Les ans de l'ange......
Certains jours les mots sont encore dans un plus grand dénuement. Aujourd’hui tu as vingt-quatre ans. Auront-ils la force de soutenir cette année qui s’en va ? Auront-ils assez de souffle, assez de fièvre pour encourager celle qui commence ? Il n’y a pas de fête l’été, hormis la chair des souvenirs et la cendre amère des jours. Vingt-quatre. Est-ce qu’un anniversaire éloigne les démons ou bien est-ce qu’il les rapproche ? Est-ce qu’il retient ou rappelle ? Est-ce qu’il dit l’ancien ou le nouveau, le passé ou l’avenir. Du temps sur du temps. L’anniversaire ne dit jamais le présent. Est-ce décent de fêter les anniversaires ? Et est-ce que les années se noient toujours dans l’eau des rivières comme de longs chagrins vermeils ? Je sais, il ne faudrait rien dire et seulement se faufiler entre les mailles des heures. Parce que l’été tombe comme un voile, un suaire suant le sang des fantômes. Les années passent, certaines ont le poids de la miséricorde, d’autres celui du salut, d’autres encore ajoutent de l’ombre à l’ombre et d’autres meurent lentement comme une vague fatiguée de se casser en mille écumes sur les mêmes rochers. Je sais, il faudrait se taire. Uniquement. Et se laisser glisser furtivement jusqu’au bout de ce temps d’été. Entre glace et feu, entre cri et murmure. Aujourd’hui j’ai parlé aux étoiles. Il arrive qu’elles m’entendent. Regarde-les ce soir, elles brilleront un peu plus fort. Elles seront parées de leur plus intense scintillement. J’ai suggéré à la nouvelle Lune qu’elle s’habille de perles fines et de pierres d’opale, j’ai demandé à Vénus qu’elle se drape ce soir de sa grande cape de soie blanche et argentée, et qu’elle vienne te chuchoter ses plus beaux chants et ses histoires les plus douces. J’ai demandé à Mercure qu’il sonne le rappel de toutes les sentinelles du ciel, de tous les anges, il les connaît tous par leur nom, il les tutoie, tu sais comment il est, Mercure, insaisissable et facétieux. Mars m’a promis qu’il viendrait, tête nue, déposer à tes pieds ses armes, ses boucliers, ses vains trophées. Jupiter, du haut de sa gloire, ordonnera aux dieux, aux titans, à tous les animaux, à toutes les plantes et à toutes les fleurs de faire pour toi un vœux secret. Saturne, ce soir t’enverras ses anneaux pour sacrer ton front et parfaire ta beauté. Uranus prendra la forme d’un aigle royal revêtu d’éclairs pour illuminer ta nuit, comme un feu d’artifice. Neptune suppliera les marées de tous les océans de pousser un si profond soupir que les prières du jour seront toutes exaucées. Et Pluton le grincheux t’offrira son casque sacré aux mille pouvoirs secrets. Oui, regarde le ciel ce soir. Ecouté cette rumeur, ce chant qui vient de si loin. Franck.
Alors pardonne-moi de marquer ce jour. Parler est dérisoire, mais se taire impossible. Et prends ces mots comme vingt-quatre bouquets de pluie fraîche.
" Est-ce un cri qui éclate là-bas ? "
" Non, c’est une Reine qui naît "
" Est-ce le canon qui tonne là-bas ? "
" Non, c’est un Roi qui se meurt. "
" Est-ce l’orage qui éclate là-bas ? "
" Non, c’est l’aube chargée de roses qui appelle. "
" Est-ce le glas qui sonne là-bas ? "
" Non, c’est l’amour qui avance à grands pas. "