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J'irai marcher par-delà les nuages
30 janvier 2006

On peut vivre dans la déchirure....

Pas de nouvelles d’Estelle. Quarante minutes pour faire place nette. Nette ? Si l’on peut dire. J’étais en colère. Son geste n’était pas élégant. Par texto.  J’étais en colère. Contre elle, contre son mensonge, contre les mots du vin qu’elle disait. Quarante minutes. Elle était mal. Je le voyais. Mal. Je n’ai rien dis. Elle s’excusait. Là, je n’ai rien dis. Éviter les paroles vaines. Faire vite, simplement faire vite. Ne rien dire de son mensonge. Comme l’Autre. Ici l’alcool, là le meurtre, dans les deux cas la même histoire d’amour. Le même enfant laissé sur le bord d’un chemin. Le même abandon. Estelle est empêtrée chaque jour un peu plus. La soif appelle la soif. Et l’Être du vin grossit un peu plus à chaque gorgée. Comme du désespoir bu jusqu’à la lie. Du désespoir qui se nourrit de lui-même. Comme l’Autre qui se saoule de ses mots, dans l’ivresse d’une rage qui ne trouve plus sa forme. Et les mots la mentent, tous les jours un peu plus. Demain j’appellerai Estelle. Lui dire que tout va bien, qu’elle ne s’inquiète pas. Que je ne lui en veux pas. Qu’elle ne se sente pas coupable de ça en plus. Je lui dirais aussi ce qu’elle ne veut pas entendre, que si elle veut, un jour, quand elle sentira que c’est le moment, je serais là… qu’on ira voir le médecin ensemble. Je veux qu’elle entende que je la respecte là, dans sa totalité, avec le vin. Mais que je ne peux pas jouer la comédie de ne pas savoir, de ne pas voir. Que mon seul cadeau c’est de savoir et de lui dire : je sais le pays que vous habitez, l’immensité du désert qui étire toutes vos heures. Que mon amitié pour vous, englobe tout, même votre ivresse titubante, même les mots pantelants. Vous n’êtes pas seulement l’amie d’avant, d’avant le vin, vous êtes l’amie d’aujourd’hui, même avec vos trahisons qui sont, au fond, si dérisoires. Même avec vos mensonges… Je l’appellerais sans cette colère, que j’ai déjà oubliée. Je voudrais qu’elle vive encore pour qu’elle ait le temps de renaître. Je voudrais assister à sa naissance. Alors je lui dirais : je vous accompagnerai. L’Autre c’est pareil, mais je ne lui dirais rien, de toutes les façons elle sait.


Les instants d’une vie ont parfois de drôles de couleurs. Contrastées et contradictoires. La même semaine deux personnes que je croyais proches trahissent et poignardent. Et la même semaine deux autres personnes se lèvent comme un soleil dans ma vie. Grand ménage de l’hiver qui prépare le printemps. Et je sais que le printemps sera beau cette année. Je n’ai plus rien et pourtant je n’ai jamais été aussi riche. Ce qui devait partir est parti pour faire la place au printemps…
Et dénouer les derniers liens.

Hier, Patricia, m’a passé le livre de Bauchau. L’incipit : « Nous ne sommes pas dans la réconciliation. Nous sommes dans la déchirure. On peut vivre dans la déchirure. On peut très bien. »
Il faut accepter la béance… Combien de fois j’ai déjà fait ce choix ? Il faut le refaire, à nouveau. Mieux.
J’ai terriblement envie de reprendre mon analyse en ce moment. Mais de faire une didactique. Confusément je sais que ma place est là, dans cet espace de la déchirure, dans la béance. Patricia m’encourage.
Il est peut-être temps de retourner mon écriture comme la peau d’un lapin qu’on dépèce. Il faut que j’appelle Estelle demain. Lui dire que rien n’est grave. Que l’important c’est elle.

J’écris, et à l’instant je reçois un message : une petite fille vient de naître son nom veut dire « cœur ». Jour de nouvelle Lune. La conjonction de la Lune et du soleil. La lumière qui émet, et celle qui peut la recevoir…Noce de lumière…
Je sais que c’est un signe. Le centre, le pur, l’inaliénable… Cœur. Il est dans la béance.

Elle marchait de biais. On ne pouvait pas se rencontrer. C’est l’évidence. J’ai souvent marché contre les évidences. C’était comme une sorte d’exigence. Aller vers le plus impossible, le plus improbable. Et croire que c’était là, dans cette interrogation pathétique que pouvait se révéler mon accord le plus intime à la vie. Mon  consentement.

Je regarde Patricia, elle aussi est à son œuvre. Sculpter cette falaise à main nue et aveugle. On est tous aveugles pour nous-mêmes. Je vois dans ses yeux à la fois la certitude et le doute, mais ainsi l’infini mouvement de la vie, juste au bord des tremblements. Elle cherche la précision du mot pour coller au plus près de l’idée. Avancer, revenir, mouvement incessant pour user la pierre de la vie. Parfois ses mots se suspendent et s’accrochent un reflet de lumière. Assurer sa prise dans la lumière. Papillon. Pensée coquillage qui cherche son centre. Revenir à l’essentiel. L’essentiel, la déchirure. Cette trouée de lumière dans l’océan.

Tout un mois d’évènements en cascade, contre temps sur contre temps, catastrophes, ruptures, pas un jour sans son cortège de désastres.
Ça commence le jour ou je publie le texte sur Marie. Je savais qu’en interrogeant le pur, le net, le clair, les hordes se déchaîneraient. Ça n’a pas manqué. On ne touche pas impunément, même du bout des doigts, un rayon du soleil. Tous mes points sombres on été questionnés. Tous. Sans exception. Jusqu’à l’Autre, incapable d’être dans le déploiement d’une amitié saine. L’autre cherchant des monstres partout et, croyant en trouver, vient buter et trébucher sur son ombre errante sur la lande. L’autre. L’Autre dans son déferlement de haine, qui oublie toute retenue et qui touche enfin le fond de sa vérité

Et pourtant au bout d’un mois… tout est plus clair. Par la force des choses la cohabitation avec Estelle est terminée. L’Autre enterre ou déterre toujours ses mêmes morts, ou ses figures littéraires. . Il fallait la dire pour pouvoir la taire. Maintenant je peux la taire.

Et surtout j’ai mes deux nouveaux soleils, il en fallait bien deux. Il fallait la dire pour pouvoir la taire. Maintenant je peux la taire.

pour ce pays au-delà des nuages.
La déchirure est belle au printemps, c’est sa meilleure saison, la saison des naissances, des aurores, des promesses…
Le sens de ces jours c’est la traversée.

Conrad  dans "Typhon». Il dit un capitaine dans la tempête. Me mettre en face de la vague. Les premières m’ont désaxé. Il faut traverser les vagues. Au début, je voulais éviter. Il n’y a rien à éviter. Si l’on exige le meilleur il faut accepter le pire. Si on croit au meilleur, alors le pire peut venir.
J’appellerai Estelle, pour lui dire que même dans la nuit où elle est, je la vois, parce que cette traversée je l’ai faite déjà, je sais chaque heure de ce qu’elle vit, chaque seconde, chaque éternité du cauchemar. J’en connais tous les recoins.

Je me croyais pauvre alors que j’étais riche. Riche d’une offrande à faire. Riche d’un printemps à venir.  Riche de pouvoir accueillir ces gestes si purs que l’on m’a fait cette semaine. Ces gestes qui m’interdisent de me plaindre des offenses.
Oui, tout s’efforce en nous, et je commence à voir les fils qui reliaient mes derniers textes, cette mise en scène à notre insu des forces qui nous travaillent et nous pétrissent comme un pain qui devra lever et cuire et se fendre pour être partagé.
Franck

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Commentaires
J
fais lever le soleil!
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D
Merci de m'avoir fait partager un peu de ce pain.<br /> Je suis heureuse que tu aies trouvé deux soleils! <br /> Je pense aussi que le printemps sera magnifique, particulièrement le tien...<br /> Tu as les yeux grands ouverts et ta lucidité me plaque au sol si souvent, je passe souvent te lire et souvent je repars sans pouvoir dire un mot!<br /> Oui je suis sûre que ton printemps sera merveilleux Franck car ton âme est belle et épanouie dans l'Amour...<br /> Je t'embrasse
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