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J'irai marcher par-delà les nuages
9 décembre 2018

Lettre N° 100 - Tu reviendras...

Mon Amour,

Tu reviendras. C’est écrit sur la Grande Pyramide. Tu reviendras pour que se perpétue l’écriture de la pierre de Rosette. Le même chant écrit dans nos voix différentes. Tu reviendras battre la mesure, et soulever le linceul. Tu reviendras avec tes concerts cadencés. Tu reviendras, l’amour est notre maison de feu, et il nous faut bruler jusqu’à la cendre. Tu le sais. Car renaître est à ce prix.
Toi et moi, nous le savons, les dieux pathétiques nous ont fait cette offrande, ils ont glissé dans notre sang le goût du feu, de la brûlure, de la cendre.
Alors il nous faut remonter le courant de la lumière. Ce sont les étoiles qui le disent. La lumière, c’est de la distance, c’est pour cela que dans nos vies nous ne savons rien des couleurs. Des vraies couleurs. De la vraie lumière. Écrire, c’est remonter le courant de la lumière. Jusqu’à la source, sans temps, sans lieu. Infinie et éternelle.
Les mortels marchent vers leur ombre. C’est ainsi qu’ils s’éloignent, c’est ainsi qu’ils meurent. Plus ils avancent, plus l’ombre grandit. À la fin, ils ne sont plus qu’une ombre géante, dans laquelle ils s’effondrent. Épuisés, hagards, désemparés. Anéantis. Mais toi tu reviendras.
Nous écrire c’est marcher dans l’autre sens. C’est aller vers le feu, l’éblouissement. Ce n’est pas pousser l’ombre, c’est la tirer. C’est la porter. L’user jusqu’à ce qu’elle disparaisse dans le brasier du temps sans temps, dans l’unique espace qui nous est destiné. La source.
Le seul lieu qui échappe aux dieux, à la misère des dieux. Tu reviendras, car notre route est encore longue. Nous avons tant à perdre, encore.
On écrit pour se débarrasser de l’écriture, pour en finir avec elle. Alors, il faut bien commencer. Alors c’est sans fin.
Derrière les étoiles il y a un autre ciel. Derrière la source il y a un autre temps
Car la source de la lumière est le lieu de la nuit. De la nuit, du silence.
T’écrire c’est revenir vers ce silence, celui qui enfanta la première nuit, dans le premier baiser. T’écrire c’est marcher dans l’autre sens, c’est revenir à notre premier baiser. Le jour où la lune, avec la nuit ont inventé le soleil et la poésie. Tu reviendras pour que cette première aube nous sacre.
Tu reviendras dans la profusion du renoncement, tu reviendras blanchir le seuil de la langue. Poser ta bouche sur celle de nos mutismes. Lèvres à lèvres.
Car le silence est notre grande affaire. Toi et moi, nous le savons, puisqu’il accomplit toute parole, puisqu’il est le lieu de notre poème. Alors je serai ton silence, mon amour,  tu seras le mien. Il sera notre île dans les flots de la langue. On écrit pour se débarrasser de l’écriture, pour aller jusqu’au bout, parfois atteindre le lieu du poème. Car le poème, c’est l’écriture débarrassée de l’écriture. C’est ce qui reste. Le pourpre, la violine. L’amour. L’amour parachevé. L’acmé exalté.
Alors tu reviendras, car il nous faut revenir à la source. Pour contempler l’avant de la lumière.
Car tu as ce don rare des sibylles, de mettre des ombres murmurantes dans chacun de tes mots, dans chacun de tes gestes, dans le mouvement de tes yeux.  Les vérités ne se disent que lorsque la bouche qui veut les dire est inondée de nuit.
Tu suces le silence comme un bonbon sucré, avec la même gourmandise, la même mélancolie surtout. Avec ta langue tu les arrondis, tu les fais fondre lentement, ils se mêlent à ta salive, ils craquent sous ta dent comme des os fragiles. Je t’ai bien observé, tu les suces comme s’ils étaient un morceau d’éternité, c’est un lourd ruissellement de saveurs sucrées, la jouissance d’une tendre et indispensable dépossession. Leurs saveurs imprègnent ta chair. Sucs, sang. Délices de la perte, du désir défait. Car il y a de la crainte dans ce désir, de la violence dans ce sucre. Alors pour apaiser ton ventre, ta voix en vient à cette saveur de sucre. Alors tes mots sont gorgés d’un sucre longtemps médité. C’est un embrasement mortel, divin.
Tu reviendras, car il faut accomplir.
Tu le sais nous sommes déjà l’un à l’autre, cette évidence-là, ne peut être dépassée sans le couronnement. Car depuis des siècles déjà, nous sommes l’un vers l’autre, pas pour vivre le bonheur des humains, mais pour accomplir un chant, mon amour. Pour accomplir un chant.

Franck.

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