Une chose insensée...
Hier je finissais de lire un des petits joyaux de littérature. Un livre d’André Dhôtel : Le pays où l’on arrive jamais. Il faut lire Dhôtel, ses livres sont comme des caresses, on les croit légers, anodins et au bout du compte ils laissent une trace argentée au fond de l’âme. Au départ le monde est juste un peu bancal, ils s’aiment, mais tout se détraque, tout est là, mais tout s’éclate aux quatre coins du monde, il faut alors tous les chants des forêts et le galop fou d’un cheval pour tout remettre en ordre. Un rien peu tout défaire, mais un rien peut tout reconstruire pourvu qu’on croit assez fort que l’enfant en nous mérite d’être entendu. Je connais deux personnes, non, deux enfants ; elle s’appelle Angeline et lui Denis. Le Pays où l’on arrive jamais, est leur histoire. Mais c’est la votre aussi, ou la mienne. J’aime le galop des chevaux dans la forêt… Le livre, c’est une chose insensée quand on y réfléchit, c’est un lieu d’absence, un lieu de vide. Quelqu’un vous parle au creux d’un silence et sa parole vous déchire d’abord, vous arrache par la suite. Vous êtes si loin et pourtant si proche, comme un vertige, vous existez et votre sang s’échappe. Délicieux et effrayant comme un don démesuré qui signerait une perte infinie en retour. Dans la lecture il y a le corps qui lutte et qui échoue, renonce, qui oublie sa condition de matière périssable pour ne laisser que la trace légère d’une lueur. Etrange apesanteur des heures de lecture. Au début il ne s’agit que de faire advenir le silence : une grande marée de silence qui n’en fini pas de venir mourir sur la longue page de la langue. Franck.
Le livre c’est le lieu de l’attente justement parce que c’est le lieu de l’amour ; brûlure et abandon comme dans un chagrin d’enfant consolé par le baiser de la mère.