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J'irai marcher par-delà les nuages
15 mai 2017

- 42 - Variations rhétoriques...

L’image, l’allégorie, fusionne les univers, condense les temps. C’est un précipité. D’où cette sensation d’aspiration lorsqu’on la lit. Aspiration. Carambolage. L’image, c’est un accident de la langue, une catastrophe miraculeuse. Un vertige. Elle est au cœur du mystère. Puisque c’est une folie. Puisque c’est une révolte contre la raison, contre la tyrannie. Elle unit et elle sépare en même temps. Elle concentre et elle divise. Elle rapproche et elle éloigne. Un feu. L’image coupe, déchire, perce, traverse, claque comme l’éclair, enfante. Elle invente un monde nouveau. Elle devient promesse, refus, abandon.
Pourtant, elle est si vulnérable, si fragile, elle ne tient que sur le fil coupant du texte, elle ne tient que par le balancier des mots. Elle ne tient à rien, en fait. Elle reste en suspension dans un monde parallèle, hors de toute dimension, une femme nue couverte de voiles transparents. Hors de tout, vagabonde qui a quitté sa maison. Sans feu ni lieu. Ingénue, inconvenante, elle est devant nos yeux, invisible, présente comme le parfum de l’amoureuse apporté par le vent. Elle surprend toujours. Elle maraude, entre par effraction dans l’œil des mots effarés. Elle ne laisse aucune trace, pas d’empreinte, pourtant le coup de hache est là, bien là. Car l’image a erré, longtemps trainé, longtemps braconné avant de lâcher son coup, avant d’ouvrir le texte en deux, en mille éclats. Elle rôdait dans nos veines, cachée dans l’ombre opaque de la langue. Maintenant, elle traverse en diagonale nos sens éteints. C’est l’humeur du sang. Vouloir la saisir, la comprendre, la tenir est aussi vain que de vouloir retenir dans ses bras une femme tzigane. L’image est une eau débordante.
Ce qui la fait naitre, c’est un désarroi. L’impossibilité de signifier. C’est d’abord un échec. Les mots s’écrasent les uns sur les autres. Ils s’empilent, comme des pierres inertes, mornes, mortes, sur le mur plat, triste du texte. Le rêve s’enlise. La main se crispe, tremble.
Alors, l’image nait du mouvement, du geste, de l’élan. C’est un pas de danse qui échappe au danseur. C’est un temps de plus dans la valse, un pas décalé, invisible et lumineux. Le clair dans l’obscur. Une vision brutale, douce comme la mort. Une ile dans l’immensité. À elle seule, elle veut sauver le texte qui sombre. Et cette main qui fait naufrage.
L’image nait du geste. Elle est conséquence, prémonition comme la vague qui n’est rien, mais qui est, aussi, la mer, qui déploie un mouvement qui la dépasse. La vague, même la plus insignifiante, sait l’océan. C’est cette insignifiance suprême qui nous fascine. C’est ce savoir fatal qui nous trouble.
L’image est d’un autre temps que le texte, d’une autre dimension, dans sa trajectoire enveloppante, elle cherche un Autre, un pays, un rivage. Elle est de la saison suivante. En coupant le texte dans le gras, dans l’immobile, elle cherche une autre continuité qui le devance, outrepasse, inonde, le texte qui croit l’accueillir. Car l’image connait les lieux, parce qu’elle les visite la nuit, durant notre absence. Elle porte déjà le texte bien avant sa présence, elle sait des espaces interdits que l’écriture ne connait pas. Elle est ignorante des lois et ne vaut que par l’élan silencieux qu’elle dépose entre les mots, à la suture qu’elle laisse sur l’iris.
Alors, l’écriture peut continuer à déployer sa lente spirale. Car l’écriture se refuse à commencer. Écrire, c’est continuer. Une façon de tendre vers l’infini. Écrire, c’est continuer. C’est partir, s’éloigner du centre ignoré. L’image danse, plie nos paroles, même s’il y a du meurtre en elle, même si elle sauve, même si elle tue le texte, ou si même elle l’affirmeet le dénie dans le même souffle.
Elle reste le regard de l’éphémère sur la face de l’éternité.
L’œil qui la fixe et qui la fait bruler.

Franck.

 

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