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J'irai marcher par-delà les nuages
17 mai 2017

- 43 - Au temps des arabesques...

Chaque jour, l’épreuve. La page. Pourquoi ? Pourquoi ce chemin ? Qu’attendre de cette confrontation ? Le texte est long à s’élaborer. Toujours. Avancée, ratures, effacement. Quelques grappes de mots qui viennent en saccades. Puis la lente mastication. L’exercice de la bouche. Du son. Du rythme. Des syncopes. Des stases. Parfois le rejet. Pourquoi ? Le texte résiste. Il y a comme une lutte. Contre qui ? Contre quoi ? Mot par mot, ligne par ligne. Aller un peu plus loin. Sans savoir ni la destination ni la signification. À l’intérieur, je sens qu’il a une chose à atteindre, il semble même que les mots puissent venir de cette chose, mais je n’y ai pas accès. Les paroles dessinent mon lieu d’exil. En creux. Dans le creux, les mots. Ils suintent avec étrangeté, comme si je pressais une masse poreuse, gluante. Ils viennent avec lenteur, avec parcimonie. Ils raclent. Ils s’arrachent de l’ombre et trainent toujours avec eux cette part d’ombre. Ce mystère. Cette impossible connaissance. À l’intérieur, persiste comme un frottement difficile à décrire et les mots viennent de ce frottement. Copeaux d’une conscience à la dérive, ou d’un entêtement insensé, déraisonnable. Même le corps est engagé. Je le sens dans les bras, les doigts qui frappent le clavier, la poitrine, le ventre. Surtout le ventre. Une sorte de tension sourde. L’intention du corps qui vient frotter un endroit vide, qui n’existe pas et qui pourtant est là. Puissant, invincible. Imprenable. La page demeure là, au lieu du frottement.
C’est une lutte. Une lutte froide, austère, sévère, sans éclat, monotone. Simplement entretenir la tension. L’exacerber. Comme s’il s’agissait de contenir quelque chose qui ne sortira pas. Qui de toute façon ne sortira pas. C’est une lutte froide contre quelque chose qui n’est ni ennemi ni ami, quelque chose qui n’est que dans le creux, que dans l’empêchement, qui ne dévoile sa présence que par le manque. Le paradoxe. Ton absence me manque, dit le frottement, dit le mot qui suinte. Ton manque manque à mon manque, répond la chose en creux. Ton temps manque à mon temps. Il y a le frottement du manque sur le manque dans cette lutte distante, sans éclats, sans grandeur. Il y a la page chaque jour qui se dérobe un peu plus. Avec ce temps de face-à-face, ce drôle de temps qui ne se raccroche à rien d’autre qu’à lui-même : un temps qui n’a pas d’histoire. Lente mastication des mots, scansion, succion, dissection. Il semble que tout réside dans cet enchainement consenti. Cette volonté de le maintenir, et en même temps de le réduire.
Peu à peu, l’amour s’est résigné, a renoncé, s’est absenté de mes mots. Il ne reste plus que la trame vidée de sa broderie, vidée de ses motifs, de son désir, de ses fils de vie. La matrice vidée de son élan, de son exaltation. Extinction progressive de la lumière, dessiccation des chairs de la parole. Le mouvement s’est rétréci. Il ne reste plus que la trame desséchée, dépouillée de sa faim, de ses tentations, un enchevêtrement laminé, accablé, où le souffle ne s’accroche plus.
Aimer et écrire accomplissent le même souffle, la même arche… C’était il y a longtemps… au temps des arabesques…

Franck.

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