne pouvait plus être brûlure, comme si sa vocation ultime était la caresse et le murmure. Au coin des chandelles les larmes peuvent être douces, les chagrins pardonnables, les regrets légers. Il y a du sang dans cette lumière, c'est pourquoi on la sait vivante, il y a des chairs dans ses ombres, c'est pourquoi on la sait aimante. Il y a des lèvres et des peaux à aimer dans ce feu désolé ; dans ce singulier instant chancelant, comme si l'émotion trouvait enfin une issue, un devenir qui la dépasse et la bénit. Temps concentré, temps rassemblé. Lumière pour les corps nus, et les effleurements, lumière des baisers indécents, couleur rouge comme les chairs qui s'offrent, ou comme la gorge des volcans.
Au creux des bougies qui éclairent, l'ivresse disparaît et la folie s'efface, car c'est le temps des premières ou dernières vérités, et même au-delà des vérités, car si les vérités simples ont besoin du soleil pour se dire, les vérités primordiales ne se délivrent que dans cette presque lumière, dans ces presque ombres, dans cette presque nuit.
Les âmes de la chandelle sont des âmes errantes, elles ont perdu leurs corps et cherchent un point d'appui pour porter leur voyage, comme des navires effarés  qui chercheraient une île pour faire enfin escale. Parce que plus qu'une flamme elle est un lieu, parce que plus qu’un lieu, elle est un séjour, parce que plus qu’un séjour  elle est un refuge, parce que plus qu’un refuge, elle est un royaume. On y naît, on y meurt, mais y vit-on vraiment ? Est-ce un temps réel ? Ou le simple raccourci de nos destins inquiétés ? Ou le simple squelette de nos chimères démantelées ?
Quelque chose habite cette lumière, quelque chose soupir dans sa danse, est-ce une plainte ? Est-ce un gémissement ? Est-ce que mon âme appelle ce soir à la bougie ? Ou n'est-ce qu'un songe, ce songe lancinant qui traverse mes veines et ma chair, un songe toujours exténué ?
Oui, quelqu'un habite ici, au cœur de cette flamme, quelqu'un qui me connaît mieux que je ne le connais, quelqu'un qui me regarde, qui parle dans ma voix et qui choisit mes mots.
Il y a dans ces petites flammes le chant d'une présence. Du vivant qui exige, des visages qui implorent, il y a des mains qui se joignent, comme si l'humanité avait besoin d'opposer aux enfers ce simple feu humain.

La lueur des bougies, comme celle des cierges, éclaire en nous ces endroits oubliés, ceux qu'on a délaissés, cette part de nous-même qu'on ne visite plus, nos jachères, nos ronciers, elle préside à l'office de nos noces intimes et nocturnes, comme un fuseau ardent qui déroule le rêve, et tisse entre nos larmes un voile charitable, et console, et soulage, et apaise, et apaise, et apaise...Ce soir, j'ai vu dans cette flamme un doigt incandescent qui me montrait les cieux....

Franck

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