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J'irai marcher par-delà les nuages

6 mars 2022

Le puits.....

 

De quoi est faite la voix de l'écriture ? J'ai des chevaux dans la poitrine. Des galops. Des hennissements. J'ai des contrées sauvages. Du vent dans le sang. Des expiations terreuses, des étranglements. Des vacillements. De quoi est faite la voix de l'écriture ?

Je vais au texte comme si j'allais au puits. Les mains vides. Le pas lourd. Tenant le seau de la langue, le seau vide de la langue. Je vais au texte dans cette pénurie habituelle. La soif chevillée au sang.
Aller vers le texte, c'est d'abord cette marche vers le puits, ce lieu troué de l'existence. Ce lieu usé. Il y a une mélancolie dans ce voyage. Et quoi que nous fassions, il est toujours identique. S'il n'y avait pas ce souvenir de la soif à venir. Ce chemin dans sa nostalgie est notre seul secours.

À l'orée du texte, nous lançons notre seau de misère dans le vide. Seau percé. Les blessures ont laissé de si larges entailles. Notre vie est si peu jointive, nous manquons de tant cohérence, de continuité, d'unité, d' accord, nous sommes un champ de discorde. Aller vers le puits est une épreuve. Lancer le seau est un danger. Le seau troué de nos vies.
Pour chaque phrase il faut tirer sur la corde, usure contre usure. C'est l'eau que l'on perd qui est la plus douloureuse. C'est ce qui déborde qui nous arrache. Puiser dans la langue, c'est souvent remonter du rien, de la perte ; il faut de la constance.

Chaque jour je recommence le même texte. Comme si j'allais au puits assouvir la même soif, avec mes mains trouées comme un seau percé. Au bout de la corde il y a si peu d'eau.
On écrit avec ce reste. Avec ce si peu. Avec cette patience. Cet entêtement.
J'ai dans l'oreille le chant de l'eau qui retombe. Dans la gorge le goût de l'insuffisance.

Chaque jour le seau doit descendre un peu plus profond, et la remontée est chaque jour plus longue, plus épuisante. La soif gagne sur la soif.
Aller vers le texte, c'est comme aller au puits, avec l'espérance de quelques gouttes oubliées par la fatalité. Avec la certitude que rien ne pourra étancher la soif. Quelques gouttes. Seulement quelques gouttes.

Comme cette lumière que je cueille au bord de tes prunelles
Tu sais les miroirs ont l'innocence de l'enfance. Ils disent les vérités éternelles, c'est pour cela que nous les traversons. C'est pour cela que nous baisons leurs tempes, pour apaiser la mort en nous.
Aller vers le texte c'est comme aller vers le puits, où je te retrouverai assise sur la margelle usée d'une parole déshabillée. Alors je pourrais couvrir ta peau de cette eau rare, de cette eau dépourvue, de cette eau miséreuse. Mes mots sont pour ta soif. Car ta soif fait chanter les poulies usées du temps. Laisse-moi poser ces quelques gouttes d'eau sur tes yeux. Si le seau n'en remonte pas assez, mes baisers feront le reste.

Franck.

 

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27 février 2022

La source...

 

Veiller au surgissement. Ainsi la source. Toujours naissante. Renouvelant l'acte en permanence. Ce qui en moi surgira ne sera entaché de rien. Du vierge. De l'enfant étonné.
Au début de l'écriture, on est si loin de la source. Les seuls fils qui sont là, à notre disposition, ce sont les souvenirs, la mémoire. Alors on affronte ces gros paquets d'eau chargée de temps, bouleversée de nos écumes. Écrire c'est d'abord se débarrasser de l'eau vieille. Le premier temps de l'écrit, c'est assurer son pas dans le courant contraire de l'eau. À rebours. Puis remonter. À contre temps de la pente, recevoir de face le flot de nos jours perdu. L'innombrable vacuité en tourbillon, en cascade, en remous.
Il y a quelque chose à épuiser en nous. On ne sait pas ce que c'est, au début. On est simplement dans un continuel ressac. L'écriture est le déploiement d'un geste qui s'écrase. Toujours. Le double mouvement d'un enroulement et d'un empêchement. L'écriture est à la jointure de cet empêchement. C'est cela qui épuise, la résistance au flot. Le pas alourdi, imprécis.
C'est alors que l'on sait qu'écrire c'est avant écrire que cela commence. Écrire appartient à la source. Comme l'amour, comme toutes les choses essentielles. Elles viennent du surgissement. Elles sont avant la mémoire. Elles sont sans souvenirs. Toujours naissantes. Comme l'amorce d'une éternité. La source c'est l'œil. L'œil du vivant, qui contient toutes les cibles, tous les océans. Déployant dans le même temps, son intention et sa fin.

Franck.

20 février 2022

Soirée...

 

Nos promenades silencieuses, t'en souviens-tu ?
Et ces soirées de murmures consumées dans la pénombre ?
Chacun à sa table d'écriture, le poème de l'un s'enroulant au poème de l'autre.
Nous n'avions qu'une parole pour deux, cela nous suffisait. Le même souffle, le même geste.
Dehors, il neigeait. L'hiver devenait fraternel, la nuit était lente.
Nous frôlions avec précaution l'écorce frissonnante du temps, avec cette audace séculaire
des ignorants, au rythme des flammes et des craquements du bois.
Dans l'obscurité la vie guettait, avec ses achèvements, nous allions d'un feu encore innocent
vers une aube déjà coupable.

Franck.

 

13 février 2022

L'aveu...

 

L'aveu est une parole d'ombre. Le murmure en est le lait. La seule nourriture.
Derrière la porte de la mélancolie se trouve l'aurore.
Et sur le seuil des limbes il y a des coquelicots audacieux.
Tu as trop débordé en moi, j'ai dû quitter mon corps pour te faire de la place.
Il nous faudrait la nuit pour soulager nos misères, protéger nos nudités.
L'aveu c'est des braises sur la fatigue d'une vie.
Même l'insomnie devient trop étroite.

Franck.

6 février 2022

Petit matin...

 

C'est au petit matin, dans le jour à peine naissant que les mystères les plus profonds se dénouent. Il ne faut pas croire que là, dans cet instant de dessillement, des vérités se dévoilent. Notre lucidité est la forme première de notre aveuglement. L'espérance est ce que nous laisse la nuit, l'illusion de nouveaux départs, de nouvelles certitudes. Le sens des choses n'est que le sens du temps qui s'épuise. Nous nous accommodons, tant bien que mal, de cet épuisement.

Franck.

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30 janvier 2022

Conquérir l'âme du monde...

 

Car il nous faut conquérir l'âme du monde pour l'accomplir ou le bruler. Pour l'accomplir en le brulant.
La puissance ne représente rien s'il n'y a pas l'abandon et l'abandon est une pure folie s'il n'y a pas l'offrande. L'amour véritable, c'est peut-être cela, la puissance et l'offrande qui passent ensemble sous la même arche, la puissance qui s'exalte de sa disparition, la puissance saisie d'un trouble, d'une douleur sublime pour ouvrir le ciel, pour éclabousser la nuit.
Alors, il faut y aller d'une parole vraie et folle, d'une parole défaite. Défaite parce qu'en équilibre sur le fil coupant de l'âme, parce que sans cesse inachevée. Inachevable. Y aller d'une parole vraie, parce qu'indéchiffrable, puisqu'elle dit l'impossible de nos existences. La vérité n'est pas donnée, elle reste un surcroit, ou un reste plutôt. Il faut user nos vies pour la faire apparaitre. C'est pour cela qu'elle fait mal. C'est d'ailleurs comme cela que nous la reconnaissons : parce qu'elle fait mal.
La vérité du mot, c'est le silence qui le suit. La vérité de l'amour, c'est le silence qui le précède.
La vérité et la folie pour atteindre une parcelle de pureté. Car la pureté, n'est pas un état donné, une chose acquise pour l'éternité. La pureté, ce n'est pas la blancheur naïve, la candeur intouchable. Non ! Rien de tout cela. La pureté est douloureuse, aussi, parce qu'elle brule, qu'elle est une marche épuisante vers la dépossession, vers l'abandon. La pureté, c'est arracher de soi des lambeaux de mémoire, arracher la chair de ses souvenirs. C'est enflammer son sang. C'est être dans le jour et inventer la nuit. C'est être dans la nuit et accueillir chaque mot comme des lucioles. C'est savoir que les paroles du soir sont souvent encombrées, qu'il faut avant de s'en servir les blanchir dans un grand bain de silence. C'est savoir que les paroles du matin n'effacent jamais totalement la nuit parce que dans la rosée des mots, on décèle toujours quelques chagrins inconsolés. C'est faire rentrer le soleil dans la maison des mots, c'est jeter au vent des poèmes oubliés.

Alors, il faut traverser la lumière à son endroit le plus fragile, là où les ombres laissent passer les anges, là où nous déposons nos prières, nos chagrins. Là où l'aube cache encore quelques astres égarés. Il faut chercher ces instants fugaces du jour où les lueurs s'accordent à nos cœurs, ces instants qui esquivent le temps qui passe, ces petits instants fragiles qui offrent un bout d'éternité à qui savent les voir, comme lorsque nous respirons une rose en fermant les yeux en oubliant nos larmes ou en nous y abandonnant.

La vérité du mot, c'est le silence qui le suit. La vérité de l'amour, c'est le silence qui le précède, car il nous faut conquérir l'âme du monde pour l'accomplir ou le bruler, pour l'accomplir en le brulant.

Franck.

23 janvier 2022

Je sais des plaines froides...

 

Je sais des plaines froides au-delà du cercle polaire. Des landes de cristal brunes et cassantes. Je sais ces pays désolés d'être encore là. Ces terres d'absence où seul le vent du nord trouve son souffle dans les bruyères, sa nourriture aux bouches des pierres usées. Je sais ces pays de brumes sur lesquelles les rêves s'écorchent, saignent, ces lieux cabossés par tant d'oublis, martelés par le temps et la corrosion des désirs insuffisants. Je sais ces lieux nécessiteux, miséreux, qui ne tendent plus la main pour survivre, préférant l'agonie lente des siècles. Je sais ces landes qui gémissent aux portes du ciel, ces landes sans prière, sans salut, je sais les plaintes déchirées des terres sauvages, et je sais les âmes qui les hantent, je sais leurs voyages sans fin, leurs appels, leurs errances au bord des neiges éternelles, leurs traversées des crachins de glaces, et des froids monotones. Je sais cette tristesse qui blanchit leurs regards, cette mélancolie redoutable qui séjourne sur la peau de leurs complaintes.
Les landes frileuses ne sont pas des landes amoureuses, elles ont abandonné leurs chairs et leurs soupirs et leurs tentations. Elles produisent du silence, des distances, et façonnent nos éloignements, célèbrent nos séparations et bénissent nos accablements.

J'ai souvent cherché la musique dans ces landes fracassées de vents, je crois qu'il n'y en a pas d'audible, car les déserts et les landes dépassent la musique ; en fait, ils ne sont que musique pure. Tout part de là, de ces contrées, et tout y reviendra. Ce sont les lieux de la totalité, puisque défaits de tout. Des lieux qui préparent, ou qui prolongent. Qui exigent avant, qui exigent encore plus après. Ils se laissent traverser, mais jamais pénétrer. Si la main est assez ferme et assurée, elle peut parfois les caresser, mais sans jamais pouvoir les abuser. Ce sont les lieux de la totalité, de la simplification, de la première perfection, et de la dernière.

Je sais des plaines froides au-delà du cercle polaire. Des landes de cristal mauves et sévères, sans arbre, sans racine. Comme une mer de bruyères tranchantes et brutales, une mer raidie dans son mouvement âpre, une écorce cornue, rêche et rugueuse. Je sais ces landes persistantes, ces terres usées, brisées de solitudes graves, suffoquant sous la vapeur compacte des brouillards immuables. Terre saturée. Imprégnée. Imbibée de désespoirs primitifs et obstinés.

Je sais mes plaines froides, mes landes du nord, mes lacs de brumes grises. Je sais ce sang gelé, ces absences, et ce vent qui m'observe et ces neiges démembrées qui tombent au fond de mes os. Je sais tous ces jours dépourvus, arides, insignifiants, et mes mains si pauvres, et ce regard si maigre. Je sais tout cela. Mille fois traversé. Mille fois disséqué. L'infini retour de mes landes mordantes, de mes terres sans horizon, de mes journées sans lumière. Ces terres abondantes sans limites.

Je sais ces plaines froides qui dévorent la langue, chaque mot de la langue, et l'écriture qui gratte la glace, et le texte pris dans les hurlements des bourrasques de l'impossible dire. Comme si la parole était traversée dans sa chair par un fil barbelé. Impénétrable parole qui me laisse désarmé, en exil, banni de mon propre désir, relégué, refoulé de ma propre demeure. Et mon œil effaré fixe dans l'ombre du ciel le vol bouleversant des oies sauvages vers le nord. Comme un destin mille fois répété, comme une usure lancinante et troublante. Sur le ciel gris et noir de mon enfance. Le vol des oies sauvages vers le nord. Comme une fatalité. Mille fois répétée. Laborieuse berceuse qui ne survit plus à la nuit qui s'approche. Et cet épuisement. Et cette envie de nord. De glace. De fin....

Franck

16 janvier 2022

Quelques brindilles pour le feu...

 

Je suis resté sur le bord du fleuve. Je ne sais plus combien de temps. Plusieurs jours. Là, sur le bord brûlant du fleuve. Il n'y avait rien, hormis le fleuve et le désert ; et moi, assis entre les deux, juste à la frontière des terres vides, et des eaux larges, à regarder le temps passer. Cela devait être un peu avant Bourem. A l'endroit où le fleuve se met bien à plat, là où il s'étire pour passer sur les sables incendiés. Un fleuve à plat ventre, ondulant lentement comme s'il traversait des sables mouvant ou sa propre mémoire. Temps contre temps. Usure contre usure. Etalé dans le plus large de ses eaux aux risques de perdre ses rives. D'ailleurs elles se perdaient parfois derrière le pli d'une dune ou dans l'œil humide d'un mirage.

Si la mer parle à notre âme, le fleuve, lui, parle à notre histoire. Il y a dans le fleuve l'ébauche d'un dialogue avec ce qui était avant nous, et ce qui sera après. L'homme au bord du fleuve se sait mortel. Et cela le rend triste. Infiniment triste. Comme ces journées assis sur le bord du fleuve. Le Niger. Au Mali. Il y a longtemps. Tout au début des temps.

Six, peut-être sept jours à attendre, assez de temps pour la création des mondes et des univers, assez de temps pour que s'écoule l'infini tristesse, et pour sentir la lente mélancolie du fleuve. Fleuve des terres brûlées, fleuve des enfers aux langueurs mystérieuses. Fleuve lent. Grave. Aux flots austères et silencieux. Car il y a des lieux où les paroles n'accrochent pas. Rien ne peut se dire. Tout est écrasé par lutte lente des éléments. Lutte antique, immémoriale, puissante confrontation des silences, celui du désert, celui du fleuve et pour les sacrer tous les deux, celui du soleil. La rencontre du temps et de l'espace. Je suis resté sur le bord du fleuve. Assis, sur le lieu même de la folie, de l'incommensurable folie de l'existence, à regarder le fleuve, comme si l'apocalypse devait surgir de l'horizon consumé.

Il y a des lieux où la pensée devient inutile,  vaine, presque indécente, où la raison ne peut plus se survivre, où l'intelligence n'est qu'une excroissance du malheur et d'un mauvais hasard. Il y a des lieux où toute pensée n'est qu'une écorce morte, l'enveloppe desséchée de nos vanités. Il y a des lieux où si tu ne sais pas rêver, tu meurs.

Six jours, peut-être sept, à me demander ce que je faisais là, sur les rives du fleuve, pris dans l'étau primitif, originel, radical des lieux. Lieux métaphores. Assis dans la gueule même des mythes. Il est paradoxal d'imaginer que toutes les paroles sont parties de ces lieux impossibles. Sans doute que pour poser le premier mot fallait-il un espace infini ? Peut-être fallait-il un feu solaire pour compenser le feu du mot ? Peut-être est-ce le premier mot qui brûla tout ? Peut-être...Peut-être faut-il faire traverser à notre verbe un néant embrasé, et rester assis six jours, ou sept, pour qu'il puisse signifier ?

Prends une parole, fais lui traverser un désert, et si au bout tu peux la dire sans trembler, sans pleurer, si tu sais dire chaque mot, articuler chaque syllabe, sans que ta langue ne tombe de ta bouche, alors cette parole est vraie. Alors cette parole est puits qui désaltère, fruits juteux qui nourrit, elle est chemin des étoiles, et ceux à qui tu l'offriras, entendront le puits, et recevront les fruits, et recueilleront l'or de chacune des étoiles apportées. C'est comme si les portes de la cathédrale s'ouvraient.

Le silence est beau d'une parole qu'il porte, comme le désert qui recèle un puits. Le silence est riche de l'enfant qu'il porte. Le silence est un champ labouré gorgé des graines de la moisson à venir, il est mûrissement de l'absence. Ainsi dieu et son infinie mesure, et son immense retrait. Car depuis qu'on fait parler les dieux on ne les entend plus.

Six jours, peut être sept, sans action, à rester là, assis, à raboter les gestes, à façonner l'attente, et à se laisser pénétrer par le fleuve, lent, large, comme un sang ancien chargé du temps qui passe. Comme un arbre qui devine la sève dévorer sa fibre. Car il y a des lieux où toutes actions s'épuisent, il y a des lieux où agir est dérisoire, où l'acte n'atteint plus que son propre néant, où précisément le désir de l'acte s'effondre sur lui-même. Il ne reste plus que les gestes simples, chercher l'ombre ou l'inventer, préparer le thé, manger des gâteaux secs avec quelques dattes, arpenter la rive pour trouver assez de petits bois pour faire un feu le soir. Étirer chaque geste, pour lui donner l'ampleur suffisante, le souffle, et la parcimonie, et l'efficacité nécessaire pour maintenir la vigilance, l'attention précautionneuse, sans rien oublier de l'essentiel : regarder le ciel, se perdre dans les horizons, et tout le jour désirer intensément la nuit, et la nuit venue, souhaiter  avec encore plus de force, le jour.

J'ai peu prié dans ma vie. Pourtant, là, je me souviens avoir risqué mes premières prières. Je me souviens de la timidité de ces premiers élans. Les lieux imposent bien sûr, encore faut-il vouloir s'y soumettre, accepter, et ne pas craindre l'immense vide au fond de soi ; cette peur qui surgissait. Accepter l'envahissement par le fleuve, par le sable,  cette sensation de perte absolue, comme si rien ne pourrait jamais nous sauver. Et que désormais c'était sans importance. Oui, sans importance...

Durant six jours, peut-être sept je me suis appliqué à mettre une majuscule pour honorer l'aube naissante,  j'ai mis des virgules après chaque heure, j'ai ouvert des parenthèses pour envelopper le fleuve, posé un point à l'instant du zénith, au bord de la nuit je n'avais plus que des étoiles à accrocher aux points de suspensions...

Ecrire me renvoie à ces temps où je pouvais m'assoir juste à la frontière des terres vides et des eaux larges, à regarder le temps se perdre et s'oublier. Cela devait être un peu avant Bourem. Bien avant mes premières morts, bien avant mes premières renaissances. Chaque texte est comme un jour passé sur les bords du fleuve, à retenir les gestes, et à ramasser quelques mots, comme des brindilles sèches pour allumer le soir venu le feu de ma parole, afin qu'il ne reste rien. Rien. A chaque fois rien. Ecrire est un horizon consumé.

Franck.

9 janvier 2022

L'hiver, l'océan...

 

L'hiver, l'océan nous parle une langue inconnue. Il roule son indifférence hautaine. Il y a de l'arrogance dans sa houle. Du dédain. Il parle fort, d'une voix musculeuse avec le détachement des dieux, la désinvolture des puissants, parfois de sourds ricanements. L'hiver, l'océan est un défi. Une menace. Largement ouverte sur le froid. Une béance froide et mugissante. La menace vient de ce qu'il n'y a pas d'interruption dans la virilité frontale de l'océan. L'hiver. Et le vent glace toute pensée. Glace et efface toute pensée. L'homme ne s'articule plus à l'espace, au mouvement, droit sur la plage il est une écharde, moins qu'un galet, moins qu'un coquillage. Et brusquement il le sait. Il est dans l'évidence. Aucune parole ne tient, et il le sait. Alors il se tait. Silence et vacarme vont du même pas, l'hiver, quand l'océan roule son indifférence hautaine. Et les portes de l'exil sont ainsi. Bruyantes et muettes. Inconciliantes. Incommensurables. Il n'y a pas de méditation du froid. Toute pensée est d'abord résistance. Tenir l'affirmation d'une résistance. Il n'y a pas de poésie du froid. L'imaginaire du froid est un imaginaire séparé. Coupé. Tranché. C'est d'abord l'imaginaire d'un refus.

L'hiver, l'océan nous parle une langue inconnue, que l'on comprend parce qu'on l'a toujours su. Le vacarme et le silence de la mort. L'écrasement et le froid. Le vent et son murmure lancinant. Litanie d'une mémoire inaccessible. Comme la mer dans son avancée impossible et constante. Interruption des vagues, de la terre, de la mémoire. Invraisemblable mouvement en avant. Enroulement du temps qui nous lie en se déliant. Et la parole qui accompagne. Parole inaudible hormis la voix qui la porte et la pose, là, au bout des terres connues, à l'orée de l'hiver et de l'océan. La voix chante et c'est une plainte. On sait que c'est une plainte, même si l'on n'en entend pas le sens. On sait que c'est une plainte. L'oubli est le râle de la mémoire, son chant plaintif. Quel est ce temps d'hiver ? Quel est ce temps dans le temps ? Cette vague dans la vague ? Cet océan qui bat en moi ? Ce froid qui glace ma voix ?

Je suis un égaré. Je n'ai pas trouvé ma question. Alors toutes les réponses sont fausses. Inadaptées. Nous oscillons sur nos lignes de fuite, funambule de l'errance, avec toujours une liberté de retard, à contre temps des marées, tâtonnant à travers nos phrases, à la recherche des mots, des rythmes qui sauraient s'allier à notre voix. Adoucir la discordance. L'annuler. Effacer l'horizon. Tout recommencer. Ou tout finir. Bâcler la fin. Car l'écriture ne nous rend pas la vue. Tout juste nous introduit-elle au silence. Et à l'absence. Tout juste nous pose-t-elle à un endroit de nous-même un peu plus supportable. Elle n'efface pas l'illusion. Peut-être, est-elle l'illusion suprême. La seule qui vaille, ou la plus dérisoire. Il n'y a pas d'écriture du bonheur. Aucun savoir ne nous guette au bout de la phrase. Aucune rémission. Les mots s'effacent les uns les autres, les suivants renieront ceux qui précédent, jusqu'à l'épuisement. Il n'y a pas d'accroissement de la parole, tout au plus une redite, une tentative toujours échouée. Un enroulement. Un retour. Et un effondrement d'écume dans la voix. L'océan n'a pas de centre, il n'a que des rives, des lieux de fin, des morts toujours recommencées et jamais assouvies. Il est l'épuisement inépuisable. La permanence effrayante. La mort qui s'avance en nous comme une arabesque. Pleine. Dépourvue d'ombres. Pure présence, qui nous assigne à la nôtre, la suggère, parfois la révèle.

Il y a dans l'écriture comme le sacre des saisons, un surcroît de présence, un dévoilement, un atlantique patient. L'écriture dans son incessant retour, élève notre voix pour l'accorder à celle de l'océan. Il n'y a pas d'accroissement de la parole, simplement une élévation, le sens d'un redressement, sans doute pour que la mort nous frappe à l'endroit le plus haut. Juste à l'endroit de l'étonnement.

Franck

26 décembre 2021

L'éternel voyage...

 

Ce qui fait le voyage, le vrai voyage, c'est qu'il n'y a pas d'itinéraire, pas de retour. Le voyage est sans savoir, il se déploie et se défait dans le même pas, dans le même souffle.
Ce qui nous fascine dans la caravane du désert, ce qui nous saisit à la vue de ces caravaniers, c'est la lenteur de leur pas. Le pas glissant des chameaux, le pas patient du désert. Le caravanier ne va jamais nulle part, il ne fait que revenir. Lorsqu'on les voit au loin, ils reviennent, ils ne cessent de revenir, depuis toute éternité ils sont sur le retour, c'est cela qui fait l'étrangeté et la beauté du pas des caravaniers. Ils ne vont jamais nulle part, ils reviennent, avec lenteur et détermination, dans un silence de deuil, comme si le retour annonçait déjà la fin, comme si revenir était ne pas mourir, comme si revenir était la forme de la résurrection ultime.
Le temps est à l'image des caravaniers du désert, le futur est un passé jamais atteint, un passé toujours défait, nous revenons, nous ne cessons de revenir, de revenir infiniment.
Nous allons sans cesse tout au long de notre vie, comme un fleuve qui va vers la mort, nous allons devant nous, plus large et plus puissant toujours, mais toujours revenant, toujours renaissant.
Le voyageur est déjà une âme qui revient. Il n'y a pas d'avancée sans retour. Dans tout voyage une mort sommeille, sans cette mort pas de retour possible à la vie, sans cette mort, point d'éternité.

Franck

19 décembre 2021

Pas à pas jusqu'au dernier...

 

La bonté sera mon ultime courage.
Mon ultime défi.

Ne pas croire que la bonté nous arrive en premier, avec l'aisance d'une naissance, ou d'un printemps.
La bonté qui précède est sans saveur, elle n'a rien traversé qu'elle-même, elle n'a d'autre issue qu'elle-même, comment pourrait-elle rivaliser avec la bonté d'après, celle qui succède, celle qui se dérobe, celle qui aura traversée tant de nuit, tant de silence ?

La bonté redoutable est bien la dernière porte, celle qui ouvre sur les grandes moissons de l'âme et ciel.

La bonté est un achèvement, déjà un au-delà.

Car avant il nous faudra bien traverser l'effroyable de nos vies, de nos gestes, de nos pensées, de nos faiblesses. Il nous faudra bien traverser l'océan avant de devenir l'océan, et aller si loin avant d'aller profond.

L'écume des vagues ne dit rien des masses lourdes et insondables des abîmes océaniques. Ne confondez jamais la gentillesse et la bonté. La gentillesse restera toujours une complaisance, au pire, envers soi-même. Mais la bonté exigera un dépouillement absolu et violent.

La bonté nous vient d'une sauvagerie vaincue, enfin désarmée. Elle nous vient d'un épuisement du rouge du sang. C'est un feu au creux de l'océan.

Il me faudra bien du courage pour l'accueillir.

Car c'est un long voyage, une longue traversée. Il faut bien du courage pour arriver, pour aboutir, pour achever, pour supporter la longueur des temps, les errances, les égarements, les colères.

Il faudra bien du courage pour accomplir et pour aimer enfin.
Et brûler, brûler infiniment.

Franck.

* Titre emprunté à Louis-René Des Forêts

 

 

 

12 décembre 2021

A rebours...

 

Ce que je suis appelle ce qui me manque, et a la forme de mon oubli.
Se souvenir est impossible. Je suis fait d'une absence, d'une nuit, d'un souvenir perdu.

Nous marchons à rebours, et nous ne le savons pas.

Franck

5 décembre 2021

De l'un à l'un...

 

Il lui fallut beaucoup de silence, puis après, beaucoup de distance. Car il ne s'agit
pas de voir, mais d'éclairer, il ne s'agit pas de dire, mais de signifier. Il lui fallut un long temps, une vie entière,
pour apprendre ce mouvement sobre et grave de la bonté, qui va de l'un à l'un.
Ce mouvement qui déploie dans son souffle, dans l'arabesque du souffle, une forme
acceptable d'humanité...
...du plus fragile au plus faible...
avec l'infime en partage, qui va de l'un à l'un...

Franck.

 

28 novembre 2021

Ce soir à la chandelle...

 

Dans la flamme de la chandelle, l'immédiat semble disparaître, la vie peut prendre son temps, comme si cette lumière ombreuse nous délivrait des heures, en nous rendant un espace enfin habitable. La flamme porte une densité nouvelle qui nous oblige à plus de pesanteur, et notre être, tant épris de cohérence, se sent assez fort pour dépasser ce qui le contredit. Le présent s'alourdit de durée. Ses bords s'épaississent, se rassemblent, se condensent, et nos terreurs s'adoucissent. Quelque chose d'intense s'élève en nous, comme si la flamme soutenait une respiration renouvelée.

Les âmes de la chandelle sont des âmes errantes, elles ont perdu leurs corps et cherchent un point d'appui pour porter leur voyage, comme des navires qui recherchent l'escale. Parce que plus qu'une flamme elle est lieu, parce que plus qu'un lieu, elle est un refuge, parce que plus qu'un refuge, elle est un royaume. Est-ce un temps réel ? Ou le simple raccourci de nos destins inquiétés ?

Il y a dans cette flamme courageuse quelque chose qui s'éprouve. De l'infime qui s'efforce. Tout ce qu'il y a de pauvre sur terre se rassemble et se reconnaît dans cet étirement du feu, dans cette hésitation verticale.
La chandelle dit l'infinie solitude et le dénuement, elle dit aussi la foi comme si celle-ci avait besoin de deux ailes pour s'envoler. Le simple et le pauvre marchent de concert, ainsi la chandelle qui offre ses ombres pour taire l'insupportable, et sa lumière pour clamer l'irréductible. La flamme des chandelles nous défait de nos rages, elle accompagne nos rémissions, et parfois elle sacre nos résurrections. Elle est une amie silencieuse qui nous apprend le silence, une amie généreuse qui écoute en dansant, une amie qui console parce qu'elle ne juge point. Un soleil à notre dimension, bleu, jaune, orange, rouge, blanc. Soleil du pauvre et du seul. Elle berce, elle réchauffe, parfois elle chante, elle enveloppe d'une soie étrange notre rêverie.
Il y a dans cette flamme quelque chose qui rassemble nos morceaux éparpillés, qui maintient l'unité de notre désir, qui contient notre abandon. Il y a là, un espace de temps et de lumière qui nous protège de nous-mêmes, de nos affaissements, de nos écroulements. La vie suffisante. La vie tolérable. Tolérante. Et les ombres enfin deviennent conciliantes.
Il y a dans cette chandelle quelque chose de grave, d'infiniment sérieux et grave, une gravité dépossédée de sa lourdeur. Rouge. Étrange silence que celui de cette flamme solitaire. Étrange lumière vacillante, qui appelle en nous la mesure et la lenteur. Étrange puissance que cette fragilité tremblante. Le temps de la flamme pauvre est toujours le temps des aveux, et le temps des chandelles est un temps de soupirs, de respiration profonde, comme s'il s'agissait de faire remonter nos douleurs sur la mèche du cœur et de les consumer. Temps sombre et clair à la fois, temps de puissance désarmée, temps qui fabrique du temps. Comme si le temps du feu était un temps gagné, arraché au néant. Comme si ce feu, précisément, ne pouvait plus être brûlure, comme si sa vocation ultime était la caresse et le murmure. Au coin des chandelles les larmes peuvent être douces, et les chagrins pardonnables.
Il y a du sang dans cette lumière c'est pourquoi on la sait vivante, il y a des chairs dans ses ombres c'est pourquoi on la sait aimante. Il y a des lèvres et peaux à aimer dans ce feu isolé, dans ce singulier instant chancelant, comme si l'émotion trouvait enfin une issue, un devenir qui la dépasse et la bénit. Temps concentré, temps rassemblé. Lumière pour les corps nus et les effleurements, lumière des baisers indécents, couleur rouge comme les chairs qui s'offrent ou comme les laves volcaniques. Au creux des bougies qui éclairent, l'ivresse disparaît et la folie s'efface, car c'est un temps des premières ou dernières vérités, et peut-être l'au-delà des vérités ; car si les évidences simples ont besoin du soleil pour se dire, les vérités essentielles ne se libèrent que dans cette presque lumière et ces presque ombres.

Quelque chose habite cette clarté tremblante, quelque chose soupire dans sa danse, est-ce une plainte ? Est-ce un gémissement ? Est-ce que mon âme cri ce soir à la bougie ? Ou n'est-ce qu'un songe, ce songe lancinant qui plie mes veines et ma chair, un songe toujours cassant ?

Quelqu'un habite ici, au cœur de cette flamme, quelqu'un qui me désigne et m'appelle, l'enfant innocent oublié par le temps qui passe, et qui résiste encore dans les décombres de ma mémoire

Il y a dans ces petites flammes le chant d'une présence. Du vivant qui exige, des visages qui implorent, il y a des mains qui se joignent, comme si l'humanité avait besoin d'opposer aux enfers ce simple feu humain.

La lueur des chandelles, comme celle des cierges éclaire en nous ces endroits oubliés, ceux que nous avons délaissés, cette part de nous-mêmes qu'on ne visite plus, nos jachères, nos ronciers, elle préside à l'office de nos noces intimes comme un fuseau ardent qui déroule le rêve et tisse entre nos larmes un voile charitable, et console, et soulage, et apaise, et apaise, et apaise...Ce soir, j'ai vu dans cette flamme un doigt incandescent qui me montrait les cieux....

Franck.

21 novembre 2021

Infiniment.... (berceuse mélancolique)

 

Rester dans l'axe du centre. L'axe de tension. Ne pas dévier. Se faire sourd aux rumeurs du monde. À la fois, ne pas être dans le mouvement, et être dans le mouvement.
C'est l'heure des marées qui montent avec leurs souffles de nuit. C'est l'heure des marées lancinantes, des marées blanches et bouillonnantes, c'est l'heure de l'eau souveraine. Un autre mouvement. Comme la mer. La mer et la perdition dans l'immense. Dans le même. Ce même jamais pareil. Du même qui se change en même. Du même qui s'enroule en vague à lame successif. L'infini ruissellement du même. Comme si la tension de se survivre était là. Dans cette répétition qui se dépasse un peu plus à chaque fois. Cette sursomption des actes et des jours, et des conséquences. Totalisation.
La marée n'est pas grosse, avant. Avant elle est une simple écume, un reste de houle. A peine l'ébauche d'une vague. Elle est un souvenir ancien qui s'est épuisé, elle est une mémoire fatiguée. Au bout du rouleau. Avant c'est une simple écume blanche. Blanche. Pas encore une dentelle bouillonnante. Blanche. Simplement l'idée du blanc, avant qu'il soit blanc. Au départ il y a tout un ciel étalé sur la mer avec les étoiles qui scintillent et qui flottent. Noces de la transparence, qui fait le blanc de l'écume, comme après la mort. Le corps saigné à blanc. Bercement infini du ciel dans les bras de la mer. Berceuse du temps qui passe « Do.. dinn, do... dan, il est mort Bertrand, qui lo tùa c'est lo limaço, quo faÿ sa caisso c'est l'homo d'aixe, son tro lou maigro, sa prièra quatre bergèra... do dinn, do dan.... » Dors petit bonhomme ! Dors dans le blanc de la mère. Dors dans sa berceuse triste et blanche. Et Blanche. Comme l'écume de l'océan. Dors de ton sommeil d'écume. Dors dans le sein blanc et la parole blanche du lait. Dors dans l'écume des heures, dors ! Dans le lait de la mer. Infiniment naissante, infiniment mourante. Comme la mère. Mourante et blanche. Posée comme Ophélie dans le lit blanc. Blanc de mort. Dors... Avant elle c'est une simple écume. Après c'est un tonnerre, la mer qui s'offre l'abondance illimitée des possibles. Toujours identique et jamais pareil. Ne pas dévier, rester dans l'axe de la marée. Ne pas dévier de l'axe du désir. Comme lorsqu'on marche sur les eaux. Irréfutable et fragile. Comme l'enfant qui dort. Là, dans le bruit des vagues. Sur la peau blanche de la mère morte.
Je suis la source qui rêve d'océan, un océan qui s'essoufflerait à tirer ses marées. Je suis dans le mouvement de l'eau. Je flotte. Je me noie. Je dérive. Je déluge. Je cascade de mots. Je déferle. Je reflux. Je larme. Même ma terre est de l'eau. Même mon sable s'écoule. Je suis une île entourée d'îles. Je suis une eau entourée d'eau. Je vague, imprécis et confus. Vague comme une brume lascive. Et je pluie, et j'orage, et je source. Ruisselant, coulant, ravinant. Mon univers c'est l'eau, mon ciel est d'averses, mes nuages sont gorgés de torrents de tristesses et mes jours s'évaporent comme l'eau des étangs. Je suis un océan dans l'axe de mes marées, en mon centre une source.
Si mes rêves se condensent, c'est l'Amazone qui passe saturé de boues grasses et fertiles où l'opaque et l'obscure s'accouplent aux puissances invincibles du courant. Monte ta marée, petit bonhomme. Une de plus. Courage ! Vas donc chercher ces rouleaux de mémoire, et déploie-les, va plus profond racler le fond de l'océan, vas, n'hésites pas, prends les plus lourds s'il le faut ! prends les plus tristes, n'oublie pas les plus beaux ! Va chercher ta marée dans le fond de ton ventre ! Dans le fond de son ventre. Va ! Tu es l'infiniment vivant, l'infiniment mourant, tu es dans le bercement des mers qui se disent et se redisent jusqu'à l'ultime bord où le ciel agonise dans les flots. Qui a-t-il sous les eaux des mères mourantes si ce n'est de grands pans de ciel ornés de quelques étoiles ? Qui a-t-il au fond des mères si ce n'est le sommeil d'un enfant ? Qui a-t-il dans mon balancement si ce n'est un appel ou un cri, le triste mouvement, infiniment vivant, infiniment mourant, infiniment pleurant dans les os de sa mère ? C'est l'heure de la marée blanche et écumante. C'est l'heure d'appeler la nuit et ses mystères, c'est l'heure de vouloir un peu plus fort, un peu plus loin. C'est l'heure blanche des marées. Blanche comme les ailes déchirées d'un grand cygne mourant. Blanche comme les flammes qui brûlent ma prière. Blanche comme l'aveu d'un aveu. Blanche comme la peau avant l'amour dans le silence à peine froissé des caresses. Blanches caresses, et lente houle des chairs qui s'offrent au blanc du désir blanc. Monte-la ta marée ! Un peu plus de courage ! Dans chaque mouvement, c'est du temps qui déferle, dans chaque éclatement c'est l'amour qui se dresse, dans chaque écoulement c'est ton corps qui réclame, dans chaque déchaînement c'est des liens que tu brises. Et se dire, oui se dire, tout au bout, tout au bout des marées, je suis un homme vivant qui montent ses marées, infiniment vivant, infiniment mourant, et qui le soir venu, pose son front au sol et peut dormir en paix.

Franck.

17 novembre 2021

Lenteur…

 

On s’assoit pour retrouver la lenteur des temps. Alors, on respire. On puise au plus profond de l’intérieur du corps. Comme vers un continent neuf qui sortirait des eaux brumeuses. La lenteur appelle l’immobile.
Car seul l’immobile nous rendra la mesure des actes, et tracera les contours de leur gravité. On ne sait les choses importantes que dans ce mouvement de ralentissement. On ne connait les choses essentielles que dans l’immobilisation. La stase.
Le sens ne se révèle que dans l’atrophie du geste, dans l’engourdissement de la course. Dans l’agonie lente de l’impulsion. Alors, on s’assoit, pour mourir un peu plus fort. Un peu plus surement. Un peu plus loin. Avec la lumière qui se dégage de la disparition des fièvres, des grouillements, des effervescences. On ne connait le voyage qu’aux escales, on ne sait dire le désert qu’à l’ombre des oasis.
On s’assoit. On flotte. Lenteur épaisse des heures qui s’écoulent en raclant la blancheur des os. Curetage patient de nos insomnies, de nos attentes, de nos désolements. Ce vertige. La peur qui s’insinue. Temps étrange et singulier de la lenteur, comme si brusquement il devenait important de prendre avec précaution la vie, avec la mort qu’elle traine dans son ombre, et le souffle. Retenue du mouvement. Comme l’on va pieds nus sur les rochers tranchants. Parcimonie, pour échapper à l’écrasement. Puis défroisser le temps qui reste, à cause du temps perdu. Défroisser les souvenirs à cause des oublis. Lisser avec obstination la page écrite de trop de mots, de trop d’espoir, de trop de désirs inassouvis, de trop de manques. Ainsi, chaque instant, un crépuscule.
Il y a dans la lenteur du temps cette chose impalpable qui va vers la transparence. Vers l’éclat. L’étincèlement. Le reste improbable de l’usure. Il y a dans la lenteur un accroissement d’amour. Comme le murmure accroit la puissance de la parole. Il y a dans ce ralentissement une dilatation de l’âme. À cause du poids, de cette distance qui n’en finit plus pour atteindre l’immobilité fulgurante. L’irradiation.
Il y a dans la lenteur un accroissement d’amour, comme cette caravane qui progresse dans les sables. Plus le but approche, plus le pas ralentit. Lent cheminement de l’écorce qui rêve en secret au caillou.
On s’assoit. On laisse monter en soi l’océan vide des regards et des gestes. On élargit les bords du manque. On entre dans son corps, car il est temps d’habiter sa chair et d’ouvrir les bras à l’éternité. On s’assoit, on se laisse traverser par l’éclair d’une solitude grave, brillante. On s’assoit dans cette dévastation du temps inerte. On longe le gouffre de nos peurs. On parcourt encore une fois nos sentiers d’errances. Le souffle se ralentit. Tout est là, puisque rien ne tremble. Tout est là, puisque les premiers mots affleurent.

Franck.

7 novembre 2021

Aurore…

 

Il y a une densité particulière, une pigmentation singulière de l’air à l’approche de l’écriture, celle qui préside aux aurores qui se lèvent sur les grands lacs. L’eau lisse et sombre, encore inquiétante avec ses nappes de brume qui sortent des profondeurs. Cela tient au silence. Ce silence du matin naissant qui n’a pas le même timbre que le silence nocturne. Ce silence du matin, désencombré des présences et des spectres. Silence plat. Lisse. Sans image. Dévoilé. Nu.
Il y a un temps dans les aurores où la nature attend. Elle attend le signal de quelques dieux. Les oiseaux sont posés sur la bouche du vent, ils attendent, ils écoutent la lumière déchirer les ombres, ils observent les fantômes se dissoudre dans la rosée, les diables se cacher dans les buissons, les fées s’évaporer. Cela ne dure pas. La naissance de l’aurore est toujours triste, toujours mélancolique. On sent bien que c’est un effort que de se dégager des mots de la nuit. Accoucher d’un silence neuf demeure une épreuve. Certains jours d’ailleurs elle n’y parvient pas, alors même en plein jour, c’est la nuit qui triomphe. Des jours qui ne sont pas des jours, des jours effondrés, épuisés. Des jours qui empoisonnent le sang de l’écriture. Rien n’est acquis, pas même la lumière.
Il y a une densité particulière, une pigmentation singulière de l’air à l’approche de l’écriture, celle qui préside aux aurores qui se lèvent sur les grands lacs. Où la solitude change de destinée. La solitude du matin naissant qui n’a pas la même épaisseur que la solitude nocturne. Elle se déploie, se défroisse, ce qu’elle perd en poids, elle le gagne en étendue, comme une main qui défait son poing, comme une main dénudée que l’on pourrait croire accueillante. Cela ne dure pas, car elle vous entre dans le corps comme une vague scélérate qui envahit la peau comme une chair de poule. Cette fraicheur innocente du matin, c’est la solitude qui déplie ses bras pour l’accolade, pour le baiser du jour. La solitude nocturne vous déborde de toutes parts, son poids est immense, et parce qu’il est si immense vous n’y croyez pas vraiment. C’est une extravagance, une exagération, certaines nuits, vous la considérez comme une amie. Mais cet écrasement reste une complaisance, un attristement indulgent sur vous-même.
La solitude du jour, vous l’enfilez comme gant. Elle vous tient chaque parcelle de vie. Elle est à votre mesure : elle est faite pour vous. C’est pour cela que vous avez cette sensation de froid au point du jour, comme à l’approche de la mort. D’ailleurs, la mort ne s’y trompe pas : elle aime hanter ces endroits du jour où l’ombre arrive ou bien s’en va, où l’ombre joue avec nos nerfs. Elle cueille les âmes au crépuscule, ou à l’aube, dans ces temps raccommodés, ourlés de surjets fragiles, faussement hésitante. L’aurore constitue bien ce temps où les amants se délient, où les serments se payent, où les dieux font notre addition. Chaque matin, la solitude du jour vous laisse les poches vides, l’œil effaré. Les dieux ne font pas crédit : vous payez d’avance. Le soleil est à ce prix, le prix de la lucidité, comme dirait le poète.
Chaque fois que l’on marche vers l’écriture, c’est comme aller au-devant d’une aurore, c’est aller vers l’absolu du silence, vers l’absolu de la solitude. C’est aller vers un sacre.
On le sent à cette densité si particulière de l’air à l’approche des mots, à ce désordre dans les saisons du sang, à la brusque gravité des heures, à cette simplification des couleurs comme lorsque le jour se lève près des grands lacs aux eaux lisses et noires, aux eaux cousues de brumes.

Franck.

31 octobre 2021

Oublier…

 

C’est souvent le même rituel. J’allume l’écran puis je rentre dans la salle d’attente du texte. La salle d’attente du texte est un lieu, et un temps. Le lieu du temps. Un univers. Une vie. On est là et l’on sait que personne ne viendra vous chercher. Personne d’autre que vous n’attend. Vous êtes seul, vous attendez. Il n’y a pas d’impatience. Simplement l’attente. Le flottement du désir. C’est une urgence douce. Une urgence qui n’appelle aucun soin, aucun recours. C’est un temps paradoxal dans un lieu de conscience paradoxal. Tout y est plus vrai, sans pourtant y être tout à fait réel. Comme le danger. Ce sentiment, cette sensation d’être en danger. Pourtant, là, rien ne me menace, mon corps ne risque rien hormis un tremblement de terre peu probable. De l’extérieur, je dois donner l’image d’un homme paisible, concentré, ou perdu dans ses rêveries. Mais je sens un danger. Un danger qui ne menacerait pas ma vie réelle, mais quelque chose d’encore plus important que ma vie réelle. Je n’arrive pas définir ce que c’est. Personne ne peut définir ce que c’est. C’est la chose la plus importante et personne ne peut dire cette chose. Elle est là, on est construit autour, on ne sait rien d’elle. Alors, on écrit en décrivant de grands cercles de parole. Pour ne pas tomber. Tomber dans cette chose que l’on ne sait nommer, qui pourtant est nous.
Je ne sens ce danger que lorsque je suis dans la salle d’attente du texte. Comme si le texte nous inquiétait dans son approche lente et diffuse. Comme si le texte sortait de la chose inconnue de nous. L’inquiétude. Le danger. Quelque chose qui pourrait nous réduire à rien. Nous renvoyer à une sorte de néant. Des limbes.
Le texte s’avance, il nous sait mieux que nous-mêmes. Il rentrera par la porte la plus faible. Au départ, il rôde au loin. On ne l’entend pas, on ne voit rien, à part quelques ombres furtives. Il n’a pas de forme. Il cherche. Il cherche l’endroit de mélancolie, l’endroit de tristesse en nous.
Il y en a toujours. La chair est nostalgique par nature. Alors, il rôde, nous affame. Comme une ombre qui traverserait nos temps, nos passés, nos futurs. Car le texte connait notre destinée, c’est pour cela qu’il « est » le texte. Ce texte, surtout pas un autre. Ces mots seuls, surtout pas d’autres mots. Il sait l’impossible lien qui tisse nos heures, il en connait la couleur, la substance, la destinée. Le texte tient dans sa main l’origine et la fin, il nous les tend sans que l’on sache les reconnaitre, comme dans un jeu de courte paille, où l’on ne gagne jamais.
Les règles du jeu changent en permanence. Nous ne savons rien. Le texte, lui, sait. Il a traversé plusieurs vies, plusieurs siècles, il cherche en nous le plus faible, le plus désespéré.
On est dans la salle d’attente du texte, peu à peu  il se rapproche. On le sait à ce brassage des chairs molles de notre pensée. Car au départ le texte n’est pas construit de mots, du moins on ne les voit pas. On ne discerne rien, hormis une rumeur de marée, hormis une présence qui nous afflige et nous met en joie en même temps. On reconnait sa présence à ce mélange, à cette confusion, comme un horizon qui s’inquièterait, comme le bruit d’une bataille, un galop lourd au-dessus des nuages.
Alors les choses se précisent. Les premiers mots nous guident vers d’autres endroits. Ils tombent, là, avec leur consistance indécente, une nudité presque obscène. Toujours, au début, il existe ce sentiment d’une réalité inacceptable des mots. Toujours. Un couloir. Un couloir sombre. Un couloir sans fin. Un couloir qui traverse notre vie. Le texte choisit toujours les lieux étranges de notre vie. Les chemins cabossés, les landes sauvages, ou les couloirs sombres. Les lieux de passage déserts, nos lieux d’errances. Nos lieux inhabitables. Nos lieux d’inquiétudes. À l’intérieur, notre géographie est tourmentée. Paysage lunaire. Paysage de fantômes. Alors, commence la longue traversée. Mot après mot. C’est comme s’il y avait un trou d’où les mots s’échappaient, un à un. Il faut simplement maintenir les bords de la plaie ouverte. Car c’est une plaie. Enfin, cela y ressemble. Souvent, on dit que c’est une douleur, mais ce n’est pas exactement cela. C’est une difficulté. C’est se sentir dans une terrible fragilité. Il faut rester ouvert. Maintenir l’être à vif, à vif de sa vie comme si les mots étaient attirés par le sang, par la chair à nu.
Après  la salle d’attente du texte,  le temps se déploie, avec une sorte de majesté lente, de gravité exigeante. C’est le temps du long couloir. C’est une énigme, comme si le texte proposait chaque fois des mystères, des secrets. Comme si le texte était fait de dévoilements incomplets. Comme s’il chuchotait et que l’on n’entende qu’une partie de ce qu’il nous souffle. Des morceaux, des bribes. Comme si l’on ne pouvait pas tout recevoir, comme si l’on était toujours en deçà de son vouloir, de son appétit. Il y a là quelque chose d’écrasant. D’éreintant. Parfois, pas toujours, j’ai des larmes qui montent aux yeux. Mais ce n’est pas de la tristesse. C’est l’eau du texte. Son fleuve. Elles viennent. C’est tout.
On ne voudrait pas se trouver là et pourtant, c’est bien la seule nécessité qui s’impose, être là. À cet instant précis de notre vie, être là et nulle part ailleurs. Être présent à cette bataille. Assister à cette défaite, ce démembrement.
Le texte s’agrippe aux parois intérieures du corps. Plus il avance, plus son poids s’alourdit. Le geste racle un peu plus, avec le temps. Les mots résistent à se donner. À pénétrer la densité de la chair.
Le temps du couloir demeure un temps déraciné. Il ne compte pour rien dans nos âges. C’est un temps dérobé aux dieux. Nous sommes sans patrie, la seule qui vaut, la seule qui compte, c’est nos temps d’exil. Lorsque nous sommes assez loin de nous pour accueillir la solitude que le texte exige.
Puis vient le temps où le texte se défait de lui-même, où la bataille a été livrée. Puis vient le temps de la paix, où le monde revient dans nos veines, où le soleil reprend sa couleur. Tout s’efface peu à peu, comme si rien n’avait existé. Pauvre et glorieux ! Le texte se retire. Devant moi les restes d’une mélancolie somptueuse, d’une tristesse décomposée. Devant moi, l’éclatement des saisons et l’univers que, l’espace d’une seconde,  j’ai tenu serré contre ma poitrine. Le souvenir de quelques larmes.
L’écriture n’est pas une occupation, elle ne peut réconforter de l’ennui, puisqu’elle est la forme ultime de l’ennui. Elle ne peut consoler de nos échecs, puisqu’elle les sacre tous, jusqu’au dernier. L’écriture ne nous lave de rien, ne nous rend ni pires ni meilleurs. Elle n’est qu’une affirmation portée à ébullition, qu’un fer rougit fiché dans le cœur. Un surcroit de désir éparpillé sur les chemins de croix de nos vies. Un écho. Un tintement de l’âme. Une trace. Elle est le miroir de nos défaites, l’horizon crevé de nos rêves. Un espace creusé qui appelle la vie à l’état brut. La vie sans formes. La palpitation originelle. La pulsation. Elle est notre nuit religieuse. Elle n’est que ce cri que nous retenons. Ce long hurlement dans les étoiles.
Au bout du texte, on ne sait rien de plus sur nos peurs, sur les dangers qui nous guettent. Au bout du texte, tout reste à refaire. Au bout du texte, rien n’a vraiment changé. Pourtant… On est toujours une énigme pour nous, et pourtant… et pourtant…

Je vais éteindre l’écran. Je vais oublier la salle d’attente du texte, je vais oublier le couloir, ses ombres, je vais oublier… Je vais oublier… Mon dieu, faites que j’oublie tout, pour qu’à chaque fois mon désir soit plus neuf, soit plus pur ! Oublier…
On est riche d’un épuisement et d’un oubli. On est riche d’un cri silencieux, d’un feu qui brule le sang, d’une solitude qui ne craint plus son ombre.
Je vais aller marcher dans la ville. Juste marcher. Puis oublier… et attendre l’aube…

Franck.

24 octobre 2021

L’étreinte…

 

L’excitation est trompeuse. Cet afflux avant d’écrire nous éloigne d’écrire. Cet enfièvrement qui exalte la parole. Cette maladie de l’avant d’écrire.
Il faut savoir accueillir le bon temps. Le temps pauvre. L’intention de l’avant compte pour rien. Le texte tient du seul instant qui meurt et qui voudrait survivre dans un après jamais atteint. Combien de textes s’effondrent parce qu’ils sont trop chargés d’intention ? Combien de textes s’épuisent de trop de vouloir, de l’excès de présence ? D’un trépignement de la parole ?
Écrire c’est l’intention sans intention. La volonté sans volonté. C’est un désir avant que le désir s’incarne. Écrire nous vient de l’après, de ce retournement des chairs, d’un futur qui n’a pas de nom, que seul le texte désigne. D’un possible.
Arriver les mains vides dans une sorte d’agonie vigilante. Attendre. Arriver au pied d’une éclipse et encore attendre. C’est une ignorance solennelle qui nous fait longer les flancs de l’abime. Toujours attendre.
Écrire, c’est aller vers l’étreinte, c’est recomposer les corps de l’étreinte. Derrière chaque attente, il y a une étreinte, l’étreinte est un au-delà de deux corps. C’est recomposer le corps des dieux.
Écrire, c’est l’étreinte des cieux.
Assez de vie dans la mort qui vient.
Assez d’amour dans la vie qui reste.
Assez de joie dans la peur qui s’efface.

Franck.

17 octobre 2021

Où ?...

 

« Où vas-tu ? »
« Droit devant, je vais droit devant. »
« Devant n’est qu’une illusion. Devant n’existe pas. Il n’y a que l’ailleurs qui existe. L’ailleurs, c’est l’exil. Une géographie déboussolée. C’est le lieu de l’écriture. Un lieu démembré. Traversé d’un temps à rebours. Incertain. L’ailleurs se définit par sa résistance à l’ici. Par le départ, par la débâcle qui s’ensuit. Il faut se presser de se mettre en route, sinon on ne part jamais. Devant n’existe pas. Nulle part est ton pays.
Si tu écris, tu n’auras ni lieu, ni maison, ni saison. Si tu as cette honnêteté folle d’écrire avec les yeux désorbités de l’enfance. »
« Où vas-tu ? »
« Je vais m’allonger un instant sur ma tombe. »
« Prends garde aux théologies du bonheur. Va ailleurs. Seul. L’ailleurs est toujours le lieu de la séparation, de l’abandon. Bienheureuse déréliction.
Pleurer dans l’océan est la seule distraction sensuelle, comme écrire avec la semence des saints.
Regarde derrière toi. L’origine est un abime. Plus loin, se trouve une passerelle. Elle s’appelle l’extase. Non ! Elle s’appelle l’écriture. Ou la mort, c’est pareil… »

Franck.

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