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J'irai marcher par-delà les nuages
2 février 2006

Ca sera suffisant.....

Au début on ne sait rien. Les choses se tricotent au plus loin de soi.  Comme une avancée qui commence au cœur nuit. A l’heure obscure. Tout change et on ne le voit pas encore. Cela vient de loin. Comme la brise qui sort d’un mystère, d’un lieu d’absence. D’un au-delà. Je me souviens, dans le désert. L’identique dans l’identique, la course vers l’horizon vide. Et pourtant quelque chose changeait à l’approche de l’oasis. Comme si l’eau du puits parfumait l’air bien avant son apparition. Il y a quelque chose en nous qui sait. Bien avant nous. Et plus que nous. Et mieux que nous. Une inscription dans le grand livre du temps.

Tout nous parle autour de nous, chaque heure porte le signe ou la marque d’une révélation. Qui nous dirait qui nous sommes. Et qui nous dit la route. On ne sait rien, et pourtant tout est là pour crier : avance. Pose ton pied ici, entre l’ombre et la lumière, si tu veux accéder au mystère. Ce sont les terres fragiles qui sont les plus nourricières, et les lumières tremblante qui éclairent au mieux notre route.

Au début on ne sait rien, parce que l’amour part de loin. Comme le puits du désert qui marche à notre rencontre. Ou comme le vol des oies sauvages cherchant le nord de notre désir. Cheminement silencieux. Pas lent sur nos terres inconnues. Du plus loin de notre ombre, là où même notre voix ne s’aventure pas. L’amour part de l’endroit le plus seul, de l’endroit le plus vide et remonte patiemment nos veines, traverse nos océans, pour venir submerger chacune de nos branches, chacune de nos feuille, et jusqu’à nos plus fine rémiges frémissantes.

L’insignifiance occupe nos vies, et guide nos gestes. L’insignifiance fait du bruit, c’est d’ailleurs à cela qu’on la reconnait, au bruit qu’elle fait en nous. Et le vacarme nous voile l’essentiel. Et le vacarme nous empêche d’entendre l’amour qui se met en marche. Dans le silence du lointain, dans nos lieux d’abandons. Quelque chose chuchote, et c’est là que tout se tient, que tout se rassemble, dans ce murmure d’aurore, dans cette douce pâleur.

Quelque chose chuchote et on ne sait pas qu’une armée est en  marche. On ne sait pas que l’univers double ses infinis.

C’est venu comme chuchotement. Un parfum nouveau. L’odeur d’un pain qui habite la maison du cœur. Le parfum d’une présence. La lumière du jour tremble légèrement et on sait que tout va changer. Une transparence nous accompagne, disons, une ombre claire. La vie de tous les jours est toujours un enfer, mais déjà il a le goût du paradis. Peu à peu on découvre que l’attente n’était pas vaine que les errances affectives n’étaient que des errances. On sait… on sent un havre, on sent le souffle de la terre rougir à nouveau notre sang. L’île qui approche. La fin et le début. Le picotement des chairs comme après un long sommeil. Ou le passage d’une frontière. Un autre pays.

Je suis dans l’écorchure de mon écriture, juste à la blessure des mots. Je ne serais jamais ailleurs. Rien ne dit la vérité. Rien ne dit le mensonge. Il faut accepter la fragilité d’un hors temps. L’insensé d’un hors vie. L’avancée patiente dans les mots pantelants. Dans leur misère… L’avancée, le pas à pas. Ne pas redouter l’infection sur l’écorchure. Puisque l’infection est l’éternel combat, l’éternel affrontement de la mort contre le vivant, sur la plaie jamais refermée de nos heures.

Ecrire c’est le moment où l’on n’écrit pas. C’est l’instant qui sépare deux mots. Deux phrases. Deux chapitres. C’est l’élan qui cherche à se survivre. C’est cet élancement de tout le corps dans l’espace inconnu qui sépare les mots avec leurs cortèges de sons, d’odeurs, avec le glissement du sens dans la recherche d’une couleur plus juste, un saut dans le vide toujours recommencé. Toujours à inventer. Avancer dans les mots c’est comme avancer dans l’amour. Puisqu’écrire c’est déjà aimer, c’est encore aimer. Ecrire dans cette hésitation brûlante qui nous pousse comme une fatalité à rechercher le plus claire de notre eau,  c’est faire la place à cet autre de l’amour qui nous suit en silence dans l’ombre de nos gestes, sur la pente de nos actes et jusque dans le plus intime de nos pensées ou de nos rêves. Ecrire, c’est l’accueillir, cet autre de nous. C’est cela consentir. Puisqu’il ne s’agit pas d’être sauvé, mais trop souvent d’expier. Puisque rien n’est donné hormis ce chemin sur lequel je marche et qui me mène d’un mot à l’autre, de silence en silence, hormis ce chemin qui me mène vers toi, dans ce murmure tremblant d’une aube neuve. 

Dans ce tumulte de lumière.

J’irai vers toi, lentement. Avec la juste impatience que mon errance trop longue à su dompter. Il faut juste que j’enlève les dernières souillures pour être devant toi comme l’aube blanchissant les ténèbres. Blanc du deuil souverain. Blanc des brûlures infligées. Blanc dans une parole blanche. Proche du murmure, proche du bruissement. Blanc et sans crainte. Dans la toute puissance de mon consentement.

Tu m’offriras du pain.

Ça sera suffisant.

Alors le soleil pourra se lever.

Franck.

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Commentaires
J
c'est évident!et suffisant
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B
doux, très doux : une caresse...
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F
Au moment de l’écriture j’avais cette sensation d’être sur un fil ténu. Une tension dans son début de déploiement. Où j’interroge l’écriture, et où c’est elle qui me revoie ses questions. Balancement instable du sens. Sur le fil. A l’endroit du vide. Impression d’ailleurs pas désagréable. La juste tension d’un mouvement naissant, mais juste. La « déchirure » est le lieu où l’on s’apprivoise. D’abord on y meurt. C’est la moindre des choses. Après on s’y apprivoise. Le balancier, dans son apparente instabilité, dans son glissement d’un vide à l’autre développe la route. La difficulté c’est de s’y abandonner dans la souplesse des mouvements qui nous traverse, tout en étant déterminé dans la puissance du renouvellement. La béance sait des choses de nous, le balancement fragile et hésitant permet d’accueil ce savoir en retour.
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P
J'aime bien ces moments glissants du texte : les dérives d'images instables, porteuses justement des puissances de métamorphoses...<br /> <br /> En funambule sur la bascule du sens : la déchirure se tient et se lève dans la faille de l'écriture, mute en un chemin cicatriciel, un creux qui guide, se transmute encore en suture,potentiel d'âme... C'est le vertige de cette hésitation qui est au coeur et aux poumons de l'instant... sa précarité mais aussi sa puissance...
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