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J'irai marcher par-delà les nuages
18 novembre 2018

Lettre N° 180 - Elle écrit...

Mon Amour,

La parole du matin n'efface jamais totalement la nuit. Dans la rosée des mots, on décèle parfois quelques chagrins inconsolés.
Inconsolables.
Car chaque matin il nous appartient de réinventer la langue. Car chaque matin il nous faudrait renommer toute la création.

Dans ce coin d'univers où tu es posée, tu me dis l'attente sombre, et le monde que tu vois au balcon de ta mémoire. Tes jardins. Tes jachères.
Alors j’imagine, ta silhouette ballottée par les remous d'une onde fraîche, une forme frissonnante dans la marge transparente des jours frivoles, j’imagine ta figure dénudée, chaste, une figure d'horizon dans le reflux des saisons. Chaude icône aux cheveux de brouillards à la peau blanchie d'écume.
Car tes yeux ont cette brillance singulière, où dans le même mouvement des paupières apparaissent la joie gourmande de la vie et la tristesse, sans laquelle cette joie n'aurait aucun sens.
Tes yeux ardents écarquillés sur l'envers du décor.
Ton regard ruisselant qui donne de la lumière au royaume que tu habites.
Un sourire est souvent là, un sourire de perle dessiné avec un souvenir d'enfance. Le sourire lunaire des consolations enfantines avec son infinie douceur, son infinie langueur. Oui, l'infini de l'amour fragile prêt à défaillir.
Un sourire t’éclaire, à moins que cela soit les larmes d'une jeunesse arrachée au ciel.
Tu confectionnes un paysage de textes avec une incomparable aisance, ainsi le ferais-tu d'un bouquet tumultueux de fleurs sauvages. Fleur à fleur. Mot à mot.
Chez toi chaque texte est une chrysalide. De tes seuls doigts, tu fais naître les papillons des mots. Parfois ta main glisse sur le clavier, tu caresses les touches comme si tu traversais mille vies.
Chaque jour tu t'embarques pour un voyage qui pourrait te déposer sur les rivages brûlants de passions crépitantes. Navigation incertaine, presque hésitante, toujours au bord d'un naufrage. Les textes sont les nuages qui te guident. Qui te sauvent. Ils sont les alizés qui portent ta dérive, les albatros qui te composent et te saisissent l'âme.
Tout le jour tu es dans le mouvement des mots, dans leurs couleurs, leurs cendres, tu es dans le blanc de la page entre le noir des lettres, tu écoutes leurs histoires.
Alors tu te sens pénétrée par le grand fleuve charriant la peur et l’extase.
Chaque texte est fait de ta chair, de l'attente. De l'attente et de l'amour, de cet amour inachevable, alors ton souffle se suspend lorsque surviennent des réponses inconnues, réponses de blessures ou de solitude claire. C'est un vertige enivrant, car tu connais leurs folies désarmées, leur transparence secrète, cette part épuisée qu'ils déplacent. Tu sais les secourir en les enchantant d'un regard d'amour, en leur prodiguant le geste d'abandon essentiel : ce baiser protecteur qui les éclaire.
Lorsque le lecteur, ombre de passage, traverse ton temple pour cueillir quelques mots, tel le promeneur absent dans un champ de coquelicots, tu n'oublies jamais un dernier frôlement comme tu le ferais sur la joue rose d'un enfant.
Quand vient la nuit dans l'obscurité religieuse de ta petite maison de mots, bien calée entre deux silences, tu entends la voix des textes, leurs chants. Le chuchotement des heures. Tu es alors un port scintillant qui veille sur le balancement des barques, la sentinelle des mots, la gardienne d'un phare sur l'océan de la langue, une lueur de crépuscule sur des chemins d'espérance. Une île qui garde l’océan. Tu es assises, attentive, ta beauté est émouvante par l'évidence de ton regard qui dit l'amour dans sa part de murmure, de don, dans sa part la plus effondrée, celle qui gît au plus profond, dans ta part d'enfance ressuscitée presque sauvée de la nuit, des blessures, des souillures, des oublis, des méprises.
Calme et douce, tu ressembles aux souvenirs comme une source, comme une eau gorgée de musique, de nuances étranges, une eau qui laverait le ciel de tes peurs ; un baume de vie pour l'errance.
Chaque nuit tu chantes, parfois tu voles, alors la course des étoiles s'organise autour de toi avec lenteur, mesure, car tu as le pouvoir d'arrêter le temps, de le suspendre. Tu n'es pas une ombre, ton sang est rouge, il coule comme un torrent vif, fier. Tu ne dors jamais, parce qu'il faut veiller sur tous les fantômes de ta maison hantée, ils pourraient envahir ta terre. Alors tu surveilles. Armée de tes seuls mots, tu ne laisses rien passer. Surtout pas les faiblesses, les complaisances. Tu es là, dans la nuit. Tu veilles.
Comme une île fière, une île farouche.

J’écris des poèmes que jamais tu ne liras.

« Mon amour, tes plus longs silences sont mes plus beaux poèmes...
Mon amour, sais-tu que l'étreinte est la forme la plus accomplie du langage.
Mon amour, sais-tu que l'absence de l'étreinte est la forme la plus accomplie du dénuement.
La puissance d'un désir abandonné.
Mon amour, crois-tu que c'est le début de la folie....
Mon amour que pourrais-je taire afin que tu m'entendes... »

Tu écris infiniment patiente, infiniment brûlante, infiniment perdue.
Tu écris dans les heures lentes, les heures graves, cadençant dans tes silences, la force du pardon avec la grâce d’un désir toujours naissant.
Tu écris... Tu écris.....

La parole du matin n'efface jamais totalement la nuit. Dans la rosée des mots, on décèle parfois quelques chagrins inconsolés.
Inconsolables.
Chaque matin il nous appartient de réinventer la langue. Chaque matin il nous faudrait renommer toute la création.
La parole du matin
Se reconnaît à ce qu'elle n'a pas d'ombre,
Elle s'avance, nue
Dans l'éclat éblouissant de la lumière,
C'est une parole qui brûle la langue
Et qui consume l'âme.

C’est lorsque j’ai su que je ne te reverrai plus, que j’ai commencé à t’attendre…

Franck.

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