A chaque jour suffit sa peine, a chaque jour suffit son souvenir…
Après le conseil de classe elle accepta de me donner des cours. Ma mère convint avec elle de deux heures chaque jeudi. Les cours devraient se passer chez elle. Son appartement se situait à dix minutes de chez nous. Je n’arrivais pas à croire que j’allais pouvoir me retrouver seul en tête-à-tête avec elle chaque semaine.
Depuis le premier jour où elle avait fait son entrée dans la classe elle avait chamboulé le cœur de tous les élèves. Une tempête lumineuse. Sa jeunesse, sa beauté, cette joie qui éclairait ses grands yeux bleus, la roseur de ses lèvres, ses gestes gracieux, sa petite poitrine haut placée, ses mini jupes en ont fait une princesse radieuse au milieu d’une horde d’adolescents mal dégrossis. Tout le monde en était amoureux. Pourtant aucun commentaire salace à son égard n’accompagnait nos conversations d’habitude très débridées. Elle faisait partie de cette caste des intouchables, des impossibles, des inaccessibles. Elle nous impressionnait par une grâce évidente. C’était son premier poste et son enthousiasme compensait largement son manque d’expérience. Elle enseignait avec passion, une passion qui enflammait son regard et faisait parfois vibrer sa voix. Elle nous attirait dans son monde en nous chatouillant le cœur.
Alors me savoir seul avec elle pour deux heures de cours de rattrapage me remplissait d’une sorte d’exaltation qui me brûlait l’intérieur de la poitrine à chaque fois que j’y pensais. Le jeudi suivant c’est presque en tremblant que je cognais à sa porte. J’avais passé un temps interminable à me coiffer, à choisir ma tenue, et maintenant, debout devant la porte, il me semblait que toutes mes forces m’abandonnaient. Elle ouvrit avec un sourire de pure innocence qui me transperça net. Angélique est le mot qui me vint plus tard. Un ange blond. Je restais figé n’osant plus avancer, alors elle me prit le bras et me fit entrer.
Son appartement était plongé dans la demi obscurité pour le protéger des éclats du soleil. Ce début juin était caniculaire. J’avais chaud, il faisait chaud. Elle m’accompagna au salon qui faisait aussi salle à manger, la cuisine donnait également dans cette grande pièce séparée seulement par un comptoir. Elle me fit assoire à la table du salon, une table ronde en bois teint sur laquelle une coupe de fruits occupait le centre.
Elle, elle était merveilleuse, vêtue d’une jupe imprimée bleu clair et d’une chemise d’un bleu un peu plus soutenu qu’elle avait nouée sur son ventre. Ses pieds étaient nus et je voyais leurs empreintes se dessiner sur les tommettes ocre de la pièce, les manches de sa chemise étaient retroussées, il se dégageait d’elle une aisance et un sentiment d’intense liberté. Elle me proposa une orangeade à l’eau et sans attendre ma réponse je la vis verser une eau fraîche dans deux verres qu’elle avait préparer à l’avance. " Tient ! " Elle me tendit un verre et nous bûmes ensemble une longue rasade. Le cours pouvait commencer. Elle s’était assise à coté de moi, je pouvais sentir son parfum fruité à chacun de ses gestes, parfois sa cuisse venait frôler la mienne. Je m’appliquais. Tous mes sens étaient en éveil, toute mon attention était mobilisée, je ne voyais qu’elle, je ne sentais qu’elle, je n’entendais que sa voix. Il me semblait vivre un rêve que j’aurais voulu éternel, et rester là, indéfiniment là, près d’elle, prisonnier de sa lumière, de sa voix, de ses gestes délicats. Penché sur le livre ouvert je pouvais apercevoir dans l’échancrure de sa chemise la naissance de ses seins qu’aucun soutien gorge n’emprisonnait. Je répétais presque religieusement chaque phrases qu’elle me proposait essayant de lui offrir une prononciation parfaite. Elle me corrigeait, insistant sur l’accent tonic de chaque mot, je répétais consciencieux, amoureux.
Au bout d’une heure de cours elle décréta une pose et me demanda de m’asseoir sur divan. Elle alluma une cigarette et me tendit une assiette où étaient disposés quelques gâteaux secs, elle nous resservit de l’orangeade fraîche et s’assit devant moi sur un pouf. Je ne pus m’empêcher de regarder ses jambes que sa position basse découvrait largement. Je crus même avoir aperçu sa petite culotte. Elle vit mon regard, sourit, et serra les cuisses en croisant ses bras autour.
Elle me posait des tas de questions, comment cela se passait dans les autres cours, si je faisais du sport, si, avec ce printemps si chaud, j’avais commencé à aller à la mer, si je m’entendais bien avec mes parents, elle m’a même demandé si j’avais une petite amie. Bien sûr, je n’avais pas de petite amie, je le lui avouais en rougissant me sentant très gêné. Elle comprit mon malaise et sourit en me faisant signe que la récréation était terminée. Je passais devant elle en la frôlant, elle me gratifia d’une caresse dans les cheveux. Je crois bien avoir frissonné. Nous nous rassîmes. Nos bras se touchaient. J’étais au paradis. Un ange blond était là, à coté de moi pour m’accompagner et me protéger.
Sans aucune raison nous nous étions mis à parler très bas, presque à chuchoter, cela créait une intimité nouvelle, comme si un secret nous reliait. Brusquement nous étions rentrés dans une sorte de complicité, comme si nous nous connaissions depuis très longtemps. Sa voix plus douce, plus tendre se confondait maintenant avec la pénombre de la pièce. Pendant qu’elle lisait je m’étais tourné pour la regarder, je voyais ses lèvres bouger et quelques minuscules perles de sueur juste au-dessus de sa lèvre supérieure. J’aurais voulu la toucher précisément là, toucher ses lèvres, toucher son souffle, toucher sa sueur. Elle me surprit, et toujours avec le même sourire, de son index appuyé sur ma joue elle m’obligea à revenir à la lecture. A mon tour je lisais à haute voix, trébuchant de temps à autre sur des mots compliqués, sur des syllabes rétives, tentant de donner des couleurs et un chant à cette langue que je commençais à aimer de plus en plus, alors je sentis sa main se poser sur mon épaule. Une brûlure me perçait le dos, me consumait et m’envahissait d’une joie démesurée. Ses doigts bougèrent, jusqu’à ce que je les sente directement sur la peau de mon cou. Sans réfléchir je fus pris d’une espèce de folie, je posais ma main sur la sienne. Surprise elle tressaillit et recula sa main. Nous étions très près, après un moment qui me paru interminable, elle posa son doigt sur sa bouche puis le déposa sur la mienne. Son sourire avait une tendresse infinie, presque de la tristesse.
Elle se leva. Le cours était terminé. Pendant que je rangeais mes affaires elle se mit à la fenêtre et se pencha pour ouvrir et accrocher ses volets, en même temps que la lumière jaillissait dans la pièce je pus voir la splendeur de ses cuisse cuivrées. Pour l’adolescent e treize ans que j’étais ce fut une vision miraculeuse. Elle s’était retournée, je la voyais baignée dans le soleil couchant, j’en aurais pleuré tellement sa beauté m’étreignait l’intérieur du corps jusqu’à l’âme, j’avais le souffle court et mon cœur battait à tout rompre.
Elle me raccompagna à la porte, me demanda si le cours m’avait plu, elle me regardait avec une langueur particulière que je ne comprenais pas mais qui me la rendait encore plus mystérieuse. Debout sur l’étroit palier je la vis s’approcher de moi et venir déposer un doux baiser sur ma joue. J’étais tétanisé. J’aurais voulu lui rendre son baiser, mais c’est alors qu’elle prit mon menton entre sa main et posa doucement ses lèvres sur les miennes. J’eus à peine le temps de sentir sa langue glisser sur ma bouche fermée, et d’être à nouveau envahi par chaleur de son parfum. Plus rien autour de moi n’avait de consistance, dans mon corps un torrent bouillonnait. Je me sentais mourir. Je crois même avoir eus des larmes de joies. Et toujours souriante : " Ca, c’est entre nous. Tu le garde pour toi, tu n’en parle à personne, à personne. A jeudi prochain. ". Elle me regarda descendre et moi je la regardais me regarder, descendant comme un aveugle, ou pire comme un illuminé.
Inutile de dire que cette après midi me bouleversa, j’étais sur un nuage qui me faisait entrevoir un continent inconnu. J’ai commencé à ne vivre que de l’attente du jeudi suivant. Les journées étaient à la fois interminables et si courtes, je m’exaspérais d’une impatience nouvelle et mes nuits ne furent qu’un long rêve où ma belle professeur occupait tout l’espace. La semaine passa avec son défilé de cours, je la revis le lundi et le mercredi dans la classe, bien sûr je me suis efforcé de ne rien faire paraître du nouvel intérêt que j’avais pour l’italien, je me contentais de rêvasser, déjà jaloux des regards que lui lançaient certains élèves. J’avais un secret que nul au monde ne devait connaître, un secret doux et violent à la fois comme une liqueur forte. A chaque instant, n’importe où, je me remémorais chaque minute de ce fameux jeudi, interrogeant chaque souvenir mille fois pour me convaincre de son amour, de son désir et n’imaginant pas une seule fois l’incongruité de la situation. Elle était un ange, j’étais un prince réveillé d’un sommeil millénaire par un baiser. Dans mes pensées nous n’avions pas d’âge, nous n’avions que la couleur du soleil, du bonheur, nous n’étions que fraîcheur légère dans l’incandescence de l’amour. Chaque soir avant de m’endormir je l’imaginais dans son appartement déambulant nue, ou couchée sur son lit dans des poses lascives qui me permettait d’imaginer toutes les parties intimes de son corps. J’imaginais ses seins, ses cuisses, son ventre et son sexe ombré d’une toison sombre. Je nous imaginais ensemble enlacer dans les bras l’un de l’autre, serrés très fort en des baisers interminables. Elle occupait désormais tout mon espace, toutes mes émotions, ma respiration, mes pensées, je l’aimais d’un amour définitif, comme si toute ma vie se résumait à cette attente exaltée du prochain jeudi, comme si tout en moi n’avait été prévu que par elle et pour elle.
Le jeudi suivant j’étais en avance au rendez-vous. Sur un balcon j’avais volé une fleur pour lui offrir. Je faisais les cent pas au bas du petit immeuble, levant parfois les yeux vers son balcon, mon cœur battait, j’étais impatient et terrorisé. Cette ultime attente, ces dernières minutes qui me séparaient d’elle devenaient intolérables, je décidais de monter. Avant de frapper à la porte j’eus encore une hésitation ; fébrile, la gorge sèche je me lançais.
Ca y est, elle était devant moi. Une apparition de rêve. Je ne vis que la blondeur de ses cheveux légèrement défaits et le bleu éclatant de ses yeux, et son sourire surtout son sourire. Elle se tenait debout devant moi vêtue d’une tunique turquoise légèrement transparente, elle avait croisé un bras sur sa poitrine pour cacher ses seins : " J’étais sur le balcon, je bronzais en t’attendant, entre ! ". Sa tunique s’arrêtait juste au dessous de son bikini. " Installe toi , je m’habille ".
Elle partit en direction de sa chambre tout en ôtant sa tunique. Je vis son dos nu, ses hanches onduler. Je vis son corps encore brillant d’huile solaire se balancer dans la pénombre de l’appartement. Elle ne mit pas longtemps. Elle avait juste enfilé un débardeur rose à fines bretelles et une petite jupette bleu clair. Toujours le bleu. Ses seins étaient libres j’apercevais leurs pointes. Toujours pieds nus. Elle se planta devant moi. " Bonjour ! " Il y avait du rire dans sa voix. Avec un naturel désarmant elle déposa un baiser sur ma joue, et sans rien me demander nous servit à boire. Le rêve se prolongeait. J’étais dans un autre monde sans réelle apesanteur, loin des mes amours platoniques, de mes rêveries confortables, ma vie de petit garçon solitaire se précipitait dans une pluie de sensations incroyables, mon réel semblait encore plus réel, léger et puissant comme la grâce. Je lui tendis ma fleur : " Joyeux anniversaire ! ", " Mais ce n’est pas mon anniversaire ! ", " Je sais " Elle éclata de rire, prit la fleur et la respira en fermant les yeux puis la posa sur la table, à deux mains elle saisit ma tête et colla ses lèvres contre les miennes. Je faillis tomber. Mon cœur s’était mis à battre à tout rompre. Je sentis que sa langue cherchait à forcer le barrage de ma bouche. Quelle douceur ! C’était mon premier vrai baiser. Mille fois vu au ciné à la télé, mille fois lu, mille fois surpris dans la rue, sur la plage, mille fois rêvé, mille fois espéré. J’entrouvris les lèvres et sa langue put venir à la rencontre de la mienne. Nous échangeâmes nos salives, le baiser devint de plus en plus nerveux, j’avais passé mes bras autour de ses épaules et maintenant nos corps s’écrasaient l’un sur l’autre, je sentais ses seins s’écraser sur ma poitrine. Et puis lentement elle retira sa tête et se recula un peu. Elle passa une main dans ses cheveux tout en me regardant. " Je suis folle ". Moi aussi j’étais fou d’amour, il m’était arrivé quelque chose d’impossible à imaginer. Mon rêve s’était tout d’un coup condensé dans la réalité, j’avais encore le goût de sa langue dans la bouche. " Je suis folle, il faut oublier tout ça, nous n’avons pas le droit, je n’ai pas le droit. " Je ne voulais pas entendre ce qu’elle disait, le monde s’était brusquement déchiré en deux, et rien n’aurait pu effacer désormais ces derniers instants. Je me jetais vers elle pour blottir ma tête au creux de son épaule, je la serrais de toutes mes forces en tremblant de tous mes muscles, pour rien au monde je ne voulais que ces moments s’arrêtent, il fallait garder un contact entre nos deux corps, il fallait qu’il n’y ait plus de distance, jamais. " Petit bonhomme, tu sais bien que rien n’est possible entre nous ". Elle disait ces mots sans trop y croire, trop libre, trop légère pour s’interdire un désir, son innocence c’était son parfum, la couleur de sa peau et son sourire, toujours son sourire. " Tu as déjà eu une petite amie ? " Non, elle était la première et je la voulais la seule. " Viens ! "
Elle m’entraîna vers sa chambre. Toute simple mais joliment disposée, un matelas à même le sol recouvert d’une couette, une lampe de chevet elle aussi sur le sol, une chaise sur laquelle des vêtements étaient jetés, des livres éparpillés, des tentures indiennes au mur, sous la fenêtre un coffre de corsaire. " Allonge-toi ! " Elle aussi s’allongea. Nous étions tous les deux étendus le regard perdu au plafond. Je lui pris la main et la serrais avec ferveur, ses doigts aussi me serraient. Elle était là dans la pénombre de cette chambre perdue dans quelle rêverie. Elle était là, à coté de moi, et c’était ça qui comptait. Bouillant et à la fois paralysé d’un bonheur déchirant. " Alors laisse-toi faire. " Elle déboutonna ma chemise et m’aida à l’enlever, et du bout des ongles elle me caressa la poitrine, une douce griffure du cou jusqu’à la boucle de ma ceinture. Elle descendait en faisant de grandes arabesques autour de mes seins. J’avais fermé les yeux m’abandonnant à la magie de ses doigts, puis j’ai senti ses lèvres se poser ici ou là sur mon torse en de légers baisers pleins de tendresse. Elle défit mon pantalon et le fit glisser entraînant mon slip jusqu’à mes chevilles, elle m’ôta chaussures et chaussettes. J’étais nu. C’était la première fois, par pudeur j’avais posé une main sur mon intimité, elle posa sa bouche sur la main, ses cheveux sur mon ventre me procuraient des sensations délicieuses, elle écarta ma main et se saisit de mon sexe. Elle tenait à pleine main , sans serrer, mes bourses et mon membre qui commençait à se tendre de plus en plus. Quand elle le prit dans sa bouche je crus défaillir, la chaleur de sa bouche, sa douceur, m’irradiaient tout le ventre, je sentais ma verge trembler sous sa langue, jamais je n’avais imaginé de telles caresses, jamais je n’avais penser que le corps d’une femme puisse procurer de si grands plaisirs. Elle procédait avec lenteur, avec précaution, avec une attention presque sacrée. Sa bouche enveloppait mon gland et en descendant le long de la hampe, je sentais sa langue la presser, l’entourer, d’une main elle continuait de caresser mes testicules en grattant parfois avec le bout des ongles leurs peau fripée. Je sentais peu à peu la jouissance arriver, elle s’en aperçu, s’écarta et releva la tête, tout en me serrant le bout du gland. La chaleur reflua en ondes électriques. J’avais toujours les yeux fermés et mon ventre s’animait de petits coups de reins comme si mon sexe cherchait à atteindre à nouveau la douceur de sa bouche, je sentis son souffle sur mon visage et ses lèvres sur les miennes. Son baiser était brûlant, nos dents se cognaient, j’osais maintenant lui enfoncer ma langue au plus profond de sa bouche. Je ne me lassais pas de ces nouvelles sensations ; le velours des langues qui s’entre croise, les salives qui se mêlent en un élixir subtil. Je découvrais les plaisirs de la chair contre la chair, de la chair dans la chair, du mélange des humidités, des souffles, des odeurs. J’avais glissé une main sous son débardeur et je pouvais toucher la peau tiède, douce, souple de son dos, sous mes doigts vivait un corps dont j’éprouvais le satiné, l’élasticité et qui me transmettait les tensions de la vie et de l’amour. Mon érection était toujours à son maximum : " Je crois qu’il va falloir te soulager un petit peu ". Elle reprit mon sexe dans sa bouche me le tenant cette fois ci d’une main plus ferme. Déterminée elle fit quelques allée et venue, ce fut rapide je fus pris d’une tension qui électrisa tout mon corps, de longs jets de spermes se répandirent sur mon ventre et sur ses doigts, je ne pus m’empêcher de râler, j’étais secoué par des spasmes voluptueux. Elle me serrait les testicules, les massant précautionneusement et couvrit ma figure de baisers. Et puis l’onde plaisir reflua j’étais essoufflé et presque gêné, je la voyais sourire, je me sentais flotter, porté par une sorte d’ivresse. Elle pris à coté du lit quelques mouchoirs en papier pour s’essuyer les mains et me nettoya avec douceur le torse et mon sexe. J’étais allongé nu, ne sachant plus très bien où je me trouvais, je m’abandonnais à un bonheur violent et inconnu, incomparable à tout ce que j’avais pu vivre ou seulement imaginer. Elle aussi était allongée, toujours vêtue de sa jupe et son débardeur, ses yeux brillaient d’une intensité étonnante et sa coiffure un peu défaite auréolait sa tête d’un soleil prestigieux. Qu’elle était belle ! Les lèvres à peine entrouvertes laissant juste entrevoir la blancheur et ses dents, qu’elle était belle, les yeux mi-clôt, une main dans la mienne l’autre posée sur son ventre. Je me suis tourné vers elle, j’ai déposé ma tête au creux de son épaule et me suis blottis contre son corps. Je fermais les yeux et l’entendais respirer, je sentais aussi toutes les effluves de sa peau, son parfum qui s’épuisait en se mêlait aux odeurs de sa transpiration. Douces senteurs des corps gorgés de désirs, suants de plaisirs, corps chauds haletant et moites. " Maintenant tu vas pouvoir t’occuper de moi. Tu vas me déshabiller lentement et tu pourras me caresser. Ne te presse pas, prends ton temps. Sois doux et tendre. Les femmes aiment qu’on les caresse avec douceur, elles aiment sentir le regard des hommes sur leur corps nu, elles aiment qu’on les désir. Découvre mon corps, apprend-le du bout des doigts, caresse-le de ton souffle de ta langue de tes yeux, prépare-le à te recevoir. Je suis la belle au Bois Dormant tu es le Petit Prince, je suis ta rose , cueille-la, respire-la, bois sa rosée. " Elle avait parlé à voix basse, presque en chuchotant, les yeux fermés. Je découvrais la douceur des mots, une langue nouvelle faite de miel et de soleil et d’ombres fraîches, une langue de ruisseau qui passait dans le sang, dans les nerfs. " Dis-moi encore, dis-moi ta peau, dis-moi l’amour… ". " Je vais t’offrir le plus beau des cadeaux, la plus belle des fleurs, la source la plus miraculeuse, tu vas toucher la vie au plus près du sang, tu vas découvrir ce qu’est l’amour quand il devient ta peau, quand il devient ta main, tes doigts, tes yeux. Tu vas savoir ce qu’est l’orage en plein soleil et le désir quand il devient ruisseau et fleuve et océan. Je t’offre mon corps pour que tu apprennes comment la douleur d’un espoir se transforme en extase et comment le don succède à la perte, tu sauras que la vraie puissance n’est pas le pouvoir et que la fragilité de ton cœur vaut mieux que tous les serments. Aujourd’hui tu ne prendras pas mon corps puisque je te l’offre, il te faut seulement être le vent pour pouvoir l’accueillir, être lumière pour pouvoir l’honorer, être musique pour le faire chanter. Aujourd’hui tu apprendras que le poids n’est pas lourdeur et que la grâce se tient dans ton souffle. Alors petit bonhomme je te fais l’offrande de mes cris quand ils sortent de ma chair et de mes soupirs quand ils sont miséricorde, tu seras la vague et serais le sable, tu seras la vague j’en serais l’écume, viens transpirer sur ma joie, viens échanger nos ventres, viens nourrir notre ivresse, viens t'effondrer dans mon âme. " Je n’avais jamais entendu une telle prière, je ne savais pas que l’amour puisse faire vibrer la lumière. Je découvrais une magie qui transportait l’être, qui caressait sous la peau des parties inconnues, quelque chose de vivant qui saisissait chaque partie du corps, je découvrais dans ce murmure d’amour l’étendue d’un ciel bleu, la profondeur des océans, et cette douleur que procure un bonheur trop intense. Mon cœur battait la chamade, j’ai posé la main sur son pied, doucement, le plus doucement possible. J’effleurais cette peau de peur de la froisser. J’ai remonté lentement le long de sa jambe et glissé sous sa jupe, la peau avait une douceur de pétale, la chaleur fourmillante d’un champ de blé, je voyais mes doigts comme dans un rêve caresser les régions secrètes d’un corps de femme. Brûlure entre les cuisses souples, moelleuses. Sa jupe maintenant était relevée découvrant son bikini blanc qui attirait tous mes regards, tous mes fantasmes d’adolescent se trouvaient là à peine voilés par ce tissu gorgé de délices. J’ai passé la main dessus et senti sous mes doigts foisonner une végétation trouble, les cuisses légèrement écartées facilitaient ma caresse. " Doucement, pas si vite, déshabille-moi mon chéri ". Elle m’aida à faire glisser sa jupe, puis se redressa pour que je lui ôte son débardeur et brusquement ses deux seins me sautèrent au visage, deux seins comme des fruits gorgés de promesses, ronds fermes, hauts placés, se tenant d’eux même, ils avaient la grosseur d’une grosse orange, en auraient-ils la saveur ?. Je ne pus m’empêcher de les prendre dans mes mains et de les serrer pour ressentir leur velouté, pour en éprouver la délicatesse, je ne me lassais pas de les masser, j’appuyais sans forcer sentant rouler sous ma paume les tétons durcis. Elle s’est rallongée, a fermé les yeux, ma bouche a remplacé mes mains, je me suis mis à sucer, à téter, j’aspirais ses petits bouts turgescents, les faisant rouler sous ma langue, les mordillant, je m’affolais passant d’un sein à l’autre, c’est alors que j’entendis ses soupirs, sa respiration s’accélérait, elle haletait de plus en plus avec de petits couinements, son ventre se creusait, ondulait. Je me sentais emporté par cette agitation du corps, cet abandon. Mon sexe était dur à me faire mal, je le pressais parfois faisant aller et venir ma main pour apaiser un désir douloureux. Son bassin s’était mis à rouler, elle prenait appui sur ses jambes écartées et le tendait de haut en bas. C’est à ce moment là que j’ai passé une main sous l’élastique de son maillot, pour la première j’ai senti la soie de sa toison, mes doigts peignaient, tiraient sur cette chevelure mystérieuse, douce, dense, touffue. Sa main se posa sur la mienne, elle me guida un peu plus bas, je touchais ses chairs, ses chairs chaudes et humides, elle m’appuya sur mes doigts pour les faire pénétrer plus profondément. J’étais au cœur de mon désir, à l’endroit même de l’incendie. " Enlève ma culotte !" Alors je lui relevais les cuisses pour lui enlever ce dernier morceau de tissus. Je me suis retrouvé assis entre ses cuisses largement écartées, devant moi le buisson noir de son sexe s’offrait, je pouvais apercevoir sous les broussailles les chairs rosées : " Approche-toi, embrasse-le, vient boire cette bouche, vient me sentir, vient me lécher. " Je me suis allongé, j’ai posé ma bouche, fermé les yeux, respiré à pleins poumons des senteurs inattendues. " Avec ta langue, doucement sur mon bouton, là oui. " De ses doigts elle s’écartait le sexe et me montrait un petit bourgeon de chair nacrée. J’y ai posé mes lèvres, ma langue, j’ai donné ma salive, j’ai sucé, aspiré, pendant qu’elle reprenait ses petits cris et que son ventre ondulait de plus belle. " Oui mon chéri, comme ça. ", sa voix s’essoufflais dans les gémissements. Elle appuyait sur ma tête, tirait sur mes cheveux pour me guider. J’avais enfoncé deux doigts au fond de son sexe et pendant que je suçais son bouton je les bougeais le long des parois chaudes ; de la mollesse de ses chairs s’exhalait toutes sortes d’effluves de coquillages, comme si un océan gisait dans cette grotte, dans cette plaie embrasée de plaisirs. Elle bougeait ses hanches de plus en plus fort, les faisant venir à la rencontre de ma bouche ou de mes doigts. Je ne fus même pas surpris quand elle se mis à crier, de longs râles aigus. Je frottais mon sexe sur la couette donnant des coups de reins comme si je voulais percer le matelas, mon ventre était brûlé par le désirs, il me semblait que je perdais la tête, je n’avais plus conscience de rien, mes yeux voyaient derrière sa toison son ventre monter et descendre et s’agiter en tous sens. Elle haleta encore plus fort et brusquement se cabra en crispant ses mains sur ma tête, tout son corps fut secoué par des tremblements de chair et des cris essoufflés. Ce fut un orage. Une tempête. Ma bouche fut envahie de ses jus odorants que je lapais avide, et ma tête était prise dans l’étau de ses cuisses. Et puis peu à peu tout reflua. Un calme épuisé, comme effondré se répendit. J’entendais ses longs soupirs. Elle m’attira à elle et nous nous sommes étreins dans un baiser définitif. Je vibrais de la sensation de nos deux corps collés l’un à l’autre, mon sexe raide frottait sur ses poils humides et nos regards exaltés se répondaient en silence comme si toutes paroles étaient désormais inutiles. Je baisais chaque partie de son visage, les paupières, le nez, les lèvres, les oreilles, le cou, les joues, le front, je sentais ses mains caresser mon dos, mes fesses, nous avions chaud et nos sueurs rendaient l’adhérence de nos peaux plus délicieuse encore. Je découvrais que l’amour des corps avait des odeurs, des parfums envoûtants, forts et doux, comme nos halènes saturées, comme nos transpirations mêlées de restes de parfums. Nous étions rejetés dans un monde séparé, séparé de tout, où il n’y avait que nous, hors du temps, hors du mouvement des astres, pris l’un dans l’autre, dans nos caresses, dans nos yeux, dans nos respirations. Pris dans ce désir violent et silencieux fait de tremblements, de geste rugueux et doux à la fois. J’étais passé sur l’autre rive de la vie, abandonnant l’enfance sans regret, consumé par des déferlantes de sensations soyeuses, chaudes, éprouvantes, blasphématoires. Je baignais dans l’irréelle atmosphère de cette chambre ombreuse, et je sentais se condenser en moi des morceaux entiers d’éternité. " Viens, tu vas pouvoir me prendre maintenant. Donnes moi ton sexe. ". Elle a passé sa main entre nos deux corps, s’est saisi de ma verge et la présentée sur les bords souples et charnus de son sexe. Je poussais ; j’étais aspiré par une chaleur imbibée de sucs. Dressé sur mes bras, je tentais d’aller au plus profond de son ventre à grands coups de rein. J’allais dans ce puits de chairs vivantes qui irradiait de picotements soyeux mon membre, mon ventre et chaque centimètre de peau en contact avec la sienne. Elle avait relevé les jambes pour faciliter ma pénétration et ses mains me frottaient le bas du dos, augmentant ainsi mon désir d’aller au plus vite à l’extase, mes coups étaient de plus en plus rapides et violents, je ahanais, elle criait, je sentais ses ongles s’enfoncer dans mon dos, mes épaules. Je ne pus retenir les spasmes de mon plaisir, ni mes râles, je donnais d’ultimes coups de reins et fini par répandre en elle ma semence enflammée. Elle me serrait dans ses bras, je tenais sa tête entre mes mains pour l’embrasser. Nous étions arrivés au bout, de l’inoubliable de l’impensable, dévasté par l’épuisement. Mon sexe restait prisonnier de cuisses, nous roulâmes sur le côté, toujours serrés l’un dans l’autre essoufflés. Nous nous sommes retrouvés allongés cote à cotes, essoufflés ; et puis elle s’est mise sur le ventre, la tête tournée vers la mienne, il y avait dans ses yeux une sorte de buée, comme un voile de sérénité. Je me suis redressé sur un coude pour la contempler, ses fesses m’attiraient, alors je les ai caressées, longtemps. Très longtemps.
Il y eut d’autres jeudi, jusqu’à la fin du mois de juin. Le dernier, après s’être aimer, elle m’annonça qu’elle partait. Elle avait fait une demande de mutation qui avait été acceptée. Nous ne nous reverrons plus. Ce jour là le monde s’est écroulé sous mes pieds. Je lui ai dis que je ne pourrais pas supporter la vie sans elle, je crois que j’ai pleuré. Elle me consola de paroles banales, inaudibles, me redit l’impossibilité de notre amour, qu’elle se sentait coupable, qu’elle s’en voulait. Moi, je m’accrochais à elle. Et puis l’année scolaire finie, tout le monde se sépara. Elle devait déménager début juillet. Le jour où le camion vint enlever tous ses meubles je me rendis chez elle. Elle s’afférait fermant les derniers cartons, je ne reconnu même pas son appartement, vide, éclaboussé de soleil, tous les soupirs, tous les baiser, tous les silences s’étaient volatilisés. Je la voyais donner des consignes aux déménageurs, elle était toujours aussi belle, planté dans cette grande pièce vide, mon ventre vrillé de douleurs silencieuses, j’étais incapable de réaliser ce qui se passait. " Tu n’aurais pas du venir, tout ceci te fais du mal. " Il y eut un dernier baiser. Et puis ce fut fini. Sauf la mémoire.
Je porte se souvenir depuis plus de trente ans comme une blessure familière. Pas un jour je n’ai pas eu une pensée, même fugitive, pour cette belle prof d’italien. Cette aventure aurait pu me libérer, c’est le contraire qui arriva. Après son départ je me suis refermé sur moi-même, comme une parenthèse. J’ai fini de grandir et commencé à vieillir avec au fond de l’âme une nostalgie irréductible. Et chaque fois que je croise une jeune fille blonde dans la rue, une jeune fille blonde et légère, légère et gracieuse, mon cœur se pince. Il me reste de cette époque l’amour de la langue italienne, que je parle toujours très mal, et de l’Italie où je n’ai jamais été. Sauf la mémoire.
Franck