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J'irai marcher par-delà les nuages
26 septembre 2006

Imminence.....

Avec l’écriture de la neige, m’est revenu cette nuit, ces instants de la Creuse. Et d’autres neiges, et d’autre temps. Et c’est un samedi de février. C’est l’hiver. Dehors il fait froid. Le ciel est bas. Il faut l’imaginer, lourd. Pesant. Il attend. Nous venons de finir le repas de midi. Isabelle est silencieuse. Comme le ciel. Comme tout ce qui nous entour. C’est un temps d’imminence, d’approche. Dans la cheminée le feu résiste au poids qui l’écrase. Il brûle avec effort. Avec tristesse. Résignation. Le bois suinte, craque. Les flammes ne chantent plus, on pourrait entendre leurs plaintes. Comme si la chaleur se brisait sur le froid, le silence. Dehors le ciel laisse tomber des morceaux de laine grise qui s’accrochent aux arbres nus. Le jour a du mal à traverser l’étendue de tristesse de ce ciel épuisé, saturé de gris, affaibli par l’hiver. Notre petite maison semble encore plus isolée, plus solitaire, plus mélancolique. Les horizons ont disparu. Une embarcation à la dérive dans cette saison interminable, et le silence, et le froid, et l’attente. C’est un samedi de février. Dehors il fait froid. Le ciel est trop bas. Trop lourd. Trop pesant. Isabelle est trop silencieuse. Elle a sur le visage ce voile d’inquiétude qui fait pâlir son regard. Et maintenant elle est pelotonnée dans le petit fauteuil rouge. Sa tête repose sur le dossier. Pour parler il faudrait que la parole traverse tout un engourdissement, et l’épaisseur d’un ciel. Et c’est impossible. Elle a remonté ses genoux contre sa poitrine. C’est un temps d’imminence, qui prend son temps puisqu’il connaît déjà l’issue à sa pesanteur. Je suis devant la fenêtre. Je regarde le grand champ se faire peu à peu dévorer par ce ciel taciturne, accablé. Il a perdu ses couleurs. Cela commence toujours comme ça. Les couleurs disparaissent. Au bout du champ la rivière s’est asphyxiée entre les souches et les pierres grises. L’univers s’est rétréci, il perdu son sang. On étouffe de froid, et d’hiver, et de silence, et de lenteur. Je regarde le grand champ s’effilocher sous cet immense nuage, trop lourd, trop bas. Dans la pièce résonne en sourdine Rachmaninov, « L’île des morts ». Un aveu. Un présage. Lent ressac d’une mélodie obscure. Noire. Quelque chose vient, à pas lourd. Quelque chose est parti il y a des siècles et va arriver là, maintenant. Après des siècles de grossesse la mort peut naître. Le cocon pour l’accueil est prêt. Le monde est en ordre. Rachmaninov s’accroche aux ombres des flammes tremblantes de froid et va se perdre tout au bout du champ dévoré par le gel austère. Et l’attente. Paysage délavé, qui a perdu son énergie, sa vigueur, qui s’abandonne à sa déchéance. Isabelle ne bouge pas. Elle est adossée à l’hiver et à la lenteur du jour. Elle a remonté sur elle une couverture de mélancolie. Temps creux des défaites. Temps vide. Et pourtant si chargé, si compact, si serré. Abondance de tristesse, abondance de fins, de limites. La mort généreuse, complaisante, prévenante. Patiente. Attentive. Scrupuleuse. Méthodique. Oui, temps raidi par le froid. Figé dans l’imminence. Seule la musique a ses excès. Elle occupe désormais, seule, l’espace et temps. Ce qu’il en reste. « L’île des morts », mouvements amples et sombres. Lancinants. Grave. Je regarde à travers la vitre, et je sens la montée du naufrage, comme une évidence. Isabelle est immobile. Et le feu râle, comme si ses poumons ne suffisaient plus à alimenter son ouvrage. Et la lumière du jour s’affaisse un peu plus, l’ombre se tasse et devient plus dense. Il faudrait que tout cela finisse. Mais il y a des instants qui n’ont pas d’issues.

Et puis cela commence. D’abord on ne le voit pas. Rien n’a changé et pourtant rien n’est plus pareil. On dirait qu’il y a surcroît de douleur, une dernière expiration. On dirait que l’on vient de traverser un monde, que l’on est aux confins de l’univers. Et quelque chose lâche. Le jour, qui s’agrippait avec férocité à la pierre grise heures lâche.

Au début c’est imperceptible. Les flocons sont si fins, si ténus, si fragiles, qu’on les voit à peine. Ils flottent. Ils ne savent pas encore s’ils vont réussir se poser au sol ou s’ils vont remonter d’où ils viennent. Ou s’évanouir. Voilà, ça commence par cette danse hésitante et légère. Ça commence par la voix hésitante et légère d’Isabelle. Ça commence par un trou dans lequel s’engouffre la parole. « J’ai besoin de faire le point…. Il faudrait que je prenne une chambre à Guéret… pendant quelque temps…. Le temps de…. » Je regarde dehors, la pluie blanche peu à peu s’épaissie. Peu à peu la grisaille humide du champ s’éclaircie. « Tu comprends… ? ». A cet instant je sais que je ne peux pas répondre. Non, je ne comprends pas. A cet instant je ne veux pas comprendre. Il n’y a rien comprendre, là. Simplement à assister à cet écroulement blanc. Maintenant les flocons sont épais. Lourds. Serrés. C’est un déluge de silence blanc, massif. Je ne dis rien. Je regarde dehors. Me revient à ce moment précis, cet autre hiver, cette autre neige. Ma mère suffoque ses dernières respirations. Et je vois la neige tomber sur le grand tilleul, au milieu de la cour. Blancheur mortelle des temps de neige. Isabelle attend ma réponse. Ma parole. « L’île des morts » est en train d’expirer ses dernières mesures. Mon regard se perd au loin du souvenir. Je suffoque, j’étouffe. J’entends la respiration haletante de maman. Et la neige comme un effondrement du ciel. Silence blanc pour étrangler l’extrémité des râlements. « Franck… ! Parle-moi….! » Sa voix est douce, mais quelque chose a brusquement débordé plus loin. Le ciel dans son déluge. Le temps dans sa tension. Et seul le feu semble revivre. Il rejoint sa flamme. J’entends à nouveau des crépitements clairs. Dehors c’est une avalanche. Tout est blême. Déjà sur le sol, grossit le linceul crayeux. Quand la neige tombe c’est la fin d’un monde. Et on ne sait rien du suivant. On est envahi, par la suffocation des mères, par la mort vêtue de blanc. Isabelle s’est levée. Elle est derrière moi. Elle ne me touche pas. J’entends sa respiration. Elle aussi regarde dehors. C’est une après-midi qui n’en fini pas. Qui ne peut pas finir. Il semble que la blancheur du dehors éclaire un peu plus l’intérieur de la maison. Ecrasement des ombres dans les angles de ce temps de profusion laiteuse. Quelque chose halète dans ma mémoire. Essoufflement du souvenir. Maman racle les derniers instants de la vie. Les dernières miettes. Je l’entends et je vois de gros flocons blancs, presque gras, tomber comme une désespérance, éteignant tous les bruits inutiles. Je suis derrière la vitre du coté des râles, du coté de l’essoufflement. Sur le carreau la condensation rajoute de l’opaque aux heures. La petite maison dévire dans l’océan blanc. J’entends les derniers raclements de notre histoire avec Isabelle. Les dernières miettes. Le froid est passé à l’intérieur. Il colle aux parois de ma chair. Cristaux étoilés de givre blanc. Et j’ai la sensation d’avoir de la neige plein la bouche, de la neige comme de la cendre. Et chaque mot que je pourrais dire irait se perdre dans l’étendue blanche devant mes yeux, derrière ma mémoire. Et cette neige qui tombe a signé un pacte avec la mort, avec la fin. Couverture de silence sur l’oubli.

Et il y a comme une colère qui coure dans mes veines. Un peu comme une avalanche. Et c’est froid et bouillant à la fois. « Pourquoi tu ne dis rien… ? » « Parce que c’est la fin, et qu’à la fin on ne dis jamais rien…parce que c’est trop tard… », « J’ai simplement dis que je voulais faire le point…. » « Je dis simplement que c’est la fin…. » «  Pourquoi tu dis que c’est la fin… ? » «  A cause de la neige…. » «  Peut-être un mois ou deux, peut-être c’est rien… » «  C’est déjà plus que l’éternité… » « Peut-être que ça va passer… tu sais mon analyse, ces séances épuisantes… » « Oui, je sais… à ce moment là du temps, elle ne pouvait plus respirer… » «  De quoi tu parles ? » « Je parle de la neige, de ce froid, de notre séparation, de cet effondrement dehors… et là, à l’intérieur… ». Alors, Isabelle c’est rapprochée encore, et elle a murmuré comme un enfant fautif : « Pardon…je… » «NON ! Tue-moi, mais ne me demande jamais pardon… ! Non, pas pardon !... Maintenant tu dis pardon, ma mère a dit pardon… pardon, pardon…. Vous dites toutes ça… pardon… parce que la neige tombe… c’est facile, pardon… . Non, je ne pardonne rien… ni à toi, ni a elle, ni à la neige, ni a personne… on ne négocie pas l’amour… c’est tout, ou rien !» Je regarde dehors, la lumière faibli. «  Tu vois, là devant toi, derrière cette brume, derrière cette neige, sur la colline. Tu vois, elle est là, depuis toujours elle est là. Ses derniers mots pour moi ont été,  « pardon », après elle a pliée les gaules et on l’a posé sur cette colline, sous une grosse pierre. Et son « pardon » est resté là, bien dehors lui, comme une question impossible, comme un mystère… tu comprends je n’ai rien à pardonner….au nom de quoi j’aurais quelque chose à pardonner !... ». Et la nuit est venue. L’éclairage de la maison faisait un halo de lumière pâle sur le grand champ de neige, dehors. Je voyais cette pluie immaculée traverser l’ombre et la nuit. Et je sentais une éternité de neige à venir…

Et tout fut dit.

Franck.

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7 octobre 2006

On s'assoit....

On s’assoit pour retrouver la lenteur des temps. Alors on respire. On puise au plus profond de l’intérieur du corps. Comme vers un continent neuf qui sortirait des eaux brumeuses. La lenteur appelle l’immobile.

Car seul l’immobile nous rendra la mesure des actes. Tracera les contours de leur gravité. On ne sait les choses importantes que dans ce mouvement de ralentissement. On ne connaît les choses essentielles que dans l’immobilisation. La stase.

Le sens ne se révèle que dans l’atrophie du geste, dans l’engourdissement de la course. Dans l’agonie lente de l’impulsion. Alors on s’assoit, pour mourir un peu plus fort. Un peu plus sûrement. Un peu plus loin. Avec la lumière qui se dégage de la disparition des fièvres, des grouillements, des effervescences. On ne connaît le voyage qu’aux escales, on ne sait dire le désert qu’à l’ombre des oasis.

On s’assoit. On flotte. Lenteur épaisse des heures qui s’écoule en raclant la blancheur des os. Curetage patient de nos insomnies, de nos attentes, de nos désolements. Et le vertige. Et la peur qui s’insinue. Temps étrange et singulier de la lenteur, comme si brusquement il devenait important de prendre avec précaution la vie, et la mort qu’elle traîne dans son ombre, et le souffle. Retenue du mouvement. Comme l’on va pieds nus sur les rochers tranchants. Parcimonie pour échapper à l’écrasement. Et défroisser le temps qui reste, à cause du temps perdu. Défroisser les souvenirs à cause des oublis. Lisser avec obstination la page écrite de trop de mots, de trop d’espoir, de trop désirs inassouvis, de trop de manques. Et chaque instant un crépuscule.

Il y a dans la lenteur du temps cette chose impalpable qui va vers la transparence. Vers l’éclat. L’étincellement. Le reste improbable de l’usure. Il y a dans la lenteur un accroissement d’amour. Comme le murmure accroît la puissance de la parole. Il y a dans ce ralentissement une dilatation de l’âme. A cause du poids, et de cette distance qui n’en fini plus pour atteindre l’immobilité fulgurante. L’irradiation.

Il y a dans la lenteur un accroissement d’amour, comme cette caravane qui progresse dans les sables. Et plus le but approche, plus le pas ralenti. Lent cheminement de l’écorce qui rêve en secret au caillou.

On s’assoit. On laisse monter en soi l’océan vide des regards et des gestes. On élargit les bords du manque. On entre dans son corps, car il est temps d’habiter sa chair et d’ouvrir les bras à l’éternité. On s’assoit et on se laisse traverser par l’éclair d’une solitude grave et brillante. On s’assoit dans cette dévastation du temps inerte. On longe le gouffre de nos peurs. On parcourt encore une fois nos sentiers d’errances. Le souffle se ralenti. Tout est là, puisque rien ne tremble.

Franck

30 décembre 2006

L'hiver, l'océan......

L’hiver, l’océan nous parle une langue inconnue. Il roule son indifférence hautaine. Il y a de l’arrogance dans sa houle. Du dédain. Il parle fort, d’une voix musculeuse avec le détachement des dieux, la désinvolture des puissants, parfois de sourds ricanements. L’hiver, l’océan est un défi. Une menace. Largement ouverte sur le froid. Une béance froide et mugissante. Et la menace vient qu’il n’y a pas d’interruption dans la virilité frontale de l’océan. L’hiver. Et le vent glace toute pensée. Glace et efface toute pensée. L’homme ne s’articule plus à l’espace, au mouvement, droit sur la plage il est une écharde, moins qu’un galet, moins qu’un coquillage. Et brusquement il le sait. Il est dans l’évidence. Aucune parole ne tient, et il le sait. Alors il se tait. Et silence et vacarme vont du même pas, l’hiver, quand l’océan roule son indifférence hautaine. Et les portes de l’exil sont ainsi. Bruyantes et muettes. Inconciliantes. Incommensurables. Il n’y a pas de méditation du froid. Toute pensée est d’abord résistance. Tenir l’affirmation d’une résistance. Il n’y a pas de poésie du froid. L’imaginaire du froid est un imaginaire séparé. Coupé. Tranché. C’est d’abord l’imaginaire d’un refus.

L’hiver, l’océan nous parle une langue inconnue et que l’on comprend parce qu’on l’a toujours su. Le vacarme et le silence de la mort. L’écrasement et le froid. Le vent et son murmure lancinant. Litanie d’une mémoire inaccessible. Comme la mer dans son avancée impossible et constante. Interruption des vagues, de la terre, de la mémoire. Invraisemblable mouvement en avant. Enroulement du temps qui nous lie en se déliant. Et la parole qui accompagne. Parole inaudible hormis la voix qui la porte et la pose, là, au bout des terres connues, à l’orée de l’hiver et de l’océan. La voix chante et c’est une plainte. On sait que c’est une plainte, même si l’on n’entend pas le sens. On sait que c’est une plainte. L’oubli est le râle de la mémoire, son chant plaintif. Quel est ce temps d’hiver ? Quel est ce temps dans le temps ? Cette vague dans la vague ? Cet océan qui bat en moi ? Ce froid qui glace ma voix ?

Je suis un égaré. Je n’ai pas trouvé ma question. Alors toutes les réponses sont fausses. Inadaptées. Nous oscillons sur nos lignes de fuite, funambule de l’errance avec toujours une liberté de retard, à contre temps des marées, tâtonnant à travers nos phrases à la recherche des mots, des rythmes qui sauraient s’allier à notre voix. Adoucir la discordance. L’annuler. Effacer l’horizon. Tout recommencer. Ou tout finir. Bâcler la fin. Car l’écriture ne nous rend pas la vue. Tout juste nous introduit-elle au silence. Et à l’absence. Tout juste nous pose-t-elle à un endroit de nous-même un peu plus supportable. Elle n’efface pas l’illusion. Peut-être, est-elle l’illusion suprême. La seule qui vaille, ou la plus dérisoire. Il n’y a pas d’écriture du bonheur. Aucun savoir ne nous guète au bout de la phrase. Aucune rémission. Les mots s’effacent les uns les autres, les suivants renieront ceux qui précédent, et jusqu’à l’épuisement. Il n’y a pas d’accroissement de la parole, tout au plus une redite, une tentative toujours échouée. Un enroulement. Un retour. Et un effondrement d’écume dans la voix. L’océan n’a pas de centre. Il n’a que des rives, des lieux de fin, des morts toujours recommencées et jamais assouvies. Il est l’épuisement inépuisable. La permanence effrayante. La mort qui s’avance en nous comme une arabesque. Pleine. Dépourvue d’ombres. Pure présence, qui nous assigne à la notre, la suggère, parfois la révèle.

Il y a dans l’écriture comme le sacre des saisons, un surcroît de présence, un dévoilement, un atlantique patient. L’écriture dans son incessant retour, élève notre voix pour l’accorder à celle de l’océan. Il n’y a pas d’accroissement de la parole, simplement une élévation, le sens d’un redressement, sans doute pour que la mort nous frappe à l’endroit le plus haut. Juste à l’endroit de l’étonnement.

Franck

2 janvier 2007

Poussière et souffle......

Il arrive à l’alpiniste d’atteindre le sommet, dans l’écriture parfois on fini, mais jamais on n’atteint.

Poussière et souffle. Rien de plus. Rien de moins. Le pitoyable uni à l’invisible du mouvement. Du négligé sur du négligeable. Du rien sur du rien. Evanescence. Insaisissable élan de l’écriture. Des mots qui s’effritent. Poussière de poussière. Inconstance fragile de toutes nos pensées. Moins que du sable, avec ce souffle qui donne l’illusion de la vie. Fécondation poussive des lèvres de l’écriture, glissement de nos expirations autour de nos restes. De la poussière plein la bouche. De la poussière qui tapisse nos poumons. Nos souvenirs. Nos actes. Nos amours passagères.

Poussière. Pénurie de matière, de solidité. Insuffisance. Grains légers des mots qui s’envolent et qui se perdent sur les chemins de la langue. Errance, vagabondage de nos mots qui s’égaillent, que l’on aperçoit dans les rayons de lumière dans l’agitation d’une danse fébrile. Eperdue. Profusion de manque suspendu, qui recherche les recoins de l’âme, pour s’entasser dans les déserts de l’existence. Les royaumes de la poussière sont les greniers, les lieux oubliés, en dehors des passages et des vacarmes. Quand elle se rassemble c’est pour quelques poèmes, quand elle se regroupe c’est pour quelques pages, le temps d’une aurore, puis les mots se désagrègent, sans bruit, sans trace. Les mots traversent la terre sans la toucher, simplement en l’effleurant. Caresse triste d’une parole recherchant sa propre densité, son propre poids, son escale, son havre. Un sourire consentant. La paume d’une main ouverte. Poussière. Nuage d’une matière qui n’est rien. Rien. Un simple passage dans l’air du temps. Une promesse à peine audible. Elle contient toute les formes et n’en possède aucune. Elle ne fait que visiter le jour, sans s’accrocher aux heures. Elle recherche son souffle, celui qui l’emportera plus loin. Ailleurs.

Et la poussière se mêle au souffle. Du négligé sur du négligeable. Il y a dans les noces du souffle et de la poussière, quelque chose qui tient du mystère. Le souffle vient apaiser le vulnérable en nous, le douloureux, comme cette mère qui souffle sur la plaie de son enfant pour en effacer le feu, mais le souffle dans son infini métamorphose encourage aussi la flamme de l’âtre pour lui donner la force et le désir de brûler un peu plus, de chauffer un peu mieux, de survivre plus intensément dans une chaleur renouvelée. Le souffle ponctue la fin de nos peurs en appelant des brindilles de paix. Le souffle est cette voix silencieuse de nos mots. L’armature de notre parole. Il n’est rien, mais il tient tout, comme le vitrail tient la cathédrale. Il se saisit, en la brassant, de la poussière de nos textes, rafraîchissant la langue, inventant des volutes invisibles. Il est la direction de notre errance, le sens de notre persévérance. C’est la source des quatre coins de l’horizon. Il lave, il purifie chacun de nos souvenirs. Il est la première musique, il sera la dernière. Il est le seul langage amoureux, celui d’avant les mots, celui d’avant les mensonges, il est le voile qui habille nos désirs. Il n’est rien, invisible, et pourtant il nous rend à la lumière.

Le souffle se dévoile à nous lorsqu’il passe sur la poussière. Car c’est lui qui révèle le poème. Il en est le sang fugitif.

Il arrive à l’alpiniste d’atteindre le sommet, dans l’écriture, parfois on fini, mais jamais on n’atteint. Au bout des mots il reste toujours un morceau de rocher inviolé, impraticable. Dans l’écriture le sommet est toujours plus loin, toujours plus haut, c’est la voie mystérieuse de l’écriture, sans doute sa voie divine. On est à un souffle du but. Car le sommet s’invente au fur et mesure de l’écriture, toujours avec un souffle d’avance, toujours avec un printemps d’avance. Et peut-être que la littérature réside en cela, dans ce souffle qui maquera toujours à notre dernier souffle. Et on s’épuisera jusqu’à l’asphyxie, jusqu’à l’extinction des mots, jusqu’à écroulement de la parole.

A mordre la poussière.

A agrandir l’univers.

Franck.

« L'Éternel Dieu forma l'homme de la poussière de la terre, il souffla dans ses narines un souffle de vie et l'homme devint un être vivant. » (La Genèse)

 

6 janvier 2007

Elle sera.....

Tu as glissé comme une ombre neigeuse sur mes cendres fragiles, et tu t’es suspendue, un temps, à ma folie dérivante.

J’étais la poussière et le sable, et tu fus la semence du vent. Et l’éclair.

Et j’étais naufragé, et tu t’es faite île. Et j’étais la soif, et tu t’es faite fruit. Je n’étais qu’une écorce, tu m’as fait arbre.

Tu m’as poussée aux frontières des enfers, aux bords de ces abîmes, de ces archipels pourpres. Infatigable. Tu étais cette lande amère offerte aux souvenirs, qu’une aurore veuve et squelettique incendiait chaque jour. Chaque nuit.

Et j’étais pauvre, tu m’as donné la démesure, et la sérénité, et le soulagement de l’attente. Et j’étais le chaos, tu m’as appris la grâce, l’élégance du geste qui s’enroule sur l’ombre des heures. Je n’étais qu’un son dissonant, tu m’as montré l’octave, lorsque les notes s’épuisent et se faufilent dans les harmonies immaculée. Je n’étais qu’une écume pauvre en déroute, tu as su la tisser en dentelle de givre.

Tu as soufflé sur mes plaies dérisoires, oubliant tes humeurs, tes rumeurs, tes horreurs, tu as soufflé sur mes plaies vaines et frivoles avec la patiente douceur d’une mère attentive, avec cette complicité de sœur câline, et la tendresse d’une femme amoureuse. La tendresse d’une flamme généreuse. Tu fus la chair de mes os, et tes mains, la peau de mes rêves.

Et j’étais la poussière et le sable, et tu fus la lumière et l’étoile. Et j’étais misérable, et tu m’as fait sentier, chemin, passage, pèlerin embrasé. J’étais taciturne, tu fus ventre de délivrance d’aube. J’étais un puits sans fond, tu m’as offert la chair de ta margelle, le chant de ta poulie,  l’alliance de ta corde. Je n’étais qu’un désert, tu m’as fait citadelle Je n'étais qu'une friche, tu m'as fait jardinier. Je n’étais qu’un silence tu m’as fait symphonie. Tu m’as offert tes mots pour nourrir ma parole et tes incantations pour guider mes prières. Tu étais cette voix fauve sarclée de ferveur exaltée, incandescente, étincelante. Et tu étais un orage, un tourbillon enluminé d’innocence égarée. Un royaume sans frontière.

J’étais la poussière et le sable et ton vent a soufflé pour disperser mes cendres, et je devins nuage poussé par ton absence. Et je devins un ciel de miséricorde traversé de lenteur blanche.

Un rêve de papier.

Franck.

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4 février 2007

Charon....

Chaque mot du texte est un morceau de solitude. Il est un pays clos, un monde à lui tout seul qui nous laisse souvent à l’extérieur de lui. Chaque mot du texte charrie des âmes mortes. Nos âmes mortes. Chaque mot du texte devient Charon qui nous fait payer cher la traversée du fleuve. L’oubli. Il réclame son du, sa part de vie tremblante, sa part de chair écarlate. Chaque texte est une nef vagabonde sur les eaux noires. Vacillante. Toujours au bord du naufrage. Il y a des solitudes là-dedans. Des tristesses dans la pliure des lettres, à l’articulation des mots. Et les élans que l’on espère nous viennent du souffle de nos héros défunts. Il y a des enfers dans les mots qu’on écrit. Des petits et des grands enfers. Les mots on le goût de la fin, c’est leur façon d’être en avance sur nous, d’une saison, d’une vie, d’une mort. Les mots que l’on écrit ne sont pas des mots, ce sont des comètes. Derrière leur lumière ils traînent une longue queue de misère. Des chaos. Des mémoires. Le texte est un engloutissement. Il sacre une disparition.

Franck.

4 février 2007

L'inspiration....

Ce n’est pas l’inspiration qui vient à nous manquer. Elle compte pour rien. Ce n’est pas l’inspiration, mais la volonté acharnée de vivre. Un vouloir. On fait porter à la littérature ce qui appartient à la vie, à la vie pure. A la nature ignée du sang.

Le texte s’obscurcit, non pas lorsque les mots viennent à manquer, mais seulement lorsque je démissionne de la vie. De toute la vie. Avec la mort au bout. Lorsque je ne consens pas à brûler assez vite, assez fort.

C’est le vouloir vivre qui fait écrire. Et le vouloir vivre nous met immanquablement en face du pire de nous-même.

C’est ce pire qui nous fait reculer.

Les mots se refusent, eux, à la mort qui en nous s’avance. A la mort avec laquelle on est prêt à pactiser. Le texte s’effondre toujours sous le poids de notre propre lâcheté. Les mots ne se rendent pas, ils ne capitulent pas, ils s’éloignent de nous. La mort ne les capture pas vivant. Ils sont libres. La prison est pour nous.

Au moment d’écrire nous sommes un nœud de relations, un nœud de forces dont les plus importantes tentent de nous broyer. La dignité de l’écriture réside dans cette lutte étrange, presque invisible entre nos désirs contradictoires et le brasier du sang. C’est de ce frottement que naît le texte. De cet écrasement vaincu.

Ecrire touche aux confins de l’univers, pour essayer de les dépasser, c’est le geste des dieux, qui tracent un grand cercle de feu dans lequel ils jettent les galaxies dans un grand éclat de rire.

Alors, ce n’est pas l’inspiration qui vient à manquer. C’est notre bras qui tremble. C’est la vie qui reflue en nous. Un continent qui recule, qui s’efface. Et le soleil peut alors se lever sur la vacuité de nos jours.

Franck.

24 février 2007

Trop.....

La juste mesure du contenu et du contenant. Et du geste qui porte le texte à nos lèvres. Est-ce cela écrire ?

La mesure m’ennuie.

Il n’y aurait pas de règle, pas de loi. Simplement la voix pleine au ventre les mots. Il n’y aurait rien de conforme dans l’écriture, et les mesures s’excèderaient elles-mêmes, se déborderaient sans cesse. L’écriture serait l’art du déséquilibre, et du trébuchement, et du sursaut qui suivrait pour éviter la chute.

Ou seulement le long soupir qui l’accompagnerait dans la chute.

 

C’est l’art des bâtisseurs de ponts. Relier des rives, des constellations. Tout ce qui nous habite, tout ce qui est éparpillé dans nos nuits. Tous nos continents démembrés.

Nous avons de drôles de cieux à l’envers du crâne et de singuliers fleuves circulent dans nos chairs. Et l’arche des mots repose sur un souffle. Et les pierres de la voûte s’adossent les unes aux autres sans rien pour les maintenir, que de vagues rêveries, et les souvenirs font office de ciment. Et chaque mot du texte pousse vers le suivant pour vaincre apesanteur, pour éviter la chute. Et cette poussée est parfois désespérée. « Fragile et robuste ». Comme l’arbre qui tient dans sa poussée et la terre et le ciel. Et la terre et le ciel. L’écriture est un arbre de porcelaine aux feuilles de cristal.

Et le vent se perd dans son propre reflet.

 

 

La juste démesure du contenu et du contenant. Les écritures qui portent, qui trouent, sont celles qui sont déportées, déviées. Celles qui dérivent. Les écritures à souffle sont celles qui sont essoufflées, consumées. Et je sais des écritures désaccordées qui rendraient Mozart jaloux. Le débordement. Le déluge. Voilà. Seul l’excès convient à la voix. Il faut bien que l’eau déborde pour faire naître les sources. Il faut bien de la démesure pour pénétrer la pierre. Il faut bien un excès de joie ou de tristesse ou de silence, pour que la vie se survive. Il faut bien submerger la chair.

Un océan au bout de la jetée.

Un baiser au bout du silence.

 

La funambule avance dans la fragilité de son pas. Ce qui la fait avancer, ce n’est pas son équilibre, mais l’excès de déséquilibre. Tant de déséquilibre, que l’on croit la voir danser, avec son ombrelle rouge au bout des doigts. Un pas de danse au dessus d’un cœur béant.

 

C’est bien lorsque le contenu épuise le contenant que l’écriture apparaît. Il en va de même lorsque le contenant outrepasse le contenu, où, à force de formes, des sens nouveaux et inconnus apparaissent. Dans un cas comme dans l’autre c’est l’excroissance qui signe. Il en va de même pour le silence.

Il va de même pour l’amour. Que serait un amour sans les débordements de printemps, sans ce temps devancé, inondé, sans les murmures qui appellent le cri ?

Et la solitude à profusion, comme un richesse inépuisable.

Le texte tient par l’expansion des mots qui le traversent. Par l’hémorragie qui les suscite.

Et même la pénurie doit être excessive. Même le manque. Surtout le manque. Le manque en abondance.

Franck.

3 mars 2007

Fugue en sol mineur........

Je pense que ça ressemble au travail du musicien. De l’interprète. Du pianiste. Rejouer la phrase sans cesse. Est-ce les doigts qui touchent le clavier ? Est-ce autre chose ? Est-ce l’oreille qui entend ?

Composer. C’est comme une partition. Note à note. Mot à mot. Le piano et l’orchestre derrière. Les mots sont des notes, ils se tiennent dans la phrase bien au-delà du sens, qui est peu de chose. Chaque mot résonne, vibre, palpite. Entre eux ils sonnent.

Peu à peu le texte se découvre, et avec ce déploiement, le sens. Souvent il a plusieurs sens. Plusieurs mélodies, comme des contres chants. Des contres rythmes. On note les mots sur la partition du texte, ils nous viennent de la musique. Ici on les séparent, là on les relie, ici c’est le sens et là le son ou la couleur, on les ajoutent on les retranche, on les marie.

On cherche. Quelle folle idée !  Cela confine à l’absurde.

Adoucir la phrase, ou l’aiguiser, ou la rendre rugueuse, âpre, coupante. On cherche. On ne sait jamais ce que l’on cherche. Sauf lorsque l’on trouve. On baratte dans la rivière de la langue, on la fait tourner dans le soleil à la recherche d’un éclat. Et ce n’est pas de l’or que l’on cherche, mais un point clair en nous, le point frémissant. Comme si ce frémissement était la seule mesure, la seule cadence. La seule clé accrochée sur la portée. La juste résonance.

Interpréter la musique en nous, comme si cette musique n’était pas de nous, comme si elle venait d’ailleurs, d’un autre continent, d’une autre galaxie. On cherche. On cherche l’accord pur, toujours déçu de notre lourdeur, de nos pensées trop lentes.

La phrase reste souvent en suspension, dans l’hésitation, dans l’appel. Comme si elle était arrivée au bout des terres connues. Elle reste là, incomplète et pitoyable, inachevée. Alors on y met notre souffle, notre respiration, on la pousse pour l’aider, pour qu’elle tente d’atteindre la rive du mot suivant. On lance dans cette poussée notre corps entier, nos muscles, nos os, nos nerfs, et cette tension de toutes les fibres, de toutes les cellules. On y met notre patience, notre attente, pour désensabler cette phrase prise dans les ornières d’une parole exsangue.

On cherche, et ça ressemble au travail du musicien qui essaye les notes sur son clavier. Ce n’est pas le beau qu’il cherche. Il cherche la vérité de la note. L’exacte évidence. La certitude. Celle qui s’emboîtera à sa juste place dans le mur du son, le mur de la musique. L’édifice de ses jours. La certitude, même l’espace d’un souffle, même l’espace d’un mot. La certitude d’un seul mot. Le mot qui manque à sa vie, là, dans l’instant où il manque à la phrase.

Le temps du manque et des fragiles certitudes. Toujours à recomposer. Comme si les mots se déliaient de leur pacte au fur et à mesure. Comme si chaque conquête annonçait la défaite.

Le texte s’avance en nous, avec cette lenteur pesante.

Il s’avance et dévore notre vie.

Franck

10 mars 2007

Faire de l'arbre.....

Car chaque arbre dans son mûrissement d’écorce fabrique les saisons.

Sa tension vers le ciel cherche une éternité, c’est pour cela que nous y gravons nos cœur enlacés, pour inscrire nos âmes amoureuses dans la vie du temps. De la terre aux constellations. Car les arbres parlent aux étoiles, les oiseaux et le vent ne s’y trompent pas. Chaque arbre est une passerelle pour les cieux, le plus court chemin vers l’infini. Et lorsque nous posons notre main sur leurs troncs, dans l’échange des sangs, c’est la vie incorruptible que nous cherchons, c’est l’évidence d’une révélation. C’est l’instant brutal multiplié jusqu’à la fin des temps. Les arbres ne meurent pas, c’est ce qu’ils nous apprennent lorsque nos lèvres se posent sur les oreilles de leur écorce. Un et innombrable. Comme une présence irréductible. Seule la foudre les fait faillir, ou la hache.

Les arbres sont fait d’attente patiente et de solitude déployée en saison, ils sont le chant des siècles et le reposoir des dieux.

Ecrire c’est faire de l’arbre. C’est mûrir sous l’écorce de la parole, la saison à venir. C’est faire du temps, dont les mots sont les graines. Ecrire, c’est faire de l’arbre, c’est réunir la terre et le ciel, en dépliant chaque mot avec la persévérance du bois, c’est étendre le texte en tronc, en branches, en ramures, et jusqu’aux feuilles, et jusqu’aux fleurs, et c’est tendre ses fruits en offrande.

Franck.

7 avril 2007

Un peu de terre sous les mots....

Toujours ce qui fascine c’est ce qui surgit de la béance, comme le sillon de terre qui fleurit. L’imprévisible du texte. Germination énigmatique, ténébreuse, presque clandestine. On est dans cet effort, ce rassemblement. Ecrire le texte du texte est une aventure humaine. Absurde, donc essentielle. La forme produit du sens, le laboureur le sait bien, lui qui s’applique à être droit, constant, tenace. Lui qui sait que la droiture du sillon vaut pour la droiture du cœur. Et ainsi, de sillon en sillon, toujours le même et à chaque fois toujours différent. L’épreuve renouvelée sans cesse. Et la puissance de la récolte tient à ce consentement à l’harmonie de chaque sillon. La perfection du trait. Le goût du pain commence là. Dans ce trait appliqué. Briser la croûte de la terre pour en faire apparaître la mie. Et chaque sillon est l’histoire d’une vie. Et chaque sillon relie deux mondes, celui des vivants et celui des morts. Le labour est une aventure humaine. Le geste est rude, chargé de mesure et de précaution. Le geste est puissant dans l’élan, léger dans sa peine, car il ne faut rien briser. Déchirer la lenteur, sans à-coup. Le champ du texte signifie plus que le champ lui-même, il est récolte et pain. Et la forme du champ appelle la veillée, et les ombres, et le silence du repas partagé. Et le pain a la couleur de la terre. Et la terre a la couleur de mes songes bourrelés de désirs. Et elle porte une croissance qui la dépasse et qui l’anoblit.

Ce champ est beau des moissons qu’il soulèvera. Et le texte tient debout par un sens qu’il ignore. Le texte brille de ce qui n’est pas dit par ses mots, de ce qui est tu, la part de chant inécrivable, et par le mouvement qui jette les phrases comme des grains un jour de semailles.

Et les champs de blé nous émeuvent parce qu’on entend dans leur crissement, l’été, le souffle du laboureur qui a retournée cette terre, qui a cru assez fort à la droiture de ses sillons. Ce qui nous plait dans le balancement des épis c’est ce mouvement qui rappelle le geste de la main du semeur. Ce qui nous émerveille dans l’or du champ c’est le souvenir de cette terre nue et noire, cette terre hachurée, éraflée. Ce qui nous saisi dans le texte, c’est la qualité du silence qu’il tisse avec nous. Comme si l’important n’était jamais vu, jamais prononçable. Un peu de terre sous les mots. Des contre temps, dans le temps des saisons. Ce goût de la mort à chaque printemps, et le vol des papillons en deuil.

L’hiver des sillons au cœur de l’été. C’est l’autre nom du texte. Le seul nom de l’amour.

Franck.

14 avril 2007

Les quatre matières...

Il faut revenir sur les quatre horizons du texte. Les quatre éléments. La matière. Pas le sujet. La matière. Le texte n’est en rien sorti de la pensée. Pour se poser le texte à besoin de s’alourdir, de traverser la matière, la consistance d’une matière. L’imaginaire à besoin de s’incarner d’abord dans un élément, que ça soit l’eau, le feu, la terre ou l’air. L’imaginaire sort en droite ligne du cerveau reptilien. De cette adhérence fondamental au monde qui nous entour. Nous étions pierre, terre, sable et nous les avons quitté. Nous étions sources, ruisseaux, fleuves, océans et nous les avons quitté. Nous étions feu, incendie, soleil, et nous les avons quitté. Nous étions brise, ouragans, tempêtes, souffle fragile, et nous les avons quitté. Nous avons quitté nos lieux, mais quelque chose en nous se souvient.

 

Le texte est cette tentative de retrouver ce temps d’avant la parole. Temps nu, pauvre et miraculeux. Et cela n’a rien à voir avec le chant beat des romantiques pour la nature. Ici, il est question de substance, de matière, de la nature même des mots du texte. Des quatre horizons et de cet effort de vie qui nous pousse à les déborder tous les quatre à la fois. Car le texte est d’abord un écartèlement. Du bas au plus élevé, du plus étroit au plus démesuré, du plus fugitif à l’éternel. Le texte est une traversée du temps et de l’espace, une traversée de la terre, de l’eau, de l’air et du feu. La remonté des peurs vers le désir. Voyage Orphique. Et chaque texte tient dans sa gueule les fils de la métamorphose. Ecartèlement, bien avant que la croix fût inventée.

 

Il faut revenir sur les quatre horizons du texte. Les quatre matières. Les quatre lieux. Nos premières maisons. Nos quatre dimensions. La parole se creuse et se nourrit de matière, c’est pour cela qu’elle se sait, qu’elle se veut éternelle. La recherche d’une consistance, la seule façon d’obtenir une résonance. Un écho. La réponse du même sans fin.

 

La terre pousse en nous ses chaînes montagneuses, et même si nous ne sommes rien de plus qu’un peu de sable mélangé à de la poussière… même….

Quand s’écoule dans le vent des siècles notre poigné de terre noire, flamboient toujours quelques grains d’or pur dans un pli de l’univers.

 

Le texte est une armée en marche sur la page blanche. Perdre ou gagner n’a pas de sens puisqu’il faut livrer bataille. Et qu’importe puisqu’à la fin du jour j’aurais cessé de vivre. Puisque le texte se défera, puisque la nuit couvrira les restes de mes rêves. Qu’importe puisque je sourirai et que le papillon perdu se posera sur mes lèvres. Qu’importe puisque demain il faudra recommencer.

 

L’eau du texte s’infiltre dans mes veines, lent fleuve de fatalité mystérieuse, obscure. L’eau lourde du texte cherche sont issue, son océan. Mon corps est une terre ravinée, usée, qui s’épuise dans le flot. Et le flot lent cherche la nuit, et le flot lent traque les ombres. Et le flot lent englouti des citées entières. C’est le flot du texte, fait de chaos et de débordement et de son invincible poussée.

 

Il faut revenir sur les quatre horizons du texte, puisque la moindre goutte d’eau, la moindre trace de rosée enferme en son centre les cieux et les confins des cieux, puisque le moindre grain de sable appelle tous les désert, ceux de mars et ceux de vénus, puisque la plus fragile des étincelles éclaire les nuit de l’univers, et puisque le plus délicat les vents d’été pourrait nous laver de tous nos péchés…

 

Car il faut savoir que j’ai vu sur la lisière de mon sommeil un grand cygne écarlate. Un grand cygne s’avançant en silence. Un incendie sur les eaux. Un grand cygne écarlate comme si l’eau lentement s’embrasait.

 

L’embrasement et l’étreinte.

 

Franck

12 mai 2007

Ton nom.....

Je prononce ton nom. Un oriflamme dans le vent de la parole. Je prononce ton nom pour l’avoir dans la bouche, au plus près de ta saveur, au plus près de ton parfum. Je prononce ton nom pour le faire résonner dans ma gorge, pour échanger nos souffles. Et quand je prononce ton nom, ma poitrine se gonfle sous l’effet d’une tourmente troublante, ce genre de tourment marines que l’on rencontre dans les océans perdus, large et longue houle, berçant le ciel, accrochant à l’écume un peu de brume, un peu de neige, un peu d’envie. Et cet air marin chargé d’iode et d’embruns pénètre mes poumons jusqu’à l’échange des sangs.
Tu comprends… l’échange des sangs. Je prononce ton nom à haute voix. Tu comprends, il ne me reste que ça pour être au plus près de toi. Il ne me reste que ça pour approcher mes lambeaux de mémoires et ce trait de lumière qui me traverse.
Je prononce ton nom à haute voix, avec lenteur. Oui, avec une extrême lenteur, et je respire enfin, et ça fait tinter le silence, et les constellations se remettent à vibrer. Avec lenteur, comme une chose sacrée. J’articule chaque son pour lui donner la chair suffisante à sa gloire, et le poids exact de l’espérance. Je prononce ton nom en arc-boutant ma nostalgie sur le mur de mon exil. C’est une nécessité. Et je m’applique à cette folie pour éviter des folies plus grandes encore. Je m’applique à ce chant monotone et lancinant, pour retrouver l’usage des mots.
Je m’applique à ton nom, comme le peintre à ses couleurs. Nommer c’est faire œuvre divine, et te nommer c’est faire œuvre solaire, c’est relier, étendre, agrandir, réchauffer, c’est effacer l’ombre. Te nommer à haute voix c’est habiller la solitude de vêtements de soie. C’est une chance de plus de franchir le néant.
Et chaque syllabe est une part de toi, la part bleue, et chaque lettre est une lueur qui persiste. Qui résiste. Dire ton nom c’est tisser le silence, c’est déplier la nuit pour la rendre habitable. Supportable. C’est appeler ton visage, c’est comme si je saisissais ton murmure sur le bord de tes lèvres. Tu comprends, c’est comme caresser tes cheveux, c’est comme réinventer le désir et sa marche épuisante à travers les sables. A chaque lettre c’est chercher la forme d’un aveu, ou une miséricorde. C’est inventer ta peau, c’est déposer mille baiser dans l’air que tu respires. Car tu sais, prononcer ton nom c’est moduler le vent aux formes de ton corps. C’est dévorer un rayon de soleil. Prononcer ton nom, c’est convertir le païen  aux étoiles, c’est t’inscrire sur les anneaux de Saturne, c’est graver un chemin qui te rejoint, c’est inventer la route de tes yeux.
Je prononce ton nom à haute voix. Avec lenteur, comme un insensé que l’on croit voir parler seul, alors qu’il dialogue avec les anges. La lenteur bâtie les empires et dénoue les distances.
La lenteur appelle la présence, comme la flamme d’une bougie appelle les dieux. La lenteur dans la voix qui te dit, c’est le seul chemin pour te rejoindre, car la lenteur va avec la tremblance, et la tremblance va avec l’amour et l’amour va avec toi.

 

Franck.

 

 

13 mai 2007

Tu es une île.....

Tu es d’une île, tu en as la discrétion, la mesure,  la retenue. Tu es d’une île, tu en as la distance, et l’inquiétude borde tes rives. Tu es d’une île sauvage, dénudée, tu as le goût du sel et du large et du bleu, et ta voix se mêle au souffle des marées. Tu es d’une île, de ces îles détachées des mondes, de ces îles en partance. Morceau de terre qui a rêvé plus loin que les terres. Morceau de terre sentinelle, à l’avant des continents, vigie surveillant l’éternité.  Terre battue, sculptée par le désir, par la soif, par la faim. Terre pétrie par l’âpreté des tempêtes, tes rochers de souviennent des naufragés, et ton chant les appelle, et tes mains les retiennent. Tu es d’une île, un vaste vaisseau de pierres, immobile et fier. Une terre crucifiée par les vents et l’absence et lorsque tu soupir c’est l’océan qui s’effraie, et lorsque tu souris c’est l’océan qui recule. 

Les îles sont orphelines, elles n’ont pas de parents, pas de passé, elles n’ont qu’un seul regard pour désigner le ciel, l’horizon, et le temps qui les use, et l’amour qui les ronge, et la miséricorde qui les porte. Les îles sont orphelines, et elles rêvent de multitudes et de tropiques. Les îles ne se plaigne jamais, ne maudissent jamais, elles savent la vacuité, et la vanité des hommes. Elles préfèrent le silence et l’infini qui les borde. Les îles sont des astres d’océan, elles brillent dans les cieux des flots. Et elles se taisent, sachant le poids du néant et ce que valent l’abandon, et l’ennui, et l’attente. Et l’oubli. Au cœur des îles gisent des passions inachevables, des amours inachevés, des histoires de départs, de retours, des voyages aux longs cours, des renoncements.

Chaque île écrit sa complainte sur la peau des vagues qui l’effleurent, chaque île écrit son chant sur la peau des vagues qui la creuse.

Tu es une île qui écrit ses distances au sommet des vagues qui te brassent, à chaque mot tu agrandis l’espace des sables, car chaque mot est un roc lancé dans la mer, un pont pour le large, une nouvelle rive. Chaque mot est une terre de plus gagnée sur la tristesse et la mélancolie. Chaque page est un port, une escale. Une promesse. Ton écriture est précise, incisive comme les côtes de ton île, comme s’il fallait ciseler les néants qui t’assaillent. Déchiqueter le vide et polir, jusqu’à la faire rougir la parole douce et tendre, la parole qui naît de l’urgence d’un désastre imminent.

Ecriture de nuit sans lune, parole aiguisée et coupante pour effilocher les brumes qui pourraient t’envahir, tu incises le gras de la langue pour y loger un silence, pour contenir l’espace d’un chant l’hémorragie de vie qui s’écoule de tes yeux, de tes mains ouvertes, de ton âme abondante. Tu écris avec l’éclat de tes yeux. Tu cueilles les mots un par un, comme des coquillages, tu les portes à ton oreille pour entendre leurs légendes, tu les portes à tes lèvres pour les bénir, et tu les pose là, avec la rigueur, la justesse de l’orfèvre pour sertir les pierres précieuses. Tu passes du silence pour aller au silence. Ecriture de dépossession. Cérémonial du dénudement et de l’indulgence. Liturgie des murmures et des aveux. On peut entendre ton souffle bien après la fin des mots. Comme ces vents marins qui persistent bien après la tempête. Et ta parole dessille les mystères échoués, que les marées déposent sur tes plages. Car tu sais par cœur qu’écrire c’est marcher sur les eaux. Danser sur les vagues pour éviter la noyade.

Ton écriture est une île qui s’offre au soleil, au vol des oiseaux, pour nous sauver des naufrages qui nous guettent.

Tu es ce morceau de terre imprenable dans mon océan qui dérive. Un phare qui signale les hauts fonds. Un chant pour traverser mes enfers. Une grâce dans l’épaisseur du temps.

Tu es une île en avance sur la terre. Une île pour rejoindre le ciel.

Franck.

21 mai 2007

Devant toi.....

Je la nomme toujours. Pour baptiser l’aube. Conjurer le bannissement. Est-ce que cela a un sens ? Pourquoi ce sombre vouloir qui bouscule la raison ? L’évidence ?

Et traduire de l’absence un silence amputé de ta présence.

Et l’horloge salue ma défaite avec opiniâtreté, constance, jubilation.

Et l’aigle passe, songeur, dans un ciel qui s’ennui.

 

 

Je ferai un tour de la terre et je viendrai poser ma tête sur ton ventre

Et je serai un pèlerin épuisé par sa foi, écrasé pas sa route. Et tremblant.

Devant toi.

Et je traverserai cet océan dévoré par l’azur, crucifié d’insistance, d’inquiétude

Et je chuchoterai jusqu’à l’étouffement. Immobile.

Devant toi.

Et je serai apôtre foudroyé par l’évangile de tes yeux. Devant toi.

Et je serai cavalier et je franchirai ces grands champs de neige pour poser à tes pieds l’ombre oubliée des pôles. Devant toi.

Et je me ferai pauvre pour n’avoir que toi comme richesse

Et je serai poète pour n’avoir que tes jours à dire….

 

Je la nomme toujours. Pour purifier le soir. Accompagner le deuil.

Et je guète l’étincelle. Immobile. Ardent.

Je la nomme toujours.

Pour ne pas être muet
Pour rester vivant.

Franck.

22 mai 2007

Tu comprends......

Je me suis saisi d’un essaim de lueurs cristallines, pour éclairer la page blanche. Et je cherchais l’ultime perfection de la cadence. Ecrire c’est envoyer une barque sur l’océan, sans aviron, sans boussole. C’est remonter à l’origine de ses craintes. C’est vivre à titre posthume. C’est risquer la genèse dans la fin de toute chose. Un coup de hache sur la voûte des cieux.

 

Et je serai le dernier capitaine du dernier vaisseau. Je faucherai à grand coup de tristesse et les vagues et l’écume. Et je moissonnerai l’océan de ses tempêtes, le viderai de ses humeurs marine. J’ai dans la voix des tonnerres oubliés, des orages solitaires, des moussons indécises, des tornades enchevêtrées. J’ai trop de guerres perdues pour fêter l’espérance. Trop de morts dans les yeux, trop de sang dans mon sang. J’ai trop d’attente dans mes heures, trop de cendres sur mes mots.

 

Je serai le dernier capitaine du dernier vaisseau. Les chemins vont tous en enfer. Et les poètes se maudissent eux-mêmes, bien avant tous les autres. Et ils meurent bien avant leur mort. C’est ce qui les fait écrire. Les noces de l’innocence et de l’ivresse. Apocalypse du silence.

 

A force d’épuisement j’ai des colères à détruire. A force d’abandon j’ai des blasphèmes dans les veines. Je voudrais pouvoir arracher les mots comme on arrache des mauvaises herbes. Dans mon jeu j’ai des solitudes d’avance, comme des atouts que l’on garde avant d’achever la partie. J’ai des folies aussi, des jurons, des profanations.

 

J’écrirai le poème qui n’a jamais été écrit. Pour toi, oui pour toi seule. Tu comprends. Il faut que tu comprennes. Il y aura dans ma voix tous les mots de langue. J’appellerai dans mes vers les éléments, les infinis, les océans. Et les prières connues ne seront bonnes qu’à griller avec leurs dieux, avec leurs apôtres. J’écrirai le poème qui débordera toutes les formes, tous les sons, toutes les images. Il sera profusion et désert, il condensera toutes les larmes, tous les chagrins. Un et innombrable. Constellation. Fleuve.

Je cueillerai tous les jardins de la terre, par pur excès, par simple folie.

Car tu comprends, il faudra commencer par tout épuiser, par tout dessécher, par tout vider. Il faudra commencer par tout consumer.

 

Car je ne désir qu’une chose n’être plus rien que ce souffle tendu vers tes lèvres. Que cette caresse que ta peau prolonge. Qu’un ventre que ton ventre complète.

Je brûlerai comme de l’encens sacré pour effleurer ton corps, pour être dans ton corps, pour être le parfum de ta chair.

Avec les fils d’or et d’argent de mes mots, j’attacherai ensembles l’aube et le crépuscule, pour que l’on soit à jamais dans le même temps. Inséparables. Invincibles. A la verticale du soleil.

Le poème effacera les saisons, adoucira les rides.

Tu comprends chaque mots prononcé sera un univers incalculable. Je les choisirai dans l’urgence et le vertige, dans la volupté et l’écrasement. Ils seront cataractes. Talismans. Tu comprends, chaque mot portera en lui une lumière d’étoile, et il aura traversé le silence des cieux, et il aura affronté et les dieux et les diables. Chaque mot que tu liras, de ce poème impossible, mon amour, tu ne pourras plus le prononcer, il s’effacera à jamais de ta langue, à jamais il s’inscrira dans ta chair. Tu comprends, mon amour, les mots gorgés de sang sont imprononçables.

Comme la mort.

Comme l’amour.

Franck.

24 mai 2007

Où je vais...?

« Où vas-tu ? »

« Droit devant, je vais droit devant. »

« Devant n’est qu’une illusion. Devant n’existe pas. Il n’y a que l’ailleurs qui existe. Et l’ailleurs c’est l’exil. Une géographie déboussolée. C’est le lieu de l’écriture. Un lieu démembré. Traversé d’un temps à rebours. Incertain. L’ailleurs se définit par sa résistance à l’ici. Et par le départ, et par la débâcle qui s’en suit. Il faut se presser de se mettre en route, sinon on ne part jamais. Devant n’existe pas. Nulle part est ton pays.

Si tu écris tu n’auras ni lieu, ni maison, ni saison. Si tu as cette honnêteté folle d’écrire avec les yeux désorbité de l’enfance. »

« Où vas-tu ? » « Je vais m’allonger un instant sur ma tombe. »

« Prends garde aux théologies du bonheur. Vas ailleurs. Seul. L’ailleurs est toujours le lieu de la séparation, de l’abandon. Bienheureuse déréliction.

Pleurer dans l’océan est la seule distraction sensuelle, comme écrire avec la semence des saints.

Regarde derrière toi. L’origine est un abîme. Plus loin il y a une passerelle. Elle s’appelle l’extase. Non, elle s’appelle l’écriture, ou la mort c’est pareil… »

Franck.

25 mai 2007

Ta main dans la mienne......

L’aveu est une parole d’ombre. Et le murmure en est le lait. La seule nourriture.

Derrière la porte de la mélancolie se trouve l’aurore.

Et sur le seuil des limbes il y a des coquelicots audacieux.

Tu as trop débordé en moi, j’ai du quitter mon corps pour te faire de la place.

Il nous faudrait la nuit pour soulager nos misères et protéger nos nudités.

 

 

 

L’aveu c’est des braises sur la fatigue d’une vie. Même l’insomnie devient trop étroite.

Ta jeunesse est un incendie. Une lame d’épée qui illumine ton visage et désosse mon désir.

Tu es dans l’angle. Dans l’angle de mes journées, là où coule la source. J’ai vu des eaux en toi, des rythmes. Et c’est là qu’il nous faudrait vivre. L’angle. Les âmes gisent dans les angles. Comme l’écriture d’ailleurs.

 

 

 

Je racle, ça ressemble à un curetage. Te parler me fait mal, mais c’est indispensable, c’est comme frôler les lèvres du printemps et l’embrasser à pleine bouche. Parce que tu es mon rivage enseveli, parce que tu es l’infime transparence d’un triomphe, parce que tu es l’ultime naufrage. Mon désastre attendu, convoité.

Mon amour, il n’y a pas d’histoire d’amour. Il y a seulement des angles. Il y a seulement des tragédies. Et le début de l’amour commence toujours par l’effondrement. Par quelque chose qui vacille.

Veux-tu naître avec moi ? Tu sais qu’il nous faudra mourir pour cela. C’est la moindre des choses. L’amour se trouve à l’amont. Il nous faudra quitter l’océan, et remonter les méandres de l’obscurité, trouver l’angle du fleuve.

Dis, mettras-tu ta main dans la mienne ?

Franck.

3 juin 2007

Un oeil dans les mots.....

On aime pour que rien ne cesse. Jamais.

Ou pour que tout cesse. Toujours.

On écrit, parce qu’un jour on a lu. Et c’est bien cette première lecture que l’on reprend dans écrire. Pour que rien ne cesse. Jamais. Ou pour que tout cesse. Toujours.

Comme si aimer, écrire, c’était défier le temps. Une offense, parfois un outrage. A coup sûr un hors jeu. Ce je, lieu des promesses crucifiées. Des illusions. Des mensonges.

 

 

 

Comment dire l’élan. L’élan vers toi, seulement cette soudaineté de l’élan. Comment dire ce mouvement de tout le corps qui troue l’espace en une fraction de temps. Cet élan qui précède toute pensée, ce coup de sabre dans la chair. Violent. Brutal. Insensé. Miraculeux.

Dès que l’élan est passé mon être se désagrège. Quelque chose se dilue. Mon eau se trouble. Mais l’élan, tu comprends, lui il est pur, compact. Ecrasant d’une vérité fulgurante. Absolue. Comme si brusquement tout mon être se récapitulait. A cet instant précis, tu es mon addition. Ma totalité. Ecrire l’amour c’est être dans le contre temps, déjà dans la trahison.

 

 

 

Il faudrait que je ne dise rien. Simplement consumer le silence. Avec seulement cette brûlure de ce temps vers toi. Les cerisiers fleurissent sans rien dire.

Ecrire est un deuxième arrachement, un impossible rapprochement.

 

 

 

Pourtant, je voudrais, là, dépasser mes mots, et les rendre impudiques.

Oui, frotter les mots comme l’on frotte les peaux jusqu’à l’indécence. Et parler, comme l’on caresse, ou comme l’on touche. Je voudrais donner des yeux à mes mots. Pour qu’ils te regardent. Qu’ils soient la couleur de l’ombre qui t’accompagne. Je voudrais qu’ils puissent contempler chacun de tes rêves, pour protéger ta nuit. Je voudrais que tu les sentes si présentes qu’à leur simple écoute tu veuilles dévoiler un peu de nudité, ou au contraire, croiser tes bras sur ta poitrine en baissant légèrement les yeux.

Oui, je voudrais des bras à mes phrases, pour qu’elles t’enlacent.  Qu’elles se tendent vers toi au réveil pour le premier baiser.

Je voudrais que ma voix soit assez nue pour te faire pâlir, et consumer l’innocence de l’aube. Et frotter nos mots, jusqu’à la moiteur, jusqu’à la sueur. Je voudrais que tu les sentes s’arrondir sur ton sein, que tu les sentes appuyer sur ton ventre, que tu les sentes pesants sur tes cuisses comme une nuit d’ivresse et de chair. Comme si le texte entier était une alcôve assombrie de désir.

Tu sais le plus court chemin pour le mot c’est le baiser. Lorsque sur le point de se dire il s’efface pour effleurer la lèvre qui le cueille. Lorsqu’il devient souffle avant d’éclore en silence.

Je voudrais dépasser mes mots, et les rendre impudiques, inaudibles à force d’indécence.

Alors chaque mot vaudra un baiser. Et chaque baiser s’écrira sur ton corps, dans le frôlement de ma voix. Chaque mot se posera sur tes soupirs les plus impénétrables, jusqu’au sanglot, jusqu’à la plainte.

Jusqu’à l’épuisement de la langue je nommerai la création pour ne jamais cesser de t’aimer, pour encore sentir ton odeur dans ce rêve d’écriture, pour toucher ta paupière du bout d’un silence.

 

 

 

Ecrire est un deuxième arrachement, une impossible séparation. 

Ici, s’invente une histoire qui nous déborde et qui nous sacre.

Ici, s’invente le dangereux. Le miraculeux. Ici, on brûle les dieux. Et l’amoureuse tremble. Et l’amoureux chancelle. Les amours de papier traversent les chairs plus sûrement que la lame d’un sabre. Les dieux qui savent tout, ne s’y sont jamais risqués.

On aime, on écrit pour que rien ne cesse. Jamais.

Ou pour que tout cesse. Toujours.

Franck.

                                        

9 juin 2007

Les murmures du silences.......

LUI

 

« Avec cette lenteur. Je vais bâtir un navire. Puisque la lenteur est le chant de l’amour. Puisque la lenteur pèse de la toute présence, et du temps, et du tremblement. Avec lenteur, puisque la lenteur arrache leurs sanglots aux heures, et la vérité aux gestes. Je ferai un navire, pour ce voyage entre nos ombres et nos frémissements, pour ce voyage de peau, pour ce voyage vers l’île perdue de nos corps. Car nous prendrons le large, puisque le large c’est nous. Et que c’est désormais notre seul territoire. Notre seule destination. Et l’achèvement de nos horizons.

Je vais t’offrir le plus beau des cadeaux, la plus belle des fleurs, et la source la plus miraculeuse. Et tu toucheras la vie au plus près du sang, et nous découvrirons ce qu’est l’amour quand il devient tes lèvres, quand il devient ta main sur ma main, tes doigts mêlés dans les miens, tes yeux sur mes yeux, nos larmes dans nos larmes. Car toi seule sauras ce qu’est l’orage en plein soleil, et le désir quand il devient ruisseau, et fleuve, et océan.

 

Alors nous écrirons la loi des amoureux, qui dit que les fleuves naissent de l’océan qui les recueille. Baiser après baisers, nous écrirons l’histoire des voyages, des départs, des immensités. Car c’est la loi des étoiles. La seule qui nous oblige.

 

Je t’offre ce corps pour que tu m’apprennes comment la douleur d’un espoir se transforme en extase, et comment le don succède à la perte. Car toi seule sais, que la vraie puissance n’est pas le pouvoir, et que la fragilité de nos cœurs vaut mieux que tous les serments.

 

Aujourd’hui je ne prendrai pas ton corps puisque je t’offre le mien, et puisque nous sommes au large de nous-mêmes, si loin de tout. Il te faudra seulement être le vent pour m’accueillir, être lumière pour me brûler, être musique pour le don des murmures, être coquillage pour recevoir mes larmes.

Aujourd’hui, avec cette lenteur, tu m’apprendras que le poids n’est pas lourdeur, et que la grâce se tient dans le souffle.

Alors belle amoureuse je te ferai l’offrande de mes cris quand ils sortent de ma chair, et de mes gémissements quand ils sont miséricorde. Et tu seras la vague, et serais le sable, et tu seras la vague, et j’en serais l’écume. Viens envoûter nos jouissances, viens prolonger nos ventres, viens nourrir notre ivresse, viens t'effondrer dans mon âme.

Avec cette lenteur.

Avec cette lenteur, je vais bâtir un navire. Et tu seras voyage. Avec lenteur, puisque la lenteur est désormais notre unique royaume. »

 

ÍÎ

 

LE SILENCE qui les sépare….

 

ÍÎ

 

 

ELLE

 

« Je veux sentir tes doigts sur chaque partie de mon corps, avec lenteur, comme un navire qui fend l’océan pour le recomposer indéfiniment.
Je veux que tu en découvres toutes les formes, toutes les couleurs, tous les velours, toutes les soies.
Je veux que tu ailles dans tous ses mystères, et que tu fouilles tous ses secrets, toutes ses ombres.
Je veux que tu l’ouvres, que tu épanouisses ses fleurs une à une.
Je veux sentir l’éclat de ton souffle à l’intérieur de mes chairs, et tes baisers humides brûler mes tremblements.

Je veux sentir tes frottements jusqu’au cœur de mes os.
Je veux te voir vibrer dans mes moiteurs secrètes, et te perdre dans mes broussailles obscures.
Je veux te donner ma source, mes liqueurs odorantes.

Je veux te donner mes plus beaux orages, et t’emporter dans un tourbillon d’ivresse.

Oui, je veux te donner mes résistances, et mes peurs vaincues. Que tu sois ma plus belle défaite, que tu déploies mes abandons, et que tu sacres mes renoncements.
Je veux ta tourmente pour me sentir mourir et renaître dix fois. Cent fois. Mille fois.
Je veux crier ton nom pour oublier le mien, être indécente et dévastée.
Je veux que tu me perdes pour me redécouvrir à chaque instant.

Oui, je veux être ta morte et ta vivante à la fois.
Je veux sentir en moi la vigueur de ta chair, la chaleur de ton fleuve, la puissance de ton feu.
Je veux sentir ta violence déchirer mon désir, jusqu’à la douleur, jusqu’au supplice, même jusqu’à la tendresse, pour me noyer enfin dans le ravissement. Bien après le vertige, jusqu’à l’éblouissement.
Je veux que tu épuises toute mes forces, tous mes cris, tous mes blasphèmes. Prends mon corps, prends mon âme, prends ma vie, prends ce que tu veux, vole-moi, détruit-moi !
Aime-moi ! »

Franck.

10 juin 2007

Trou....

Puisque nous sommes sans rive aucune paix ne nous consolera. L’oubli est encore une façon de me souvenir de toi. C’est un trou. Un peu comme un caveau dans le cœur. Et notre cœur est un cimetière abandonné. Immense comme les champs de batailles, avec leurs brumes pâles, avec leurs petits matins dévastés, désavoués. Le jour trahi toujours la nuit.

 

Il y a un instant particulier dans le désert lorsque le jour parait. Bien avant le soleil, il y a cette blancheur fade avec l’immensité qui se dévoile peu à peu. Cet instant appartient à la mort. A la folie. Au désespoir. Je jour n’est pas encore le jour, dans ces instant plus rien ne tient, plus rien ne vaut. La nuit du désert est sans horizon, l’œil s’accroche au ciel et c’est suffisant. A l’instant du jour, l’horizon est sans fin et la solitude accablante. Menaçante. C’est un trou dans le jour. Cela dure très peu de temps, mais cela revient tous les matins, comme si tous les matins il fallait renouveler ses vœux, son acquiescement. La traversée d’un cimetière abandonné fracassé de silence. Un désert de présences disparues. Et c’est la mélancolie qui nous sert de vaisseau pour ces traversées au point du jour. Ainsi va mon amour. De matin en matin, de perte en perte.

 

Aimer, c’est commencer à se séparer. C’est marcher vers un trou. Un trou de vie.

On est perdu. Depuis la nuit ancestrale, on est perdu. Aimer c’est retrouver cette perte primordiale en croyant la dépasser. Aimer, c’est déjà dire adieux. Et la mélancolie nous garde en vie.

 

Il y a un moment où la parole meurt par anticipation. Elle est sans but, sans destination, elle est simplement la mort qui rôde, la marque de notre exil. Elle est un silence qui se ment à lui-même. Elle tombe dans l’entre-deux. Le vide irréconciliable, puisque nous sommes sans rive.

 

Le sans réponse occupe une place infinie en soi. Chacune de nos paroles qui n’est pas entendu s’élargie comme un grand lac noir. L’autre, qui me tait, occupe toute la place. Chez moi, il est chez lui. Les dieux le savent, eux qui ne répondent jamais. Moins ils répondent plus ils sont présents.

Entre la voix et le silence il y a un trou. C’est un abîme. Les êtres y trébuchent souvent. Et l’amour y fait son lit.

Entre la voix et le silence il y a un trou.

Ainsi mon amour. Entre mes doigts et ta peau, il y a un trou. Des constellations s’y glissent.

Je t’ai confié à ma voix pour ne pas te perdre.

Tu m’as ancré dans ton silence pour ne pas me perdre.

Comme si les naufrages n’existaient pas.

Nous sommes sans rives. Insaisissables. Inaccessible à nous-mêmes. Et l’autre défini notre pays. De même que notre exil définitif. La seule chose que je sais de moi, c’est toi.

Je t’ai confié à ma voix pour m’ouvrir en deux. Et franchir un abîme.

Et nous faire un lieu, où le dénudement ne serait pas la nudité.

Aimer c’est désunir le silence.

C’est dénouer le temps.

C’est la voix du cri sans le cri.

Franck.

16 juin 2007

Rien ne s'écrit.....

On invente des mots pour les mettre à la place des gestes qui manquent à notre vie. Ecrire c’est déjà avoir échoué. Quelque chose est advenu.

L’îlien, au départ, croit que le monde a la forme unique de son île. Et puis le premier bateau arrive. Et c’est un désastre de joie et de désespoir. Quelque chose est advenu. Au départ l’îlien ne manque de rien, il a tout, il est maître du monde. Et le premier bateau arrive, et soudain il est dépossédé de tout.

Ecrire c’est faire arriver des bateaux sur nos rivages. Les mots viennent et nous dépossèdes. Les mots ne disent jamais les histoires, ou si peu. Ils parlent du pays à venir qui n’existe plus.

Ecrire c’est rendre le geste impossible.

Tout s’écrit, mais jamais rien n’est signifié.

On écrit pour ce baiser qui ne touchera jamais mes lèvres.

Les moissons ne lèvent pas sur les champs d’écriture. Elles sont dans un désavenir, comme les âmes errantes des limbes. Ni l’enfer, ni le paradis. Et l’enfer, et le paradis.

Ecrire est le trait le plus triste de notre nature, la marque de notre bannissement. Quelque chose est advenu. Le bateau des mots, nous fait île, et brusquement l’exil ressort de notre mémoire. Et l’horizon change.

La lune joue sur ses grandes octaves de mystère.

Et je sais bien que mon exaltation n’est que le sens de mon inachèvement, et que ma véhémence signe l’inextricable de mon chemin.

Tout s’écrit, mais rien n’est vraiment dit, et l’on continue à écrire pour opposer à la folie quelques parcelles chimériques.

La vérité gît aux cœurs des illusions. Comme l’île au milieu des océans. Et qu’un bateau délivre et désespère à la fois.

Et moins je te parle et plus je te dis, car c’est ainsi que font les étoiles, qui jouent au silence et à la nuit. Tout s’écrit, la nuit, l’amour, tout s’écrit, mais tes yeux, ta voix, ta nuit qui peut la dire ?

Tout ce que j’écrirai viendra à la place d’un baiser impossible.

Franck.

30 juin 2007

Le baiser abandonné....

Mes plus belles caresses sont celles qui sont encore dans mes doigts, comme une peau de cendres. Mon plus tendre baiser est encore sur ma lèvre. Il est ma ponctuation. Je respire dans ce souffle qui me reste, celui que tu m’as laissé, comme s’il était le dernier. Le seul.

 

Comme ces grandes baleines échouées dont l’évent se contracte sur un vide noir et froid. Et froid. Oui, je suis comme ces grands mammifères échoués qui se sont trompés de continent, qui se sont trompés de dérive, de saisons qui se sont trompés de visages. Toujours. Les histoires de baleines sont des histoires de harpons. Et leurs chants sont des plaintes. Et Leurs nageoires ne les font pas voler.

 

 

Je suis dans ton silence, comme échoué. Le silence qui n’est qu’une absence n’est pas un silence. Il est une simple négligence. L’insouciance n’est pas un pays. Tout juste un rocher sur lequel on s’arrache le ventre. Pour s’échouer. Je respire dans ce souffle qui me reste, dans ce baiser déserté, abandonné.

 

Aux bouts des quais s’enlisent les souvenirs, et se noient les chagrins. Et sur les bancs de sables mugissent les baleines. Aux bouts des quais les paroles sont vaines. Les résonnances, les correspondances, les vibrations ne sont que des pieds de nez du destin. Des hasards malheureux qui nous font trébucher.

 

Mon plus tendre baiser est encore sur ma lèvre.

Et m’étouffe.

Franck.

8 juillet 2007

Lettre ouverte à mon plagiaire.

Monsieur Djamel Mazouz,

On vient de m’apprendre que vous appréciez énormément mes textes.  Passé le premier moment de surprise, je me suis senti envahi par une grande satisfaction. Et votre choix de vous en servir me touche beaucoup. Et j’irai jusqu’à dire que vous avez bon goût. J’espère qu’ils vous apporteront la gloire et la reconnaissance que je ne cherche pas.

Nous sommes tous un peu plagiaires, nous écrivons à partir d’affinités. Rares sont ceux qui inventent une langue.

A travers vous je participe à des concours, je suis fêté, apprécié. C’est un peu un échange de lumière, je vous donne la mienne, vous me donnez la votre. Pour être plus précis, vous voler la mienne, et ne me donnait rien retour. C’est injuste. Mais vous me direz que la vie est une longue injustice, et que c’est, ce qui la rend vivable.

J’en profite pour vous dire de faire attention, mon écriture est certes merveilleuse, mais je suis affublé d’une affreuse et déplorable dyslexie, et malgré les correcteurs d’orthographe, il reste de nombreuses coquilles dans mes textes, pensez à les relire, et à corriger ces fautes qui gâchent le plaisir du lecteur exigeant, ce qui pourrait venir ternir notre célébrité commune. Vous pourriez ainsi ajouter une sorte de perfection à notre œuvre collective.

Au-delà de ça, vous me faites toucher du doigt quelque chose qui m’avait échappé. Avec la généralisation des blogs, l’écriture appartient de moins en moins à son auteur. N’en déplaise aux égos des auteurs, les textes sont voués à n’appartenir à personne, hormis au lecteur, l’espace d’un instant. Et la réussite d’un texte, sera sa lente métamorphose, lorsqu’il passera de main en main, d’œil en œil. Je ne suis pas capable de dire si cela est un mieux, mais c’est inéluctable. La rançon du progrès en quelque sorte.

Il y a quand même un truc qu’il faut que je vous dise, écrire pour moi est acte nécessaire et douloureux, les textes que vous prenez ne sont que le reste de cette nécessité et de cette douleur. Le reste. L’écume. Ils sont issus d’une intimité au travail. En les prenant ainsi, sans crier gare, vous me laissez porter seul cette douleur. C’est un peu comme si vous me la renvoyer dans la figure. Mais ce sont sans doute des considérations dont vous n’avez que faire.

Ce n’est pas la première fois que m’arrive ce genre d’aventure. La première fois j’ai ressenti e cela comme une infraction. Et la personne qui avait pris et dénaturé mon texte, m’en a profondément voulu de lui avoir fait remarquer ma désapprobation. La deuxième fois était plus innocente, et puis la chapardeuse avait de si belles fesses que je me suis senti flatté et honoré par son emprunt, comme quoi il suffit de peu. La troisième, c’est vous Monsieur Djamel Mazouz. Je commence à être rôdé. Mais je doute que vos fesses me fassent de l’effet. C’est dommage, j’en conviens. Pourquoi voler ce qui est offert ?

Pour être plus sérieux, si vous me lisez, vous devez savoir ce que je pense de l’écriture, vous devez savoir que c’est l’acte le plus vain qu’il soit, et parce qu’il est vain, il en devient grand, merveilleux. Ce qui est important dans l’écriture, c’est d’abord user sa vie dans un acte inutile, presque puéril, et c’est être à l’endroit du frottement de cette vie et de la mort qui s’approche.

Je vais vous dire un secret. Un texte ne vaut rien en lui-même, il ne tient que par des fils invisibles qui le relient. Je suis passé voir « vos productions ». Toutes ne sont pas de moi. Et vous voyez, il n’y avait pas ces fils invisibles qui relient les textes entre eux. C’est comme s’ils avaient perdu leur sang. De la viande blanche. Et j’en fus triste.

Alors Monsieur Djamel… au point ou nous en sommes je crois qu’on peut se tutoyer. Djamel, tu sais ce que tu vas faire ? Tu vas te mettre au travail. Tu va arrêter de pomper tout ce que tu trouves. Tu es quelqu’un de sensible, comme tu le dis, alors tu vas prendre ton stylo et t’assoir. Et ne plus bouger. Et mettre ce que tu as à mettre sur le papier. Qu’importe si c’est beau ou pas, qu’importe si tes mots ne trouvent pas grâce à tes yeux. Sache que c’est un bon signe, l’insatisfaction. Tu peux t’appuyer sur elle. Elle guidera tes pas. Il est temps que tu existes par toi-même, tu te le dois à toi. Si tu veux je serais ton premier lecteur, et je t’aiderai autant que je le pourrais. Fais-toi confiance, consens à ton imperfection. Ose être ce que tu dois être. Même si c’est douloureux, surtout si c’est douloureux. N’attend rien des autres. Donne-toi à tes mots, à leurs couleurs, à leurs musiques. Respire avec ta bouche, avec ton air à toi. Soit le vivant de ta vie. On n’écrit pas pour le plaisir d’être lu. On écrit, parce qu’on mourrait à petit feu si on ne le faisait pas. Accepte de ressusciter. Donne une chance à ta vie. Que t’apportent tes mots volés ? Rien, hormis une tristesse supplémentaire. Tu vaux mieux que cela, j’en suis sûr. Ecris. Et si ça te fait mal, c’est que tu es sur la bonne voie. Ecris sur tout, sur rien. Le rien est un bon exercice. Ecrire lorsqu’on est déserté de tout. Ecrire c’est se dénuder, c’est s’appauvrir, ce n’est pas dépouiller l’autre.

Ecrire c’est avaler des silences et les transformer en chants.

Car dans l’écriture tu seras seul. Certains soir tu en pleureras, même. Mais tu verras, les mots, tes mots arriverons à éclairer l’ombre que tu mâches sans relâche.

Ecris dans ta pauvreté, tu ne sais pas encore qu’elle richesse elle peut contenir.

L’écriture et l’amour c’est la même chose. Tu vois un peu à coté de quoi tu passes ?

Donne, offre, arrache toi, ne t’occupe pas de la brillance du résultat, pourvu que chaque mot ai traversé ton corps de part en part. Pourvu qu’après l’écriture tu sois hagard et pantelant.

Tu devras rester de longues heures à méditer, en face du vide de la page, ne compte pas sur les muses, ne compte que sur toi. C’est lorsque l’inspiration t’échappe que l’écriture est la plus belle, c’est quand elle se refuse, que l’œuvre se bâtie. Il faut alors aller la prendre dans tes propres chairs. Et si tu doute, c’est que tu es en progrès. Chaque jour oblige-toi. Taille dans tes faiblesses, dans ta lâcheté. Confronte-toi.

Et surtout consens. Le consentement, est ce mouvement de l’âme qui nous fait sortir de nous-mêmes. Tu apprendras que tes pays intérieurs sont hors de toi. Tu verras, qu’à ta table d’écriture, tu feras le plus mystérieux des voyages. Assis, à ta table d’écriture tu visiteras les constellations les plus éloignées, les abîmes les plus profonds, les sommets les plus hauts.

Et surtout ne cherche pas la gloire, ni la reconnaissance. Applique-toi à contenir ton égo. Oublie-le si peux. Le poète reconnu est un poète perdu.

Préfère l’ombre et les angles, les seuls endroits où le soleil est regardable.

Voilà, Djamel ce que je peux te dire. Je pourrais, bien sûr développer à l’infini, mais l’essentiel est là. Mets-toi au travail. Ecris depuis ta solitude et ton ennui, invente des pays et des saisons. Prends ta charrue et avance. Creuse. Tire sur le soc de la langue, retourne les sillons des mots, arrache tes buissons, tes racines coupées, enlève les pierres qui te font trébucher. Trouve le sens de ta parole. Fait pénétrer ta voix dans le souffle épuisé de ta parole. Parle, fais-toi surprendre par le son de ta propre voix. Même si c’est un cri. Surtout si c’est un cri. Une amie te dirait : soit fragile, jamais faible. Tremble, mais ne recul pas.

Voilà Djamel, il faut maintenant que tu entres dans la poésie comme on s’engage sur un chemin. C’est le crépuscule, on ne sait pas où ce chemin mène. On sent en soi comme un effondrement. Alors on sait que l’heure est venue de se mettre en route.

Alors, bonne route Djamel.

Franck NICOLAS.

18 juillet 2007

La longue marche.....

Je n’ai pas de peuple, pas de terre, à peine quelques morts. Je viens d’une cicatrice.

Je n’ai pas de tribu, pas de village, je ne fais que traverser. Anonyme. Inconnu à moi-même. Inexplicable. Je ne viens d’aucun ventre. Je suis sorti d’un cri à l’approche du crépuscule. D’une plainte. Ma seule roulotte, c’est la langue et quelques mots pour tracer un chemin autour des flaques noires. Je viens d’avant, et je vais vers toi. Aveugle comme Œdipe, les mains salies par le sang, mais les mains tendues vers toi. Tu le sais, je n’ai pas de royaume. Je n’ai que ce chemin, et mes hésitations, et mes maladresses, et mes inquiétudes, mais je vais vers toi. Je suis en route bien avant que tu le saches. Crois-tu qu’on puisse t’atteindre simplement avec quelques roses ? Il y a dans les étoiles un savoir qui nous devance. Et les évidences sont inscrites sur le marbre des tables de la loi. Et même les dieux n’ont pu effacer nos deux noms.

L’écriture est ma canne blanche. Et elle tinte à chaque pierre du chemin. Je te sais mieux que moi. Je te sais mieux que tout. Et mon aveuglement me protège. Et ta voix me fait une aurore.

Te rejoindre est l’histoire de ma vie. Je l’ai su dans tes yeux, bien avant toi. J’étais l’aveugle. Tu étais la voix. Nous étions navire.

Il m’a fallut du temps pour me dépeupler, il m’a fallu du temps pour cet exil sacré, il m’a fallut du temps pour cette solitude souveraine, et n’être qu’une errance. Il m’a fallut du temps pour tout oublier, et n’être que cet étranger les mains tendues, il m’a fallut traverser tant de rêves. Je ne viens d’aucun ventre, et je vais vers le tien. Oui, je suis de ton ventre, de ta peau, demain je serai de ton souffle. Demain je serai de ton chant.

Je suis sorti d’un cri, et je n’ai pas de peuple, pas de terre, mais ton océan m’habite, je vais vers tes marées de silence, sans crainte désormais. Demain tu seras mon oraison.

Tu sais, il est des pays où ressusciter n’a pas de sens. Dans tes yeux je suis vivant, dans ta voix je suis immortel.

Je viens d’avant, comme un vagabond, sans tribu, sans village, riche de sa poussière, et du désordre des étoiles. Je viens d’avant, et je vais vers toi, à pas lent, frottant ma vie aux heures. Ecrire est ma seule patrie et tu es mon unique privilège. Tu viens de demain et je suis tes empreintes. Depuis toi, je suis sans sommeil, je n’ai plus besoin d’autres rêves, puisque tu m’as retrouvé, et que tu laisses tes traces dans chacune de mes nuits.

Tu le sais, je n’ai pas de royaume, désormais, à partir de toi, il n’y à plus de justice, il n’y a qu’exactitude.

L’exactitude des diamants.

L’exactitude du silence.

L’exactitude du baiser.

Et sous tes doigts les cris changeront d’âme.

Franck.

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