Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
J'irai marcher par-delà les nuages
5 février 2006

Ce grand champ de neige.....

Recherche du lieu. Géographie impossible. Cartographie de nos vies, de nos actes. Impossible chemin qui s’enroule en forme de destin. Impossible traversée du sens. Besoin de nommer, de dire ce qui n’a pas de nom, ce qui n’a jamais été dit. Relevé cadastral dans le champ vacant des rêves, des désirs, du temps qui se déploie. Resituer les mots dans un espace, une localisation. Ils faut les ancrer dans la chair vivante. Encrer le désossement de la parole.
Jamais rien n’est dit. Il faut s’en convaincre. Puisque la vérité se trouvent dans l’entre-mot, dans l’entre-texte, dans cet élan de nous qui nous échappe et qui pourtant nous révèle. Sans nous. Dans notre absence même. Qui nous condense.
Qui nous recouvre. Linceul de la langue.
Hors-lieu qui s’agrippe au parois vertigineuse de la mémoire.
Frottements des lieux impossibles sur l’arrête d’un temps impossible. La déchirure c’est le premier lieu, grand vortex pour cette traversée impossible.
Impossible comme l’ultime forme de notre devenir. Notre dé-présence. Notre dé-naissance.
Quand il n’y a plus rien il reste le mouvement. Le seul mouvement. L’invisible mouvement. Comme le vague qui résume l’océan. Insaisissable vague que rien ne fixe. Qui est là, sans être là, qui est déjà ailleurs. Mouvement incessant de retour, de redéploiement. Déséquilibre du vivant à la recherche de son centre, de son lieu fictif. Centre de gravité. Gravité. Grave. Comme la pesanteur de la joie.
L’écriture dessine les contours de ma peau. En creux. Par défaut. Le vivant se révèle là, dans le silence. Un silence pochoir. Qui cache et révèle. Qui tait mais donne à entendre.
Oppositions des formes pochoir qui se répondent à l’inverse d’elles-mêmes. Là, dans la béance. Lieu suture, lieu coupure.
Ici il n’y a pas de vérité. Seulement une résonance. Le corps qui résonne avec la chair des mots. Avec le mouvement. Le balancement des vagues dans le corps. Lent. Comme un labour profond qui trace les dessins de la cicatrice. Un labour qui va chercher la terre d’en-bas. La terre maudite. La terre noire. Celle des moissons futures.
Jamais rien n’est dit. Hormis le mouvement, l’élan vers une forme qui nous échappe toujours.
Depuis quelques semaines, mes textes chuchotent entre eux. Ils se répondent dans un espace nouveau. Textes. Sous-textes. L’espace de la déchirure. Lieu des métamorphoses. Les textes construisent une forme que je ne vois pas encore. Une matrice invisible. Forme pure du mouvement. Comme si les bords de l’infini s’agrandissait dévoilant des étendues nouvelles et des profondeurs étranges. Je ne peux que m’accrocher au mouvement, au seul rythme. Au brassage des eaux. A la scansion. A la stridence.
Sortir du ventre des mots, de leur chaleur, accoucher d’une autre respiration. Une autre chair. La déchirure, comme la forme pure de l’avènement.
Je suis sur la coupure. Juste là. A l’endroit où tous les mots ont été épuisé. Accepter cet épuisement. Consentir, à ce grand champ de neige, et aux cendres. Consentir à l’hémorragie. Lent cheminement du renouvellement. Marche vers l’aube. L’aube qui sacre la fin de l’épanchement de nuit. L’enfin, de la fin.
L’aurore arrache les derniers lambeaux de nuit, sa parole vivante ouvre sur un nouveau baptême, l’alliance rayonnante de la lumière et du printemps, noce du jour et du consentement.
J’ai traversé ce grand champ de neige, ni vivant, ni mort… autre…
J’ai traversé ce grand champ de neige afin que s’épuise le passé.
J’ai traversé ce grand champ de neige pour que chaque mort trouve sa place. Sa juste place.
J’ai traversé ce grand champ de neige pour rejoindre la rive des vivants.
Innocent de rien, mais le pas plus pesant. Comme la joie : grave. J’ai devant moi un océan et cette lumière qui troue les vagues, et ce mouvement vers l’aurore calme, comme un premier matin.
J’ai traversé ce grand champ de neige pour blanchir ma parole et pour pouvoir l’offrir lavée, nettoyée, purifiée.
J’ai traversé ce grand champ de neige pour changer de saison.
J’ai traversé ce grand champ de neige pour ouvrir la déchirure. Pour la bénir aussi. Et l’aimer, puisque c’est le sens de demain. Puisque c’est le seul endroit habitable. Puisque c’est mon lieu. Le lieu des résurrections. La déchirure comme seule naissance possible.
J’ai traversé ce grand champ de neige enfonçant mes mots jusqu’à la perte du sens, grelottant d’effroi, glissant d’un vide à l’autre.
J’ai traversé ce grand champ de neige pour voir fleurir un grand champ de blé piqué de rouge par le frissonnement des coquelicots, bruissant de bleu par la source d’eau claire….
Franck

 

Publicité
Publicité
Commentaires
J
les passages, la naissance...<br /> il y a toujours franchissement étroit et arrivée dans une lumière plus grande.<br /> il y a parfois jubilation, mais souvent souffrance à vivre cela.<br /> Il y a en montagne des passages aériens délicats, qu'on est obligé de franchir avec énormément d'agilité et de dextérité sous peine d'y perdre vie! Tout en souplesse, mais sans précipitation.<br /> <br /> Actuellement et personnellement, je suis un peu écorchée à force de passages ardus et de solitudes glacées, il fait bien froid en montagne en ce moment!<br /> <br /> <br /> Dans quelques temps, vu depuis plus loin et plus longtemps, cela paraîtra sans doute moins compliqué, moins pénible j'imagine. En ce qui me concerne, tout au moins, je suppose et crois ne pas m'illusionner à ce sujet.<br /> <br /> Sans doute, le mouvement sauve, nous sauve.
Répondre
F
Il y a un lieu de "l'être" où la question de la vérité ne cse pose plus... en deça de notre conscience... à cet endroit seul le juste vaut. Je juste c'est ce qui résonne, cette sensation de conscience pure qui nous fait avancer dans cet parole, et dans celle-là uniquement...<br /> J'aime beaucoup ton idée de "transitif", il y a derrière comme un saut qualitatif... un surcroit...<br /> C'est sans doute cela que l'écriture nous révèle... le mot dit comme introduction à autre chose à venir.... à part l'écriture des "fous" qui vient boucher avec du refoulé à l'endroit du clivage...<br /> J'aime aussi l'idée du "passage", sais-tu que le "Passage" c'est le nom donné à une figure de Haute Ecole d'équitation... le cheval s'y montre dans une grâce délié affranchi de l'apesanteur...<br /> Franck
Répondre
F
C'est sans doute le mouvement qui nous sauve Alix, si ténu soit-il, cet élan qui fait qu'on s'élance d'un mot à l'autre, naître c'est peut-être ça s'élancer dans un mouvement....et accepter la déchirure que cela fait...<br /> Franck
Répondre
F
il n'est même pas besoin d'un paradis, Baramine.... à moins que le paradis soit cet état de résonance entre le mot qui dit et la main qui le tient....
Répondre
F
Sans doute... Jubilacion
Répondre
Publicité
J'irai marcher par-delà les nuages
J'irai marcher par-delà les nuages
Derniers commentaires
Archives
Newsletter
Visiteurs
Depuis la création 167 983
Catégories
Pages
Publicité