Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
J'irai marcher par-delà les nuages
30 avril 2005

Jardinier triste et maladroit....

Hier, en jardinant mes mots j’ai été maladroit. Avec mon sécateur j’ai blessé la plus belle des roses. Mon Ange. A force de vouloir être au plus juste d’une vérité, à force de vouloir polir les idées, les sentiments, les sensations, on perd le mouvement libre, on perd la vision, le vol, la légèreté. Souvient toi mon Ange, toi l’Etoile du Berger, souviens-toi……..

….Se parler c'est encore marcher l'un vers l'autre…. L'échange de nos voix…..
Il m'arrive de t'imaginer comme Antigone, droite dans son refus, immense dans son amour, généreuse dans sa douleur. Antigone, et mon Ange c'est le même nom, c'est la même étoile
Il m'arrive de vouloir être un héros mythique, qui le soir venu viendrait te raconter ses campagnes lointaines et déposerait au bord de ton sommeil le plus clair de son âme, il dirait ses conquêtes, il dirait ses combats…
Je dirais….
" Pour toi j'ai labouré la terre du ciel avec ce glaive de cristal capturé aux rayons scintillants d'une étoile.
Pour toi j'y ai semé des perles de printemps
J'ai creusé l'écorce inquiète des jours pour faire issir de chaque désir des essaims de cerisiers fleuris.
Pour toi j'ai puisé au puits de mon sang dans cet étrange étranglement de ténèbres.
Pour toi j'ai affronté les pentes vertigineuses des ravins de la nuit,
Et dix fois traversé l'échancrure du néant,
Et cent fois prié les entrailles du temps,
Et mille fois bénis la grâce tournoyante des galaxies.
Je me suis fait mage pour guetter ta venue dans les dessins des cieux.
Oui, j'ai labouré l'immense cosmos arrachant inlassablement les racines fibreuses de tes cauchemars, déchiquetant sans trêve les ronciers du soupçon.
J'ai poussé les murs de l'horizon pour te faire de la place,
Attisé les aurores pour réchauffer ton cœur,
J'ai tissé le grand voile des nuées pour habiller la nudité de tes rêves,
J'ai tremblé de tes frémissements.
J'ai chargé des montagnes de mots dans le char de la Grande Ourse pour verser, au matin, sur les bourgeons galactiques cette pluie fine de lueurs de hasards dérobée aux velours de la nuit.
Dans le champ des abîmes j'ai incendié les brumes pour guérir tes détresses et leurs cortèges d'ombres neigeuses.
Pour étancher ta soif j'ai recueilli l'écume laiteuse d'un astre neuf,
Et tressé dans les spirales étincelantes des comètes une couronne divine pour parer ton front haut,
Et d'un seul baiser sur la fêlure vulnérable de tes lèvres immobiles je déposé le souffle incandescent du firmament.

J'ai voulu l'impossible, surtout l'impossible, pour me croire délivré des terreurs du déclin.

Epuisé, foudroyé par la chaotique et bourdonnante espérance je me suis allongé au pied des grandes meules de l'univers, sur ce tapis de brindilles claires, lambeaux de silences oubliés par le temps
Voilà ce que j'ai fait
Voilà ce que je dirais sous le voile de ton sommeil, de ma parole la plus blanche au cœur de ma nuit la plus noire.

Jardinier d'infini, oui j'ai labouré le ciel pour qu'enfin germe cet unique diamant lunaire : une fleur de braise, pour un Ange d'amour.
Plus brillant que les flammes jaillissant en chapelet des orgues de l'espace…..

Il faut redire les choses à l’infini, comme des litanies, ou des mantras impossibles. On ne dit jamais assez aux gens qu’on aime, qu’on les aime.

Mon Ange ces mots t’appartiennent. Ils sont des graines. Rassemble-les dans le creux de ta main et jette-les dans ta terre la plus secrète.

C’est mon chagrin qui apportera la rosée nécessaire à leur croissance.

Franck

Publicité
Publicité
29 avril 2005

Temps de pose.....

Voilà, j’ai l’impression d’être dans un temps de pose. Un moment de l’existence où la vie se replie, un peu comme une feuille d’arbre légèrement rougie par l’automne, une feuille rétrécie et blessée, jetée au sol, dans un coin sombre de la terre.

C’est le temps de pose avec l’âme prise dans une lumière tremblante, capturée dans l’incertitude des regards. Temps mort. Pas vraiment, puisqu’il continue à couler dans mes veines. Temps vide alors, je suis hors d’atteinte, sans goût, sans dégoût, seulement dans un équilibre vacillant. Le monde est lisse, sans profondeur. Tout est plat, les rues, les visages, les sourires, même les souvenirs. Je suis derrière une glace sans tain. Aucun bruit, uniquement des images incompréhensibles. Ce n’est pas la mort, c’est le temps qui la suit, un temps qui ne retient pas la lumière, un temps sans recours comme une maison vidée de ses occupants. Les yeux se posent, mais ne se souviennent de rien, ils vont d’une chose à l’autre, d’une silhouette à l’autre, ils passent d’un silence à un autre silence. Et les paupières se ferment. Une simple fatigue que le sommeil n’épuise plus. Une fatigue lente et douce qui supporte à peine un présent qui se dérobe toujours un peu plus. Même l’air se raréfie. Drôle de temps, que ce temps de pose où la parole pâlie jusqu’à la transparence, où les mots vous fuient parce qu’ils n’arrivent plus à s’agripper à la chair, au sang. Ils vous évitent parce que vous avez abandonné la langue. A force de me taire je perds l’usage de la parole. Chaque matin je pose sur la fenêtre ce gros bouquet de solitude, dont les pétales se détachent un à un et se brisent comme des hosties de cristal ou comme un chagrin d’enfant. De petits mots grelottants dans quelques froids silences.

La page blanche est enceinte de mes tristes mirages, il faudrait l’accoucher ou la faire avorter, qu’elle rende enfin, ses avatars aux limbes et me laisse définitivement en paix.

Temps de pose. Je sais que c’est à partir d’ici qu’il faut écrire, de ce lieu d’absence. Et j’ai l’impression que ma tête se débat dans l’épaisseur de la lumière. C’est une sensation difficile à décrire. Comme si l’air ambiant était solide, tout le corps vient butter contre une évidence absolue.

Franck

28 avril 2005

(3) Le Flux...... (Fin)

Seulement un peu d’eau.

Le moment où l’univers reflue.

L’eau suce à nouveau la terre.

La terre aspire.

J’aspire

Comme un trop plein de vide.

Jusqu’à l’écœurement.

Tout d’abord il y un bruit imperceptible. Un peu de mousse qui se forme. Quelques bulles, un peu comme de la bave qui viendrait blanchir le sable. A nouveau. Quelque chose à nouveau s’accroche.

Entêtement fatal.

Avant le mouvement il y a l’intention du mouvement. Un désir, un rien. L’écume baveuse qui vient mouiller un peu plus loin le sable. On pourrait croire que cette mouillure tente de surgir du sable. Une mouillure de l’intérieur du sable.

Avant le mouvement il y a cette impression de suintement de l’intérieur.

La respiration vient après.

Du silence sort un souffle.

Il est diffus. Il est là : lent, profond, inévitable.

Inévitable.

C’est vraiment un souffle. Une respiration vivante.

L’infini qui respire.

Un trouble. Une ivresse.

Sensation troublante, comme est troublante l’apparition de cette mouillure venue de l’intérieur. Quelque chose de vivant. Trop vivant.

Cette respiration, cette succion, cette bave.

Rien n’est coordonné. Je ne perçois ces éléments que séparément. Pas d’unité.

Il n’y a pas d’unité.

Au début il n’y a jamais d’unité.

Que ce souffle. A l’intérieur. Plus d’eau. Seulement le souffle. La mémoire de l’eau qui berce.

Quand la mère se retire.

Quand la mère se retire il y a l’effroi. L’abandon à l’effroi. Bercé dans l’effroi. Je crie.

Rien que du cri. Pas les mêmes cris. D’autres. J’en ai plein la gueule. Ils me submergent, m’envahissent.

Maintenant la mer est à l’intérieur. La mère. Je crois. Son mouvement. Tout remue à l’intérieur avec cette respiration. Une vague moussue m’enveloppe, mais en dedans. Elle clapote insignifiante et têtue.

C’est quoi le néant ? La mère peut-être ? Sans doute. L’extase des ténèbres. La mère c’est toujours l’extase des ténèbres. Elle est là dedans. A jamais. Fascinante comme la mort, ou quelque chose qui y ressemble. La seule chose vivante ici c’est la mort.

Elle monte à l’intérieur comme une marée naissante. Le flux de la mort. Le reflux de la mère.

Maintenant la mer est là, qui monte comme une désespérante envie. Inexorable attraction du désir. Douloureux dans la chair. Plus profond encore que la chair. Dans le ventre. J’ai un océan dans le ventre. Un océan de désir douloureux dans le ventre. Quelque chose qui grossi, qui déferle. Vague après vague. Toujours plus haut. Plus fort. Impitoyable avalanche de la mer qui monte du plus profond du ventre.

Tout s’agite. Maintenant. L’univers bouillonne. Plus bas que le ventre, à l’endroit ultime d’où la marée remonte. Le seul endroit. Le lieu. D’où se dressent les vagues. Le trou obscur de l’univers.

J’entends les bruits de la mère. La mer s’arque boute sur un désir convulsif pour enrouler ses vagues toujours plus loin dans le ventre, vers une plage inaccessible.

Inaccessible. Voilà, c’est tout. Inaccessible. Le reste, tout le reste est un perpétuel recommencement.

La seule réalité se sont ces marées inutiles dans un univers inutile.

Il y a quelque chose de vain dans les marées. Pendant un instant, pendant que la nature pousse on se prend à espérer. Puis elle reflue. Se recroqueville.

Les marées n’accouchent de rien. La mer n’accouche de rien. La mère aussi.

Sûr d’une chose. L’invincible douleur. Le mal absolu de la déchirure.

Rien d’autre.

Se taire.

Regarder la mer jusqu’à l’ultime marée.

Tout est dans ce mouvement qui donne l’illusion de la vie. Va et vient. Apparition. Disparition. On croit naître de ce mouvement. Illusion.

J’existe depuis avant. Avant la déchirure. Avant le mouvement.

Comme la méduse.

Je suis né d’un va et viens. Du frottement des chairs. De l’usure désespérée des chairs entre elles. Rien de plus. Rien de moins.

Rien de beau là-dedans. L’usure inéluctable du va et vient des chairs. De la mer. De la mère. Né d’un épuisement de l’eau.

Illusion d’amour ou croire à la nécessité des choses. Rien n’est nécessaire. Au mieux il y a l’usure.

Danse macabre de l’usure des chairs. Deux méduses aussi vaines l’une que l’autre. Rien de nécessaire là-dedans.

L’amour. L’absence. Illusion de l’autre. C’est toujours le même vide, à cause de la même déchirure. La mer se contemple seul.

La mère aussi.

La seule réalité c’est le va et vient de la mer, ces marées qui montent et qui descendent, cette usure des chairs. Il n’y a rien à trouver, pas le moindre sursit.

Au mieux expier des illusions. Pris dans un jeu de reflets.

Jouet des transparences.

Pourtant la jouissances se dit dans des hurlements de bête.

La naissance aussi.

Les mêmes cris. Je viens de cette usure des chairs et d’un désir douloureux.

D’un reste.

D’un surcroît de tristesse au bout d’une plage désertée.

D’un épuisement.

Ne l’oublie jamais. Jamais. Méduse abandonnée. Rien de plus.

Le reste d’un combat obscène et douloureux. Des corps qui s’entremêlent dans le désordre d’un désir brutal. Des corps qui mugissent, se tordent. Des corps violents. Des chairs offertes.

L’extase. Comme un effondrement. Comme à l’heure incertaine du soir. Heure incertaine…. Plus tout à fait le jour…. Pas encore les ténèbres. L’effondrement progressif de la lumière. Extase où la mort bave ses poisseuses secrétions.

Extase. Torpeur des frottements. Usure des chairs. Du temps.

Quant au reste c’est l’histoire d’une marée. Perpétuelle ignominie.

Vacuité insoutenable.

Franck

27 avril 2005

(2) L'Etale....

A force d’attendre je crois voir les images.

Des morceaux d’images.

Mon corps de méduse est trop mou pour accrocher les images. Pourtant je les sens, elles s’incrustent, elles glissent, elles rampent. Ma tête ne peut les retenir. Ma chair non plus. Je ne comprends pas. Pas de maîtrise, pas de sens, pas de forme. Rien qu’une femme écrasée dans les plis désespérés d’un corps mou, translucide. Et moi. Et ça. Morceau d’image. Morceau de corps.

Pas de son, pas d’odeur.

Peut-être une odeur. Je ne peux pas dire ce que c’est. Une odeur. De toute façon elle est mélangée à la couleur. Peut-être l’odeur de la méduse. Je ne sais pas d’où elles viennent, les images. Les morceaux de cette femme. Cette femme éventrée. Il n’y à pas de sang. Pourtant elle est éventrée. Je le sais. Quelque chose de la méduse le sait. Au bout de la mère, au bout du mouvement ces choses là se savent. Tout le monde le sait qu’elle est éventrée. Pas besoin de sang pour le savoir. Les méduses ne saignent pas.

Immobile.

Je sors d’une blessure baveuse.

Je suis la blessure.

Pour toujours.

La mère immobile. Seulement les images superposées de cette femme. Je sais que c’est moi. Je ne le vois pas. Je le sais. J’ai toujours su qu’elle était éventrée sur des lits poisseux de désir.

Ma peau est gluante comme une méduse gluante.

Pour toujours.

Elle a cette sorte d’immobilité étrange. L’image. La femme. La mère. L’immobilité vertigineuse des rêves. La peau est pâle. Il faut dire la viande. La viande correspond mieux à ce que je sais. Une viande gluante, visqueuse, ouverte.

La femme est ouverte. Les cuisses sont ouvertes. C’est normal. C’est toujours comme ça. On dirait une méduse oubliée au bout d’une plage. Elle. Moi. Je ne suis pas sûr, parce que se sont des morceaux d’images. Et puis, je n’ai pas tous les mots parce que je suis en morceaux et ouvert.

Non, c’est elle qui est ouverte. Quand on est ouvert, on a jamais tous les mots. Je le sais. Tout le monde le sait.

Il faudrait faire des phrases. Pour mieux respirer. Des phrases longues avec de la mémoire. Je suis sûr qu’il faut de la mémoire. Tout le monde a de la mémoire et peut faire des phrases longues qui racontent des histoires. Les phrases longues, c’est pour raconter les histoires de la mémoire. Les histoires du temps. Du vrai temps.

Avec de l’avenir et du passé.

Non, pas du passé.

Plus jamais du passé.

La mémoire ce n’est seulement que pour du passé.

Je n’ai pas de passé, alors je n’ai pas de mémoire. Les images, c’est du présent. Rien que du présent. Tout est enfermé dans les images. Tout s’y arrête, comme la mer, comme la méduse.

Si seulement l’eau pouvait revenir. La mère. Mais elle est basse, moi, je suis trop las, trop lisse. Même éventré.

Trop lisse. Eventré de l’intérieur.

L’exil.

Je suis exilé. C’est le mot qui convient. Hors de mon lieu. Prisonnier ailleurs, plus loin, encore plus loin, dans les images sans doute. A l’intérieur c’est vide. C’est pour ça que je suis exilé. Un vide à l’intérieur qui sépare et déchire.

Franck

26 avril 2005

(1) Le Reflux.......

La douleur violente c’est peu à peu retirée. Marée basse. Lentement retirée. Chaque instant nouveau découvre l’étendue du désastre. L’infini du désastre. Plus je suis déserté par les eaux plus je perçois l’effroyable déchirure. Ecartelé, déchiré, je ne sens plus la torture dans ma peau, dans ma chair, dans ma viande. C’est plus sournois, plus diffus. Comme de l’eau qui se retire d’une plage. Une eau pleine de lassitude. Un effondrement si lent. Un effondrement vague après vague. Effondrement d’énergie. De l’âme. Après le corps c’est toujours l’âme qui veut disparaître.

Quelque chose de l’unité n’existe plus.

A chaque instant je crois me dissoudre dans le vide laissé par la déchirure, par la vague. Il n’y pas d’angoisse, pas de peur, seulement une tension permanente. Permanente, lancinante, agaçante. La sensation que l’océan se vide vague après vague. C’est ça qui use. Etre l’alpha et l’oméga du néant.

Au-delà du désespoir.

Un désespoir qui n’a pas de forme, pas de résistance. L’eau de l’âme déserte la plage. Il n’y a plus rien que le vide. Vague à l’âme. Vide épais, pesant. Le vide ce n’est pas un rien sans consistance, non, c’est un rien compact, pâteux. Il est sans forme, mais il est lourd, tellement lourd. Lourd comme l’éternité, comme la mort.

Vague après vague je disparais un peu plus, recroquevillé sur mon vide, sur mon absence. Séparé, divisé, déchiré, en exil de la vie. L’autre vie. Celle d’avant.

Avec seulement cette tension. A moins que ça soit çà. La vie. Le souffle tendu dans une attente vaine. Pas d’envie, pas de désir, que de l’attente. Attendre l’envie et le désir. Espérance de désir... pour désirer rien. Rien, jusqu’à la fin des temps.

Se souvenir. Ca ne marche pas. Je n’ai pas de mémoire. Les images semblent sortir de mon corps. Plus vivantes que moi. Mais ce n’est pas du souvenir. C’est du sang que j’entends battre sur mes tempes, c’est l’odeur qui envahie mes fosses nasales. Ma gorge.

Noir. Tout le reste est noir. Je n’ai plus de passé, d’ailleurs je n’ai plus rien. Je ronge l’attente comme un vieil os usé. Je ne peux même pas me tuer. Il n’y a rien à tuer. Personne. Je suis là. C’est tout, je suis là. Mais je n’existe pas. Tout à reflué. La plage est déshabillée, nue.

Je suis nu. Non. Je suis rien.

Quelque chose passe, s’épuise. Je ne sais pas ce qu’est le temps. Quelque chose s’épuise. Quelque chose en moi s’épuise. Du temps, du rien. Sans violence, sans révolte, comme la mer qui se retire. La mer qui s’enroule sur elle-même, qui s’absorbe elle-même, qui ravale ses sanglots, vague après vague, laissant derrière elle cette hideuse dentelle moussue, rouge, silencieuse qui s’accroche encore à quelques cailloux miséreux, qui n’en finissent pas de s’user, eux aussi.

Je ne suis plus lié à mon corps. Je sens quelque chose qui résiste, alors je dis que c’est mon corps. Mais je ne suis pas sûr. Avec les dernières vagues mon image disparaît et les miroirs se taisent. Ils ne me savent pas. D’habitude les miroirs savent les images. Là, ils ne me savent pas. Pas encore. Pour toujours. Peut-être.

J’ai les yeux tournés vers l’intérieur. Même pas. Je suis aveugle. Le monde à perdu son épaisseur. Etranger, abandonné au-delà de la mer.

Au-delà de la mère. Bien après la dernière vague. Ce n’est pas un lieu, c’est…. ça ne se défini pas. Ca ne se dit pas.

La plage est vide, encore humide. J’ai tout oublié, l’eau, la tempête, le bruit, les cris, la souffrance. Je ne souffre pas. C’est pire.

Je vis.

Au fond de ma gorge, ce goût fétide qui m’empêche d’hurler. Ce goût laissé par la dernière vague. Senteur marine. Non, plus fade, comme l’odeur blanche de la mort. Je suis là dans un présent mobile, indéfini. Je ne sais pas si je dors, je ne fais pas la différence. A cause, sans doute, de ma mémoire. Saturée de douleur, de néant.

Le seul mouvement qui me reste c’est celui de la mère qui s’enfuie.

Je m’éloigne du rivage.

Toujours un peu plus.

J’entends ma respiration. C’est la mer qui rumine. La mer monstrueuse méduse halète.

Allaite.

Je vois son corps immense trembloter. Non, c’est moi qui tremblote. Je suis une méduse qui tremblote. La transparence épaisse d’une méduse échouée au bord de l’océan : et qui tremblote.

Une mère à marée basse laisse toujours une impression d’inachevé.

D’inachevé.

Elle pourrait descendre encore, descendre sans fin.

Mais, à un moment donné, il y a la dernière vague. Puis plus rien. Puis l’attente.

Franck

Publicité
Publicité
25 avril 2005

Interlude....

Cela fait une quinzaine de jours que je me suis lancé dans cette errance du blog. Je trouve cela épuisant. Souvent après avoir écrit, je me sens vidé. Je n’arrive pas à trouver le bon rythme. Mon écriture est décousue, sans unité. Chaque jour je ressens mes limites à m’essayer à cet exercice. Je pioche dans des souvenirs, je cherche à faire revivre des émotions et j’ai l’impression de me perdre…

Partir de mon quotidien et commencer à parler….. Impossible, je n’ai pas de quotidien, ou si peu. Parler du vide ou du rien ce n’est pas la solution. Pourtant il y a quelque chose de fascinant dans le vide, il semble que toutes choses importante en parte, comme s’il fallait pour créer un état de totale vacuité. Bien sûr il existe ce que j’appel les pisseurs de copies, ils font deux à trois poèmes par jour, ils hantent les sites de poésies, ils écrivent avec des rimes et l’inspiration ne semble jamais leur faire défaut. Et quand vous les lisez, vous avez des hauts le cœur. Rien, aucune émotions. Ni pour le fond, ni pour la forme. Une plume trempée dans de l’eau sale, au lieu d’être prise au sang de la vie. Du vide il y en a plein les blogs. Je voudrais éviter d’y tomber trop vite.

Pourtant il existe des exceptions. Des Ovni. Des miracles. Des écritures impossibles parce qu’impensables. Oui, il en existe, j’en connais au moins une. Une écriture de chair, une écriture incendiée, une écriture jetée dans le chaos du monde, une écriture vrillée de douleurs. Oui, des miracles existent. Cette écrivaine, mieux, écri-veine, à cause du sang noir qu’elle rapporte au cœur pour le purifier, cette écri-veine a bien voulue être ma marraine de blog. Et pour moi c’est un bonheur de l’installer seule dans mes liens. Elle met la barre très haute.

Il est clair que je n’ai pas ce talent. N’est pas diariste qui veut.

Bref, je suis assailli par le doute, chaque jour je me dis que je vais arrêter d’écrire ici. Je le ferais certainement. Pour l’heure, je continue encore un peu.

Ce matin, pour la première fois, deux commentaires ont été déposés et cela m’a rempli de joie. Jusqu’à aujourd’hui je n’imaginais pas être lu, et là, deux personnes se sont manifestées. Donc c’est pour elles que j’écris pour Sandra et Nicoolas. Sandra, il faudra que j’en parle ici un jour. Le hasard nous a fait nous rencontrer sur le net et depuis plusieurs mois je n’avais plus de nouvelle. Elle m’avait interpellé, elle avait jeté une bouteille à la mer et cette fragile bouteille était venue s’échouer sur ma plage… Sandra c’est un oiseau, elle ne le sait pas. C’est un oiseau léger et qui vole très haut. Mais elle ne le sait pas. A bientôt Sandra. Ici ou dans un coin de ciel.

Franck

24 avril 2005

Isabelle...

Tout d’abord elle fut un rêve aux formes encore incertaines telle une flamme fragile qui sautille dans l'ombre de la mémoire, une lumière hésitante….

Puis peu à peu elle devint musique… déjà on entendait des ruisseaux de notes, douce et folle farandole….

Plus tard, comme un grand vent du large, elle devint voyage pour emporter les âmes vers des nuits constellées de milles, mille lumières de diamant…

Puis elle devint parfum, à la fois subtile et envoûtant, aussi léger qu’une caresse, insondable presque impalpable comme un voile de soie…

Enfin, elle devint prière, de ces prières sacrées et mystérieuses, de ces prières dont on ne saisit pas les mots, seulement les résonances, seulement les douces incantations murmurées, comme un chant profond qui appelle la grâce…

La première chose que l’on remarquait en l’apercevant était son regard. Il donnait l’impression d’une secrète harmonie, l’accord entre l’intérieur et l’extérieur. Elle était jeune, bien sûr, mais plus que la jeunesse elle inspirait l’infini des espérances.

Expression pure d’une beauté charnelle mais néanmoins accessible.

Plus on l’observait, plus son visage nous paraissait familier, comme si on l’eut toujours connu ou toujours attendu.

Ses yeux clairs savaient tour à tour être mobiles, pétillants, attentifs ou bien se perdaient dans un au-delà lointain figeant un instant son visage tel celui d’une madone offert aux tentations du ciel.

Sa bouche expressive racontait tous les désirs de l’humanité. Ses lèvres minces découvraient à chaque instant une dentition éclatante, dont la légère irrégularité rajoutait une étincelle de charme à son visage déjà si lumineux.

Elle se mouvait dans l’espace avec une aisance déconcertante. L’univers, le monde, semblait avoir été conçu uniquement pour elle. Ses gestes étaient précis, gracieux sans être maniérés, ses mains surtout, qui ponctuaient de leurs mouvements élégants le cours d’une pensée ou un élan du cœur.

De toute sa silhouette émanait une sorte de bonté innée, une joie limpide rafraîchissante. Elle aimait la vie et la vie semblait le lui rendre si bien. Là où elle apparaissait plus rien n’avait la même importance son rayonnement doux et intense effaçait comme par enchantement toutes les blessures de l’âme.

Elle était grande, élancée, les hanches pleines, merveilleusement dessinées. La poitrine bien formée laissait deviner une sensualité voluptueuse et discrète, terriblement rassurante, promesse de délices illimités.

Rien d’exagéré chez elle, seulement la vie, ce quelque chose de radieux qui ressemble aux souvenirs d’enfance, mélange de nostalgie, d’abandon et d’espérance insouciante…

Quand elle s’adressait à vous, elle le faisait avec simplicité et spontanéité comme elle l’eut fait avec un ami connu de longue date créant ainsi une étonnante proximité qui ne faisait que rajouter au trouble de son interlocuteur.

Elle faisait partie de ces êtres à qui l’on eut pu prêter toutes les qualités, celles du cœur et de l’esprit, comme celles de l’âme, elle semblait pouvoir tout comprendre, tout entendre avec la même pudeur, la même attention.

A la voir, on ne pouvait s’empêcher de l’imaginer en sœur complice, en amie d’enfance ou en amante éperdue….

Mieux que la perfection elle représentait une sorte d’idéal, en sa présence on ne pouvait s’empêcher de rêver, d’imaginer la vie autrement, elle avait ce don rare de la légèreté.

D’instinct elle savait les étoiles aux couleurs infinies, aux mémoires éternelles et aux sons singuliers.

Elle avait une grâce naturelle, cette qualité qui permet de remettre tout à sa juste place, les rires dans la joie, la douleur dans la tristesse et l’amour dans l’éternité.

Franck

22 avril 2005

Vole...vole...vole.....

Il y a quelques semaines j’écrivais à mon Ange, je laissais aller mon cœur aux images. L’espace d’un instant, d’une minute, d’un siècle peut-être, je me suis imaginé jardinier des étoiles, jardinier d’infini. Pendant quelques belles journées nous avons continué sur cette lancée, nous avons poussé la parabole et jardiné ensemble les mots et les émotions.

Et puis le jardinier et mort, les étoiles une à une se sont fanées, le ciel est devenu une immense jachère, où souffle les grands vents de l’absence, de l’oubli. Les mots sont devenus des pétales fripés qui jonchent un sol terreux, ils sont devenus des silences. Un à un, des silences. Et chaque silence une larme et chaque larme un gouffre et chaque gouffre…..

Mon Ange, au départ, voulait simplement griffer la terre pour y planter quelques cerisiers, quelques pensées, quelques rosiers, elle voulait croire au printemps…. elle s’est mise à creuser, à creuser très profond. Et la terre s’est ouverte. Et l’intérieur de la terre est remontée à son visage. Des trous trop grands pour quelques rosiers. En creusant les odeurs du passé sont remontées.

Au départ, seules les mains sont terreuses, après le cœur le devient. Elle a la rage. Elle creuse comme si elle voulait déterrer les morts, et c’est les morts qui viennent à elle. Ils viennent du très fond de la terre.

Déjà le premier apparaît. Elle veut le libérer. Le ressusciter. Déjà elle est heureuse, comme si elle retrouvait un ami, un amant, un mari. Déjà elle veut frotter sa chair blanche contre ces os cliquettants. Elle est amoureuse. Elle est heureuse. C’est sans doute suffisant.

Le jardinier comme une étoile s’est éteint.

Il n’en reste qu’un souffle dans le coin le plus oublié du ciel, un souffle qui semble dire : " Vole mon ange, vole, vole…. "

Franck

21 avril 2005

Chaque matin....

La parole du matin

n’efface jamais totalement la nuit.

Dans la rosée des mots

on décèle parfois quelques

chagrins inconsolés.

 

Chaque matin il nous appartient

de réinventer la langue.

Chaque matin il nous faudrait renommer

toute la création……

pourtant, il nous suffit, seulement, de dire le nom de notre Amour

dans le sang du soleil naissant.

 

Franck

20 avril 2005

Lettre ouverte à Christian BOBIN....

 

Monsieur Christian BOBIN,

…Et puis un jour il y eut vos mots, vos paroles de mots. Des petits livres.Dans le fracas de la vie quelques gouttes de transparence lumineuse ont ébloui le chemin d’errance.La brise des mots à chassée les ombres, le ciel c’est irisé d’espérance. Comme si de toute éternité j’avais attendu cette voix.Tenter de remercier n’est jamais chose facile – tiraillé entre le trop et le pas assez – il faut rejoindre le juste de son cœur cette lande mystérieuse. Comment éviter les compliments superlatifs qui épuisent si vite la parole ?

J’ai ouvert peu à peu chaque petit livre avec la solennité muette qui accompagne la main tremblante se rapprochant de l’autel pour y déposer une mince bougie, cet éphémère éclat fragile semé aux pieds des vierges des églises pour tirer la prière jusqu’au ciel.Dans l’espoir d’une manne.Et à chaque fois le trésor du verbe a recouvert de rosée bienfaisante l’herbe folle de ma vie. A chaque fois une aube calme.Des petits livres lus lentement, très lentement pour ne pas effrayer les lettres pour ne pas les brusquer ni les abîmer. Lentement comme on respire une fleur magique. Lentement comme tous les actes graves de la vie.
Lentement.

A chaque fois il fallait préparer la place, la plus belle, la plus grande, celle du vide, la grande chambre nuptiale de l’autre, celle que l’on encombre à longueur d’existence par peur de se sentir trop nu ou trop pauvre.Et plus j’ai lu, plus vous exigiez cette seule et unique place.Et je me suis élargit.
Il n’existe pas de sagesse transmissible. Il n’existe que le refrain des oiseaux qui accompagne le voyage, il n’existe que l’air qui porte les chants, il n’existe que la pluie qui lave le ciel.
Ecrire n’est rien, lire n’est rien… et pourtant que vaudrait la lumière du monde sans ces ombres d’absence silencieuses.
Ecrire n’est rien d’autre que faire un jardin d’amour, lire n’est rien d’autre que s’y promener pour s’enivrer du parfum d’encre des mots.

Parfois au détour du livre une orchidée s’épanouie. Elle ira embellir le temps des siècles et des constellations à coté des suppliques des saintes là où les anges s’amusent.

L’homme qui écrit c’est le rire de l’ange. Un grain d’éternité au cœur du silence. Une étoile, la plus petite parce que la plus lointaine, qui lance sa lumière au hasard du néant. Le miracle.Un lecteur perdu au fond de sa souffrance, de son écrasement, arc-bouté contre le temps qui pousse et l’épuise, un lecteur vagabondant dans d’obscurs labyrinthes relève un jour la tête et aperçoit votre étoile lointaine.Alors le miracle, le vrai, c’est qu’une si fragile lumière cristalline fasse un si grand éclair, c’est que le si lointain devienne si proche.
Car vous donnez sans compter le plus rare, le plus difficile, cette joie issue de l’œuvre au noir de l’âme qui transmute le rouge des blessures en coquelicots de bonté, de bienveillance. Entre les lignes on entend votre désir de ne rien céder au désastre, de réduire à la plus légère exhalaison l’intolérable de la vie et qu’il faille du malheur l’user assez pour retrouver l’éclat premier de l’âme, l’éclat d’amour. L’or des yeux avant la parole.
L’or du silence.

Au départ il fait nuit puis se lève un grand souffle de mots qui ouvre le firmament. La nuit n’est pas moins effrayante mais elle semble apprivoisée. Elle chante.Quelque chose s’est ordonné. A force d’user le temps d’attente jusqu’à la limite de la fêlure vous fabriquez la mathématique la plus subtile. Drôle de mathématique.
Au départ il n’y a rien avec patience vous y rajoutez vos petits riens et brusquement, rien plus rien égal l’infini. Egal une fleur désarçonnée par un papillon virevoltant, égal le regard tendre d’une femme amoureuse, égal une enfance consolée.

Phrase après phrase le livre de cœur que vous semez au ciel retombe en pluie fine sur le noir de nos vies.
Je me suis rapproché de la flamme pour y réchauffer mes années d’exils et y marmonner des morceaux de prières.Alors j’ai su que vous étiez un arbre.
Un arbre.
Vos racines s’agrippent à une terre lourde de souvenirs ; la terre épaisse et noire de la mémoire. Noire comme nos peurs. Car c’est de là que tout vient. S’arracher des ténèbres. Au départ notre sang est lourd et noir, comme cette terre. La vie d’avant la vie.De ce noir d’encre et de terre pousse et s’efforce la sève des mots. Blanche. Flot du sang généreux assez puissant pour inonder un tronc large, assez puissant pour dépasser les nœuds du bois, assez puissant pour vouloir traverser les nuages.Si l’on pose la main sur les écailles d’écorce on peut sentir le cœur battre la mesure des passions, des attentes, des patiences. Si l’on pose la joue sur l’écorce de votre tronc on peut sentir la chaleur solaire des amours naissantes, la chaleur lunaire des mères qui allaite leur enfant. Chacun de vos mots respire cette chaleur.Chacun de vos mots a trouvé sa patine dans cette longue traversée du bois, dans cette longue macération du temps, dans ce long dépouillement de soi. De la terre.Alléger son sang. Mourir assez longtemps pour atteindre les plus fines ramures.
Et chaque livre est la renaissance d’un printemps avec mille feuilles légères offertes à l’aurore. Mille feuilles pour ombrer la lumière acide du soleil. Mille feuilles, et sur chacune d’elle est écrit un poème que la brise fait palpiter.
Je me suis assis à l’ombre des mots et j’ai pleuré sans tristesse, simplement pour remercier.Et parfois l’orage emporte quelques feuilles, les plus légères, les plus belles. Une prière c’est sans doute cela : une feuille dans une tempête d’orage, quelques mots que l’on oppose au chaos.
Vous êtes un arbre posé dans la campagne. Serein, généreux.Parfois des enfants font des farandoles autour de votre tronc, parfois le promeneur vient déposer à vos pieds l’espace d’un songe leur épuisement ou leur solitude ; mais chaque jour en toute saison les oiseaux et les anges viennent jouer dans la majesté de votre feuillage.
Vous êtes l’arbre à poème, une espèce rare, elle nous vient de quelques paradis perdus.

Désormais il est rare que je sorte dans la ville sans emporter avec moi un de vos petits livres. Présence rassurante d’un ami. Souvent je ne l’ouvre pas, mais je sais qu’il est là. Mon pas se fait moins rapide. Présence attentive.
Je ne sais si le bonheur est possible, je crois aux instants arrachés au temps, pétales de lumière à la surface d’une eau vive, je crois aux sourires qui s’échangent, aux mains qui se tendent, à celles qui s’ouvrent, aux vies qui se frôlent.

J’ai fermé les yeux pour m’alléger encore, purifier l’attente. Se préparer au voyage.
Car vous êtes un voyage.
Je me suis mis en marche : j’avais froid à l’âme.
Je me suis mis en marche : j’avais peur à l’âme.
L’errance n’est acceptable que si l’on se sait d’un lieu, d’une maison, d’une enfance, d’un amour ou d’un livre.
L’errance c’est un perpétuel retour inachevé – c’est peut être le nom de l’inachevable. Un retour vers une source improbable. Au cœur de l’errance il y a des reliques, on y décèle souvent un dieu ou une simple berceuse. L’errance n’a rien à voir avec la vacuité ou le hasard, chacun de nos pas est traversé par la mort surgit du passé.Remonter vers le lieu du naître, au-delà du naître.Quelque chose n’est plus là, alors nous nous mettons en marche. Nous savons rarement pour quelle destination, nos pas eux le savent.
Vos mots sont des sentiers d’errance, ils n’annoncent pas le salut ils sont rémissions, ils ne disent pas la source prochaine ils sont l’eau qui ruisselle, ils ne sont pas l’étape ils sont le chemin.Je me suis rapproché du silence et j’ai vu les grands champs de blé de ma mémoire et j’ai cueillis les fleurs rouges du souvenir, et j’ai fait un bouquet…Et j’ai fermé le livre.

Ne plus bouger.
Se laisser traverser par l’effondrement.
Les mots s’écroulent sur les mots.
Temps vide.
Un peu d’ombre sur le soleil.
S’élargir est toujours douloureux.
A la fin du livre il faut jeter quelque chose, se départir, c’est l’offrande, la part de l’ange. Peut-être qu’une larme suffit, c’est souvent une larme. C’est toujours un chagrin.C’est pour cela que les anges ont parfois un vol hésitant.

Maintenant que j’arrive au bout de cette lettre j’éprouve une crainte.Crainte de la finir, crainte de l’envoyer, crainte qu’elle ne se perde, crainte surtout qu’elle vous ennuie. Trop de bruit au fond de votre silence.
Ecrire à l’écrivain ne m’est jamais arrivé, je me sens comme l’enfant intimidé tenant dans la main quelques fleurs des champs et qui rougit avant de les tendre à sa maman. Même ce trouble je vous le dois et je vous en remercie.Je m’incline comme cette journée de printemps pour être certain d’atteindre ma part la plus fragile, celle de mon rêve.Le soleil d’avril éclaire la ville d’une fraîche lumière. Les heures tombent avec un bruit plus sourd, plus lent. Dans ces instants plus rien n’est vraiment atteignable. Le temps nous abandonne, orphelin de conquête.

Je suis assis dans un café de Montmartre. Je rêve. L’endroit est bruyant. Je guette les derniers mots de cette lettre.En face de ma table une jeune femme vient de s’asseoir. Elle a ouvert un livre. Elle chavire en lecture. Elle n’entend pas le bruit. Elle est belle. On pourrait la croire triste, non elle est belle. Elle lit. A ce moment précis je l’aime éperdument. Je voudrais m’endormir dans la demeure de paix qui l’entoure.
Maintenant il fait nuit.
Demain j’enverrais cette lettre sur la toile, sans vraiment savoir pourquoi elle existe. Mais elle devait exister. Comme cette femme qui lit.

Je vous prie, monsieur Christian Bobin de bien vouloir me pardonner cette intrusion, recevez mes humbles remerciements."

Franck

 

19 avril 2005

La parole du matin...

La parole du matin

Se reconnaît à ce qu’elle n’a pas d’ombre,

Elle s’avance, nue,

Dans l’éclat éblouissant de la lumière,

C’est une parole qui brûle la langue

Et consume l’âme.

18 avril 2005

Elle t'attendait demain à Samarcande....

Les contes de notre enfance ont pu ouvrir des contrées assez vastes pour que nos âmes s’y déploient en vol majestueux. Le conte est un temps suspendu, un temps dans le temps, une brèche dans le réel, un spasme, un instant de vertige juste avant l’envol. Bien des histoires se racontent le jour, mais il faut avouer que la clarté solaire nous éblouie jusqu’à nous rendre aveugle ou sourd aux voix murmurantes qui nous habitent.

Car n’en doutons pas nous sommes habités et nos ténèbres intérieures loin d’être pur néant sont peuplées de formes, d’ombres et de mémoires vivantes. Pour ne point les effaroucher les mots prononcés ont besoin de la nuit….. dans la pénombre la voix prend naturellement cette sorte d’inflexion, fait de lenteur, de profondeur, comme si les sons allaient se perdre au bord d’un gouffre. Dans la clarté du jour les mots ricochent sur la lumière, ils rebondissent deçà delà comme l’eau d’un ruisseau. De nuit, la parole résonne jusqu’à nos plus secrètes réminiscences, c’est une eau lente, lourde, mystérieuse…..

Les contes ont besoin de la nuit, notre regard peut se tourner alors vers l’intérieur. La nuit est le lieu de toutes les métaphores, plus rien n’est vraiment visible on sent sourde en soi une sorte d’appel impérieux qui nous exige l’abandon, nous prépare au départ et à l’oublie de soi. Par instinct on sait qu’il nous faudra tout accepter, sans exclusive, car à la moindre résistance tout pourrait s’effondrer, s’effriter, se dissiper et la magie disparaître…..

La nuit, les mots prononcés ont une étrange musique qui nous entraîne avec elle vers des univers changeants au gré d'une humeur, d'une sensation, parfois d'un trouble ou d'un frisson.

Le jour nous savons tous que les mots sont fragiles, capricieux, espiègles, ils tournent autour de nous comme une volée de moineaux et s’envolent au moindre émoi ou alarme du cœur, alors qu’aux abords de la nuit lorsque les formes s’estompent pour n’être plus que des ombres quelque chose en nous se fascine, s’inquiète et se met à exister. Une chose qui n’est ni plus vraie, ni plus réelle mais qui par contre nous semble plus essentielle… La rêverie….

La rêverie, ce n’est pas un débordement de l’imagination, c’est avant tout la forme douce de l’espérance, c’est un peu comme un bouquet de fleurs que l’on porterait à la boutonnière du cœur, elle n’est pas l’illusion puisqu’elle exprime notre vérité la plus intime….

 

…Cela se passait dans un pays lointain, dans des temps très anciens presque incertains au cœur de l’Orient de nos rêves, tout près de Samarcande cité éternelle et fugace, splendeur légèrement voilée comme le visage de ces femmes qui travers la lumière… ombres fugitives, drapées dans le silence de l’Islam, un silence rythmé par les plaintes déchirées des muezzins, grands pourvoyeurs d’âmes…. Islam suave et cruel, saturé de chair à force de retenue… Terre d’Islam qui appelle en nous une rêverie lointaine, archaïque chargée de mystères où la sérénité peut à tout moment se briser tel un cristal trop fragile… Terre d’Islam, lumière d’ailleurs, source vive de la mémoire où jamais rien n’est acquis hormis la fatalité…. La fatalité, Samarcande les condensait toutes. Ville de mystère, ville symphonique fracassée de bruits, de couleurs, d’odeurs épicées, ville où des foules se pressent dans toutes les directions à la fois à travers des labyrinthes de boutiques enchevêtrées. Foule énigmatique, cortège envoûté par les vents chauds du désert…. Ombres… lumière… Orient immémorial….

Samarcande, chacun se souvient de cette fameuse histoire que l’on chantait des rives de la méditerranée aux contreforts de l’Himalaya et jusque dans la grande plaine du Gange….

…. Un soir, tout près de Samarcande, alors que le soleil rougeoyant commençait à disparaître derrière les remparts de la ville, alors que dans la magnificence des couleurs changeantes la chaleur se dissipait le fils du calife rencontra la Mort. Vêtue d’une longue guenille noire, poussiéreuse qui ne laissait entrevoir que deux larges trous sombres à la place des yeux elle sursauta de surprise en apercevant le jeune homme. Mais elle ne lui dit rien. Elle courba un peu plus son dos décharné, puis passa son chemin, d’un pas égal : lent, presque flottant.

Le jeune prince, affolé par cette étrange apparition couru voir son père et d’une voix haletante, chargée d’effroi, saccadée de sanglots étouffés il raconta sa terrible rencontre espérant encore qu’elle fut le fruit d’images irréelles produit par un génie facétieux.

Le calife était un homme âgé, on le disait sage et bon, pourtant en écoutant le récit de son enfant tout son corps fut traversé par un immense frisson.  " Quitte la ville…. ! part sur le champ…. ! va à Samarcande…. ! Tu t’y cacheras… ! Si tu pars tout de suite tu pourras te trouver à Samarcande au petit jour. "

Le fils du calife ne prit pas le temps de faire ses bagages. Il courut aux écuries, fit seller l’étalon le plus rapide qui se nommait vent des dunes et parti au grand galop en direction de Samarcande. Il faisait nuit et les étoiles semblaient brûler les cieux noirs. Le fils du calife galopait. Galopait.

Le calife légèrement rassuré mais encore très inquiet voulut vérifier par lui-même si la rencontre de son fils était bien réelle, si s’était bien la Mort qu’il avait rencontré. Dans ces région du passé chacun savait ce que cela voulait dire que de rencontrer la Mort. Alors il arpenta toutes les rues de sa belle ville, il explora chaque recoin, chaque ruelle, passa et repassa devant chaque étal de commerçant. Enfin il aperçu l’ombre noire. La grande silhouette noire. " Pourquoi t’es-tu présenté à mon fils ? pourquoi l’as-tu effrayé ? " " Je ne voulais pas l’effrayer, au contraire, j’étais très surpris de le voir ici ce soir… " Sa voix semblait venir du plus profond de la nuit, une voix caverneuse, métallique, chargée d’étranges résonances " ….. j’étais très surpris de le voir ici ce soir, je l’attendais demain à Samarcande. "

 

Ce petit conte très connu a toujours représenté pour moi ce qu’était le destin.

Qu’en penses-tu mon Ange ? Qui t’attend demain à Samarcande ?

Franck

17 avril 2005

Rêverie d'eau......

Il pleut. Le printemps hésite encore. Ce matin c’est un décor d’eau et de pluie. Dans ces vapeurs mouillées d’une nostalgie défaite, dans l’odeur fade de ce matin flottant, presque inconsistant, je me souviens que l’eau a valeur, aussi, de métaphysique. Hier, mon Ange se souvenait de la mer dans un pays lointain. Du soleil qui se couche, de la mer comme un appel. Souvent je pense à elle. Souvent je l’imagine comme un cheval sauvage, au galop sur une plage. On a tous des images un peu usées dans la tête, des clichés clichés. Je l’imagine au grand galop échappant aux hommes qui veulent la capturer, au monde qui veut l’engluer, aux morts qui pensent la charmer. Elle traverse la plage dans un sens et puis dans l’autre se cabrant, ruant, jouant dans les vagues mourantes. Insaisissable. Libre. Fière. Je l’imagine se dressant sur ses pattes arrières pour repousser ceux qui veulent la prendre. Et je vois la pirouette qu’elle fait pour se dégager et s’élancer dans la mer, face au large, face au pur, face au soleil. Elle est faite pour l’immense qui seul peut contenir son âme.

Et ce matin il pleut et l’eau envahie mon imaginaire, ma rêverie. L’eau, mon char à rêve. Ce matin il pleur et je pense à l’eau, celle qui coule et qui s’en va toujours plus loin. L’eau qui nous emporte vers le mystère.

L’eau verte, étincelante, de tous les éléments, est toujours le seul et l’unique chemin qui nous mène vers la mort.

L’autre vie, celle au-delà des rives, celle au-delà de la vie.

Une eau qui passe, une eau qui coule c’est la vie qui s’enfuie, c’est le sang de nos veines qui reflux. L’eau qui coule ouvre notre imaginaire à des contrées reculées et jusqu’à la plus lointaine, la plus abandonnée. Il était courant, par le passé de laisser dériver les corps après la mort. On ne les enterrait pas.

Rendre les morts à l’eau c’est croire qu’ils ne sont pas vraiment morts, c’est croire un ailleurs toujours possible.

Rendre les morts à l’eau c’est vouloir encore espérer.

L’eau qui coule charge nos âmes d’immortalité.

La source qui sort de terre nous ouvre aux mystères bouillonnant de la vie.

L’eau qui s’enfuit vers la mer pare nos âmes d’un linceul divin.

La rivière du Styx qui entoure le royaume de Pluton, à jamais, témoigne en notre âme que l’eau de nos rêves est une eau mortuaire.

En lisière de la mort un batelier nous attend

Au-delà des champs d’asphodèles, un drôle de gondolier nous attend depuis la nuit des temps. Il se nomme Charon.

Le vieux passeur des morts dans son vaisseau pourri vient prendre livraison de sa cargaison d’âmes, il faut imaginer ces grands cortèges d’ombres convergeant vers la barque branlante du nautonier. Des ombres que la vie vient d’abandonner, des ombres effarées de sentir leur mémoire les quitter et rejoindre l’eau stagnante des marais alentours. Les ombres sont silencieuses, elles sont toutes repliées en elles-mêmes méditant sur leurs vies et les souvenirs se condensent et s’échappent comme des morceaux de rêves ; elles ne sont plus rien, que des ombres pressées d’embarquées. Elles se bousculent. Au moment de monter sur le vaisseau tremblant, il ne reste plus rien de la vie passée, même pas la trace les actes et des paroles prononcées. Rien.

Charon les attend. Enveloppé dans sa grande cape noire. Et les âmes s’embarquent, une à une, un cortège infini. Et plus il en arrive, plus la barque se remplit.

Me revient cette phrase de Bachelard :  "  Tout ce que la mort a de lourd, de lent, est aussi marqué par la figure de Charon. Les barques chargées d’âmes sont toujours sur le point de sombrer. Etonnante image où l’on sent que la mort craint de mourir, où le noyé craint encore le naufrage ! La mort est un voyage qui ne finit jamais, elle est une perspective infinie de dangers. Si le poids qui surcharge la barque est si grand, c’est que les âmes sont fautives. La barque de Charon va toujours aux enfers. Il n’y a pas de nautonier du bonheur. "

Mes réflexions ont dérivé. Ce matin il pleut. Et mon rêve d’eau a suivi une pente noircie. Je pense à mon Ange. Elle ne va pas aimer cette méditation. Elle ne dira rien, mais je sentirais à son silence.

Mon eau s’étire à l’infini, des pentes les plus hautes, aux plaines les plus lascives, jusqu’à l’estuaire majestueux, jusqu’aux mélange des eaux. Mon Ange c’est la mer immense, et moi, je suis une source perdue. Et les mots sont les flots dévalent, et les mots deviennent des fleuves. Mon Ange et moi sommes des eaux différentes et pourtant chaque goûte de nos eaux tend vers l’autre. Le flot des mots nous relie dans un courant infini…

Franck

16 avril 2005

Sauf la mémoire....

A chaque jour suffit sa peine, a chaque jour suffit son souvenir…

Après le conseil de classe elle accepta de me donner des cours. Ma mère convint avec elle de deux heures chaque jeudi. Les cours devraient se passer chez elle. Son appartement se situait à dix minutes de chez nous. Je n’arrivais pas à croire que j’allais pouvoir me retrouver seul en tête-à-tête avec elle chaque semaine.

Depuis le premier jour où elle avait fait son entrée dans la classe elle avait chamboulé le cœur de tous les élèves. Une tempête lumineuse. Sa jeunesse, sa beauté, cette joie qui éclairait ses grands yeux bleus, la roseur de ses lèvres, ses gestes gracieux, sa petite poitrine haut placée, ses mini jupes en ont fait une princesse radieuse au milieu d’une horde d’adolescents mal dégrossis. Tout le monde en était amoureux. Pourtant aucun commentaire salace à son égard n’accompagnait nos conversations d’habitude très débridées. Elle faisait partie de cette caste des intouchables, des impossibles, des inaccessibles. Elle nous impressionnait par une grâce évidente. C’était son premier poste et son enthousiasme compensait largement son manque d’expérience. Elle enseignait avec passion, une passion qui enflammait son regard et faisait parfois vibrer sa voix. Elle nous attirait dans son monde en nous chatouillant le cœur.

Alors me savoir seul avec elle pour deux heures de cours de rattrapage me remplissait d’une sorte d’exaltation qui me brûlait l’intérieur de la poitrine à chaque fois que j’y pensais. Le jeudi suivant c’est presque en tremblant que je cognais à sa porte. J’avais passé un temps interminable à me coiffer, à choisir ma tenue, et maintenant, debout devant la porte, il me semblait que toutes mes forces m’abandonnaient. Elle ouvrit avec un sourire de pure innocence qui me transperça net. Angélique est le mot qui me vint plus tard. Un ange blond. Je restais figé n’osant plus avancer, alors elle me prit le bras et me fit entrer.

Son appartement était plongé dans la demi obscurité pour le protéger des éclats du soleil. Ce début juin était caniculaire. J’avais chaud, il faisait chaud. Elle m’accompagna au salon qui faisait aussi salle à manger, la cuisine donnait également dans cette grande pièce séparée seulement par un comptoir. Elle me fit assoire à la table du salon, une table ronde en bois teint sur laquelle une coupe de fruits occupait le centre.

Elle, elle était merveilleuse, vêtue d’une jupe imprimée bleu clair et d’une chemise d’un bleu un peu plus soutenu qu’elle avait nouée sur son ventre. Ses pieds étaient nus et je voyais leurs empreintes se dessiner sur les tommettes ocre de la pièce, les manches de sa chemise étaient retroussées, il se dégageait d’elle une aisance et un sentiment d’intense liberté. Elle me proposa une orangeade à l’eau et sans attendre ma réponse je la vis verser une eau fraîche dans deux verres qu’elle avait préparer à l’avance. " Tient ! " Elle me tendit un verre et nous bûmes ensemble une longue rasade. Le cours pouvait commencer. Elle s’était assise à coté de moi, je pouvais sentir son parfum fruité à chacun de ses gestes, parfois sa cuisse venait frôler la mienne. Je m’appliquais. Tous mes sens étaient en éveil, toute mon attention était mobilisée, je ne voyais qu’elle, je ne sentais qu’elle, je n’entendais que sa voix. Il me semblait vivre un rêve que j’aurais voulu éternel, et rester là, indéfiniment là, près d’elle, prisonnier de sa lumière, de sa voix, de ses gestes délicats. Penché sur le livre ouvert je pouvais apercevoir dans l’échancrure de sa chemise la naissance de ses seins qu’aucun soutien gorge n’emprisonnait. Je répétais presque religieusement chaque phrases qu’elle me proposait essayant de lui offrir une prononciation parfaite. Elle me corrigeait, insistant sur l’accent tonic de chaque mot, je répétais consciencieux, amoureux.

Au bout d’une heure de cours elle décréta une pose et me demanda de m’asseoir sur divan. Elle alluma une cigarette et me tendit une assiette où étaient disposés quelques gâteaux secs, elle nous resservit de l’orangeade fraîche et s’assit devant moi sur un pouf. Je ne pus m’empêcher de regarder ses jambes que sa position basse découvrait largement. Je crus même avoir aperçu sa petite culotte. Elle vit mon regard, sourit, et serra les cuisses en croisant ses bras autour.

Elle me posait des tas de questions, comment cela se passait dans les autres cours, si je faisais du sport, si, avec ce printemps si chaud, j’avais commencé à aller à la mer, si je m’entendais bien avec mes parents, elle m’a même demandé si j’avais une petite amie. Bien sûr, je n’avais pas de petite amie, je le lui avouais en rougissant me sentant très gêné. Elle comprit mon malaise et sourit en me faisant signe que la récréation était terminée. Je passais devant elle en la frôlant, elle me gratifia d’une caresse dans les cheveux. Je crois bien avoir frissonné. Nous nous rassîmes. Nos bras se touchaient. J’étais au paradis. Un ange blond était là, à coté de moi pour m’accompagner et me protéger.

Sans aucune raison nous nous étions mis à parler très bas, presque à chuchoter, cela créait une intimité nouvelle, comme si un secret nous reliait. Brusquement nous étions rentrés dans une sorte de complicité, comme si nous nous connaissions depuis très longtemps. Sa voix plus douce, plus tendre se confondait maintenant avec la pénombre de la pièce. Pendant qu’elle lisait je m’étais tourné pour la regarder, je voyais ses lèvres bouger et quelques minuscules perles de sueur juste au-dessus de sa lèvre supérieure. J’aurais voulu la toucher précisément là, toucher ses lèvres, toucher son souffle, toucher sa sueur. Elle me surprit, et toujours avec le même sourire, de son index appuyé sur ma joue elle m’obligea à revenir à la lecture. A mon tour je lisais à haute voix, trébuchant de temps à autre sur des mots compliqués, sur des syllabes rétives, tentant de donner des couleurs et un chant à cette langue que je commençais à aimer de plus en plus, alors je sentis sa main se poser sur mon épaule. Une brûlure me perçait le dos, me consumait et m’envahissait d’une joie démesurée. Ses doigts bougèrent, jusqu’à ce que je les sente directement sur la peau de mon cou. Sans réfléchir je fus pris d’une espèce de folie, je posais ma main sur la sienne. Surprise elle tressaillit et recula sa main. Nous étions très près, après un moment qui me paru interminable, elle posa son doigt sur sa bouche puis le déposa sur la mienne. Son sourire avait une tendresse infinie, presque de la tristesse.

Elle se leva. Le cours était terminé. Pendant que je rangeais mes affaires elle se mit à la fenêtre et se pencha pour ouvrir et accrocher ses volets, en même temps que la lumière jaillissait dans la pièce je pus voir la splendeur de ses cuisse cuivrées. Pour l’adolescent e treize ans que j’étais ce fut une vision miraculeuse. Elle s’était retournée, je la voyais baignée dans le soleil couchant, j’en aurais pleuré tellement sa beauté m’étreignait l’intérieur du corps jusqu’à l’âme, j’avais le souffle court et mon cœur battait à tout rompre.

Elle me raccompagna à la porte, me demanda si le cours m’avait plu, elle me regardait avec une langueur particulière que je ne comprenais pas mais qui me la rendait encore plus mystérieuse. Debout sur l’étroit palier je la vis s’approcher de moi et venir déposer un doux baiser sur ma joue. J’étais tétanisé. J’aurais voulu lui rendre son baiser, mais c’est alors qu’elle prit mon menton entre sa main et posa doucement ses lèvres sur les miennes. J’eus à peine le temps de sentir sa langue glisser sur ma bouche fermée, et d’être à nouveau envahi par chaleur de son parfum. Plus rien autour de moi n’avait de consistance, dans mon corps un torrent bouillonnait. Je me sentais mourir. Je crois même avoir eus des larmes de joies. Et toujours souriante : " Ca, c’est entre nous. Tu le garde pour toi, tu n’en parle à personne, à personne. A jeudi prochain. ". Elle me regarda descendre et moi je la regardais me regarder, descendant comme un aveugle, ou pire comme un illuminé.

Inutile de dire que cette après midi me bouleversa, j’étais sur un nuage qui me faisait entrevoir un continent inconnu. J’ai commencé à ne vivre que de l’attente du jeudi suivant. Les journées étaient à la fois interminables et si courtes, je m’exaspérais d’une impatience nouvelle et mes nuits ne furent qu’un long rêve où ma belle professeur occupait tout l’espace. La semaine passa avec son défilé de cours, je la revis le lundi et le mercredi dans la classe, bien sûr je me suis efforcé de ne rien faire paraître du nouvel intérêt que j’avais pour l’italien, je me contentais de rêvasser, déjà jaloux des regards que lui lançaient certains élèves. J’avais un secret que nul au monde ne devait connaître, un secret doux et violent à la fois comme une liqueur forte. A chaque instant, n’importe où, je me remémorais chaque minute de ce fameux jeudi, interrogeant chaque souvenir mille fois pour me convaincre de son amour, de son désir et n’imaginant pas une seule fois l’incongruité de la situation. Elle était un ange, j’étais un prince réveillé d’un sommeil millénaire par un baiser. Dans mes pensées nous n’avions pas d’âge, nous n’avions que la couleur du soleil, du bonheur, nous n’étions que fraîcheur légère dans l’incandescence de l’amour. Chaque soir avant de m’endormir je l’imaginais dans son appartement déambulant nue, ou couchée sur son lit dans des poses lascives qui me permettait d’imaginer toutes les parties intimes de son corps. J’imaginais ses seins, ses cuisses, son ventre et son sexe ombré d’une toison sombre. Je nous imaginais ensemble enlacer dans les bras l’un de l’autre, serrés très fort en des baisers interminables. Elle occupait désormais tout mon espace, toutes mes émotions, ma respiration, mes pensées, je l’aimais d’un amour définitif, comme si toute ma vie se résumait à cette attente exaltée du prochain jeudi, comme si tout en moi n’avait été prévu que par elle et pour elle.

Le jeudi suivant j’étais en avance au rendez-vous. Sur un balcon j’avais volé une fleur pour lui offrir. Je faisais les cent pas au bas du petit immeuble, levant parfois les yeux vers son balcon, mon cœur battait, j’étais impatient et terrorisé. Cette ultime attente, ces dernières minutes qui me séparaient d’elle devenaient intolérables, je décidais de monter. Avant de frapper à la porte j’eus encore une hésitation ; fébrile, la gorge sèche je me lançais.

Ca y est, elle était devant moi. Une apparition de rêve. Je ne vis que la blondeur de ses cheveux légèrement défaits et le bleu éclatant de ses yeux, et son sourire surtout son sourire. Elle se tenait debout devant moi vêtue d’une tunique turquoise légèrement transparente, elle avait croisé un bras sur sa poitrine pour cacher ses seins : " J’étais sur le balcon, je bronzais en t’attendant, entre ! ". Sa tunique s’arrêtait juste au dessous de son bikini. " Installe toi , je m’habille ".

Elle partit en direction de sa chambre tout en ôtant sa tunique. Je vis son dos nu, ses hanches onduler. Je vis son corps encore brillant d’huile solaire se balancer dans la pénombre de l’appartement. Elle ne mit pas longtemps. Elle avait juste enfilé un débardeur rose à fines bretelles et une petite jupette bleu clair. Toujours le bleu. Ses seins étaient libres j’apercevais leurs pointes. Toujours pieds nus. Elle se planta devant moi. " Bonjour ! " Il y avait du rire dans sa voix. Avec un naturel désarmant elle déposa un baiser sur ma joue, et sans rien me demander nous servit à boire. Le rêve se prolongeait. J’étais dans un autre monde sans réelle apesanteur, loin des mes amours platoniques, de mes rêveries confortables, ma vie de petit garçon solitaire se précipitait dans une pluie de sensations incroyables, mon réel semblait encore plus réel, léger et puissant comme la grâce. Je lui tendis ma fleur : " Joyeux anniversaire ! ", " Mais ce n’est pas mon anniversaire ! ", " Je sais " Elle éclata de rire, prit la fleur et la respira en fermant les yeux puis la posa sur la table, à deux mains elle saisit ma tête et colla ses lèvres contre les miennes. Je faillis tomber. Mon cœur s’était mis à battre à tout rompre. Je sentis que sa langue cherchait à forcer le barrage de ma bouche. Quelle douceur ! C’était mon premier vrai baiser. Mille fois vu au ciné à la télé, mille fois lu, mille fois surpris dans la rue, sur la plage, mille fois rêvé, mille fois espéré. J’entrouvris les lèvres et sa langue put venir à la rencontre de la mienne. Nous échangeâmes nos salives, le baiser devint de plus en plus nerveux, j’avais passé mes bras autour de ses épaules et maintenant nos corps s’écrasaient l’un sur l’autre, je sentais ses seins s’écraser sur ma poitrine. Et puis lentement elle retira sa tête et se recula un peu. Elle passa une main dans ses cheveux tout en me regardant. " Je suis folle ". Moi aussi j’étais fou d’amour, il m’était arrivé quelque chose d’impossible à imaginer. Mon rêve s’était tout d’un coup condensé dans la réalité, j’avais encore le goût de sa langue dans la bouche. " Je suis folle, il faut oublier tout ça, nous n’avons pas le droit, je n’ai pas le droit. " Je ne voulais pas entendre ce qu’elle disait, le monde s’était brusquement déchiré en deux, et rien n’aurait pu effacer désormais ces derniers instants. Je me jetais vers elle pour blottir ma tête au creux de son épaule, je la serrais de toutes mes forces en tremblant de tous mes muscles, pour rien au monde je ne voulais que ces moments s’arrêtent, il fallait garder un contact entre nos deux corps, il fallait qu’il n’y ait plus de distance, jamais. " Petit bonhomme, tu sais bien que rien n’est possible entre nous ". Elle disait ces mots sans trop y croire, trop libre, trop légère pour s’interdire un désir, son innocence c’était son parfum, la couleur de sa peau et son sourire, toujours son sourire. " Tu as déjà eu une petite amie ? " Non, elle était la première et je la voulais la seule. " Viens ! "

Elle m’entraîna vers sa chambre. Toute simple mais joliment disposée, un matelas à même le sol recouvert d’une couette, une lampe de chevet elle aussi sur le sol, une chaise sur laquelle des vêtements étaient jetés, des livres éparpillés, des tentures indiennes au mur, sous la fenêtre un coffre de corsaire. " Allonge-toi ! " Elle aussi s’allongea. Nous étions tous les deux étendus le regard perdu au plafond. Je lui pris la main et la serrais avec ferveur, ses doigts aussi me serraient. Elle était là dans la pénombre de cette chambre perdue dans quelle rêverie. Elle était là, à coté de moi, et c’était ça qui comptait. Bouillant et à la fois paralysé d’un bonheur déchirant. " Alors laisse-toi faire. " Elle déboutonna ma chemise et m’aida à l’enlever, et du bout des ongles elle me caressa la poitrine, une douce griffure du cou jusqu’à la boucle de ma ceinture. Elle descendait en faisant de grandes arabesques autour de mes seins. J’avais fermé les yeux m’abandonnant à la magie de ses doigts, puis j’ai senti ses lèvres se poser ici ou là sur mon torse en de légers baisers pleins de tendresse. Elle défit mon pantalon et le fit glisser entraînant mon slip jusqu’à mes chevilles, elle m’ôta chaussures et chaussettes. J’étais nu. C’était la première fois, par pudeur j’avais posé une main sur mon intimité, elle posa sa bouche sur la main, ses cheveux sur mon ventre me procuraient des sensations délicieuses, elle écarta ma main et se saisit de mon sexe. Elle tenait à pleine main , sans serrer, mes bourses et mon membre qui commençait à se tendre de plus en plus. Quand elle le prit dans sa bouche je crus défaillir, la chaleur de sa bouche, sa douceur, m’irradiaient tout le ventre, je sentais ma verge trembler sous sa langue, jamais je n’avais imaginé de telles caresses, jamais je n’avais penser que le corps d’une femme puisse procurer de si grands plaisirs. Elle procédait avec lenteur, avec précaution, avec une attention presque sacrée. Sa bouche enveloppait mon gland et en descendant le long de la hampe, je sentais sa langue la presser, l’entourer, d’une main elle continuait de caresser mes testicules en grattant parfois avec le bout des ongles leurs peau fripée. Je sentais peu à peu la jouissance arriver, elle s’en aperçu, s’écarta et releva la tête, tout en me serrant le bout du gland. La chaleur reflua en ondes électriques. J’avais toujours les yeux fermés et mon ventre s’animait de petits coups de reins comme si mon sexe cherchait à atteindre à nouveau la douceur de sa bouche, je sentis son souffle sur mon visage et ses lèvres sur les miennes. Son baiser était brûlant, nos dents se cognaient, j’osais maintenant lui enfoncer ma langue au plus profond de sa bouche. Je ne me lassais pas de ces nouvelles sensations ; le velours des langues qui s’entre croise, les salives qui se mêlent en un élixir subtil. Je découvrais les plaisirs de la chair contre la chair, de la chair dans la chair, du mélange des humidités, des souffles, des odeurs. J’avais glissé une main sous son débardeur et je pouvais toucher la peau tiède, douce, souple de son dos, sous mes doigts vivait un corps dont j’éprouvais le satiné, l’élasticité et qui me transmettait les tensions de la vie et de l’amour. Mon érection était toujours à son maximum : " Je crois qu’il va falloir te soulager un petit peu ". Elle reprit mon sexe dans sa bouche me le tenant cette fois ci d’une main plus ferme. Déterminée elle fit quelques allée et venue, ce fut rapide je fus pris d’une tension qui électrisa tout mon corps, de longs jets de spermes se répandirent sur mon ventre et sur ses doigts, je ne pus m’empêcher de râler, j’étais secoué par des spasmes voluptueux. Elle me serrait les testicules, les massant précautionneusement et couvrit ma figure de baisers. Et puis l’onde plaisir reflua j’étais essoufflé et presque gêné, je la voyais sourire, je me sentais flotter, porté par une sorte d’ivresse. Elle pris à coté du lit quelques mouchoirs en papier pour s’essuyer les mains et me nettoya avec douceur le torse et mon sexe. J’étais allongé nu, ne sachant plus très bien où je me trouvais, je m’abandonnais à un bonheur violent et inconnu, incomparable à tout ce que j’avais pu vivre ou seulement imaginer. Elle aussi était allongée, toujours vêtue de sa jupe et son débardeur, ses yeux brillaient d’une intensité étonnante et sa coiffure un peu défaite auréolait sa tête d’un soleil prestigieux. Qu’elle était belle ! Les lèvres à peine entrouvertes laissant juste entrevoir la blancheur et ses dents, qu’elle était belle, les yeux mi-clôt, une main dans la mienne l’autre posée sur son ventre. Je me suis tourné vers elle, j’ai déposé ma tête au creux de son épaule et me suis blottis contre son corps. Je fermais les yeux et l’entendais respirer, je sentais aussi toutes les effluves de sa peau, son parfum qui s’épuisait en se mêlait aux odeurs de sa transpiration. Douces senteurs des corps gorgés de désirs, suants de plaisirs, corps chauds haletant et moites. " Maintenant tu vas pouvoir t’occuper de moi. Tu vas me déshabiller lentement et tu pourras me caresser. Ne te presse pas, prends ton temps. Sois doux et tendre. Les femmes aiment qu’on les caresse avec douceur, elles aiment sentir le regard des hommes sur leur corps nu, elles aiment qu’on les désir. Découvre mon corps, apprend-le du bout des doigts, caresse-le de ton souffle de ta langue de tes yeux, prépare-le à te recevoir. Je suis la belle au Bois Dormant tu es le Petit Prince, je suis ta rose , cueille-la, respire-la, bois sa rosée. " Elle avait parlé à voix basse, presque en chuchotant, les yeux fermés. Je découvrais la douceur des mots, une langue nouvelle faite de miel et de soleil et d’ombres fraîches, une langue de ruisseau qui passait dans le sang, dans les nerfs. " Dis-moi encore, dis-moi ta peau, dis-moi l’amour… ". " Je vais t’offrir le plus beau des cadeaux, la plus belle des fleurs, la source la plus miraculeuse, tu vas toucher la vie au plus près du sang, tu vas découvrir ce qu’est l’amour quand il devient ta peau, quand il devient ta main, tes doigts, tes yeux. Tu vas savoir ce qu’est l’orage en plein soleil et le désir quand il devient ruisseau et fleuve et océan. Je t’offre mon corps pour que tu apprennes comment la douleur d’un espoir se transforme en extase et comment le don succède à la perte, tu sauras que la vraie puissance n’est pas le pouvoir et que la fragilité de ton cœur vaut mieux que tous les serments. Aujourd’hui tu ne prendras pas mon corps puisque je te l’offre, il te faut seulement être le vent pour pouvoir l’accueillir, être lumière pour pouvoir l’honorer, être musique pour le faire chanter. Aujourd’hui tu apprendras que le poids n’est pas lourdeur et que la grâce se tient dans ton souffle. Alors petit bonhomme je te fais l’offrande de mes cris quand ils sortent de ma chair et de mes soupirs quand ils sont miséricorde, tu seras la vague et serais le sable, tu seras la vague j’en serais l’écume, viens transpirer sur ma joie, viens échanger nos ventres, viens nourrir notre ivresse, viens t'effondrer dans mon âme. " Je n’avais jamais entendu une telle prière, je ne savais pas que l’amour puisse faire vibrer la lumière. Je découvrais une magie qui transportait l’être, qui caressait sous la peau des parties inconnues, quelque chose de vivant qui saisissait chaque partie du corps, je découvrais dans ce murmure d’amour l’étendue d’un ciel bleu, la profondeur des océans, et cette douleur que procure un bonheur trop intense. Mon cœur battait la chamade, j’ai posé la main sur son pied, doucement, le plus doucement possible. J’effleurais cette peau de peur de la froisser. J’ai remonté lentement le long de sa jambe et glissé sous sa jupe, la peau avait une douceur de pétale, la chaleur fourmillante d’un champ de blé, je voyais mes doigts comme dans un rêve caresser les régions secrètes d’un corps de femme. Brûlure entre les cuisses souples, moelleuses. Sa jupe maintenant était relevée découvrant son bikini blanc qui attirait tous mes regards, tous mes fantasmes d’adolescent se trouvaient là à peine voilés par ce tissu gorgé de délices. J’ai passé la main dessus et senti sous mes doigts foisonner une végétation trouble, les cuisses légèrement écartées facilitaient ma caresse. " Doucement, pas si vite, déshabille-moi mon chéri ". Elle m’aida à faire glisser sa jupe, puis se redressa pour que je lui ôte son débardeur et brusquement ses deux seins me sautèrent au visage, deux seins comme des fruits gorgés de promesses, ronds fermes, hauts placés, se tenant d’eux même, ils avaient la grosseur d’une grosse orange, en auraient-ils la saveur ?. Je ne pus m’empêcher de les prendre dans mes mains et de les serrer pour ressentir leur velouté, pour en éprouver la délicatesse, je ne me lassais pas de les masser, j’appuyais sans forcer sentant rouler sous ma paume les tétons durcis. Elle s’est rallongée, a fermé les yeux, ma bouche a remplacé mes mains, je me suis mis à sucer, à téter, j’aspirais ses petits bouts turgescents, les faisant rouler sous ma langue, les mordillant, je m’affolais passant d’un sein à l’autre, c’est alors que j’entendis ses soupirs, sa respiration s’accélérait, elle haletait de plus en plus avec de petits couinements, son ventre se creusait, ondulait. Je me sentais emporté par cette agitation du corps, cet abandon. Mon sexe était dur à me faire mal, je le pressais parfois faisant aller et venir ma main pour apaiser un désir douloureux. Son bassin s’était mis à rouler, elle prenait appui sur ses jambes écartées et le tendait de haut en bas. C’est à ce moment là que j’ai passé une main sous l’élastique de son maillot, pour la première j’ai senti la soie de sa toison, mes doigts peignaient, tiraient sur cette chevelure mystérieuse, douce, dense, touffue. Sa main se posa sur la mienne, elle me guida un peu plus bas, je touchais ses chairs, ses chairs chaudes et humides, elle m’appuya sur mes doigts pour les faire pénétrer plus profondément. J’étais au cœur de mon désir, à l’endroit même de l’incendie. " Enlève ma culotte !" Alors je lui relevais les cuisses pour lui enlever ce dernier morceau de tissus. Je me suis retrouvé assis entre ses cuisses largement écartées, devant moi le buisson noir de son sexe s’offrait, je pouvais apercevoir sous les broussailles les chairs rosées : " Approche-toi, embrasse-le, vient boire cette bouche, vient me sentir, vient me lécher. " Je me suis allongé, j’ai posé ma bouche, fermé les yeux, respiré à pleins poumons des senteurs inattendues. " Avec ta langue, doucement sur mon bouton, là oui. " De ses doigts elle s’écartait le sexe et me montrait un petit bourgeon de chair nacrée. J’y ai posé mes lèvres, ma langue, j’ai donné ma salive, j’ai sucé, aspiré, pendant qu’elle reprenait ses petits cris et que son ventre ondulait de plus belle. " Oui mon chéri, comme ça. ", sa voix s’essoufflais dans les gémissements. Elle appuyait sur ma tête, tirait sur mes cheveux pour me guider. J’avais enfoncé deux doigts au fond de son sexe et pendant que je suçais son bouton je les bougeais le long des parois chaudes ; de la mollesse de ses chairs s’exhalait toutes sortes d’effluves de coquillages, comme si un océan gisait dans cette grotte, dans cette plaie embrasée de plaisirs. Elle bougeait ses hanches de plus en plus fort, les faisant venir à la rencontre de ma bouche ou de mes doigts. Je ne fus même pas surpris quand elle se mis à crier, de longs râles aigus. Je frottais mon sexe sur la couette donnant des coups de reins comme si je voulais percer le matelas, mon ventre était brûlé par le désirs, il me semblait que je perdais la tête, je n’avais plus conscience de rien, mes yeux voyaient derrière sa toison son ventre monter et descendre et s’agiter en tous sens. Elle haleta encore plus fort et brusquement se cabra en crispant ses mains sur ma tête, tout son corps fut secoué par des tremblements de chair et des cris essoufflés. Ce fut un orage. Une tempête. Ma bouche fut envahie de ses jus odorants que je lapais avide, et ma tête était prise dans l’étau de ses cuisses. Et puis peu à peu tout reflua. Un calme épuisé, comme effondré se répendit. J’entendais ses longs soupirs. Elle m’attira à elle et nous nous sommes étreins dans un baiser définitif. Je vibrais de la sensation de nos deux corps collés l’un à l’autre, mon sexe raide frottait sur ses poils humides et nos regards exaltés se répondaient en silence comme si toutes paroles étaient désormais inutiles. Je baisais chaque partie de son visage, les paupières, le nez, les lèvres, les oreilles, le cou, les joues, le front, je sentais ses mains caresser mon dos, mes fesses, nous avions chaud et nos sueurs rendaient l’adhérence de nos peaux plus délicieuse encore. Je découvrais que l’amour des corps avait des odeurs, des parfums envoûtants, forts et doux, comme nos halènes saturées, comme nos transpirations mêlées de restes de parfums. Nous étions rejetés dans un monde séparé, séparé de tout, où il n’y avait que nous, hors du temps, hors du mouvement des astres, pris l’un dans l’autre, dans nos caresses, dans nos yeux, dans nos respirations. Pris dans ce désir violent et silencieux fait de tremblements, de geste rugueux et doux à la fois. J’étais passé sur l’autre rive de la vie, abandonnant l’enfance sans regret, consumé par des déferlantes de sensations soyeuses, chaudes, éprouvantes, blasphématoires. Je baignais dans l’irréelle atmosphère de cette chambre ombreuse, et je sentais se condenser en moi des morceaux entiers d’éternité. " Viens, tu vas pouvoir me prendre maintenant. Donnes moi ton sexe. ". Elle a passé sa main entre nos deux corps, s’est saisi de ma verge et la présentée sur les bords souples et charnus de son sexe. Je poussais ; j’étais aspiré par une chaleur imbibée de sucs. Dressé sur mes bras, je tentais d’aller au plus profond de son ventre à grands coups de rein. J’allais dans ce puits de chairs vivantes qui irradiait de picotements soyeux mon membre, mon ventre et chaque centimètre de peau en contact avec la sienne. Elle avait relevé les jambes pour faciliter ma pénétration et ses mains me frottaient le bas du dos, augmentant ainsi mon désir d’aller au plus vite à l’extase, mes coups étaient de plus en plus rapides et violents, je ahanais, elle criait, je sentais ses ongles s’enfoncer dans mon dos, mes épaules. Je ne pus retenir les spasmes de mon plaisir, ni mes râles, je donnais d’ultimes coups de reins et fini par répandre en elle ma semence enflammée. Elle me serrait dans ses bras, je tenais sa tête entre mes mains pour l’embrasser. Nous étions arrivés au bout, de l’inoubliable de l’impensable, dévasté par l’épuisement. Mon sexe restait prisonnier de cuisses, nous roulâmes sur le côté, toujours serrés l’un dans l’autre essoufflés. Nous nous sommes retrouvés allongés cote à cotes, essoufflés ; et puis elle s’est mise sur le ventre, la tête tournée vers la mienne, il y avait dans ses yeux une sorte de buée, comme un voile de sérénité. Je me suis redressé sur un coude pour la contempler, ses fesses m’attiraient, alors je les ai caressées, longtemps. Très longtemps.

Il y eut d’autres jeudi, jusqu’à la fin du mois de juin. Le dernier, après s’être aimer, elle m’annonça qu’elle partait. Elle avait fait une demande de mutation qui avait été acceptée. Nous ne nous reverrons plus. Ce jour là le monde s’est écroulé sous mes pieds. Je lui ai dis que je ne pourrais pas supporter la vie sans elle, je crois que j’ai pleuré. Elle me consola de paroles banales, inaudibles, me redit l’impossibilité de notre amour, qu’elle se sentait coupable, qu’elle s’en voulait. Moi, je m’accrochais à elle. Et puis l’année scolaire finie, tout le monde se sépara. Elle devait déménager début juillet. Le jour où le camion vint enlever tous ses meubles je me rendis chez elle. Elle s’afférait fermant les derniers cartons, je ne reconnu même pas son appartement, vide, éclaboussé de soleil, tous les soupirs, tous les baiser, tous les silences s’étaient volatilisés. Je la voyais donner des consignes aux déménageurs, elle était toujours aussi belle, planté dans cette grande pièce vide, mon ventre vrillé de douleurs silencieuses, j’étais incapable de réaliser ce qui se passait. " Tu n’aurais pas du venir, tout ceci te fais du mal. " Il y eut un dernier baiser. Et puis ce fut fini. Sauf la mémoire.

Je porte se souvenir depuis plus de trente ans comme une blessure familière. Pas un jour je n’ai pas eu une pensée, même fugitive, pour cette belle prof d’italien. Cette aventure aurait pu me libérer, c’est le contraire qui arriva. Après son départ je me suis refermé sur moi-même, comme une parenthèse. J’ai fini de grandir et commencé à vieillir avec au fond de l’âme une nostalgie irréductible. Et chaque fois que je croise une jeune fille blonde dans la rue, une jeune fille blonde et légère, légère et gracieuse, mon cœur se pince. Il me reste de cette époque l’amour de la langue italienne, que je parle toujours très mal, et de l’Italie où je n’ai jamais été. Sauf la mémoire.

Franck

14 avril 2005

Médée.....

Je pense à mon Ange. Trop, je le sais. Elle n’aime pas ça. Je le sais aussi. Elle voudrait qu’on soit détaché de nos corps, de nos vies mortes. Moi, je la fais vivre dans des rêves, je la glisse dans des personnages. C’est Antigone qui lui ressemble le plus. Pourtant aujourd’hui quand je pense à elle j’imagine Médée. Ma Médée. Pas celle dont l’histoire à oubliée le nom, mais une Médée entière, passionnée, dangereuse, une Médée brûlée, incendiée….

Je ne vais pas raconter toute l’histoire, la fin seulement. Il faut bien savoir que moi, Médée, je l’aime, et je sais qu’il n’y a pas un homme sur terre qui aurait refusé son amour. Beaucoup la détestent, on la croit responsable des malheurs de Jason ; c’est faux, c’est une femme trahie et qui s’est donnée au Diable, par amour. Jason ne fut qu’un homme : vaniteux, qui croyait au pouvoir, à la force. Médée, elle, c’est l’amour. L’amour déchiré, elle donne tout ; son âme, son père, son corps, ses enfants. Heureusement quelques dieux fous lui ont rendu justice, ils l’ont rendu immortelle. Ce que j’aime dans Médée c’est qu’elle révèle les hommes tels qu’ils sont… Donc voilà…..

 

…. Certains disent qu’avant de partir Médée aurait tué ses deux enfants… puis elle aurait errée quelque temps, folle, inconsolable.

On dit aussi qu’elle devint immortelle…

 

Quant à Jason on dit que ses épreuves l’avaient brisé, qu’il aurait perdu la faveur des dieux…

On dit qu’il vagabonda de ville en ville, sans but, immensément triste, pitoyable, ressassant inlassablement les souvenirs d’une gloire passée…

 

On dit même, que devenu vieux et lassé de tout il revint à Corinthe. Souvent on pouvait le voir assis, adossé à l’Argo. Et certains jours il parlait à voix basse à on ne sait qui… sans doute à quelques fantômes, aux ombres d’une mémoire incertaine et douloureuse.

Certains disent l’avoir vu pleurer des jours entiers… d’autres encore, affirment l’avoir entendu prier le ciel et de ses lèvres un souffle semblait dire : " Médée !… Médée !… "

… Des témoins rapportent qu’un jour la proue du navire se détacha ; en tombant, elle aurait tué le misérable vieil homme…

Alors…. Alors il est dit, depuis ce jour, que tout près de Iolcos, l’été, durant les nuits de pleine lune, lorsque le ciel laiteux et profond se constelle d’étoiles, le voyageur peut voir briller l’Argo au firmament divin.

 

Alors voyageur attentif, tu peux entendre enfin, le chant des glorieux Argonautes : ces glorieux Argonautes partis pour l’aventure, qui frappent en cadence les flots infinis, et bientôt la lyre d’Orphée se mêle à ce concert magique, impénétrable, musique étrange et majestueuse qui s’unit au murmure plaintif et immuable du vent…

 

Alors voyageur attentif, ton âme suspendue peut se sentir tout à coup emportée par ces plaintes et ces lamentations, par ces souffles obscurs et purs à la fois qui irradient la nuit d’une chaleur singulière, pénétrante, traversée seulement par l’ombre inquiétante du vol des oies sauvages…

Quiconque à connu ces nuits boursouflées de nostalgie où la mémoire rend grâce et demande pardon, connaît l’ivresse divine et le tourment des dieux.

 

Au début de cette histoire terrible il y eut Athamas… et puis, il y eut Médée.

Médée, l’unique, la seule. Dans ses seins délicats rôdaient des appétits immenses et son ventre frissonnait de tentations ardentes. C’est dans ce ventre chaud aux senteurs océanes qu’un jour Jason se noya.

C’est dans ce ventre chaud aux charmes fascinants que dans un spasme voluptueux Jason se perdit, prisonnier de la chair de ses palpitations délicieuse, prisonnier à jamais des cuisses accueillantes, lascives de Médée…. Médée l’ensorceleuse.

 

Toi le voyageur par-delà les époques souviens-toi qu’un jour Jason parti fier et conquérant, mais souviens-toi aussi de Médée. Elle hante depuis lors la mémoire des humains sans jamais dire son nom. Elle est la face noire de toutes les conquêtes. Femme crucifiée par son amour de femme. Les dieux, par folie ou sagesse, on ne sait, ont habillé son spectre d’un linceul redoutable.

 

Femme… jeune femme, dès qu’elle souriait son visage s’illuminait d’enfance immaculée.

Curieux mélange que cette féminité métamorphosée… transparence d’un voile… transparence de l’âme.

Animal… jusque dans sa séduction… brutale et pure.

Elancée… mieux, racée… légèrement féline… d’une beauté innocente, sincère, évidente.

Sans douceur pourtant…

Simplement cruelle…

Comme une blessure

Sauf cette expression d’entêtement naïf et sauvage qui donnait à l’harmonie de ses traits des airs inattendus, singuliers, si proche de l’ange… de ces anges oubliés qui peuplent nos lointaines mémoires, nos rêves les plus impénétrables.

Prête à tous les combats, jusqu’aux combats des corps… combats sans merci, sans abandon… armes contre armes…bien au-delà du plaisir…quand les âmes sont dévastées de vertiges et de fulgurances fatales.

Certaines séduisent par une sainte grâce…. Avec Elle point de sainteté…

Seulement de la vie

De la vie à l’état brut.

Frénétique.

De la vie écarlate,

Couleur de sang

Couleur de mort.

Quant à la grâce, la sienne semblait faite d’une ineffable exaltation.

Brûlante…

C’était un brasier, un feu ardent, fait de flammes hautes, absolues.

Tout pouvait s’y consumer, même le pire.

Tout pouvait s’y purifier, même Satan.

Forte et terriblement fragile.

Plus forte qu’un éclair

Ou que le goût du néant

Plus pure qu’une larme….

 

Dans la nuit de ton âme, toi le voyageur, tu vois parfois surgir Médée. Elle est toute dressée comme une lame orgueilleuse, aussi nue que le fer, brillante comme un astre. Sa chair te semble douce, tu voudrais la toucher, noyer ton désespoir dans le parfum suave de sa chevelure ruisselante. Tu voudrais prendre ce corps, t’accaparer ses formes rondes et mélodieuses, voir frémir sa poitrine et sentir son ventre brûler ton ventre et son souffle nourrir ton souffle. Tu voudrais posséder ces hanches harmonieuses, cette bouche tremblante, et tu voudrais te perdre dans cette apparition et ne plus jamais revoir le jour…. Et la nuit de ton âme est trou béant, sans fin sans rémission où l’acte seul survit, hors du bien, hors du mal, toujours coupable, détaché à jamais de son sens, de sa fin, de son offrande.

Regarde alors Médée. Regardes-la !…sans passion, sans colère, ni désir. Parles-lui de Colchide de ses rêves d’enfance. Berces-la. Laisses-la s’endormir comme une enfant chérie et referme tes yeux sur cette image pieuse.

Ne touches pas Médée.

Souviens-toi de Jason, quand dans les nuits trop sombres tu pourrais t’enivrer de philtre vaporeux aux illusions funestes.

Souviens-toi de Jason et de la tentation de l’Orient, où le soleil naissant, transforme l’initié en orpailleur sauvage.

Souviens-toi de Jason et laisse passer le temps le temps d’une journée, jusqu’au soleil couchant. Apprends avec patience la course des étoiles et fortifie ton âme de la lente métamorphose de la lumière solaire.

 

Il est des matins clairs, mais il est aussi des soirs triomphant. Si les matins du monde sont chargés de promesses, il n’est pas de couchants qui demeurent silencieux ; ils apportent la clé des mystères du jour, comblant avec bonheur le juste, le probe et le vertueux.

 

Voilà, ce n’est pas Médée qui est dangereuse, c’est Jason, c’est l’homme, c’est le voyageur tous ceux qui ne voient qu’une couleur dans la palette de l’arc-en-ciel, tous ceux qui ne voient que leurs ambitions, Médée c’est l’envers de leurs actes. Moi, je l’aime cette Médée, elle ressemble à mon Ange…. Aussi farouche et insaisissable.

Elle a les clefs d’ici, chaque jour je l’attends.

Franck

13 avril 2005

IL est des matins noirs où le soleil se noie dans

IL est des matins noirs où le soleil se noie dans un lit de détresse.

Il est des matins noirs où l’ombre devient ombre et l’homme devient bête.

Il est des matins noirs où la vie s’écartèle dans un bruit déchirant, un cri de trompette.

Il est de ces sanglots semblables aux matins noirs sortants des ténèbres angoissants et funèbres.

Franck

12 avril 2005

Saba...Makeda....Balkis

Ce qui suit pourrait s’appeler " La tentation de St Antoine ", mais en fait, je ne m’appelle pas Antoine. Je suis Franck, et elle ce n’est pas la reine de Saba. Elle c’est mon Ange. Souvent j’ai l’impression qu’entre nous le temps et l’espace ont été distendu, distordu, déformé. On est très loin et en même temps très, très proche. Saint Antoine, nous dit la légende, à vu passer la Reine de Saba, elle aurait tenté de le séduire, il aurait résisté. Moi je crois que je n’aurais pas résisté, c’est pour cela que je dis ce qui suit. C’est pour cela que je ne serais jamais saint. Il n’empêche que ce sont les noces de l’invisible, de l’impossible. Et puis mon Ange n’est pas boiteuse. Elle dit qu’elle a le cœur boiteux, mais c’est faux. Parfois il ne faut pas l’écouter, ses paroles sont terribles, mais beaucoup moins que ses silences. Ce qui suit c’est un rêve, mais c’est aussi une réalité. Il faut imaginer le désert. Voilà….

J’ai marché en marge de ma vie

De longues années

Sans doute même de longs siècles

Pour m’arrêter un jour au bord de votre visage

Et j’ai voulu m’asseoir

Et ne plus bouger

Jamais

Simplement vous regarder

Toujours

Au creux d’une défaillance de lumière j’ai vu au fond de vos prunelles les grandes étendues de poussières blanches du royaume de Saba

Aux confins de tous les déserts

Là où les prières deviennent de simples souffles

des chants d’azur éparpillés

 

Souvenez-vous, en ces temps là vous étiez reine

Reine gracieuse à la pâleur singulière

Reine du pays du vent

Vous trôniez au centre d’un temple de sable, d’étincelles d’éternité

Souveraine majestueuse d’une citadelle de lumière et de tourbillonnement

Princesse immaculée miraculée des limbes juste assez boiteuse pour ne point offenser Dieu

Votre présence effleurante flottait légèrement comme un lambeau de rêve

Ni tout à fait ici, ni tout à fait ailleurs

Oui, vous étiez reine vos gestes le dessinait

Déesse, vos yeux le révélait

Et votre voix chantait le chuchotis des amants éternels

 

En ces temps là, ermite désolé, je vous ai vu venir, vous sortiez de la nuit emmitouflée d’ombres claires, drapée d’un grand voile constellé

 

En ces temps là mes os grinçaient de peur

Je passais de dune en dune, de jour en jour, de blessure en blessure, conquérant d’un vide toujours à venir dans la seule espérance d’une stridence inattendue

Le cœur vert

Je passais les bras ouverts au grand vent chaud étreignant des mirages si lointains

Entre mes doigts coulaient déjà ces cendres de temps

J’étais une étoile noire tombée dans de trop grands hasards

De sombres hasards

Un baiser m’eut sauvé

Pas même un baiser

Rien

Pas même une enfance

Seulement des restes d’amours effilochés

 

En ces temps là votre silhouette délicate est passée sur mon cœur

A glacée mon sang

Votre parfum disait l’infini de l’espoir

Alors au fond de l’horizon le soleil tout à coup bascula dans son lointain sépulcre

 

Souvenez-vous

J’ai vu votre beauté, légère comme un ciel d’été, glisser avec douceur vers le seuil inconsolée de ma retraite obscure, votre lumière bleue avait la transparence envoûtante de ces jeunes mamans penchées sur un sommeil d’enfance, dans vos yeux scintillait cet espace d’éternité qui appelle la joie pure d’une prière lancée au firmament.

Votre présence fut comme un souffle de mésange, un frôlement rayonnant, une pluie étincelante semée sur mon océan de langueur

Une fleur mystérieuse plantée au jardin de mes absences

 

Nous sommes entrés sans prononcer un mot dans la chambre nuptiale de la nuit

laissant grand ouvert les cristallines portes de l'infini pour laisser passer la clarté nuageuse des songes et la fourmillante folie des séraphins éthérés.

 

Et j’ai bu votre bouche fondante comme l’hostie sacrée et me suis enivré d’une sève à la saveur irréprochable

Dans ces heures rougies au feu des extases éruptives, blanchies aux soupirs de vos invitations ma mort fut percée d’une flèche de lumière argentée.

Sur votre épaule nue un ange a déposé ses ailes de silence et sur vos seins opalins j’ai pu laisser couler mes larmes quand votre ventre orageux traversait mon âme transfigurée d’éclairs rougeoyants.

Vos entrailles de chairs pourpres brûlaient mes oraisons laborieuses dans une fulgurance invincible, vertigineuse. Je me noyais sous l’arche inespérée de vos émois, balayé par des rafales de joie.

 

Et j’ai vu mes mains de prières sur votre corps de louanges

 

 

Et j’ai vu votre ventre lieu infini de la mort exacte

Et j’ai eu soif de vos eaux généreuses, ce rien à l’âme qui bouleverse toutes les certitudes : marée sauvage, sans retour, sans rémission, effroyablement délicieuse

 

Et j’ai ouvert les mains pour recueillir jusqu’à l’ultime goutte de vos bruissements et je n’ai pu saisir que l’or de vos silences

 

Nous avons partagé la nuit et ses gerbes étoilées recouvert d’un seul manteau de paix jusqu’à ce que l’aube de sable pousse un large soupir incandescent.

 

Une rose des sables rouge.

 

Dans l’athanor creusé par nos corps, là où votre peau s’est irisée de désir vertical a germée une rose des sables rouge.

 

Il ne me restait qu’à attendre l’achèvement des temps en recueillant l’écumeuse blancheur des jours indifférents et de regagner à pas lent mon impatience souveraine à nouveau consentie. Erosion lancinante sous l’œil noueux du souvenir

Frontière sablonneuse inviolable de l’exil

 

Au départ il n’y a rien

A la fin il n’y a rien

Entre les deux la mer

L’abîme

 

Oh, mon Dieu je suis là et je cherche à comprendre

Oh, mon Dieu la nuit n’est plus la nuit

Elle était une source….. elle devint l’océan

Elle était une étoile ….elle devint l’univers

Oh, mon âme brûle et je suis si pauvre seigneur

Je n’ai plus d’espérance mon seul désir est de prier sans fin au cœur de la nuit du monde.

La prière s’enroule au feu de nos secrets, seul l’écho de cette nuit du monde la porte, légère, douce, tendre, on croirait la voir s’élever sur les ailes d’un ange

… Et jusqu’au royaume des cieux

Voilà, vous savez tout. Je vais poser ces mots sur le rebord de la fenêtre et attendre que le vent se charge de les faire voyager, ou que quelque oiseau vienne les picorer.

Franck

11 avril 2005

Fol Endymion...

On vient de plus loin que de nous même, c’est pour cela que les mythes nous habitent. Ils empêchent la chair de toucher l’os, souvent ils colorent notre sang, ils sont le voile qui tapisse notre crane. Quand on meurt c’est eux qui partent en derniers, c’est eux qui ferment la porte, qui ferment les yeux. Ils s’appuient sur l’ultime souffle et nous quittent sans se retourner. On ne les voit jamais, ils gisent silencieux raclant nos nerfs, usant nos jours en pesant sur les heures. Ils sont la forme invisible de nos rêves et inspirent le moindre de nos désirs, toujours plus vivant que nous, toujours en avance sur nos mots. Aucun de nos gestes ne leurs échappent, même les plus secrets, les plus intimes.

Ce matin j’ai écouté Chopin, sans doute pour évacuer le texte de dimanche. Je sens qu’il est encore là. Je ne suis pas musicien à peine mélomane, au fond, juste un écoutant qui se laisse transporter par son émotion, souvent par sa solitude, toujours par un chagrin. Ce matin j’écoutais. Les doigts coulaient sur le piano ; douce et folle farandole de notes tourmentées sur la valse éclatée d’un Chopin triomphant.

Les doigts coulaient sur le piano ; ruisseau nostalgique de résonances recueillies sur les pétales rougis des roses.

Les doigts coulaient sur le piano ; vertige de neige argentée au bout de l’hiver languissant

Les doigts coulaient sur le piano ; funambules sur des lunes livides, danse chavirante, liturgie magique, ensorcelante.

Papillons des doigts… chrysalide de l’âme…

Sans doute la musique est-elle l’expression la plus épurée d’une tension. Elle semble relier les silences en soutenant leurs fragilités en deçà et au-delà de nos vies comme si l’infini traversait nos chairs.

Elle est ce lien tissé de nos manques, un souffle d’aurore brûlant le crépuscule, un ruisseau de lumière apprivoisée, tous les mots de la langue décomposés en rosée par l’attente et nos veillées désolées. Ce matin j’écoutais Chopin. Je pensais à nos mythes, à mon Ange, à la vacuité des choses et des mots. Ce matin j’ai envie de brûler toute la littérature et de m’endormir comme Endymion. Endymion vivait sur le mont Latmos bien avant que le temps ne commence à couler. Le mont Latmos se trouve en Carie, une province de la Turquie actuelle au bord de la mer Egée. Endymion est berger, certains disent qu’il était roi ou chasseur. Je préfère berger. Endymion le berger est d’une beauté stupéfiante. Si beau qu’il fait de l’ombre aux dieux. Endymion le beau berger à pourtant peur de vieillir. Il ne devrait pas, mais il a peur, c’est comme ça. On n'a pas toujours l’explication de ses peurs. Il ne veut pas vieillir. U jour il s’était endormi dans une grotte. Il faut imaginer le paysage. Le mont Latmos éclairé par une lune grosse et blanche, une atmosphère presque irréelle, la terre qui rend la chaleur qu’elle a prise la journée, au loin le souffle de la mer et Endymion, le beau, allonger dans une grotte. Il dort. Et la lune le voit. Séléné, la lune. Elle le voit dans toute sa beauté calme et sereine. Avec des gestes pâles et blancs elle se rapproche et s’allonge à coté de lui. Elle le regarde dormir. Elle est émue. Sans doute elle l’aime déjà. Elle caresse son visage, lui baise les yeux, respire son souffle de dormeur. Il est beau. Enfin un homme qui ne l’agresse pas. Elle passe la nuit auprès de lui. Il rêve, et ses rêves sont voluptueux, il rêve et voudrait ne pas se réveiller. Des rêves de lumières blanches, des rêves de caresses, des rêves d’éternité. Elle s’enroule autour de ce corps abandonné et le couvre de baiser, les yeux, la bouches, le cou, le torse puissant, le ventre fragile, le creux de l’épaule. il est tout à elle. Au matin, quand Séléné est repartie et que le Soleil prend sa place, Endymion se réveille le cœur rempli de joie pure, sûr de l’évidence d’une présence et s’est le cœur léger qu’il va rejoindre son troupeau. Il ne sait pas encore que son destin est en train de sceller. Brave Endymion. Fol d’Endymion. A cet instant l’histoire n’est plus très claire. Certains disent que c’est lui qui en fit la demande, d’autres pensent plutôt que s’est Séléné elle-même qui se chargea de la chose, bref, un soir il entra dans la grotte et s’endormi pour ne plus jamais se réveiller. En échange il gagna l’immortalité et la jeunesse éternelle. Mais jamais plus il ne se réveillera. Et chaque nuit la belle Séléné vient le visiter, elle se couche sur lui ou à ses cotés, elle prend son visage entre les mains et le couvre de baisers, la légende dit qu’elle a eu plus de cinquante enfants d’Endymion. Lui, il est dans un rêve éternel, un rêve sans fin, un rêve peuplé de douceurs, de sensations subtiles. Mais il dort. Mais il dort. Souvent j’ai l’impression d’être Endymion. Séléné, mon Ange, vient chaque nuit visiter mon rêve, elle apporte un fleuve de sensations subtiles, pourtant elle est si loin. Si proche aussi. Mais si loin. Comme dans un sommeil. Elle est vraie et irréelle à la fois et je peux me croire l’espace d’un instant si jeune et si éternel. Comme la Lune, mon Ange est insaisissable, parfois Hécate, parfois Artémis, parfois les deux à la fois. Et je dors. Une pure folie.

Les mythes nous habitent Qu’en penses-tu mon Ange ?

Franck

10 avril 2005

Des pétales de roses

Quand j’y repense la première image qui monte c’est la petite chambre mal éclairée. Une lumière pâle, un peu jaune, parce que les volets sont fermés. Sur le lit il y a un grand drap blanc qui descend jusqu’au sol. On dirait un navire. Dans mon souvenir, ce lit est immense et la chambre minuscule. Dehors c’est l’hiver. Un hiver froid. Il gèle. Il ne neige pas. Il gèle. Dans la chambre aussi il fait froid. On a coupé le chauffage. Je suis assis au pied du lit sur une chaise. Quand je rentre dans la chambre je m’assois. Toujours sur la même chaise. Je n’y reste jamais très longtemps. Parce qu’il fait froid dans cette chambre. Je suis assis et je regarde droit devant moi le lit-navire-blanc. Je n’ai plus que ça à faire, me rassembler dans un regard perdu. Quand je rentre dans la chambre je m’assois et je pose ma main sur le drap blanc. En fait, je ne pose que le bout des doigts. Le silence est rigide, fragile comme une pellicule de givre posée sur l’océan. Tout est silence maintenant. Et je sais que tout sera silence jusqu’à la fin des temps. Sur le lit sont posés des pétales de roses. Je revois très bien cette couleur de sang noir des roses jetées sur le blanc du drap. Un jour, en dérivant dans une lecture fastidieuse quelques mots m’ont sautés au ventre, c’est Perceval. A la fin du livre il vient de blesser une oie avec sa flèche. L’oie blessée s’est enfuie. Dans le livre il fait froid aussi, et la neige habite toutes les lignes, toute la parole, l’écriture brusquement blanchie à son tour. C’est Perceval qui tombe en suspend devant trois goûtes de sang sur le blanc de la neige. Et brusquement le livre se paralyse. Perceval est dans l’égarement de sa raison, dans l’effarement de ces trois taches de sang, et tout s’arrête, il n’y a plus d’aventures, plus de Graal, plus rien que ces trois goûtes de sang dans le blanc de la neige. Perceval oublie tout, il est dans une fascination absolue, le monde est effacé, et toute son âme lui revient en mémoire ; cette belle jeune fille, et cette mère qui tremble d’avoir enfanté un garçon si turbulent. Il ne bouge plus. Il n’entend plus. Il est dans la traversé de sa chair. Dans la chambre il faisait froid et il y avait tous ces pétales rouges sur le drap blanc, et la vie dans mes veines s’est rétrécie, tout semblait s’être figé en cristaux transparents, coupant, prêts à se briser, même ma mémoire s’est durcie. Même le temps s’est durci. Il fait encore si froid ce matin quand j’y repense. Le drap ne faisait aucun pli, chaque pliure a été cent fois repassée. Elle, elle est là, au milieu des roses. Allongée au milieu des roses. Prise dans le froid des heures. Elle ne parle plus. Quand on est allongé au milieu des roses on ne parle plus jamais. C’est un truc qu’il faut savoir. Le drap la couvrait jusqu'à la taille, ses jambes cachées, ne faisaient qu’une tout petite vague d’écume blanche. Parce qu’il faut comprendre qu’elle était devenue si petite. Si petite. Elle ne pesait plus rien. Sa vie touchait l’os. Son nez paraissait immense. A l’instant je viens d’aller garder une des rares photographies d’elle, je la connais par cœur cette photo. Elle avait dix-huit ans. Une photo en noir et blanc dans un cadre doré accroché dans le salon. Sur la photo son nez est parfait, comme le reste. Elle avait une beauté évidente, fraîche, avec quelques ombres de gravité, un peu d’inquiétude dans le regard. A dix-huit ans c’est normal, l’inquiétude donne du mystère. Mais là, dans son visage d’os, je ne pouvais plus rien lire. Les lèvres n’étaient pas jointes, de la chaise j’apercevais le reflet blanc d’une dent. La veille les hommes noirs s’étaient enfermés avec elle pour les derniers maquillages, les derniers habillages. J’avais encore dans ma poche les petits poèmes que je lui avais lus. J’étais assis sur le lit en désordre dans la chaleur de la chambre, dans la lumière de ses yeux, mon cœur bâtait, on parlait tout bas, on était juste dans le souffle de nos mots. Je lui ai lu cinq misérables poèmes. J’ai bien vu ses larmes à la fin. Il ne lui restait plus rien, et en plus elle me donnait ses larmes. Nous étions tous les deux, elle a passé sa main dans mes cheveux et son geste s’est terminé en une caresse sur la joue. Après un long silence elle a seulement dit :  " Pardonne-moi ". Pourquoi, pardonne-moi ? Pardon de quoi ? Je n’ai rien pu répondre. Pourquoi pardon, maman ? Tu n’as rien à te faire pardonner. Tu meurs, ce n’est pas de ta faute. On s’est regardé un long moment. Notre dernier tête à tête. Maintenant il fait froid dans cette chambre, assis je serre les papiers de poésie, et mes yeux se perdent dans cette vison de ce corps au milieu d’un cercle de pétales rouge. Quand les hommes noirs sont sortis, quand j’ai pu la revoir, je me suis approché du lit, je me suis penché et j’ai baisé son front. J’ai sursauté. Le froid sur mes lèvres. On sait bien que les corps qui meurent sont froids, on le sait. Et pourtant c’est un savoir impossible. Je suis allé m’asseoir. Deux jours. Deux jours, et je n’ai pas pleuré. Pourquoi ? Pourquoi n’ai-je pas pleuré. Je ne le sais toujours pas. Perceval, durant un instant est arraché de sa vie, arraché de son corps, il ne sent plus rien, ni le froid, ni les hommes qui s’agitent autour de lui. Rien. Je suis dans un silence hagard, pétrifié. Ca fait trente ans, et je suis toujours dans un silence hagard. Je n’ai pas pleuré, est-ce que comprends maman ? Je n’ai pas pleuré, est-ce que tu me pardonne ?

Elle est partie la petite fille

Dans un ciel boursouflé de tendres blancheurs

Elle est partie là où les mots éclatent en grelots

Elle est partie sans rien dire à personne

En chantant sur des airs symphoniques

Douce et folle musique

Qui s’étale en éternité

Dans cet espace de fluidité

Où chaque particule se tait

La petite fille est partie

Sur son nuage de folie

Emportant avec elle

Dans ses bras enserré

Un bouquet de violettes

Un bouquet de bleuets

Bleu et rouge

Comme un couchant d’hiver

Comme un pays perdu

Ou comme un enfant triste.

Mon Ange a voyagé dans toutes les contrées de l’âme, on ne dirait pas à la voir. Elle tutoie Dieu et le Diable, mais son cœur de feu la protége de l’un et de l’autre, elle m’a dit : " Va visiter tes morts… "

Franck

9 avril 2005

Ecrire....

Le deuxième pas. Je me sens encore hésitant. Il faut que j’évacue les brouillards de la mémoire. J’ai besoin de me mettre au clair avec l’écriture. Poser ici l’horizon qui m’éblouis. Il faut d’abord exorciser. Il faut que je parle de mon bâton d’errance, pour donner les premières couleurs à ce blog, il faut que j’épuise ma rêverie, pour trouver la bonne musique. Il faut que je vide ce premier sac de mots, parce qu’il m’encombre, je l’ai tellement chargé…. Donc voilà, un jour - et ce jour vient du plus loin de vos années d’orages, de pluie, d’errance - un jour vous vous mettez à écrire, à écrire vraiment. Et brusquement vous êtes dans la fraîcheur d’une aube et cela vous suffi. Chaque mot surgit d’une rosée généreuse. Vous, vous n’avez qu’à l’accueillir dans le silence, reconnaissant d’être encore en vie et de pouvoir sentir le flot du sang envahir toute la langue.

Ce jour là, vous vous retrouvez loin de tout et pourtant vous n’avez jamais été si vivant. Vous êtes dans une désolation lumineuse et cela vous suffi. Vous êtes perdu et c’est justement cette perte qui vous ressuscite. Vous êtes perdu et tout vous paraît plus clair, plus net, plus définitif, plus impératif.

Renaître après des siècles d’agonie.

On n’écrit jamais pour plaire ou séduire, on écrit pour se retrouver. Chaque mot vous rapproche d’un lieu inconnu plein de mystère, un lieu inévitable.

Ecrire prolonge un rêve commencé il y a longtemps, dans l’enfance, un rêve commencé quand vous étiez blottis dans le plus fragile abandon du regard de la mère qui vous avez fait -vous si infirme- roi si rayonnant.

Oui, écrire c’est d’abord retrouver ce sommeil plein de couleur et de chaleur où l’amour n’est pas promis mais donné comme une éternité, offert comme la première nourriture et la seule dont vous aurez jamais besoin. Ecrire vous fait retrouver ce rêve où vous n’êtes là pour personne sauf pour le murmure incompréhensible et attendri d’une mère devenue folle parce qu’elle s’est enfin oubliée et qu’elle divague dans les méandres de votre visage.

Un jour vous écrivez, et c’est ce seul murmure qui compte parce que lui seul peut couvrir le vacarme du monde. Vous ne saurez jamais si cela peut faire un livre, vous êtes dans le pur bercement de la langue, dans l’oublie de votre propre présence, dans cette musique qu’il faut prolonger jusqu’à la fin des temps.

Vous êtes envahi par le blanc de la page et les mots viennent parfois vous secourir du vertige, ils sont les traces, les signes, qui vous relient au ciel, à la terre et l’encre vous retient de sombrer dans la défaite toujours imminente.

Ecrire c’est un grand vent qui secoue les branches de l’âme emportant les feuilles les plus faibles celles qui ne tiennent que par le doute, et qui deviendront les mots les plus brûlés de votre langue.

Ecrire c’est être dans cet arrachement, dans cet envol au milieu d’une tempête, dans cette chute soudaine au cœur d’un vide terrifiant et miraculeux.

Consentir à ce ciel désolé, simplement consentir.

Avec un peu de chance un ange vous prêtera ses ailes et le vent vous poussera dans un jardin de mots prêts à fleurir qui n’attendent que le souffle créateur pour déployer les pétales d’un verbe secourable.

Traverser le rêve d’écriture c’est traverser un amour rouge comme le sang, tranchant comme une lame aiguisée, ardent comme le feu d’une forge, un amour ravagé de silence et de vent.

Le jour où l’on écrit c’est qu’on s’est mis en marche vers un amour ; qu’on en appelle la brûlure et l’âme souveraine, c’est une marche aveugle main tendue vers un noir toujours plus profond.

On écrit avec ses silences, c’est eux qui laissent leurs empruntes d’ombres sur la blancheur des pages. Un silence se couche sur un autre silence et ainsi de suite, silence sur silence, dans un grand lit d’absence pour consommer les noces enflammées de l’espérance et de l’épuisement. Silence sur silence, lumière sur lumière, et ça, éternellement…

Ecrire c’est cette façon d’être au monde, ou de ne plus y être, c’est interroger le silence et en glaner une once de lumière, c’est user le temps, le polir longuement pour en obtenir quelque élixir subtil, c’est entretenir un feu avec de minces brindilles d’encre usée, c’est écouter dans la foule le bruit que fait la solitude et dans la solitude les rumeurs de la foule, c’est ouvrir des portes interdites avec la seule clé des mots, c’est se croire riche et se vouloir pauvre, être désarmé et pourtant invincible, c’est mourir plusieurs fois par jour et renaître pour que demain advienne, c’est dormir dans l’attente et se réveiller dans la prière.

Rien, rien de plus. Née d’un manque l’écriture entretien souvent avec la douleur une relation incestueuse, elle souffle sur nos entrailles pour en attiser les brûlures dans des noces solitaires et sauvages.

C’est tout ça et mille autres choses, c’est la parole la plus épuisée qui puisse être dite car elle gît mourante au fond de notre vie on en cueille parfois les effluves tremblantes dans le creux de quelques mots.

…C’est le moment…l’encre affaiblie glisse sur les cristaux d’une heure éparpillée et solitaire.

Pesanteur douce, attristée, comme un temps de neige.

Se mettre à écrire c’est distiller du temps en chauffant nos jours au rouge du cœur.

Et la brume qui s’évapore c’est nos renoncements, nos peurs qui se délient.

Et ce qui reste est si infime qu’on pourrait le perdre d’un simple soupir, si infime et pourtant si abondant qu’on pourrait en vêtir un ciel entier.

Tu comprends mon Ange, il fallait d’abord dire tout cela, pour nettoyer ma parole, pour la mettre en marche.

Franck

Publicité
Publicité
1 2 > >>
Publicité
J'irai marcher par-delà les nuages
J'irai marcher par-delà les nuages
Derniers commentaires
Archives
Newsletter
Visiteurs
Depuis la création 167 982
Catégories
Pages
Publicité