Sans peur, sans mémoire…
Il y a des solitudes sans peur, sans mémoire, on s’y trouve comme dans une maison ouverte au vent. Rien n’est là, puisque tout peut y être. Le vent balaye nos temps morts.
Je me souviens du désert. Des premières douleurs dans les premiers regards. Je me souviens de ces longs jours des premières luttes, de ces solitudes encombrées. Du frottement.
Le désert nous éprouve. Plus on le croit beau, plus on s’en éloigne. La beauté est le premier leurre. J’étais loin des solitudes sans peur, sans mémoire. J’étais loin. Mais je ne le savais pas.
Je me souviens du désert, de mes temps discordants, de cette terrible solitude du début.
Pesante incompréhension. Impossible ajustement. La solitude nous réclame en entier, elle ne supporte pas les demi-mesures, les infidélités, les approximations de l’âme. Les pensées du début écorchaient le silence du désert. On le sentait à cette stridence, à cette hésitation dans la marche, au bruissement sourd de l’intérieur.
La beauté nous égare. L’immense nous fascine.
Peu à peu, les sables sont entrés en moi. Bien des pas, bien des nuits plus tard. Bien des vies plus tard. J’avais un désert comme trésor, mais je ne le savais pas. Il m’a fallu user mes peurs, épuiser ma mémoire. Il m’a fallu aller sans but, et me perdre si souvent.
Il y a des solitudes sans peur, sans mémoire, il suffit d’ouvrir sa maison au vent…La première matière de l’écriture.
Franck.