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J'irai marcher par-delà les nuages
6 janvier 2008

Plus l'air est pur dans ce pays, plus ça devient irrespirable.....

Attention, ici c’est un blog fumeur…. Si vous y restez trop longtemps, vous pourriez passivement attrapez des maladies honteuses.

Tous les textes d'ici ont été écrit dans des bistrtos parisiens perdu dans une longue méditation, seulement accomagné de ma pipe et de quelques cafés....

Une page se tourne....

Et je ne sais plus où écrire....

Ce n'est pas très important puisque tout le monde va beaucoup mieux respirer.... et ça nous permettra de mourir d'autre chose, c'est ça le changement....

Franck

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11 janvier 2008

Traverser l'heure......

C'est l'heure du myosotis et du bouton d'or, l'heure du chèvrefeuille et des langueurs du canal qui se faufile lentement dans les dernières heures du jour. Les bras des dieux pressent les restes de pulpes de la journée. Pressent l'orange du soleil dans cette rumeur de bleu, et le gémissement des fleurs qui s'étirent dans leurs ultimes exhalaisons. Et ce canal oublié, sans bateau, ce canal nu, dépeuplé, ce canal devenu inutile et beau, comme si sa beauté calme et tranquille n'était venue que bien après le départ des hommes et des bateaux. Etrange destin que celui des ouvrages humains quand ceux-ci s'affranchissent des volontés qui les ont crée. Désormais impraticable il a gagné en perfection ce qu'il a perdu en utilité. Alors ce sont les eaux myosotis, bouton d'or, chèvrefeuille qui s'allongent dans le soir étrennant les premières ombres et les premières senteurs d'étoiles. C'est l'heure où l'on est dans la plus grande distance de soi et pourtant au plus près, l'heure des louanges, l'heure des condensations, des allongements de l'âme. Marcher sur les bords du canal, à cette heure, c'est marcher avec application, presque avec précaution à la rencontre du rêve, en fouillant le silence, en le ciselant, en se laissant étourdir d'une réconciliation de l'espace et du temps, certes éphémère, mais essentielle. A l'endroit du coude le canal s'élargit, et juste là, sur la berge, une vieille chapelle, à l'angle des eaux, comme si celles-ci avaient fait un détour exprès. Simplement pour passer sous les vitraux pour les saluer et mélanger un court instant leurs ruissellements.
Instants du soir et des terres promises et du myosotis, du bouton d'or et du chèvrefeuille. L'heure où penser ne suffit pas puisque c'est le temps des constellations naissantes, c'est le temps de la voix, du murmure, de l'appel, où la lumière déboutonne peu à peu ses gloires. Les pensées se défont, se brisent, les raisonnements se cassent pour libérer enfin l'esprit, le désenvoûter de sa propre fascination. Alors marcher dans la délicatesse de cette suspension à fleur d'eau comme si c'était la première fois, ou comme si c'était la dernière. Ou alors la seule. Marcher dans cette lenteur sereine et attentive, comme lorsqu'on marche dans un livre pas à pas, page après page, cueillant et respirant chaque mots, et n'être que ce pas abandonné à lui-même, sans direction, hormis la fin des temps et l'effusion de phosphorescence qui l'accompagne. Marcher dans cette lenteur c'est marcher vers son amour avec élégance et pudeur, c'est passer entre les couleurs du soir et les reflets du canal sans défier le silence et le bouleversement des arômes. C'est accepter l'oubli et les brûlures de la mémoire et tenter d'agrandir l'espace entre la chair et l'os et faire entrer en soi l'immense par la porte du grave et du léger et du vulnérable et de l'infime. C'est déployer son corps dans le seul intervalle possible ou la danse et le chant peuvent surgir. Salut des heures pauvres, soulagement des douleurs dans cette convalescence du jour où le miracle s'insinue dans le tremblement des arbres, où la joie prend la forme d'une cabriole d'hirondelle dans un chahut de bleu volubile et une confusion de rouges exubérants. Il y a dans ce jour qui meurt la puissance d'un accroissement, une aggravation d'espérance qui s'appui sur l'engourdissement des eaux et sur l'effleurement des mains qui se joignent entrecroisant nos silences, comme le froissement des ajoncs pour appeler les dernières libellules, comme cette marche qui assemble le jour à la nuit, qui passe du clair au mystère, du chaud au fervent, du brûlant à l'intense.
C'est l'heure du myosotis et du bouton d'or, l'heure du chèvrefeuille et des langueurs du canal qui se faufile lentement dans les dernières heures du jour. C'est l'heure secourable, l'escale, l'heure rouge et violette, l'heure safran où les corps s'accoutument à leurs exactitudes, à cette verticalité qui les devance, devinant déjà les caresses, appelant déjà les saisissements, les exaltations. Mais c'est l'instant d'avant, celui qui prépare son élan, celui qui contient, celui qui rassemble, celui qui épouse, celui qui arrondi les minutes et qui aiguise chaque seconde. C'est un temps qui précède, c'est la marche lente et mesurée avant l'offrande des chairs, avant les fièvres lunaires.

Il faut traverser l'heure myosotis et en sortir vainqueur, et assez nu pour aborder sans crainte la convulsion des corps.

Il faut traverser l'heure bouton d'or sans remord pour atteindre l'orée d’un désir sans effroi.

Il faut traverser l'heure chèvrefeuille sans espoir pour inventer le geste unique qui enchevêtrera et ton souffle et mon souffle, et ton ventre et mon ventre, et ta voix et ma voix, et ta nuit et ma nuit...

Franck

26 janvier 2008

L'horizon consumé....

Car il m'a fallut considérer les étendues devant et celles derrières. Et j'ai voulu les mesurer, comme si elles recélaient un savoir, peut-être un pouvoir. Et j'ai regardé longtemps ces espaces fragiles. Et j'ai additionné, et j'ai soustrait, et j'ai fait toutes sortes d'opérations vaines, inutiles. Et j'ai voulu peser chaque souvenir et chaque espérance.

Car il m'a fallut considérer toutes les étendues et n'être qu'un naufragé au milieu d'un océan de vagues amères.

 

***

 

Je suis resté sur le bord du fleuve. Je ne sais plus combien de temps. Plusieurs jours. Là, sur le bord brûlant du fleuve. Et il n'y avait rien, hormis le fleuve, le désert, et moi assis entre les deux. Juste à la frontière des terres vides et des eaux larges, à regarder le temps passer. Cela devait être un peu avant Bourem. A l'endroit où le fleuve se met bien à plat, là où il s'étire pour passer sur les sables incendiés. Un fleuve à plat ventre, ondulant lentement comme s'il traversait des sables mouvant. Temps contre temps. Usure contre usure. Etalé dans le plus large de ses eaux aux risques de perdre ses rives. D'ailleurs elles se perdaient parfois derrière un pli de dune ou dans l'œil humide d'un mirage.
Si la mer parle à notre âme, le fleuve, lui, parle à notre histoire. Il y a dans le fleuve l'ébauche d'un dialogue avec ce qui était avant nous, et ce qui sera après. L'homme au bord du fleuve se sait mortel. Et cela le rend triste. Infiniment triste. Comme ces journées assis sur le bord du fleuve. Le Niger. Au Mali. Il y a longtemps. Tout au début des temps.

 

Six, peut-être sept jours à attendre. Assez de temps pour la création des mondes et des univers, assez de temps pour que s'écoule l'infini tristesse, et pour sentir la lente mélancolie du fleuve. Fleuve des terres brûlées, fleuve des enfers aux langueurs mystérieuses. Fleuve lent. Grave. Aux flots austères et silencieux. Car il y a des lieux où les paroles n'accrochent pas. Rien ne peut se dire. Tout est écrasé par lutte lente des éléments. Lutte antique, immémoriale, puissante confrontation des silences, celui du désert, celui du fleuve et pour les sacrer tous les deux, celui du soleil. La rencontre du temps et de l'espace. Je suis resté sur le bord du fleuve. Assis, sur le lieu même de la folie, de l'incommensurable folie de l'existence, à regarder le fleuve, comme si l'apocalypse devait surgir de l'horizon consumé. Car il y a des lieux où la pensée devient inutile, et vaine, et indécente, où la raison ne peut plus se survivre, où l'intelligence n'est qu'une excroissance du malheur et d'un mauvais hasard. Il y a des lieux où toute pensée n'est qu'une écorce morte, l'enveloppe desséchée de nos vanités. Il y a des lieux où si tu ne sais rêver, tu meurs.

 

Six jours, peut-être sept, à me demander ce que je faisais là, sur les rives du fleuve, pris dans l'étau primitif, originel, radical des lieux. Lieux métaphores. Assis dans la gueule même des mythes. Il est paradoxale d'imaginer que toutes les paroles son parties de ces lieux impossibles. Sans doute que pour poser le premier mot il fallait un espace infini. Peut-être fallait-il un feu solaire pour compenser le feu du mot. Peut-être est-ce le premier mot qui brûla tout. Peut-être...Peut-être faut-il faire traverser à notre verbe un néant embrasé, et rester assis six jours, ou sept, pour qu'il puisse signifier. Prends une parole, fais lui traverser un désert, et si au bout tu peux la dire sans trembler, sans pleurer, si tu sais dire chaque mot, articuler chaque syllabe, sans que ta langue tombe de ta bouche, alors cette parole est vraie. Alors cette parole est puits qui désaltère, fruits juteux qui nourrit, elle est chemin des étoiles, et ceux à qui tu l'offriras, entendront le puits, et recevront les fruits, et recueilleront l'or de chacune des étoiles apportées. C'est comme si les portes de la cathédrale s'ouvraient.
Le silence est beau d'une parole qu'il porte, comme le désert qui recèle un puits. Le silence est riche de l'enfant qu'il porte. Il est un champ labouré gorgé des graines de la moisson à venir, il est mûrissement de l'absence. Ainsi dieu et son infini mesure, et son immense retrait. Car depuis qu'on fait parler les dieux on ne les entend plus.

 

Six jours, peut être sept, sans action, à rester là, assis, à ajuster les gestes, à façonner l'attente et à se laisser pénétrer par le fleuve, lent, large, comme un sang ancien chargé du temps qui passe. Comme un arbre qui devine la sève dévorer sa fibre.
Car il y a des lieux où toutes actions s'épuisent, il y a des lieux où agir est dérisoire, où l'acte n'atteint plus que son propre néant, où précisément le désir de l'acte s'effondre sur lui-même. Il ne reste plus que les gestes simples. Dénudés. Chercher l'ombre ou l'inventer, préparer le thé, manger des gâteaux secs avec quelques dattes, arpenter la rive pour trouver assez de petits bois pour faire un feu le soir. Étirer chaque geste, pour lui donner l'ampleur suffisante, le souffle et la parcimonie, et l'efficacité nécessaire pour maintenir la vigilance, l'attention précautionneuse. Ne rien oublier de l'essentiel, regarder le ciel, se perdre dans les horizons, et tout le jour désirer intensément la nuit. Et la nuit venue souhaiter, encore avec plus de force, le jour.
J'ai peu prié dans ma vie. Pourtant, là, je me souviens avoir risqué mes premières prières. Je me souviens de la timidité de ces premiers élans. Les lieux imposent bien sûr, encore faut-il vouloir s'y soumettre. Accepter, et ne pas craindre l'immense vide au fond de soi. Et cette peur qui surgissait. Accepter l'envahissement par le fleuve, par le sable, et cette sensation de perte absolue, comme si rien ne pourrait jamais nous sauver. Et que désormais c'était sans importance. Oui, sans importance...

 

Durant six jours, peut-être sept je me suis appliqué à mettre une majuscule pour honorer l'aube naissante et j'ai mis des virgules après chaque heure, et j'ai ouvert des parenthèses pour envelopper le fleuve, et posé un point à l'instant du zénith. Et au bord de la nuit je n'avais plus que des étoiles à accrocher aux points de suspensions...

 

***

Alors, écrire me renvoie à ces temps où je pouvais m'assoir juste à la frontière des terres vides et des eaux larges, à regarder le temps passer. Cela devait être un peu avant Bourem. Bien avant mes premières morts, bien avant mes premières renaissances. Et chaque texte est comme un jour passé sur les bords du fleuve, à retenir les gestes, et à ramasser quelques mots, comme des brindilles sèches pour allumer le soir venu le feu de ma parole, afin qu'il ne reste rien. Rien. A chaque fois rien. Car écrire est un horizon consumé.

 

***

 

Car il m'a fallut considérer les étendues devant et celles derrières. Et j'ai voulu les mesurer, comme si elles recélaient un savoir, peut-être un pouvoir. Et j'ai regardé longtemps ces espaces fragiles. Et j'ai additionné, et j'ai soustrait, et j'ai fait toutes sortes d'opérations vaines, inutiles. Et j'ai voulu peser chaque souvenir et chaque espérance. Et j'ai voulu équilibrer les plateaux du trébuchet à chaque pesée. Et j'ai pris des microscopes pour voir ce qui ne se voit pas, comprendre la molécule des rêves, étudier l'atome du moindre silence. Et j'ai lu les savants, et les sages, et les poètes. Et j'ai été scrupuleux, attentif, et les étendues devant et celles derrières, restaient toujours aussi muettes et inconnaissables. Et j'ai étudié les astres et leurs mouvements secrets, et j'ai mélangé les siècles passés et les siècles à venir, et j'ai fait parlé les étoiles et j'ai interrogé les anges et même les démons, et plus j'avançais dans les étendues devant, plus les étendues derrières me paraissaient lourdes. Lourdes, si lourdes.
Car il m'a fallut considérer toutes les étendues et n'être qu'un naufragé au milieu d'un océan de vagues amères.
Car chaque leçon apprise fut une leçon oubliée, chaque connaissance un fardeau de plus.

 

***

Alors je flotte. Je flotte sans direction, considérant toujours les étendues devant et celles derrière, déchirant l'instant, écorchant les heures avec des mots, encochant chaque jour comme un bagnard, qui mesure le rêve à l'aulne de l'éternité. Prison sans porte, sans barreaux, simplement traversée de suspensions, de lassitude, d'affaissements inépuisables.

Alors je flotte au centre de cet espace borné par les étendues devant et celles derrière. L'espace infime, vulnérable, précaire.

 

***

Faute d'aller loin, j'ai cru aller profond, j'ai cru traverser l'épaisseur de mes catacombes, briser l'arche gothique de ma mémoire, désensabler l'édifice ombrageux, enseveli sous les gravas des jours, des saisons, ces citadelles invincibles et arrogantes. 

 

***

Le temps fuit par les deux bouts comme une hémorragie de braises palpitantes, une messe d'adieux. Le temps fuit par tous les bouts avec cette indolente désinvolture.

 

***

Sur la page d'écriture il y a une tache. Juste à l'endroit du mot. Une encre noire. Epaisse qui absorbe. Elle n'est ni grande, ni petite. Elle est là, et elle absorbe. Chaque parole écrite semble y tomber, comme si elle était un puits, comme si elle trouait toutes les pages de la création. La tache. Récif inéluctable où chaque mot se brise. Elle est le lieu de l'instant, comme si toutes les étendues de langue, celles devant, et celles derrière, venaient y mourir.
Il est une tache. Une souillure qui s'élargit sous ma peau, entre mes lignes. Souveraine. Corrosive. 

 

***

Qu'est-ce qui peut se dire une fois que tout a été dit ? Qu'elle est le premier mot qui vient, juste après les dernières paroles ? Quelle œuvre s'édifie sur les décombres de la langue ?
Car l'écriture n'est pas le radeau, elle n'a ni voile, ni rame, l'écriture c'est la mer, avec son infini mouvement, son infini tristesse solitaire. Elle épuise sans s'épuiser, elle s'étend sans rassembler, elle appelle sans jamais répondre. Nul secours dans ses vagues, nul pardon dans son écume, nul recours dans ses lancinantes marées. Que l'horizon qui se déploie. On ne traverse pas la mer. On ne traverse pas l'écriture.

 

***

Il y a une tache, juste à l'endroit du mot, large comme une mer. Une mer d'encre noire. Epaisse. Souveraine. Inévitable. Corrosive.
Car écrire est un horizon consumé.

Franck.

9 février 2008

L'oratorio de la fin.....

(1er mouvement)
(Altos, haut bois, bassons, cors et quelques autres instruments) (Mouvement lento, forte) (Étirer les notes jusqu'à ce qu'elles cassent). (Toutes) (Les bémols sont proscrits, même s'ils sont écrits, ne pas les jouer)(Le chœur restera silencieux)(Le piano ne jouera que sur les touches noires)

 

Quelque chose se souvient. Quelque chose se souvient de la première nuit du monde. Epaisse et souveraine. La première nuit du monde. Une plénitude dans l'épaisseur. Grande nuit des dieux. Sans temps. Sans parole. Toute en prière. Première nuit du monde, où l'homme parlait seulement aux dieux. Où les dieux répondaient à l'homme. Et c'était un dialogue. Et c'était la première nuit du monde. Et chaque destin s'accomplissait, car il n'y avait pas d'événement, pas de quotidien, seulement des miracles ou des tragédies. Seulement de la rocaille et du vent.
Le laboureur levait sa face aux cieux, sa face de sillons lourds, sa face de glaise ravinée. Et le laboureur baissait les yeux. Et il s'attelait. Pour creuser sa vie. Et c'était la nuit du monde, la première, la seule, la grande. Un temps sans écriture. Seulement des signes, des marques, des stigmates. Et puis des incantations sous les étoiles. C'était le temps de l'ordre et de l'éternelle présence. Et les ombres avaient plus de vie que la chair. Temps fixe. Brûlant sous le soleil et le regard accablé des dieux. Et c'était un temps sans écriture. Le temps des pierres, sans futur, sans passé, sans issue. Un temps habité, sans espace. Des matins, des soirs, et la tragédie du vent entre les deux.

 

(2ème mouvement)
(Harpe, violoncelle, violons, piccolo, viole de gambe, timbales, triangle ou carré, guimbarde, et mirliton) (Je tiens particulièrement au mirliton)(Le chœur restera toujours silencieux)(Le piano ne jouera que sur les touches blanches... pour changer)

 

Et le jour est venu, et avec le jour, l'aube des temps. Et la lumière a palie les créations divines. Et avec le jour, l'écriture. Et avec le jour, la mémoire. Et avec le jour la peur. La peur du retour. La peur de la fin. Et avec le jour, la fin des prières. Et avec le jour, l'absence. Et avec le jour, le silence changea de couleur et de destin. Et le jour est venu avec l'aube des temps. Et l'écriture, et les voix de l'écriture, et les solitudes de l'écriture. Et les mémoires. Toutes les mémoires.
L'écriture porte en elle la tentation du retour, c'est pour cela qu'elle s'écrit à rebours du temps qui la dit.
Retour sur l'inaccompli.
Sur l'inaccompli des temps à venir. Sur l'inaccompli éternel. L'impossible accomplissement. L'impossible sacre.
La défaite.

 

(3ème mouvement)
(Tout l'orchestre)(Respecter les silences, tous les silences et les soupirs, tous les soupirs)(Les violons devront insister sur la couleur bleue, les cuivres se chargeront du rouge)(Le chœur continuera à être silencieux, il est la voix silencieuse, et la première nuit du monde)(Le chef s'inspirera du printemps et du vol des oiseaux pour guider l'orchestre)

 

L'écriture passe son temps à se suspendre, comme si dans ses stases successives se trouvait sa vérité ultime. La Vérité. L'écriture cherche son silence, dans l'au-delà des mots ou dans leur effondrement. L'accomplissement du dire dans le vide. Le vide d'après.
L'écriture est solaire, elle se souvient de la nuit, c’est ce qui en fait l’éternel chemin de croix, car l'écriture c'est la mémoire du désastre. Et l'écriture est solaire, c'est pourquoi elle a affaire aux ombres, aux traces qui s'effacent, aux rêves qui rattrapent nos gestes, à ce qui respire encore dans les coins les plus perdus de nos vies.
Comme si le geste d'écrire avait besoin de s'arrêter pour s'accomplir. L'ultime appel à la vie. Et le geste qui se resserre. Comme la matière dans l'atome. Resserrement de l'espace de l'écriture pour lui donner la puissance du cri. Le cri. Le mot dénué de parole. Le dire pur. Le tintement de la vie dans la chair.
La révélation.
Rimbaud cesse d'écrire. Cesse-t-il d'être poète ? Ou bien commence-t-il à le devenir ? Ou bien l'a-t-il toujours été ?
Qu’importe c’est toujours l'accomplissement dans l'inaccompli.
L'inachevable.
Le précaire comme horizon infini.
La peau vulnérable du poème se raidi jusqu'à la cassure, jusqu'à la faille de lumière brutale.
Ecrire c'est autre chose qu'écrire. C'est avant tout signifier le feu, et tout ce qui pourra détruire le feu.
Le feu. Le feu séparé de la chaleur. Le feu comme principe d'ascension et de disparition. Chemin de retour à la nuit.
Retour à la nuit lumineuse.

 

(Sur la scène il ne reste que le chœur. Alors on entendra un chant noirci, en contre chant, une mélodie jaune, un peu comme les champs de blés au début de l’été. Longue ascension de notes tenues jusqu’à la blessure.

 

Franck.

10 novembre 2007

L'infini du fleuve.....

J’ai peur mon amour, de te dire mon amour, et je te dis mon amour, pour ne plus avoir peur.

 

Au départ, la route des infinis est une route solitaire, loin des hommes, des foules. On part du plus faible pour arriver au plus fragile. Ainsi le fleuve. Ainsi l’amour. Ainsi notre amour. Ainsi le temps qui nous éloigne. Ainsi le fleuve.

 

Tu n’es pas l’amoureuse qui descend les marches de l’extase abandonnant sa tunique et ses masques, courant au plus droit du désir, au plus près de sa perte, joyeuse et gracieuse, le cœur brûlant, les chairs tremblantes. Non, tu n’es pas cette amoureuse là.
Tu n’es pas l’insouciante, ni l’inconstante, ni la désinvolte. Tu n’es pas l’illusion de l’amour, ses vapeurs, ses fumées roses ou vertes. Tu n’es pas dans ces dentelles là.
Non, tu n’es pas.
Qui es-tu alors ? Qui es-tu si tu n‘es pas celle-là ?
Quelle amoureuse es-tu ? De quoi est faite notre marche du plus fragile au plus faible ? De quoi est fait le fleuve ?
Tu es la forme même de l’amour. La forme qui appelle toutes les formes. Tu en es le cri. Le premier cri, celui de l’arrachement, celui qu’on jette aux quatre horizons. De l’amour, tu en es la lame qui pénètre la chair pour la sauver de l’affaissement. Tu en es l’extrême et l’urgence. Tu en es la première exigence. Tu en es l’aube. Mais pas seulement. Plus qu’une aube, plus qu’un commencement, plus qu’une promesse. Tu en es la révélation et l’évidence nue, puisque tu n’a rien évité, ni les blessures, ni les désirs, ni les passions, ni les souillures, ni les trahisons. Voilà ce que j’entends, quand tu dis notre amour. Et quand tu dis notre amour, je sais le fil tendu sur lequel tu marches. Je sais les gouffres qui nous appellent ensemble. Je sais la mort qui nous guette, qui nous nargue.
Et les deux infinis.
Et le zénith.
Et le Nadir
Tu es le fleuve.
Fleuve, qui a fendu les continents. Tu es le partage des terres. Nul pont ne te traverse. Nul ne remonte tes cataractes. Et tes eaux bouillonnent, impénétrables, et grosses des ruissellements noirs des rives, et tes eaux débordent de toutes tes nuits invraisemblables, et elles charrient des os cassés mélangés aux chagrins humains, aux plaintes des enfants. Tu es flot de blessures. Et tu es cette forme de l’amour qui épanche son sang et sa chair écumante et fougueuse. Et tu es cette première forme de la supplique des eaux. Comme la source qui réclame déjà l’océan. Comme la rosée qui espère déjà le ciel.
Tu es le fleuve dans le grouillement jubilatoire des eaux qui fait un rêve d’estuaire.
Un rêve d’estuaire.
Car tes eaux appellent la plénitude de l’estuaire. Le mariage des eaux sacrées à l’acmé de leurs œuvres. Et je suis la mer qui s’offre ouvrant large ses entrailles. Et tu es le fleuve étalant sa délivrance dans sa course vers l’horizon, poussant ses eaux toujours plus loin dans la profusion magnifique de sa voix.
Tu sais, il y a un point du fleuve. Il y a un point du temps. Il y a un point du désir où la violence des eaux jaillissantes doit s’effacer, doit presque s’effondrer. C’est le temps des mélanges des eaux. Des fiançailles. Il y a un temps de l’alliance. Il y a un temps du fleuve où les eaux consentent à la confiance. Il y a un temps du destin où le fleuve étend ses larges mains ouvertes vers l’océan, vers l’horizon. Il y a un temps où la mer se rassemble pour accueillir le fleuve. Et le fleuve, enfin, peut se reposer dans sa grâce totalisée.
Et chaque vague refait le chant.
J’enlèverai une à une les épines de colères qui blessent l’intérieur de ta vie, aux jointures de tes souvenirs, aux articulations du passé.
Et chaque vague.
Je goûterai chaque plat avant tes lèvres et chaque eau avant ta gorge pour t’éviter les poisons.
Et chaque vague.
Je serai l’épaule, la canne, je porterai la lampe, j’allumerai le feu, le soir.
Je dresserai les esprits des revenants à ne pas t’effrayer, à se vêtir de prévenances. J’enfermerai tes fantômes dans les placards du temps.
Et chaque vague.
Je taillerai comme un rosier chacun de tes jours, je polirai toutes tes heures pour les arrondir. Mon rabot à misère usera les angles de ta mémoire écorchée.
Et chaque vague.
Je prendrai la lueur de la lune pour t’en faire un voile d’or pâle aux plis d’ombres sauvages et j’en recouvrirai ta peau nue et silencieuse.
Et chaque vague jusqu’à l’estuaire.
Car le lieu de nous deux est un lieu illimité, démesuré, que chaque baiser inventera et agrandira, que chaque caresse élargira, que chaque regard éclairera et qui va du plus faible au plus fragile. Ainsi nos âmes entre la source et l’océan. Ainsi le fleuve de notre amour. Et chaque vague.

 

J’ai peur mon amour, de te dire mon amour, et je te dis mon amour, pour ne plus avoir peur.
Franck.

 

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22 septembre 2007

Une crique......

Il y eut les landes sauvages, et puis il y eut le rivage, et puis il y eut l’océan. Partir toujours et n’arriver jamais. On quitte les lieux, on quitte les autres, après on se quitte soi-même. On ne se remet jamais de tous ces départs, de tous ces abandons. On vit dans un temps écrasé.

Ecrire est cette longue énumération de ce temps défait. La liste des noms des absents. La liste des silences. Dénombrement. Démembrement. Inscription vaine et lumineuse. Ravauder sa solitude, jusqu’à l’épuisement, ou jusqu’à l’ivresse. Mais nous sommes trop lâches pour être assez désespéré. Trop faible pour nous arrêter ou nous taire. Inconstant dans notre attente.

Le premier mot fut un cri. Et penser fut d’abord penser l’intolérable, l’inacceptable. Et le premier cri a suivi le premier effondrement. Et il est venu signer la première solitude. Et nous n’avons fait aucun progrès. Des petits désirs pantelants, des ambitions sans exigence, des caprices concupiscents et puis de longues indifférences. Et quelques dieux pour nous distraire.

Alors, écrire c’est encore s’égarer dans une enclave de temps. Une sorte de crique. On y accéderait que par le chemin escarpé de parole, que par une voix transgressée, une voix méconnue, une voix étrangère à notre voix, un monde que nous ne savons pas habiter. Ecrire serait appartenir à la terre sans y appartenir. Une crique. Une île sauvage. Quels sont les lieux inhabités en moi ? Quels sont les lieux escarpés ? On vient tous d’une humanité fracassée. Ecrire est sans issue. Uniquement quitter la crique par la mer. La seule issue se trouve dans le bercement et l’horizon. Et la solitude exténuante, caniculaire. Il y a là, un désir mortel. Inexplicablement mortel. Un point de violence abrupte, que l’écriture délie dans la coïncidence des temps. La brûlure des chairs. La brûlante patience des constellations. Ecrire c’est déjà la mort. On vit dans un temps écrasé. On écrit dans un temps sans limite. Puisque c’est déjà la mort.

Ecrire est sans savoir, et c’est ce qui défait les livres, ce renoncement à toute explication, et cette patience d’une parole crucifiée, béante. Une parole de nuit, avec le retour de l’abandon. Sans cesse le retour de l’abandon.

Franck

10 février 2008

Comme une langueur désolée....

Parce que la vague est un envoûtement. Et que sa puissance vient de loin. D’un ailleurs. D'un autre temps. Parce qu’elle a commencée bien avant notre regard, comme la lumière des étoiles. Comme un long écho du temps. Comme une langueur désolée.

 

 

 

Les vagues naissent d'un endroit secret de l'océan. Nul n'en sait le lieu. Tous le redoutent. C'est un lieu de puissance et d'effondrement. C'est le lieu de la mer qui invente les naufrages. Là, au centre de ce lieu, il a un point, un point minuscule, si petit qu'il n'a pas d'espace, c'est sans doute un point d'orgue. On sait qu'il existe, mais nul ne l'a vu, et nul ne pourra jamais le voir, c'est là que naissent les vagues. Toutes les vagues.

 

 

 

Elles naissent d'une inquiétude de la terre et d'une résonance, une sorte de vibration, elles naissent d'un murmure des dieux, elles naissent d'un désenchantement, d'une affliction, comme ces mères qui accouchent, et au moment de l'apparition de l'enfant hésitent entre la joie et le désespoir. Comme une langueur désolée.
Il y a dans la naissance des vagues comme un haussement d'épaule de l'océan. A peine. Mais suffisant, comme un désintérêt, une sorte de dédain ou d'indifférence, comme si l'océan était déçu par les rêves de l'humanité, comme s'il s'en retournait chez lui au centre des abîmes, et que le haussement d'épaule, ce tremblement de colère rentrée fasse naître les vagues. Un long frissonnement venu des âges de l'univers. Comme une langueur désolée.
Dans l'envoûtement de la vague il y a cette mémoire douloureuse et cette oscillation, et cet ébranlement des eaux du dédain, et le rappel incessant de notre indigence, cette espèce d'absence, cette perpétuelle défaillance.

 

 

 

L'écriture de l'eau qui roule, tente de reprendre le mouvement d'avant, celui dont on vient. Reprendre la main sur le tangage des rêves et la vacillation de la raison. Comme la danse du chamane, comme s'il s'agissait de rappeler les forces premières, celles du sang ancestral, de retrouver le pur, le non corrompu. L'inaltérable. Appeler la démence et l'ivresse du balancement, et les faire rentrer sous sa peau, et les faire glisser le long des os, tendre ses viscères à ce brassement monotone jusqu'à l'écœurement, jusqu'au vomissement. Comme une langueur désolée.

 

 

 

C'est une écriture de la mémoire et de l'oubli, de l'amour impossible, et de la mort trop lente et trop loin, c'est une écriture qui s'aveugle sur l'horizon, et qui tremble, et qui s'essouffle. L'écriture de la mer ce n'est pas l'écriture du voyage, elle n'a pas cette tension secrète et sourde, ce n'est pas l'écriture de l'ailleurs, du partir, elle a trop de retour dans sa langue, trop de langueur dans sa perte, trop de folie dans son ignorance. L'écriture de la mer ne porte pas l'espérance, elle n'est pas la bouteille qui contient le message, elle n'est qu'une vague. Que la vague. Une et innombrable. Elle n'est qu'une eau dans l'agitation de son errance, elle n'est qu'elle-même, dans cet au-delà d'elle-même toujours renouvelé. Elle n'est que simple extension de la clarté. Expansion de l'abandon. Elle n'est que son instant dilaté, sans autre volonté que de l'être pleinement. Infiniment perdue, infiniment retrouvée. Elle se contient, elle se résiste et si elle ploie parfois, si on l'entend se briser, c'est pour mieux se recomposer, mieux se concentrer. Aller de l'éclat du mot à l'esquille de la parole. Aller de l'identique défait de l'habitude, à l'identique enveloppé de sa propre recomposition. Embrun paradoxale de l'infime et de l'immense. Paradoxe de la plénitude et du doute. De la dérive. Et de l’oubli. Comme une langueur désolée.

 

 

 

Il y a dans l'écriture de la vague une sauvagerie insoupçonnée, née des profondeurs immobiles qu'elle recouvre, et de cette résignation à ne signifier rien d'autre que le mouvement, que la présence. Une présence débarrassée de l'ombre, car elle est l'égale du soleil. Elle porte sa propre lumière, c'est ce qui la rend si étrange. Si envoûtante.

Et le soleil si révérencieux à son égard.

 

 

 

Il y a dans la vague un envoûtement, venu de sa patience, et de son entêtement à reformuler sans cesse la mer dans totalité, et dans ce renouvellement de l’attente, et dans cette joie inquiète qui la fait se gonfler, et dans la résignation qui la fait s’éclater. Il y a dans cette respiration la forme d’un chant inhumain. Le chant de tout ce qu’il y avait avant et de tout ce qu’il y aura après.
Comme une langueur désolée.

 

 

 

 

 

 

Il y a sur le bord de la vague un rire d'enfant ou un rayon de lune, c'est ce qui la blanchit et lui donne la force d'aller au bout de son enroulement, d'aller au bout de son outrance dans la profusion du verbe, et dans cette démesure lancinante.

Le soleil dit : « Je suis... ». La Mer dit : « Je consens... ». Et la vague murmure : « Je m'efforce.... Comme la graine et la fleur, je m'efforce... comme l'arbre, je m'efforce. »
Que pourrais-je dire, moi l'insolent, moi le piètre, moi le vivant fragile ? Que pourrais-je dire, sinon, je m'efforce.

Dans l'écriture de la vague je m'efforce, comme dans une prière débarrassée de ses faux dieux. Une prière sans adresse, comme le rire d'un enfant qui perce la lumière.
Malgré cette langueur affligée.

Franck.

17 février 2008

Ensevelissement...

Chaque fois l'épreuve. La page. Pourquoi ? Pourquoi ce chemin ?
Qu'attendre de cette confrontation ? Le texte est long à s'élaborer. Toujours. Avancée, ratures, effacement. Quelques grappes de mots qui viennent en saccades. Et puis la lente mastication. L'exercice de la bouche. Du son. Du rythme. Des syncopes. Des stases. Du corps qui s’élance. Et le rejet. Pourquoi ?
Le texte résiste. Il y a comme une lutte. Contre qui ? Contre quoi ? Mot par mot, ligne par ligne. Aller un peu plus loin. Sans savoir, ni la destination, ni la signification.

 

A l'intérieur je sens qu'il a une chose à atteindre, il semble même que les mots pourraient venir de cette chose, mais je n'y ai pas accès. Tout est diffus. Les paroles dessinent mon lieu d'exil. En creux. Dans le creux, les mots. Ils suintent avec étrangeté, comme si je pressais une masse poreuse et gluante. Ils viennent avec lenteur, avec parcimonie. Ils raclent. Ils s'arrachent de l'ombre, et traînent toujours avec eux cette part d'ombre. Ce mystère. Cette impossible connaissance.

 

A l'intérieur il y a comme un frottement difficile à décrire, et les mots viennent de ce frottement. Copeaux d'une conscience à la dérive, ou d'un entêtement insensé, déraisonnable. Même le corps est engagé. Il cherche un autre espace dans le débordement du souffle dans la chair. Je le sens dans les bras, les doigts qui frappent le clavier, la poitrine, le ventre. Surtout le ventre. Une sorte de tension sourde. L'intention du corps qui vient frotter un endroit vide, un endroit qui n'existe pas et qui pourtant est là. Puissant, invincible. Imprenable. La page est là, au lieu du frottement.

 

C'est une lutte. Une lutte froide, austère, sévère, sans éclat, monotone. Simplement entretenir la tension. L'exacerber. Comme s'il s'agissait de contenir quelque chose qui ne sortira pas. Qui de toutes les façons ne sortira pas.
C'est une lutte froide contre quelque chose qui n'est ni ennemi, ni ami, quelque chose qui n'est que dans le creux, que dans le contre temps, qui ne dévoile sa présence que par le manque. Le paradoxe.

 

Ton absence me manque, dit le frottement, dit le mot qui suinte. Ton manque manque à mon manque, réponds la chose en creux. Ton temps manque à mon temps. Il y a le frottement du manque sur le manque dans cette lutte distante, sans éclats, sans grandeur. Et il y a la page chaque jour qui se dérobe un peu plus. Et ce temps de face à face, ce drôle de temps, qui ne se raccroche à rien d'autre qu'à lui-même, un temps qui n'a pas d'histoire.

 

Lente mastication des mots, scansion, succion, dissection. Et tout réside dans cet enchaînement consenti. Cette volonté de le maintenir, et en même temps de le réduire.

 

Peu à peu l'amour c'est résigné, a renoncé, c'est absenté de mes mots. Il ne reste plus que la trame vidée de sa broderie, vidée de ses motifs, de son désir, de ses fils de vie. La matrice vidée de son élan, de son exaltation.
Extinction progressive de la lumière dessiccation des chairs de la parole. Le mouvement c'est rétréci. Il ne reste plus que la trame desséchée, dépouillée de sa faim, de ses tentations, un enchevêtrement laminé, accablé, où le souffle ne s'accroche plus.
Ensevelissement.
Et la mélancolie cristalline scintille comme une nacre frémissante. Et c’est toujours l’inscription intraduisible du printemps, la jeunesse indestructible des fleurs et le renouveau incessant de la brise qui efface le cri d’agonie des saisons. Toujours.

La parole s’engourdit dans la déroute des crépuscules. Une apocalypse banale, sans éclat, fracassée dans la fleur de l’âge. Et l’ombre sans lumière se console comme elle peut de l’âpreté du silence.

 

Aimer, écrire, sont le même mot, la même arche, ils vont le même pas. Ils sont partis du même lieu et vont vers le même ciel.
On écrit pour visiter les mots. Pour voir s’il reste au fond de leurs dépouilles quelques traces d’amour.
Quelques traces suffiraient.
Pour sentir une dernière fois, lorsqu’on les met en bouche, la saveur des étoiles.
Pour effacer ce goût de mort si tenace.

 

Aimer, écrire, sont le même mot, la même arche, ils vont le même pas. Ils sont partis du même lieu et vont vers le même ciel.... C'était il y a longtemps... aux temps des arabesques.... Je sais l’affaissement du temps dans la gorge des heures. Cet étranglement lent. Si lent.
Franck.

24 février 2008

Dix fois, vingt fois....

J’ai déjà écrit ce texte. Dix fois, vingt fois, et pourtant j’y reviens. Comme une obsession, comme si là se tenait dressée l’injonction coupante d’un poignard. Comme s’il fallait toujours y revenir sous la menace et par bravade. Dix fois, vingt fois j’ai écrit la mer, imposante ou calme. Dix fois, vingt fois j’ai écrit la vague, sa naissance, sa mort. Dix fois, vingt fois je l’ai laissé monter dans mes mots. Dix fois, vingt fois l’écume. Dix fois, vingt fois, la marée. J’ai épuisé tous ses mouvements, tous ses rythmes, traquant les couleurs, les éclats, les scintillements. J’ai écrit les ports, les îles, les tempêtes. Le sable aussi. Et l’horizon, et le ciel, ce bleu qui naît du bleu. Ce mouvement immobile des espaces en expansion. J’ai usé ma langue dans les naufrages, jusqu’à la trame des mots. Oui, dix fois, vingt fois j’ai écrit le même texte, interrogeant sans cesse le même mouvement, la même répétition, décomposant le geste jusqu’à le défaire de lui-même, de sa soif, de son ambition. Et pourtant j’y reviens, comme entrainé, comme une fatalité. Sans doute sommes-nous l’aboutissement d’éléments simples. Sans doute possédons-nous une mémoire archaïque. Sans doute que la folie est un abandon à cette mémoire.
Lorsque j’ai tout effacé, le quotidien des jours, les visages trop présents, trop défaits, trop perdus, lorsque plus rien en moi n’est d’ici, lorsque le vacarme du monde me laisse en repos, lorsque le bien et le mal deviennent la même danse et que mes morts retrouvent le silence, lorsque j’ai asséché toutes mes nostalgies pour agrandir assez l’espace de la mélancolie, lorsque rien ne me pousse ni ne me retient, alors seulement montent en moi mes eaux. Avec lenteur, avec constance. Comme si mon sang était de l’eau salée, et ma chair faite d’océan.
Impression étrange que ce brassage au fond de ma gorge et mes yeux quittent le rivage de ma vie, et mes yeux fixent un horizon immuable. Et tout ce qui vit en moi se laisse envahir par cette eau singulière, immémoriale.
J’ai déjà écrit ce texte. Dix fois, vingt fois. Ce mouvement qui fascine ma chair, ce balancement qui remonte la mécanique de ma pensée. Déhanchement de la rêverie. Glissement progressif du temps vers les heures chaloupées qui n’ont ni début ni fin. Les eaux montent en moi comme une lente marée qui regagne à nouveau les terres abandonnées. Et tout revient comme une obsession, avec les images et cette sensation d’éloignement. Comme si ma pensée vide n’existait pas.
Comme si tout à l’intérieur appelait ce comblement. Alors écrire c’est avant tout consentir à cette eau. Alors je la laisse monter et j’accepte comme une fatalité l’engloutissement de mes mots. Dix fois, vingt fois j’ai voulu résister, en brisant le rythme des phrases, mais les mots de l’eau reviennent, s’insinuent, inondant la parole, noyant peu à peu les souvenirs, installant peu à peu leurs mouvements. Comme une grâce et une malédiction.
Chaque fois que mon esprit atteint la part de vacuité essentielle, alors les mots de l’eau arrivent et n’ont de cesse de crisper ma chair jusqu’à l’inscription sur la feuille. C’est une lutte sans lutte. C’est une lutte perdue d’avance. Depuis toujours.
Sans doute que mes eaux sont l’autre nom de la solitude.
Sans doute que l’écriture est l’autre nom de la solitude.
Sans doute ai-je cette grâce d’avoir une solitude en forme d’océan, à la fois mobile et immobile, si proche dans ses vagues, si lointain dans son horizon.
Sans doute que là se trouve mon point de folie. Une trace obscure qui me possède par l’accablant mouvement d’une houle sombre et par l’écrêtement effrayé des vagues sur mes rocs désenchantés.
Sans doute cette eau qui m’accapare me vient de l’oubli, et de cette sauvagerie qui gît dans la solitude, comme une grâce et une malédiction.

 

J’ai une solitude en forme d’océan qui respire au rythme des marées, une solitude tout en débordement, tout en
déversement. Une solitude qui a besoin d’horizons perdus et de ciels noyés.
Et de défaites mille fois recommencées.
Et écrire ne fait que relier ces mille défaites au miracle du printemps. Toujours. Et absolument.

 

Car l’océan est fait de chair d’oubli, et mon sang est couleur d’attente.
Je vais vers la solitude inquiète des océans dans leurs pesanteurs languissantes.

 

Et l’impatience du texte n’est que l’impatience à accueillir la solitude, à ne pas rater sa venue.
Et l’océan est ma seule façon de l’inviter.
Franck.

1 mars 2008

Que deviennent nos cris qui ne sont pas criés ?.....

Nous sommes des revenants. Nos yeux connaissent déjà le paysage sans fin de la mort. Nulle frayeur dans le regard. Seulement une grande lassitude. Le retour est toujours plus éreintant. Le déjà vu épuise le sang. Ce perpétuel retour constitue est la forme la plus aboutie de notre aller simple. C’est pour cela les miroirs. Nous sommes en marche vers un en-deça de nous même. Un déjà vécu sans conséquence. D’ailleurs il ne faut tirer aucune conséquence. Les conséquences sont les pires des illusions, elles tiennent nos heures dans la prison des temps clos.

 

Le difficile c'est l'enfermement dans propre demeure. C'est l'impossibilité d'ouvrir les portes de sa maison. On est à l'intérieur. Et rien ne pénètre. Ni lumière, ni voix. Rien. Et rien ne sort. Les verrous sont tirés. Ni la nuit, ni le jour, rien ne pénètre.
Ne plus écrire. Trop simple.
Tout a été écrit, ça veut dire que rien n'a été dit. Que tout est à formuler. Une autre fois. Jusqu'au bout. Jusqu'à la fin. Psalmodier jusqu'à l'ivresse. Même si c'est inutile. Surtout parce que c'est inutile. La mélopée n'est plus sacrée, elle n'atteint plus les cieux. Les a-t-elle atteint un jour ? Est-ce important ?
Respirer. Faire entrer l'air. Profondément. Sentir l'échange des gaz dans le sang, dilater les poumons. Respirer. Seulement ça.
Ecrire que l'on respire. Ecrire que l'on sent l'air se mélanger, que c'est la seule chose que l'on maintient. Que tout est organique. Qu'il n'y a qu'une chimie. Qu'une organisation de molécule. Un échafaudage de particules. Et que c'est ça qu'on écrit. Jamais rien de plus. Que tout le reste n'est qu'une boursouflure. Qu'une triste illusion.

Il faut repartir du début. Du cri. Reformuler le cri. L'équation du cri. Un cri débarrassé de sa douleur, de sa peur. Un cri pur, net. A l'état brut. Un cri sans chagrin puisqu'il les contient tous. Sans cause. Le cri comme le premier mot. Le seul audible, le seul compréhensible.
L'enfant qui naît sait déjà tout. Il crie. Après il passe sa vie à oublier le cri. Il passe sa vie à oublier qu'il savait. Derrière chaque geste, derrière chaque parole, ce qui compte c'est le cri. Faire entrer l'air dans ses poumons. Déployer le cri. L'épaissir. L'aggraver. Lui redonner sa nécessité. Son immédiateté. Et son acharnement. Appeler le cri. D'abord dans ses poumon, à l'endroit des échanges des molécules, à l'endroit où le dehors devient du dedans. Quand le dehors devient du dedans, il devient un cri. Toujours. On ne le ais pas, parce qu'on a oubliée le moment du naître. Le premier échange des molécules qui devient un cri. La première vérité, sans doute la seule qu'on ne dira jamais. L'originelle affirmation. Car le sourire n'est qu'un cri dévoyé, un cri qui s'est déjà compromis, un cri qui a déjà vendu son âme. Et le rire, n'est qu'un cri prostitué. Une forfaiture. Ecrire la signe.
Que deviennent nos cris qui ne sont pas criés ? Sont-ils musique ou poésie ? Sont-ils torrents ? Bourrasques ? Sources ou plaintes dans les landes de bruyères ? Supplique ? Oraison ?
Que venons-nous, nous qui ne crions pas ? Que pèse notre vie sans cri pour l'alourdir, pour l'enraciner ?

Alors remonter le fil du souffle. Respirer intensément. Sentir le froid de l'air passer dans l'incendie du sang. Et n'écrire que ça, l'effondrement du dehors dans le dedans. L'écrasement des molécules dans les chairs vivantes, respirantes. L'écrasement devenir pulsations, vibrations. Et jusqu'à la convulsion. Psalmodier jusqu'à l'ivresse. Du souffle sur du souffle, et le cri qui se déploie dans une extirpation somptueuse. Du souffle qui frotte sur du souffle. Du sang noir pour du sang rouge, élévation lente, cène sanglante et hurlante. Cérémonie solennelle du cri initial, annonciateur, prédicateur. L'engramme. L'ordalie.

 

C’est après qu’arrive le chant.
Le chant... D'abord la voix. Le texte doit tenir dans sa voix. Tenir en entier. L'œil seul est muet et il n'entend rien au chant. Beethoven est sourd, mais il continue de jouer. L'œil n'est pas suffisant il a besoin de ses doigts pour entendre.

 

Le chant relie la chair au verbe

 

Que le chant... L'exhalaison de la matière du mot. Le dépassement du mot dans sa traversée. Chopin jusqu'à la dissonance. Aller jusqu'au bout de l'audible, juste avant que l'harmonie se casse. Il y a cet instant juste avant la brisure. Dans Chopin, il y a toujours un point d'effondrement, une note par où passe la lumière.

 

C'est l'accident dans la parole qui la révèle.
L'impact.
Le trou juste avant le mot. Juste après.

 

Décider d'écrire dans les trous, dans les manques. Se donner une chance de mourir. Là.
Inventer de l'éternité pas parce que c'est beau. Parce qu'il le faut.

 

L'arbre ne fait pas du beau, il fait de l'arbre. Il fait de la puissance d'arbre. Il est constant dans son désir d'arbre. Il est constant dans sa chair d'arbre.
Il s'efforce. Autour du nœud. Autour de la folie qui durcie sa mémoire. Il invente ses branches dans les saisons à venir. Autour du nœud ligneux. Et il appelle le vent et la tempête. Et il appelle ce qui peut le briser. Ce qui doit le briser. L'arbre écrit.

 

On le sait à cause du chant. Et de ses renaissances perpétuelles. Et la bûche dans le feu dit son poème, raconte sa légende. Les amoureux qui s'y chauffent le savent. Ils entendent, ils écoutent la voix de l'arbre, la chair de l'arbre. Et le feu est l'âme de l'arbre. Et quand le bois craque c'est un silence qui se contracte, c'est le chant de la puissance de l'arbre. C'est la chaleur des étés, c'est les neiges d'hiver, c'est le vol des oiseaux. Et jusqu'aux cendres.

 

Nous sommes des revenants. Nos yeux connaissent déjà le paysage sans fin de la mort. Nulle frayeur dans le regard. Seulement une grande lassitude. Le retour est toujours plus éreintant. Le déjà vu épuise le sang. Ce perpétuel retour constitue est la forme la plus aboutie de notre aller simple. C’est pour cela les miroirs. Nous sommes en marche vers un en-deça de nous même. Un déjà vécu sans conséquence. D’ailleurs il ne faut tirer aucune conséquence. Les
conséquences sont les pires des illusions, elles tiennent nos heures dans la prison des temps clos.

Ecrire efface ma trace. Me retranche de l’avalanche des peurs. Je suis dans un reflet de silence. Ecrire délimite un bord. Une ligne franche, brutale, presque coupante. L’en-deça et l’au-delà. Il y a le bord et il n’y a rien. Plus rien n’existe, pas même le vide. Rien. Des lieux et des temps qui n’ont pas la force d’exister, ou alors qui ne l’on plus.

Les miroirs sont autistes. Et cela afflige leurs voix. Ils ne diront rien des temps de la fin.

 

Franck.

2 mars 2008

Trébuchement.....

Trébuchement. Et le sursaut pour éviter la chute. Rien du poème n’est prémédité. Quelque soit la constance mise à la table d’écriture, quelque soit la patience, le travail. Rien du poème n’est prémédité. Il y toujours un trébuchement et ce sursaut, cette contorsion de la parole pour éviter la mort. Encore un peu. Juste un peu. La métaphore ouvre sa corole pour récupérer dans sa vasque les mots dans leurs déroutes. Et l’on se croit sauvé. Et l’on se trompe. Mais c’est la seule chose que l’on sait faire. Le poème naît d’un échec.
Au commencement était la perte. Après ce fut le manque. L’attente. Ecrire c’était tenter d’échapper à la perte, au manque, à l’attente, y échapper tout en y revenant toujours. L’écriture est mon seul présent encombré. La possibilité d’une présence à soi-même. Un événement imprévisible. Advenir, là, dans cet instant, qui ne vient jamais.

8 mars 2008

Ta parole.....

Ta parole. C’était une parole ininterrompue et toujours suspendue.
Toujours attendue et toujours dépassée par celle à venir. Dans le mouvement. L’allant.

 

 

 

Ta réalité me venait du mouvement de la mer. Et de l’oubli sans cesse renouvelé.
Ta présence débordait ta réalité, assez pour faire naître une attente toujours neuve.

 

 

 

 

 

 

La parole amoureuse est une parole folle, elle se dit avec les yeux et avec l'horizon. Elle est folle parce qu'elle raconte la nuit, même en plein jour. Surtout en plein jour. Elle est folle parce qu'elle est pauvre, et qu'elle est faite de quelques mots, toujours les mêmes, comme les prières. Et d'un nom, d'un seul nom, comme un seul clou.
Et qu'elle sort froissée par le silence qui la recouvrait, et qu'elle se déploie, comme un pétale dans l'aurore, comme le pas maladroit de l'enfant qui commence à marcher.
Et qu'il faut pour la dire un ciel entier dans la bouche.

 

 

 

Lent redressement du murmure qui cherche son souffle dans un désastre de lumières et d'ombres. En se dépliant dans la voix incendiée, elle se déshabille, impudique et offerte. La parole amoureuse n'est pas belle, puisqu'elle a quitté la terre et qu'elle est insensée, et qu'elle est inaudible. Et qu'elle est sans intelligence puis que c'est la seule parole vraie, jamais dite. Et qu'elle est sang, feu, dévastation, anéantissement.

 

 

 

Et qu'elle n'est pas faite de mots, mais seulement de visage et de chair brûlée, de chair sauvage et désespérée.

 

 

 

La parole amoureuse est faite de l'échange des lumières, au crépuscule et à l'aube car il n'y a pas de temps pour la dire, pas de lieu pour l'entendre, à par les angles. Car elle n'est faite que d'abandon, et d'éternité tissée d'infini. Elle est la peau qui colle aux lèvres. Et elle est la source au milieu des sables, car elle naît au plus profond de notre solitude claire. Elle ne sait que glisser sur la neige sans laisser de trace. Elle ne sait qu'effleurer l'océan. Enlacer les nuages.

 

 

 

La parole amoureuse ne s'écrit pas, elle est la page blanche et la main qui la caresse et la peur qui l'interroge et la larme qui l'inonde. Elle s'invente et meurt dans l'instant où elle se dit, et à sa place il ne reste que le printemps.
Elle est houle insaisissable, où l'espoir à la désespérance se mêle. Lent mouvement du temps et du sang. Lent tremblement des chairs.

 

 

 

La parole amoureuse est une parole vaincue, jubilant de sa propre défaite, précipitant même cette défaite. C'est une parole qui naît hors de nous et qui vient mourir sur nos lèvres dans l'éclat d'un silence offert.
Elle contient le monde depuis son origine, elle en sait la fin. C'est pour cela qu'elle est d'abord renoncement et consentement.

C'est une parole qui n'a pas de force, seulement de la puissance, assez pour couper le réel en son point le plus dur. Personne ne la connaît, elle ne s'apprend pas, mais chacun la sait, puisqu'elle tient à elle seule les fils de notre vie.

La parole amoureuse s'avance à rebours, car elle tourne le dos à tout ce que l'on a vécu, elle revient vers notre enfance la plus pure, la plus désolée, et elle va pieds nus dans la langue comme une gitane ébouriffée. Parole dégagée de la parole. Murmure délacé du murmure. C'est une parole effondrée car il lui a fallut traverser les peaux mortes, les chairs molles, les os cassants et le mur des silences qui la protège de l'indécence, et de l'impudeur. Elle se consume dans le baiser qui la souffle et renaît de son propre désarroi.
Elle ne sait que fleurir, la nuit, au bout des doigts et sur les paupières closes.
C'est une parole qui s'est quittée.
Une parole d'au-delà.
Une parole débordée.
Sans mémoire.
Sans lendemain.
Brisée seulement d'éternité.

 

 

 

Ta parole. C’était une parole ininterrompue et toujours suspendue.
Toujours attendue et toujours dépassée par celle à venir. Dans le mouvement. L’allant.

 

 

 

Ta réalité me venait du mouvement de la mer. Et de l’oubli sans cesse renouvelé.
Ta présence débordait ta réalité, assez pour faire naître une attente toujours neuve. Source généreuse d’une attente toujours fraîche, d’une attente juvénile, d’une attente entachée d’aucune défaite. Le vieux temps n’ayant pas de prise sur le renouveau ininterrompu du don.
Ce qui espère en nous, est l’ombre d’une présence. Les êtres nous arrivent par leur absence et par ce temps de silence qui précède ce frottement des heures du manque.

 

 

 

J’étais l’évadé d’un temps clôt, comme ces îles échappées du temps clôt de l’océan. L’ivresse d’un détachement sans mesure.
Les aveux ne dévoilent jamais la parole, ils dérobent seulement à la nuit la force des aurores.   

 

 

 

Franck.

15 mars 2008

La disgrâce.....

Il y a seulement des temps d’abandon où un poids immense pèse sur chaque heure, où l’on sent qu’elles ont un mal fou a finir, où le sans fin ressemble à une nuit immobile.
Dans la paume de ma main, je regarde l’agonie des saisons.
L’œil se fixe, effaré, pris dans l’épaisseur d’une ombre menaçante. Se taire n’est plus consentir au silence, se taire c’est mordre dans l’obscur, c’est mordre dans le gras de la mort.
Il y a seulement ces temps d’abandon où un poids immense pèse sur chaque heure et l’homme en nous qui fait porter tout le poids à l’enfant, tout le poids du renoncement, des défaites. Cet homme vain qui n’en fini pas de tuer l’enfant.

Dans la paume de ma main je regarde l’agonie de l’enfance dans les ronciers du temps, et les restes d’un désir ravagé. La disgrâce est une chanson douce, la dernière aventure, le dernier pont à franchir. Décollement des chairs de l’enfance. La fin procède toujours avec méthode, comme si l’ordre était sa seule réponse. Comme si la défaite méritait cette organisation, cette certitude. Le sacre du chaos est bien cette discipline des fatalités. La lumière n’est qu’un accident des ténèbres, un imprévu, presque un contre temps. Une erreur. Une divagation des dieux.
Le lieu monde est une nuit lourde, immobile. Lente.
Et l’enfant s’ébranle et succombe de l’exubérance du noir. Et l’enfant n’en fini pas de téter les mamelles d’une nuit sans fin. L’attente a défait un à un ses rêves, et jusqu’à oublier les raisons même de l’attente.
Et l’attente c’est oubliée elle-même. Et l’attente est bien la chose qui meurt en dernier.
Ce qui souffle dans le dernier souffle, c’est l’extase de l’attente inaccomplie à jamais.
Dans la paume de ma main, je regarde l’agonie des saisons.
La disgrâce est une chanson douce, la dernière aventure, le dernier pont à franchir.
La disgrâce c’est la chanson douce du désastre.
Franck.

16 mars 2008

De grandes flaques.....

On ne guérit pas de la disgrâce. Car c’est la maladie de la séparation, du désaccord. L’impossible retour à l’intérieur de son corps. Il y a dans la disgrâce l’irréparable détachement des temps, l’irréconciliable mouvement des chairs. Et la disgrâce tue l’attente plus sûrement que l’exil. Quelque chose nous quitte. Quelque chose de nous ne veut plus nous. Il y a en soi des flaques d’absence, de grands marais aux boues sombres et odorantes. La disgrâce est le mal qui atteint le silence au cœur de ses vibrations, au cœur de ses consonances. A la place irrémédiable immobilité. Vacuité le l’oubli. L’inespéré est l’ordre des choses. Ainsi le fil des jours. Ainsi la mort inatteignable. Un rendez-vous toujours manqué. Trop tard. C’est le nom de la disgrâce.

Franck.

23 mars 2008

Les grands cerisiers.....

Aimer c'est graver le marbre. C'est inscrire sous la peau une histoire définitive. Aimer échappe à l'oubli. Longtemps après l'amour, l'histoire se raconte encore. Même transformée, l'histoire se raconte. Et ce n'est pas de la mémoire, c'est seulement l'amour qui fini de se consumer. Même passé l'amour se vit au présent. C'est pour cela qu'il n'y a pas d'oubli, pas de rémission. Et que l'on se sent perdu et sauvé dans le même instant, toujours renouvelé. Recommencer, c'est seulement continuer, c'est raviver, c'est souffler sur les flammes. Même nouveau, c'est toujours une vieille histoire. C'est remonter la flamme jusqu'à la première étincelle. Remonter le feu. Le premier feu. La première mort. Et jusqu'à la dernière.
Aimer, c'est accepter de ne jamais dire adieu. Même après la fin, même après la haine. Surtout après la haine. C'est le retour sur la scène du crime. Et contempler notre propre cadavre. Aimer c'est dérober des indices au passé pour mystifier l'avenir. Et échouer dans cette opération secrète, alchimique, magique.
Il n'y a qu'un visage en nous. Un visage qui se moque de nos dérisoires tentatives, de nos pathétiques tentations.

 

 

Tes mots me touchent comme s'ils avaient des poings. Des poings qui s'abattraient à toute volée à l'endroit de ma face, sur le nez par exemple. Je lis tes lettres et ça fait comme des brûlures. Je lis et ça fait des cicatrices, comme une lame d'acier dans le vermillon de la vie.
Tes mots me touchent comme s'ils avaient des mains. Des mains douces. Des mains qui se poseraient sur ma peau cornée et usée, à l'endroit du cœur. A l'endroit des battements. Je lis tes lettres et cela fait des caresses. Je lis et cela fait comme un souffle, comme une eau transpercée de lumière.

Il y a surtout cet enroulement du temps, du mouvement à rebours. Cette remontée des saisons. Et cette tension de l'âme à vouloir décrypter la première inscription du marbre. Vouloir lire le nom qui est gravé dessus. Celui qui nous nomme et qui n'est pas le nôtre.

Dis-moi encore les terreurs de l'amour
Dis-moi encore les envoûtements de ta vie.
Apprends-moi les ténèbres, moi qui me crois voyant
Dis-moi encore tes secrets d'amour.
Dis-moi encore les magies de ta vie.
Apprends-moi le ciel, moi qui ne fais que le traverser d'un pas agité et inquiet.
Chante pour moi. Hurle pour moi.
Danse pour moi. Chiffonne-toi pour moi.
Ris pour moi. Pleur pour moi. Pour moi seul.
Raconte-moi l'amour de dieu et des hommes. Dis-moi leurs chairs et leur sang.

 

Le visage de l'autre est porteur de notre ombre. Et on ne le sait pas. Même si on le sait. On ne veut pas le savoir. Et nos caresses se souviennent du premier crime. A cause d'un désir pris dans le marbre. L'autre de l'amour nous désigne.

Dis-moi l'enfer qui vrille ta mémoire.
Dis-moi ton délire lancinant et mortel.
Dis-moi tes os et leurs cendres et leur haine.
Dis-moi tes cuisses ouvertes et les tritons que tu recèles.

 

 

L'amour nous dit en creux, comme la haine d'ailleurs. On hait d'autant plus, que l'autre nous ressemble. Parce qu'on suppose qu'il sait. Il est au cœur de notre misérable secret. Et la haine est bien un désespoir, un apitoiement sur ses propres ruines. Toute haine touche à notre vérité, tout amour à notre illusion. Et vivre, c'est marcher de l'une à l'autre, jusqu'à ce que le fil qui les joint se brise. Par trop de vérité, ou par trop d'illusions.

Dis-moi l'éternité qui porte tes offrandes.
Dis-moi ton âme murmurante et fragile.
Dis-moi ton corps et sa flamme et sa piété.
Dis-moi tes cuisses souples et ces coquillages que tu protèges.
Dis-moi toutes ses choses.
Dis-le moi, mille et une nuits, et quelques siècles de plus.

 

 

Le Fleuve. Les rives changes et pourtant c'est le même fleuve. C'est le même élan. Jusqu'à la fin. C'est le même livre qu'on relit.

Dis-moi le marbre froid de ton cou.
Dis-moi les vipères de tes seins.
Dis-moi ton ventre et son abîme.
Dis-moi tes râles, tes pertes blanches, tes indécences, tes violences

 

 

Nous n'avons de cesse que d'aller profaner nos tombes. Pour s'assurer de quoi, au fond ? Chercher la vie au bord de ce qui a nie ? Il n'en demeure pas moins que nous avons cette passion des os décharnés, des os blanchis, des terres noires. Pour renforcer notre résistance.

Dis-moi la douceur de ton cou.
Dis-moi la forme et la pâleur de tes seins.
Dis-moi ton ventre et son velours.
Dis-moi tes soupirs, tes abandons, tes pudeurs, tes outrages.

 

 

Étreinte des contraires. Désenchantement des non-sens. Décidément il n'y a pas d'adieux possibles.

Dis-moi tes litanies comme un poison à mes lèvres.
Dis-moi ta danse quand elle est sacrilège.
Dis-moi le ricanement quand tu plaisantes de moi.
Dis-moi tes conjurations quand je suis trop près de toi.
Dis-moi tes cauchemars et tes arcanes.
Dis-moi la bile de ton sang.

 

 

Les poésies sont des feuilles qui tombent arrachées par l'hiver. Leur mort annonce le renouveau. Recommencer, c'est seulement continuer, c'est raviver, c'est souffler sur les flammes. Même nouveau, c'est toujours une vieille histoire. C'est remonter la flamme jusqu'à la première étincelle.

Dis-moi ton chant quand tu le donnes à mes lèvres.
Dis-moi ta danse quand tes voiles se défont.
Dis-moi ton rire quand tu te dérobes.
Dis-moi ta prière quand je dors près de toi.
Dis-moi tes rêves et tes mystères.
Dis-moi tes larmes, dis-moi ta joie.

 

 

Aucune violence n'entame la mélancolie. Elle est la bougie sur le bord de la table. Elle éclaire nos passions, nos écrits. Elle a été témoin du crime. Alors elle peu bien nous accompagner. Même en silence. Aimer c'est accepter de ne jamais dire adieu. Les aux revoirs sont les ricanements du destin. Le bégaiement du temps.
Ainsi la haine comme un pitoyable aveu.
Et la violence un piètre abandon.

J'aime tes affronts quand ils disent : vas-t-en.
J'aime ton cri qui arrache les miens.
J'aime ton bec quand il déchire mon nom.
J'aime tes crocs qui serrent mes paupières
J'aime tes mots quand ils disent : je t'aime.
J'aime ta voix quand elle s'offre à ma voix.
J'aime ta bouche qui appelle mon nom.
J'aime ta langue sur le bord de mes yeux.

 

 

Et c'est un désastre. De notre cage, nos mots, nos chants s'échappent pour rejoindre le bruit du monde. Chacun dans sa cage. Cacophonie.
Le désir brûle, car derrière ses apprêts il veut notre propre mort et il sait toujours le chemin le plus sûr. Il nous distrait pendant qu'il avance ses pions.
Même passé l'amour se vit au présent. Ainsi la haine.
Ainsi la haine comme un pitoyable aveu.

Dis-moi l'incendie qui dévaste ta langue.
Dis-moi la substance qui écorche tes veines.
Dis-moi les cyclones qui brassent ainsi ta chair.
Dis-moi le feu qui brûle ton esprit.
Dis-moi l'étoile qui coule dans tes veines.
Dis-moi tes tempêtes de chair.

 

 

Alors, Toi la prochaine, tu n'est pas la suivante, tu es encore la première. Tu es la seule, puisque le désastre doit s'accomplir. Et que tu as la forme de l'ombre qui m'anéantira.
Alors dis-moi surtout la paix et le recueillement et l'abondance dans le renoncement.

Dis-moi la sagesse des sables et comment on dénude son cœur pour marcher sans impatience vers un point d'eau perdu au fin fond du désert. Dis-moi les paysages de neige, les lumières d'un hiver, et le givre comme un gant de dentelle sur les ramures déshabillées des grands cerisiers.

Franck.

23 mars 2008

La dentellière des océans....

Pour écrire elle s’assoit dans le coin le plus retiré de sa vie. Les terres inconnues de ses jours. Bien sûr, ces lieux sont inhabitables, bien sûrs ils sont invivables. Bien sûr. Bien sûr elle sait qu’écrire est une occupation étrange, et la mélancolie le chant de l’inaccompli. Bien sûr elle sait bien qu’écrire naît de l’œuf couvé de la nuit. Bien sûr.

 

Souvent ses mots touchent à l'endroit fragile. La membrane. Celle qui résonne. Frémissement des brumes tout au bout de mes landes mortes. Et nos paroles s'enroulent à nos silences. Glissent sur nos distances. Souvent. Comme ces vagues qui apprivoisent le rivage dans d'incessants retours. Caresse de l'eau qui s'abandonne aux langueurs de la terre.
Chaque vague porte en elle tout l'océan. C'est pour cela que les vagues ne meurent pas, leur épuisement n'est qu'un reste d'infini. Chaque vague agrandit l'océan. Comme ses paroles ourlées d'écume blanche, qui reviennent s'allonger dans les derniers murmures. Vague tendre qui lèche les plaies d'une terre usée.

 

Et nos paroles s'appellent. Nous, nous nous taisons. Pour ne rien déranger. Ni le ciel, ni la terre. Nous restons en bordure de nos blessures anciennes. Juste en bordure. Comme l'écume, comme le souffle de l'écume qui souligne d'un trait tremblant la fêlure des rencontres.
Nous sommes dans un espace qui n'existe pas. Qui n'a pas de nom. Pas de lieu. A peine un mouvement lent et silencieux, qu'il faut porter plus loin. Ailleurs.
Esquisse d'un pas de danse, sur le fil tendu de l'horizon. Lointain.

 

Car nos paroles se reconnaissent mieux que nous-même. Elles se sont mutuellement désignées. Et elles nous ont oublié. Délaissé. Dans nos lointains. Nos absences. 
Sans doute est-ce cela, l'exil. Les mots font la ronde autour de nous et nous laissent là, au centre d'un cercle. A chacun son centre, à chacun son cercle.

 

Pourtant ses mots souvent me touchent à l'endroit fragile. Car elle dessine les contours d'un plus loin. D'un possible. Avec ce goût de sel et d'embruns. Elle trace l'horizon d'un silence rectiligne pour accueillir le soleil à l'orient de nos vies. Des mots ciselés, découpés dans ses champs de solitudes. Des mots précis posés au fil à plomb. Cherchant la verticale absolue, le point d'équilibre entre la nuit et le jour. Alors, elle les pose, là, avec dans le geste cette sorte d'assurance scrupuleuse. Ce raffinement discret. Terriblement puissante et vulnérable. Comme ces dentellières qui découpent la lumière autour des contre jours, juste dans la transparence d’une rêverie. Seulement un peu de blanc autour de grands silences.
Simplement un peu d’écume pour dire la solitude des océans.
Terriblement puissante et vulnérable. Comme si elle plantait un arbre encore chétif, mais tremblant de promesses.

 

Alors j'habite ses silences, acceptant le balancement de la houle. J'étire au plus large mon rivage, attendant chaque vague, absorbant la moindre écume. Espérant les plus petits coquillages. La vague sur le sable dessine. La vague sur le sable brode. Respire. Elle invente le temps dans son essoufflement. Et l'amour dans sa constance. Et la foi dans sa patience Et la vague sur le sable écrit. A l'encre bleue des abîmes marins, avec les restes de tempêtes et les fracas obscurs des naufrages. Elle écrit. Solitaire et multiple.

 

Car il s’agit de n’appartenir à aucune histoire. Nous sommes désormais dans l’incessant va et vient de la parole, dans l’incessant renouvellement, inventant la parole océan. Fixe et mouvante. Ici et ailleurs. L’incessante parole interrompue et ininterrompue.
Fixe et mouvante, ici et ailleurs. Désespérés et enfin joyeux.

 

Franck.

29 mars 2008

L'entre temps.....

Chaque texte nous laisse dans le passage. Un éternel passage. Sans rive. Être là. C'est tout. Toujours partir et ne jamais arriver. Là. Dans le courant d'air de la vie. Les volets battent, les portes claquent et le texte nous laisse là. Entre. Pantelant dans le passage. Lourd. Sans aisance. Estropié du désir.

 

 

 

Les textes sont des orphelins. L'espace d'un instant on a cru pouvoir leur offrir une famille.... Et puis ils nous quittent, alors on reste dans le passage. Et c'est nous l'orphelin à secourir. Le texte nous a seulement accueillit un court instant dans sa famille de mots, sa famille turbulente et bruyante. Et après, la famille nous quitte.
Et l'on reste là, dans le passage encombré de désordre et de silence.

 

 

 

Et l'on sait qu'on ne sera d'aucune famille.
On appartient déjà à la ruine et au désastre.

 

 

 

Le texte ne ment pas, il nous promet la solitude et il nous la donne. Comme une fleur rouge sang. Il l'incruste même. Il la grave, de peur qu'on oublie que c'est nous qui l'avons sollicité. Elle devient notre nom.

 

 

 

Et nous restons dans le passage. Entre les portes du désir. Coupé des horizons. Immobile entre deux mouvements, deux élans. Et c'est ainsi depuis la nuit des temps. Car la nuit des temps est le lieu du poème. Toujours. La nuit. Et après le passage. L'entre deux.
L'attente.
L'inquiétude.

 

 

 

On ne ressort pas complètement indemne des mots. Avec cette double sensation. L'accroissement et la perte. La douceur et la violence. Comme dans le vertige. L’aggravation d’une pesanteur.

 

 

 

Pendant le texte les atomes de la vie sont portés à incandescence. Comme dans l'amour quand les corps s'effleurent d'insouciance et d'oubli, ou quand ils se cognent l'un à l'autre dans l'abandon et l'ivresse. Comme dans l'amour où brusquement on sait qu'il n'est plus question de douleur mais de débordement, où l'extase décide de ne plus descendre, mais au contraire, de monter.
Le mascaret ride le fleuve comme un frisson de jouissance. Le texte nous a défait du temps, jeté hors des doutes, il nous a pris la main et le cœur pour nous faire traverser l'infini à la perpendiculaire de nos passions et dans la diagonale de nos souvenirs. Le texte réinvente la géométrie de l'espace et du corps, de son poids de chair tremblante, et dans les angles se trouvent l'ombre et le souffle, et les parallèles se rejoignent sur les lèvres des rêves, et les ellipses nous réchauffent de leurs foyers majestueux.
Et c'est un temps simplifié où les équations retrouvent leurs inconnues. Et les ondes ne vibrent plus, elles ne font que chanceler, que frémir, et elles n'oscillent plus, elles ne font que se balancer comme les roseaux dans la brise d'été.
Et le mascaret redresse le fleuve de sa langueur chagrine.   

 

 

 

Et juste après le texte, la droite se raidie, l'infini se relativise, les parallèles s'assagissent et se mettent à bonne distance l'une de l'autre, comme des inconnues qui se toiseraient de haut. Les perpendiculaires s'ennuient à nouveau, et l'ombre quitte les angles morts de la vie pour se répandre en obscurs savoirs.

 

 

 

Après le texte c'est le temps des redites, des pensées sur la pensée, des constructions fragiles. Après le texte c'est le temps des insectes. Temps mesuré, sans ambition, sans imagination, qui ne sait que finir.

 

 

 

L'entre temps des textes, avec le fleuve vautré dans sa lassitude féroce et gourmande. Ce sont des temps somnambules, nos actes ressemblent à des actes mais ils n'en ont plus la vérité, comme si le rêve était clivé, ou troué par la lame du soleil. Ou de l’insomnie.

 

 

 

On est dans le passage, dans les couloirs du jour avec des portes à l'infini, des portes closes. Et le fleuve qui coule dans son infinie indifférence hautaine. Et notre maladresse importune les silences, car ici, dans le passage, ils ont changé de nature, d'humeur. Ils nous regardent, ils nous désignent. Certains nous accusent.

 

 

 

Après le passage. Un autre mascaret. Après... un autre...un autre encre…toujours un autre…
Et la hache du texte coupe un peu plus mes amarres.
Je suis en partance pour l'exil.
Un jour il n'y aura plus de retour possible.
Un jour ça sera la disgrâce…

Franck.

5 avril 2008

J'étais la poussière.....

Tu as glissé comme une ombre neigeuse sur mes cendres fragiles, et tu t'es suspendue, un temps, à ma folie dérivante.

 

J'étais la poussière et le sable, et tu fus la semence du vent. Et l'éclair.
Et j'étais naufragé, et tu t'es faite île. Et j'étais la soif, et tu t'es faite fruit. Je n'étais qu'une écorce, tu m'as fait arbre.

 

Tu m'as poussée aux frontières des enfers, aux bords de ces abîmes, de ces archipels pourpres. Infatigable. Tu étais cette lande amère offerte aux souvenirs, qu'une aurore veuve et squelettique incendiait chaque jour. Chaque nuit.

 

Et j'étais pauvre, tu m'as donné la démesure, et la sérénité, et le soulagement de l'attente. Et j'étais le chaos, tu m'as appris la grâce, l'élégance du geste qui s'enroule sur l'ombre des heures. Je n'étais qu'un son dissonant, tu m'as montré l'octave, lorsque les notes s'épuisent et se faufilent dans les harmonies immaculées. Je n'étais qu'une écume pauvre en déroute, tu as su la tisser en dentelle de givre.

 

Tu as soufflé sur mes plaies dérisoires, oubliant tes humeurs, tes rumeurs, tes horreurs, tu as soufflé sur mes plaies vaines et frivoles avec la patiente douceur d'une mère attentive, avec cette complicité de sœur câline, et la tendresse d'une femme amoureuse. La tendresse d'une flamme généreuse. Tu fus la chair de mes os, et tes mains, la peau de mes rêves.

 

Et j'étais la poussière et le sable, et tu fus la lumière et l'étoile. Et j'étais misérable, et tu m'as fait sentier, chemin, passage, pèlerin embrasé. J'étais taciturne, tu fus ventre de délivrance d'aube. J'étais un puits sans fond, tu m'as offert la chair de ta margelle, le chant de ta poulie, l’alliance de ta corde.
Je n'étais qu'un désert, tu m'as fait citadelle Je n'étais qu'une friche, tu m'as fait jardinier. Je n'étais qu'un silence tu m'as fait symphonie. Tu m'as offert tes mots pour nourrir ma parole et tes incantations pour guider mes prières. Tu étais cette voix fauve sarclée de ferveur exaltée, incandescente, étincelante. Et tu étais un orage, un tourbillon enluminé d'innocence égarée. Un royaume sans frontière.

 

J'étais la poussière et le sable et ton vent a soufflé pour disperser mes cendres, et je devins nuage poussé par ton absence. Et je devins un ciel de miséricorde traversé de lenteur blanche.
Un rêve de papier débarrassé des marges.

Franck.

6 avril 2008

Dialogue de l'ange et de l'enfant.....

Le texte est le labyrinthe obscur de la voix qui tente de le dire.
Le lieu du combat. Le lieu du serment et des dettes. Le lieu des ébranlements et des chaos.
Entre la voix et le texte il y a toujours une distance. Une résistance définitive. Des temps antagoniques. Des univers
irréductibles. La confrontation des points cardinaux.

La parole est une errance qui n'atteint jamais sa cible.
Et le destin de l'écriture est un voyage sans fin. Traversée des sables ou des mers. Elle est sans chemin. Elle est en pure perte. C'est ce qui la rend invincible

Et parfois le silence forme des îles, des portes dans l’océan infranchissable.

Et parfois, il y a un reste, un surcroît qui déborde du texte. Parfois seulement. Des mots se décrochent et tombent, comme s'ils avaient trompés la vigilance du porteur de voix. Des mots débordés. Comme le coolie qui renverse l'eau du seau dans son transport. C'est l'eau rare. L'eau fertile. L'eau détournée. L'eau qui ne sera jamais bue. L'eau du retour. L'eau évadée. L'eau libre. L'eau qui fait fleurir les talus, celle qui inventera les routes futures. Des mots perdus. Comme de l'eau renversée.

Parfois, il y a un reste, un surcroît qui déborde du texte.
Parfois seulement.
Et c'est la poésie.

Y a-t-il des paroles qui ne soient pas destinées ? Y a-t-il des paroles qui n'aient pas de direction ? Des paroles évadées, débarrassées des illusions, des sortilèges aussi bien que des grâces. Des paroles sans intention. Existe-t-il des paroles assez égarées, assez perdues. Existe-t-il des paroles assez pures pour être assez pauvres ?
Coquelicot dans les chaumes d'un champ de blé.
Parole affranchie de la voix des moissons.

Et la voix se perd dans des paroles jamais assez nues. Toujours impudiques.

Ecrire bien au-delà des marges. Dans la pliure. Dans le givre. Dans le désir dessaisi. Ecrire dans l'affaissement. Le retrait. La défaite. Voilà, la défaite, jusqu'à l'excès, jusqu'à l’étourdissement. C'est sans doute cela la perte. L'excès, la saturation, le vertige, l’ivresse. Dans la voix suspendue ou dans le silence cent fois enduré. Peut-être que la poésie est aussi, cette transpiration de la voix. Cette sudation. Un excès de fatigue sous le soleil.
Le murmure d’un gisant.

Comme un suintement. L'exhalaison d'un soupir.
Le poème c’est ce qui sépare la nostalgie du désespoir.

Il y a du fracas là-dedans, comme un éclat de verre qui retient une part de soleil. Coupure du réel. Et les vérités sortent de cette coupure. Et c'est pour cela quelles sont rouge.

Il n'y a pas de savoir. Uniquement une voix qui erre dans un labyrinthe sombre du texte. Et nulle connaissance ne nous sauve, hormis de pauvres révélations, et ce fragile tremblement, qui ne signifie rien de plus qu'un fragile tremblement. Rouge. Nostalgique et rouge et mélancolique. Et tremblant.

Une parole dans la pliure de l'univers. Une parole d’angle mort. Un puits abandonné dans le désert, et qui s'offre au temps. A la solitude. Et au mystère de la soif et de l'attente.

Aux épousailles de l'oubli et du vent.
Alors seulement commence la parole du ventre, le dialogue de l’ange et de l’enfant.
Franck.

13 avril 2008

Les sillons.....

Avant le texte je ne sais rien. Après le texte je ne sais rien. Le texte est ce passage. Cette traversée des sables. Un long détour. Sans doute n'écrit-on pas pour savoir. Comme si le savoir du texte ne nous appartenait pas, ou qu'il nous était refusé. Y a-t-il un savoir, du reste ? C'est un geste qui nous défait en se déployant. Qui nous compose en s’épuisant.

 

Et toujours ce qui fascine c'est ce qui surgit de la béance, comme le sillon de terre qui fleurit. L'imprévisible du texte. Germination énigmatique, ténébreuse, presque clandestine. On est dans cet effort, ce rassemblement.
Ecrire le texte du texte est une aventure humaine. Absurde, donc essentielle. Vaine, donc indispensable. La forme produit du sens, le laboureur le sait bien, lui qui s'applique à être droit, constant, tenace. Lui qui sait que la droiture du sillon vaut pour la droiture du cœur. Et ainsi, de sillon en sillon, toujours le même, et à chaque fois toujours différent. L'épreuve renouvelée sans cesse. La grâce des saisons. Et la puissance de la récolte tient à ce consentement à l'harmonie de chaque sillon. La perfection du trait.
Le goût du pain commence là. Dans ce trait appliqué. Briser la croûte de la terre pour en faire apparaître la mie. Et chaque sillon est l'histoire d'une vie. Et chaque sillon relie deux mondes, celui des vivants et celui des morts.
Le labour est une aventure humaine. Le geste est rude, chargé de mesure et de précaution. Le geste est puissant dans l'élan, léger dans sa sollicitude, car il ne faut rien briser. Déchirer la lenteur, sans à-coup, sans arrogance.
Car le champ du texte signifie plus que le champ lui-même, il est récolte et pain. Et la forme du champ appelle la veillée, et les ombres, et le silence du repas partagé. Et le pain a la couleur de la terre. Et la terre a la couleur de mes songes bourrelés de désirs. Et elle porte une croissance qui la dépasse et qui l'anoblit.

 

Le champ est beau des moissons qu'il soulèvera. Mémoire de la terre dans les feux de l’été. Et le texte tient debout par un sens qu'il ignore. Le texte brille de ce qui n'est pas dit par ses mots, de ce qui est tu, la part de chant inécrivable, et par le mouvement qui jette les phrases comme des grains un jour de semailles.

 

Et les champs de blé nous émeuvent parce qu'on entend dans leur crissement, l'été, le souffle du laboureur qui a retournée cette terre, qui a cru assez fort à la droiture de ses sillons.
Ce qui nous plait dans le balancement des épis c'est ce mouvement qui rappelle le geste de la main du semeur. Ce qui nous émerveille dans l'or du champ c'est le souvenir de cette terre nue et noire, cette terre hachurée, éraflée, blessée. Ce qui nous saisi dans le texte, c'est la qualité du silence qu'il tisse avec nous. Comme si l'important n'était jamais vu, jamais prononçable. Un peu de terre sous les mots, le silence du laboureur attelé. Des contre temps, dans le temps des saisons. Ce goût de la mort à chaque printemps, et le vol des papillons en deuil.

 

L'hiver des sillons au cœur de l'été. C'est l'autre nom du texte. Le seul nom de l'amour.

 

Et tous les jours recommencer à enfiler le harnais pour tirer. C’est pour cela qu’écrire, n’est pas une activité heureuse, c’est une ouvrage sublime.

 

 

Avant le texte je ne sais rien. Après le texte je ne sais rien. Le texte est ce passage. Cette traversée des sables. Un long détour. Sans doute n'écrit-on pas pour savoir. Comme si le savoir du texte ne nous appartenait pas, ou qu'il nous était refusé. Y a-t-il un savoir, du reste ? C'est un geste qui nous défait en se déployant. Qui nous compose en s’épuisant.

 

Le navire désempare les ports à chaque coup de vent. Il invente la mer, et c'est le sens du voyage. Un autre temps. Les chronologies sont désarticulées. Le texte avance dans le temps de la mer et dans son oscillation, ses remous. Et s'il rêve d'un port, ce n'est qu'un rêve, qu'un prétexte. Sa volonté de navire est de bourlinguer sans fin. Les navires
n'appartiennent pas à la terre. Plutôt ils n'appartiennent pas à « une » terre. Car ils les condensent toutes. Ils sont les plaines, les montagnes, les fleuves, ils sont toute l'histoire de l'humanité, jetés dans un seul mouvement en avant, dans un unique élan ininterrompu. Un navire c'est une galaxie qui dérive et avance. Ainsi le texte qui progresse sur un océan d'ombre.

 

Avant le texte je ne sais rien. Après le texte je ne sais rien. Entre les deux : l'océan. L'océan et le chant des baleines.
Et l'hiver des sillons au cœur de l'été. C'est l'autre nom du texte. Le seul nom de l'amour.
Franck.

 

 

26 avril 2008

Un peu de poussière.....

Il arrive à l'alpiniste d'atteindre le sommet. Dans l'écriture, parfois on fini, jamais on n'atteint.

Poussière et souffle. Rien de plus. Rien de moins. Le pitoyable uni à l'invisible du mouvement. Du négligé sur du négligeable. Du rien sur du rien. Evanescence. Insaisissable élan de l'écriture. Des mots qui s'effritent. Poussière de poussière. Inconstance fragile de toutes nos pensées. Moins que du sable, avec ce souffle qui donne l'illusion de la vie. Fécondation poussive des lèvres de l'écriture, glissement de nos expirations autour de nos restes. De la poussière plein la bouche. De la poussière qui tapisse nos poumons. Nos souvenirs. Nos actes. Nos amours passagères. De la poussière au goût de cendres.

Poussière. Pénurie de matière, de solidité. Insuffisance. Grains légers des mots qui s'envolent et qui se perdent sur les chemins de la langue. Errance, vagabondage de nos mots qui s'égaillent, que l'on aperçoit dans les rayons de lumière dans l'agitation d'une danse fébrile. Eperdue. Profusion de manque suspendu, qui recherche les recoins de l'âme, pour s'entasser dans les déserts de l'existence. Les royaumes de la poussière sont les greniers, les lieux oubliés, en dehors des passages et des vacarmes. Quand elle se rassemble c'est pour quelques poèmes, quand elle se regroupe c'est pour quelques pages, le temps d'une aurore, puis les mots se désagrègent, sans bruit, sans trace. Les mots traversent la terre sans la toucher, simplement en l'effleurant. Caresse triste d'une parole recherchant sa propre densité, son propre poids, son escale, son havre. Un sourire consentant. La paume d'une main ouverte. Poussière. Nuage d'une matière qui n'est rien. Rien. Un simple passage dans l'air du temps. Une promesse à peine audible. Elle contient toute les formes et n'en possède aucune. Elle ne fait que visiter le jour, sans s'accrocher aux heures. Elle recherche son souffle, celui qui l'emportera plus loin. Ailleurs. Et les mots  se dérobent sous leurs propres pas.

Et la poussière se mêle au souffle. Du négligé sur du négligeable. Il y a dans les noces du souffle et de la poussière, quelque chose qui tient du mystère. Le souffle vient apaiser le vulnérable en nous, le douloureux, comme cette mère qui souffle sur la plaie de son enfant pour en effacer le feu, mais le souffle dans son infini métamorphose encourage aussi la flamme de l'âtre pour lui donner la force et le désir de brûler un peu plus, de chauffer un peu mieux, de survivre plus intensément dans une chaleur renouvelée. Le souffle ponctue la fin de nos peurs en appelant des brindilles de paix. Souffle, voix silencieuse de nos mots. L'armature évanescente de notre parole. Il n'est rien, mais il tient tout, comme le vitrail tient la cathédrale. Il se saisit, en la brassant, de la poussière de nos textes, rafraîchissant la langue, inventant des volutes invisibles. Il est la direction de notre errance, le sens de notre persévérance. C'est la source des quatre coins de l'horizon. Il lave, il purifie chacun de nos souvenirs. Il est la première musique, il sera la dernière. Il est le seul langage amoureux, celui d'avant les mots, celui d'avant les mensonges, il est le voile qui habille nos désirs. Il n'est rien, invisible, et pourtant il nous rend à la lumière.

Le souffle se dévoile à nous lorsqu'il passe sur la poussière. Car c'est lui qui révèle le poème. Il en est le sang fugitif.

Il arrive à l'alpiniste d'atteindre le sommet, dans l'écriture, parfois on fini, jamais on n'atteint. Au bout des mots il reste toujours un morceau de rocher inviolé, impraticable. Dans l'écriture le sommet est toujours plus loin, toujours plus haut, toujours ailleurs, c'est la voie mystérieuse de l'écriture, sans doute sa voie divine. On est à un souffle du but.

Car le sommet s'invente au fur et mesure de l'écriture, toujours avec un souffle d'avance, toujours avec un printemps d'avance. Et peut-être que la littérature réside en cela, dans ce souffle qui maquera toujours à notre dernier souffle. Et on s'épuisera jusqu'à l'asphyxie, jusqu'à l'extinction des mots, jusqu'à écroulement de la parole. Jusqu’aux cendres.
A mordre la poussière.
A agrandir l’univers en aggravant la voix.

Et il ne restera que quelques poussières d’or entre la joie et la désespérance.
Et l’oubli dans l’ignorance de l’oubli.

Ecrire possède dans sa paume une flamme un peu noire pour dissimuler nos vanités, pour ne jamais oublier, qu’oublier c’est oublier la fin. Et ce qui sauve le dernier souffle c’est qu’il ne sait pas qu’il est le dernier.

Parfois dans écrire on fini. Jamais on n’atteint.

Franck.

« L'Éternel Dieu forma l'homme de la poussière de la terre, il souffla dans ses narines un souffle de vie et l'homme devint un être vivant. » (

La Genèse

)

27 avril 2008

Du dessaisissement.......

Car l'écriture ne nous appartient pas. Posée ici, elle est vouée à l'errance. C'est une mendiante vêtue de sa seule pauvreté. Elle est bien moins qu'un enfant qui vous quitte. Elle a nul lieu, nulle direction. Elle est à peine un bouchon dans l'océan. Posée ici, elle appartient au hasard. Elle ne reviendra jamais frapper à votre porte. Elle est vouée à l'errance à la recherche d'autres solitudes, jusqu'à la cendre de la cendre.

Le destin du texte c'est la perte, c'est la désolation, c'est la mendicité. Le texte voyage entre deux absences. Un peu comme l'amour. Il erre entre deux solitudes. Un peu comme l'amour. Et le voile qui le couvre, c'est la mort qui rôde. Comme un feu qui s'étouffe par manque de souffle. Par négligence. Par abandon. Le texte posé ici, est le nom même de l'errance, de la perte, du manque sacré. De l'attente souveraine.

Le texte posé ici est un désert qui ressuscite à chaque caravane qui le traverse. Il est passage, franchissement.
Ecoulement sans fin de la fin.

Une fois posé ici, le texte n'a plus de forme, ou alors il les a toutes, il est prêt à suivre n'importe qui, n'importe quelle insuffisance, n'importe quelle bouche. Il a la forme d'un autre, d'un inconnu, d'une absente. Et à chaque rencontre il offre sa gorge, son ventre pour se faire pénétrer d'une solitude nouvelle.

Le texte posé ici se joue des présences. Il vient de l'ombre. Il y retournera. Il tient la mort par les deux bouts. Et pourtant il n'est rien, sinon la forme la plus achevée du vide. Et sa puissance est celle d'un fil de soie tendu entre deux planètes. Et c'est un vagabond entre eux exils. Et il mendie la solitude et le manque, puisque c'est sa seule nourriture. Puisqu'il vient de là, puisqu'il y retournera. De l'eau sur de l'eau. Du temps sur du temps. La désappartenance. Le dessaisissement.

Aux noces du texte il n'y a pas d'invité, ce sont des noces furtives, puisqu'elles sont dérobées au hasard, à la fatalité. Noces de l'absence et du silence. Fêtes de nos désespoirs où l'on consume les chairs brûlées de l'amour, et les visages perdus. Oui, tous ces visages égarés. Nos temps d'affaissement. Le temps du texte arrache les mauvaises herbes de nos vies, pour en faire des bûchers, et souffler sur nos cendres. Nos cendres à venir.

Le texte posé ici, dans son indécence, mêle nos morts successives et nos résurrections. Les miennes, à toute les autres. Frères de mort et de résurrection avec ce texte aux paumes ouverte.

Le texte naît du silence et du malentendu qui l'accompagne. Et c'est de ce clivage, de cette séparation invincible qu'il naît. C'est de cette rupture de silence, de cet échange de silence qu'il naît. Et du malentendu qui l'accompagne. Et c'est pour cela que la voix chancelle un peu. L'oreille de l'œil est sourde au monde, elle ne sait que vibrer, frissonner de sa désappartenance. De son dessaisissement. De sa disgrâce.

Et la voix tremble, comme si toute lumière ne pouvait surgir que de ce malentendu consenti. Que de ce secret tacite, scellé au cœur de la nuit.

Chacun a dans les mains du coeur un morceau du symbole. L'écriveur, et le lecteur. Et si le hasard leur fait rapprocher les deux morceaux qui pèsent sur leur vie, quelque soit la coïncidence, ou quelque soit l'ajustement, il reste toujours une difformité inconciliable. Et c'est là, là dans cet espace impossible à combler, que réside la lumière. Le miracle.

Le texte vit de cette apparente similitude, et il brille de l'impossible. Il brille d'un trou, d'un trou d'inconcilance par où s'échappent la vie et l'espérance dans cette hémorragie de silence.

Franck

3 mai 2008

L'ininspiration.....

Et ce n'est pas l'inspiration qui vient à nous manquer. Elle ne compte pour rien. Ce n'est pas l'inspiration, mais la volonté acharnée de vivre. Un vouloir. Un noir vouloir de vivre encore. Mourir un peu plus loin, un peu plus tard. On écrit toujours dans un après, non par inspiration, mais dans l’extension d’un temps inhabitable. Ecrire commence lorsque les muses sont mortes. Sur l’octave supérieur de l’abîme. Là où le révolu reste encore à vivre. L’accroissement d’un désastre. L’inévitable développement du fini.

Le texte s'obscurcit, non pas lorsque les mots viennent à manquer, mais par renoncement lâche à mon sang. Par concession à l’oubli et à l’ennui. Par ma chair qui capitule, par ma voix qui s’accable. Avec la mort au bout. Lorsque je ne consens pas à brûler assez vite, assez fort. A aimer sans douleur.

C'est le vouloir vivre qui fait écrire. Et le vouloir vivre nous met immanquablement en face du pire de nous-même.

C'est ce pire qui nous fait reculer.

Les mots se refusent à la mort qui en nous s'avance. A la mort avec laquelle on pourrait pactiser. Le texte s'effondre toujours sous le poids de notre indignité. Les mots ne se rendent pas, ils ne capitulent pas, ils s'éloignent de nous en nous écorchant de ne pas avoir été dit. La mort ne les capture jamais vivants. Ils sont libres. La prison est pour nous.

Au moment d'écrire nous sommes un nœud de relations, un nœud de forces dont les plus importantes tentent de nous broyer. La dignité de l'écriture réside dans cette lutte étrange, presque invisible entre nos désirs contradictoires et le brasier du sang. C'est de ce frottement que naît le texte. De cet écrasement vaincu.

Ecrire touche aux confins de l'univers, pour essayer de les dépasser, c'est le geste des dieux, qui tracent un grand cercle de feu dans lequel ils jettent les galaxies dans un grand éclat de rire.

Alors, ce n'est pas l'inspiration qui vient à manquer. C'est notre bras qui tremble. C'est la vie qui reflue en nous. Un continent qui recule, qui s'efface. Une mer vaincue qui ne survit plus aux marées d’équinoxes. Et le soleil peut alors se lever sur la vacuité de nos jours.
Franck.

14 juin 2008

L'angle......

Dans l’angle du jour se trouve le point d’une immense fatigue. Le point de la lumière la plus faible. Quelque chose, là, s’infléchit et se tord. Quelque choses, là, nous revient du fond des âges, comme un œil hagard qui dévisagerait l’insignifiance de nos actes, la faiblesse de nos élans. L’œil hagard de la mort qui nous regarde avec envie. Il existe dans l’angle du jour un point qui nous laisse sans peur, puisque nous y sommes sans force. L’épuisement efface tout du désir, et le temps croupit comme un marais oublié. Il y a dans chaque journée quelque chose qui nous renie, quelque chose qui nous abandonne. Et tout le corps est pris dans cette masse de fatigue, juste dans l’angle du jour.
Dans l’angle du jour se trouve un point d’une immense fatigue. Et c’est une cathédrale. Et c’est un point minuscule, vaste comme l’attente.
Rien, sinon cette immense fatigue, massive, vivante. Ce n’est plus la vie, ce n’est que le deuil, ce deuil inséparable des angles. Et le corps pourrait nous lâcher, là, dans l’instant de cette fatigue immense.
C’est là que l’écriture se niche, dans cette désolation sans nom, dans cet angle.
Au début, il y a cette immense fatigue, puis arrive la solitude, après seulement on se met à écrire. Dans l’angle. Toujours dans l’angle. Là où la nuit chante.
Franck.

22 juin 2008

La marge des miroirs......

Nous écrivons à l’envers des miroirs. Dans l’autre pièce du temps. La pièce vide. Nous écrivons sur des reflets, sur les morceaux éclatés de la lumière, sur l’autre rive des miroirs. Nos histoires ne sont rien, nos vies ne s’écrivent pas… Ce qui s’écrit ne nous appartient plus depuis longtemps. Nous sommes faits de ce que nous n’avons pas vécu. Comme au pochoir. Comme une dentelle qui ne vaut que par les trous. L’essentiel tient dans la marge vide… vide…

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J'irai marcher par-delà les nuages
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