Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité

J'irai marcher par-delà les nuages

29 mai 2005

Une chose insensée...

Hier je finissais de lire un des petits joyaux de littérature. Un livre d’André Dhôtel : Le pays où l’on arrive jamais. Il faut lire Dhôtel, ses livres sont comme des caresses, on les croit légers, anodins et au bout du compte ils laissent une trace argentée au fond de l’âme. Au départ le monde est juste un peu bancal, ils s’aiment, mais tout se détraque, tout est là, mais tout s’éclate aux quatre coins du monde, il faut alors tous les chants des forêts et le galop fou d’un cheval pour tout remettre en ordre. Un rien peu tout défaire, mais un rien peut tout reconstruire pourvu qu’on croit assez fort que l’enfant en nous mérite d’être entendu. Je connais deux personnes, non, deux enfants ; elle s’appelle Angeline et lui Denis. Le Pays où l’on arrive jamais, est leur histoire. Mais c’est la votre aussi, ou la mienne. J’aime le galop des chevaux dans la forêt…

Le livre, c’est une chose insensée quand on y réfléchit, c’est un lieu d’absence, un lieu de vide. Quelqu’un vous parle au creux d’un silence et sa parole vous déchire d’abord, vous arrache par la suite. Vous êtes si loin et pourtant si proche, comme un vertige, vous existez et votre sang s’échappe. Délicieux et effrayant comme un don démesuré qui signerait une perte infinie en retour.
Le livre c’est le lieu de l’attente justement parce que c’est le lieu de l’amour ; brûlure et abandon comme dans un chagrin d’enfant consolé par le baiser de la mère.

Dans la lecture il y a le corps qui lutte et qui échoue, renonce, qui oublie sa condition de matière périssable pour ne laisser que la trace légère d’une lueur. Etrange apesanteur des heures de lecture.

Au début il ne s’agit que de faire advenir le silence : une grande marée de silence qui n’en fini pas de venir mourir sur la longue page de la langue.

Franck.

Publicité
Publicité
28 mai 2005

Tout ira mieux....

Ce matin, je voulais faire quelques messages personnels. Et tout d’abord à mes quelques lectrices fidèles, généreuses, indulgentes. Je pense en particulier à Chris, Coumarine, et Cacahuète, Sandra. Je sais que mes deux derniers textes ont pu les dérouter, moi-même j’ai vécu ses journées d’écriture de façon troublante. A certains moments, pénible. Je me suis posé beaucoup de questions, sur moi, sur l’écriture, sur moi et l’écriture, sur qu’est-ce que l’on écrit, pourquoi on l’écrit, sommes-nous ce que l’on écrit, de quelle manière le sommes-nous, qu’est-ce que la littérature. Quelle est la bonne distance par rapport à ce que l’on écrit, quelle est la part du jeu (je), de la complaisance etc…. je n’ai bien sûr pas de réponse. On a rarement les réponses.

Il me reste de mes cours d’astrologie, quelques cassettes de conférences sur des sujets variés, de temps à autre je les réécoute histoire d’entretenir ma pratique. Ces conférences sont bâties toujours sur le même modèle : une histoire, un conte, un mythe qui servira d’exemple à une configuration astrologique particulière. L’autre jour je me laissais bercer par la voix du conférencier ; le sujet : le complexe de Messaline. Une histoire de dissonance entre la Lune, pluton et Saturne, bref, là n’est pas le propos. Pendant que j’écoutais j’ai senti monter en moi une sorte de compassion envers ce personnage. La vie, la mort, et le sexe. Je ne sais pas si mon écoute fut très objective. A la fin je trouvais Messaline émouvante, touchante. J’aurais aimé la serrer très fort dans mes bras. J’aurais voulu essuyer ses larmes (parce que je ne doutais pas qu’elle pleur). Alors j’ai voulu écrire quelque chose là-dessus. Tenter d’exprimer des sentiments contradictoires, dire la violence et dire le désespoir. Et puis m’est revenu une réplique de la Condition Humaine de Malraux, je la mets ici, c’est Tchen, un terroriste qui parle : " - Je cherche un mot plus fort que joie. Il n’y a pas de mot. Même en chinois. Un apaisement total. Une sorte de… comment dites-vous ? de… je ne sais pas. Il n’y a qu’une chose qui soit encore plus profonde. Plus loin de l’homme, plus près de… Tu connais l’opium ?

  • Guère.

– Alors je peux mal t’expliquer. Plus près de ce que vous appelez…extase. Oui. Mais épais. Profond . Pas léger. Une extase vers… vers le bas. "

L’extase vers le bas. C’est ça qui m’est revenu. C’est ça que j’ai voulu dire. L’extase vers le bas. Quand j’écouter cette conférence sur Messaline, c’est ça que j’entendais : l’extase vers le bas. Ces mots me parlaient.

Alors j’ai écris Messaline.

Et puis il y a l’ironie du sort. Hier j’ai eu brusquement cinq fois plus de visites que d’habitude. Pas quelque unes en plus. Non. Cinq fois plus !

Alors vous comprendrez pourquoi ce monde m’épuise, pourquoi mes congénères me déçoivent souvent. Pourquoi j’aime mes rêves, mon ciel, mes nuages, les fleurs de mes jardins improbables.

Autre ironie, dans mes visiteurs d’hier, un inconnu ne semblait pas intéressé par Messaline. Il a interrogé beaucoup de textes. Il est parti, il est revenu. Sur Google il avait questionné : " Lettre d’amour ". Et il est tombé sur moi. C’est donc à lui que vais m’adresser maintenant. Je veux qu’il sache tout d’abord que je ne lui en veux absolument pas de s’inspirer ou vouloir utiliser une partie de mes textes. Au contraire, je trouve cela plutôt flatteur et la cause me paraît noble. Si mes mots peuvent servir ses desseins amoureux, tant mieux. S’ils servent à faire briller les yeux et battre le cœur d’une jeune fille quelle belle destiné ! Pourtant je dois lui dire qu’il faut se méfier des artifices.

Tu te sens démuni, les mots ne viennent pas, où ceux qui viennent ne sont pas à la hauteur de ce que tu veux signifier, ce n’est pas grave. Ferme les yeux, respire profondément, appelle le parfum de celle que tu aimes, fais monter dans ton sang son image, ses yeux, sa bouche, les courbes de son corps, le grain de sa peau, imagine-la marcher dans le soleil, ou courir, ou sourire, prends ton temps ne soit pas pressé, et dis simplement ce que tu vois. Dis la lumière, dis les battements de ton cœur qui s’accélère, dis-le avec tes mots. Tes mots à toi. Ne les crois pas pauvres, si ton amour est sincère elle en verra toute la richesse. Enlève tout de toi, soit nu. Soit comme l’enfant, nu, pur, entier et je te promets que les mots qui vont venir seront les bons.

Et si par le plus grand des hasards les mots ne venaient pas, part, va dans la campagne, dans les champs, cueille des brassées de fleurs ébouriffées, cueille des brassées d’herbes folles, cherches quelques trèfles à quatre feuilles, ou quelques fraises des bois.

Et si la campagne est trop loin, tends-lui simplement tes mains comme si tu voulais recueillir la pluie d’un bel orage, des mains grandes ouvertes et accueillantes, des mains larges et généreuses. Charge ton silence comme si tu chargeais un navire et avance vers elle comme si tu jetais un pont entre deux étoiles.

Tu vois ce n’est pas difficile. Ne crains pas d’être fragile, soit seulement à la bonne hauteur de ton amour, dans la juste place de ton cœur et du sien, et tu verras tout ira bien. Tout ira mieux.

Franck

27 mai 2005

Messaline.... (Fin)

(Suite)….

Maintenant je recevais ce flot de vulgarités avec lassitude et trouble, écartelée entre la révolte et la honte. Une honte, issue de sensations encore inconnues, qui me serrait le cœur en le faisant battre plus intensément, j’aurais pu y reconnaître une autre forme du désir qui provenait de l’intérieur de mon corps, un désir mystérieux, trouble qui me brûlait le sexe et l’âme. Plus rien de la raison n’affleurait à ma conscience, je n’étais qu’un corps, je ne voulais être que ce corps douloureusement habité d’un appétit impérieux et brutal. Jusqu’à mon sexe qui se contractait en cadence, au rythme des ondulations qui berçait mon ventre. Mon sexe respirait et se laissait gagner par une marée terrifiante qui l’inondait en vagues successives, toujours un peu plus loin, toujours un peu plus profond.
Rejetée hors du temps des hommes je n’étais rien ; plus rien, seulement un corps, une écorce. Un corps prêt à tout, même à la jouissance.

Quelque chose qui me parcourait tout le corps et me faisait frissonner. Ma bouche était restée entrouverte et laisser passer de petits râles ténus, à peine audibles, parfois le bout de ma langue sortait pour humidifier mes lèvres et ma tête roulait lentement de gauche à droite accompagnant les vagues divines qui me creusaient le ventre et gonflaient ma poitrine. Je m’abandonnais à ce bercement surnaturel qui peu à peu m’engloutissait. Tout en moi était pris par une houle venue des profondeurs de mon être, une houle qui à tout moment pouvait me submerger. Mon bassin s’était mis lui aussi à danser souplement, flottant avec une douce mollesse. Mon sexe maintenant allait à la rencontre des doigts et de la main qui le possédait. Je me sentais m’ouvrir de plus en plus, je devinais la moiteur qui m’inondait. A chaque fois que les doigts s’enfonçaient en moi ils allumaient une source vive, débordante. Je mouillais. Le soldat, lui, glissait dans ce bain de cyprine et se laissait griser par les senteurs poivrées qui s’exhalaient de ce sexe apprivoisé. Le mien. Je ne comprenais plus rien de ce qui se passait, à la fois j’avais honte et envie de cette honte, comme si la honte elle-même me préparait au plaisir : comme si cette honte était le plaisir lui-même. Je ne désirais rien d’autre que ma jouissance à venir, mon salaire de néant et de mort, l’obole à Charon pour un dernier passage.

Alors une vague sortie des profondeurs de terre me dévasta. Mon corps se cabrait sous l’orgasme qui déferlait ; je hoquetais cherchant l’air, mon visage se métamorphosait, la jouissance transfigurait mes traits, ma figure se tordait sous l’extase et il n’était plus possible de savoir si j’exprimais la douleur ou la joie. Mes mains s’étaient saisies du membre qui me possédait et le poussait au plus loin de moi-même, tout en serrant les cuisses qui furent prises d’un étrange tremblement.
La bouche grande ouverte, je laissais échapper un long râle voluptueux ; et quand la vague s’écrasa sur la grève dans un jaillissement somptueux, je crus sombrer délicieusement dans ces eaux primordiales qui éclaboussaient tout mon être. Alors je pus m’abandonner à l’ivresse magique d’un instant éternel...

J’étais pleine à nouveau. Un autre soldat, un autre inconnu. Je ne sais plus. Je n’étais plus qu’un sexe que le membre de l’homme remplissait complètement. Maintenant… seulement maintenant, je désirais l’éternité…Que tout continue irrémédiablement. Vivre une éternité dans cette flamboyance surnaturelle. Je me consumais d’une joie démesurée, singulière et terrifiante : extase sublime et vertigineuse qui entraînait tout mon être dans un abîme sans fond, un océan constellé de nébuleuses tournoyantes et féeriques.

L’air me manquait, je suffoquais, j’ai cru être emportée dans une sorte d’ouragan dévastateur, soudain grisée comme on peut l’être quand le vent fouette votre corps et que l’on craint qu’une chose, c’est de décoller et de se perdre dans les nues. Des rafales secouaient mon corps, et puis… C’est venu : je suis partie droit dans le ciel, comme un trait de lumière. J’aspirais une dernière bouffée d’air dans un cri que je ravalais, tous mes muscles se crispèrent, mon buste se redressa tendu par un spasme. Haletante, j’ai resserré mes cuisses emprisonnant ce sexe d’homme, puis je me suis relâchée. Au bout d’un long moment j’ai à nouveau ressentis la nuit sur ma peau… l’espace d’une seconde, je crois que je fus heureuse.
J’avais l’impression d’avoir le corps traversé par des éclairs lumineux. J’étais par-delà la vie, au-delà des mots dans un lieu où rien ne pouvait plus m’atteindre… alors, il me sembla toucher à ce moment précis, quelque chose de fondamental, d’essentiel, quelque chose de définitif… Peu a peu j’allais au bout de l’extase par une pente vertigineuse, rebondissant d’orgasme en orgasme de plus en plus foudroyants, de plus en plus profonds. Ce plaisir inouï qui m’irradiait, m’entraînait vers des régions inconnues. Je me sentais en marche d’un voyage ineffable, jalonné de plaisirs douloureux mais infiniment nécessaires. L’enfer.

Quand il répandit son sperme dans mes entrailles je crus m’évanouir.
Il me semblait en avoir partout du sperme, jusque dans ma mémoire.
Je me suis mise à crier d’une joie désemparée les poings crispés sur ma jouissance.

Le temps n’avait plus d’épaisseur. Je n’attendais rien, pas même la lumière du jour. J’étais là, simplement là, coincée dans l’instant, dans une succession d’instants. Je ne pouvais plus m’imaginer ailleurs que là. Tout se résumait à ce lieu sordide, à cette nuit interminable et à mon corps nu, prêt à être possédé par quiconque le voudrait…

Comme un automate, un pantin délicat, je m’enfonçais dans ce qui restait de nuit. Ma silhouette livide et fragile s’engouffrait dans l’ombre encore souveraine. Malgré l’aube montante le chemin descendait encore vers l’obscurité, vers les ténèbres irréductibles d’un chaos primordial, l’ombre inanimée d’avant la vie.

Et puis les larmes irrépressibles... je les sentais venir du plus profond de mes tripes. Quelque chose en moi pleurait. Je trébuchais une fois de plus dans mon vertige, je tombais, crucifiée dans un néant absolu.

Voilà….."

………….

Il faut imaginer cette étrange apparition d’une blancheur insolite, on aurait pu croire à quelques tristes madones, ou quelques sorcières revenant d’un primitif sabbat.

Je crois que c’est à ce moment là qu’elle eut froid, jusque dans ses os.

Au-delà de la souffrance il y a un autre pays. Etrange. Ce n’est ni la vie, ni la mort, ni rien de ce que l’on connaît. Un beau jour on s’y retrouve exilé, pauvre et désarmé, seul, incertain, orphelin de sa propre âme, orphelin et pourtant survivant d’un cataclysme. Ni vivant, ni mort : désespéré seulement.

J’ai toujours aimé les âmes brûlées, ces astres de cristal, parce qu’elles nous parlent de nous, de nos déserts, de nos fleurs noircies, de ces lieux étranges qui le plus souvent nous effraient. Les âmes brûlées ne sont plus encombrées, elles sont dévastées soit par le bien, soit par le mal, mais dévastées.
Imaginons un grand champ de blé écrasé de soleil et dans les chaumes calcinés quelques coquelicots, chacun a un nom : Antigone, Médée, Marie Madeleine, Nerval, Rimbaud, Corbière, Artaud, Emily Dickinson, Thérèse Neumann, Le Curé d’Ars, Van Gogh, Modigliani, Chopin, Camille Claudel, T.E.Lawrance, Philippe Léotard, Romy Schneider…. à chaque fleur, un nom et à chaque nom, une marche de plus sur l’escalier du ciel.

Franck.

26 mai 2005

Messaline..... (1)

J’ai toujours aimé les âmes brûlées. Sans doute parce qu’elles interrogent la vie avec véhémence et qu’elles touchent aux extrêmes du bien ou du mal. Parfois il est important d’aller brûler ses mots dans ces contrées obscures et d’affronter les eaux opaques qui gisent en nous. Dans ce qui suivra, tout n’est pas beau, tout n’est pas bon, mais il était important d’explorer des chairs incendiées, notre mémoire, et nos dragons. Et puis je me dis, si la beauté existe, il faut la traquer dans les endroits les plus sombres. La vérité, la pureté ne se nourrit pas que de beaux sentiments. Si je veux être vrai, il faut que j’aille user mes mots dans une parole inconnue, en accepter le trouble, l’ambiguïté ; bref, être sur le fil.

Messaline, je m’appelle Messaline. Je me souviens de mes premières escapades solitaires, la nuit. Toujours la nuit. Seule, toujours seule.

…Après mes ablutions, rapidement je me préparait : un peu de parfum, de poudre sur les joues, du rouge à lèvres, un coup de peigne…Avant quand je me remaquillais c’était pour être belle, pour séduire comme une douce ingénue prête à capturer un regard, un sourire, une reconnaissance, c’était de la coquetterie innocente, un jeu candide où le masque embelli la fête où la parure révèle plus une élégance qu’un aveu…

Ces jours là, il n’était plus question de parure, mais d’un grimage, d’une peinture de combat destinée à masquer la grimace qui gisait tout au fond de moi. J’enfilais une toge blanche telle une armure de soie, légère comme un péché mortel.

Et c’était le moment, d’entrer dans l’arène…

Une femelle, qui n’a rien à voir avec une femme, n’existe que par son sexe, et elle ne veut rien d’autre que le mâle, le rut, et par-dessus tout, la jouissance, cet effondrement des mondes dans lequel le corps et l’âme bouillonnent ensembles, l’instant suprême où l’on est plus rien à force d’être tout.

Petite j’avais une peur panique des serpents, cela ne m’empêchais pas de les rechercher dans trous des remparts de la ville, c’était de la fascination : on a peur, mais on ne s’appartient plus tout à fait. Il y a un vide qu’il faut combler. Fatalement combler. On sait que dans la chute on perdra quelque chose, mais on ne sais pas quoi, et l’on s’en fout d’ailleurs.

On croit que le désir, parce qu’il est une promesse de bonheur à un goût sucré : non, le désir, ça fait mal, c’est d’abord un arrachement du cœur. La volupté, c’est autre chose, elle vient après, pour faire la danse des sept voiles autour d’une dépouille pantelante. Vous comprenez, la volupté c’est les deniers de Judas. Il n’y a pas de volupté sans culpabilité et pas de culpabilité sans châtiment. Dans mon bain de lait et de roses en me caressant les seins, l’entrejambe, les reins bien cambrés, prenant à pleines mains mes fesses et les triturant jusqu’à la douleur, ce n’était pas le bonheur, non…non, loin de là ; je le faisais parce qu’il fallait que je le fasse, parce que mon corps le réclamait, je le faisais et puis c’est tout !

….L’au-delà du plaisir c’est une malédiction…

Je crois que chaque femme, quelle le veuille ou non, connaît assez son corps pour l’utiliser ; elle sait d’instinct l’impression qu’il donne, après c’est une question de nuance ou de talent. C’est vrai, que parfois, la frontière est mince entre la sensualité, l’érotisme et la pornographie. L’érotisme c’est sans doute davantage la promesse ; une femme joue sur le désir de l’autre, de l’homme. Dans la pornographie c’est le besoin qui demande d’être satisfait. L’érotisme met en jeu l’imaginaire des deux, dans la pornographie il n’est plus question d’imaginaire, mais de réel, rien n’est promis : tout est là, donné. Ce n’est plus de la nudité c’est un ventre béant, écorché. Chaque femme le sait, même la plus sage. L’érotisme se situe dans le désir de l’autre ; dans la pornographie l’autre et son désir sont niés, définitivement niés ; en fait anéantis. Au bout de l’érotisme l’amour peut surnager, au bout de la pornographie c’est le masque froid de la mort que l’on voit.

Quant à moi, depuis longtemps j’avais glissé de l’autre coté du miroir ; Janus à deux faces l’une avenante et douce, l’autre carnassière et avide de plaisir, j’aimais être prise, là, dans l’urgence, sans préparation, dans une étreinte brutale, cruelle, déchirante.

Déjà je n’étais plus moi, mais cette autre, avide, assoiffée de sexe, prête à toutes les déchéances, pourvue qu’elles fassent mal, prête à sentir l’inexorable vertige d’une chute sans fin. Une dégringolade vers les ténèbres brûlantes.

Je savais où je voulais en venir…Non, je savais où je voulais aller…

Et je savais que j’irai au bout de ma débauche et que j’en jouirai, je savais, aussi, qu’il y aurait d’autres débauches, que tout ceci serait sans fin. J’étais morte une fois, il ne me restait plus que l’éternité. Seule. Irrémédiablement seule.

Quand l’amour unit deux êtres, deux corps, chacun s’augmente de l’autre, mais quand il n’y a pas d’amour, quand c’est uniquement le sexe, la baise…ça se soustrait, chacun perds quelque chose en route… c’est l’autre que l’on perd, l’autre qui est en soi qui disparaît…c’est pour ça…la solitude…Baiser c’est jamais neutre…

Ce soldat avait de l’appétit, moi j’avait faim.

Cette bouche inconnue se mit à m’embrasser. Langue. Salive. Parodie d’amour. Abdication irréparable. Soupirs. Chocs de dents. Morsures. Sucions. Les mondes se renversent.  " Vas-y Messaline, donne tout ce que tu as, donnes tout se qui te reste : ta bouche, ton sexe béant, ta sève d’amour, ce jus de corps assoiffé, donnes toi, qu’il te bouffe, te lèche, qu’il te tète les seins et tout ce qu’il peut téter, jusqu’à ton sang, jusqu’à plus soif, jusqu’à plus rien. Qu’il tête ta vie jusqu’au dernier soupir, jusqu’au dernier sanglot, même ton âme est une mamelle pantelante : alors, suce soldat ! Téte-moi l’âme cette fumure d’enfer et qu’on en finisse ! "

Une main gaillarde cherchait à passer sous mes fesses, elle aussi voulait son trou. " Prends-le, mon cul ! Tu as raison il est fait pour ça, pour les bites, les doigts ; fouille partout, je suis à toi comme une damnée est à Satan avec le même désespoir et le même entêtement. Je suis une laborieuse de la baise, mieux, une consciencieuse ; ce qu’il y a de bien dans la baise c’est qu’il n’y a pas besoin d’esthétisme, on va droit à l’essentiel. Tu veux mon cul ? Prends-le ! De toute éternité il t’attend. Ne tournes pas autour, ne finasses pas ; enfonces ! Bourres !Non, ça fait pas mal, si tu savais où j’ai mal en ce moment tu irais te pendre à crochet de boucherie. Aller, enfonces-le ton putain de doigt. Dommage qu’il ne soit pas plus long, hein ? Oui quel dommage ! Si tu pouvais y mettre le bras tu le ferais, salopard ! Tu pourrais y mettre la tête, pendant que tu y es ! Et je te garderais dans mes boyaux pour aller te chier, plus tard sur la décharge monstrueuse des siècles passés et en même temps je pisserais des flots de larmes, celles qui n’ont jamais été versées : les caniveaux du ciel en sont pleins ! Il est bon mon cul, hein ? Profites-en ! Si je cris ce n’est pas important, ne t’arrêtes pas. Chaque déchirure m’est douce…si douce… "
Je flambais. Ces débordements de corps, de salives, de sueurs, ces palpations, ces pénétrations, m’emportaient autant que l’ivresse. Je ne contrôlais plus rien. Le vent soufflait dans ma tête. Je résistais, pourtant ; mais ma volonté me désertait comme un lent vol d’oiseau dans un ciel solide, lourd, consistant, plombé ; je vivais dans l’épaisseur ralentie d’un rêve dont on ne se réveille pas. Ecartelée, livrée, fendue, trouée par un soldat insatiable et stupéfait. Et je le voulais…de toutes mes forces…oh oui, je le voulais ! …

………………

Je mettrais la suite demain, enfin je l’espère. Il faut que je finisse de l’écrire. Il y à quelque chose d’éprouvant à écrire cela, d’éprouvant et de troublant. Gênant. Bon, j’ai commencé, il faut que je finisse.

Franck

25 mai 2005

Lettre ouverte à l'amoureux...

Je me souviens,une nouvelle fois, de cette petite phrase de C. Bobin :" " Reste près de moi ", dit le mauvais amour. " Va, dit le bon amour, va, va, va : c’est par fidélité à la source que le ruisseau s’en éloigne et passe en rivière, en fleuve, en océan, en sel, en bleu, en chant. " "

C’est pour cela qu’il fallait que je parle à l’amoureux. Par fidélité à la source. Par amour du chant. Maintenant c’est lui qu’elle aime. C’est sans doute mieux ainsi. Mais je devais lui dire, à lui, tous mes mots en désordre, pour retrouver mon chant, ma source.

Alors Voilà ce que je lui ai dit……

" On ne se connaît pas encore, sinon virtuellement. Et mon message pourra te sembler incongru (je choisis le tutoiement, c’est un peu moins formaliste, mais cela crée une sorte proximité). Mais je me disais qu’il était temps qu’on se parle. C’est surtout son texte de ce matin qui m’a décidé. Tu remarqueras que je ne mets pas d’accent sur Angeline, parce qu’en fait, il y en a deux Angeline, une avec accent et une sans accent. Moi j’ai choisi sans accent, c’est la plus belle, la plus pure, la plus bleu. C’est la vivante. Enfin, je crois.

Nous ne nous connaissons pas et je dois te dire avant de commencer que tu n’as rien à craindre de moi. Je sais que tu le sais, mais c’est mieux en le disant. On s’aime tous les deux avec Angeline, mais pas du même amour que le vôtre. Il faut te dire que nous nous sommes rencontrés il a seulement quelques mois (déjà…). Mais l’on se connaît depuis des siècles, on vient du même ciel, des mêmes mots. Bien sûr, on ne se ressemble pas, ni nos âges, ni nos mots, pourtant on est du même endroit du temps et de l’espace, c’est pour cela qu’on s’aime. Par fraternité, par nécessité, par évidence.

Mais tout cela tu le sais déjà, elle a du te l’expliquer, et puis tu la connais bien, toi aussi. Tu sais qui elle est, et d’où elle vient. Peut-être que toi aussi tu viens du même pays que le nôtre. Ca ne m’étonnerait pas. Ca serait bien. On se sentirait moins seuls. Moins mort.

Tu comprends, j’ai vu ses premiers pas dans votre amour, et surtout j’ai vu comment un miracle arrive, comment la lumière jaillie, j’ai tenté, parfois maladroitement, de l’accompagner, mais tu sais avec seulement des mots, c’est difficile. Les mots souvent se tirent la langue, ils jouent entre eux et jettent des voiles sur nos intentions. Oui, j’ai vu ses premiers pas de lumière, alors c’est important que je te le dise.

Ce qu’il faut que je te dise c’est : protège-la. Tu vois, quand je lis son texte de ce matin, je sais qu’il faut que tu la protège. Je sais qu’elle ne va pas aimer ce que je dis, mais bon, tant pis. Protège-la. Mais attention, pas n’importe comment. Tu la connais, c’est une vraie liberté cette Angeline. Il ne s’agit pas de l’empêcher de dire, de parler, d’écrire, il ne s’agit pas de la mettre sous verre, elle ne supporterait pas, il ne s’agit pas de l’empêcher de se confronter à la laideur du monde, de fréquenter les morts, de la mettre à l’abri, non rien de tout ça. Tu comprends, tout le monde veut lui faire des enfants, avec des idées maron, avec des yeux maron. Alors il faut que tu la protèges. Je sais, elle n’a besoin de personne, elle est forte, elle sait se défendre, mais bon y’en à marre de toutes ses salissures. Y’a des jours, où y’en à marre. Tu comprends, sa peau, son ventre, son sexe, l’intérieur de son ventre c’est à elle. Et elle, elle te donne tout ça, alors c’est un peu a toi maintenant. C’est votre lumière à tous les deux.

Pour se défendre, elle n’a besoin de personne, parce qu’elle est forte, c’est une guerrière, elle est forte, mais fragile, comme toutes les personnes essentielles, comme toutes les personnes incroyables. Je sais que tu sais qu’elle est exceptionnelle, mais elle est fragile. Parce qu’elle rare. Alors il faut que tu la protège. Tu sais, ça sera simple et incroyablement difficile à la fois. Ca sera ton œuvre la plus compliquée, la plus dure, la plus dangereuse, la plus urgente, la plus quotidienne. Oui, cela sera compliqué, parce qu’on apprend pas cela dans nos éducations, alors il te faudra tout inventer, les mots, les gestes, les silences, les matins, les saisons, tout quoi. Je sais que tu as toutes les qualités, et en particulier celles du cœurs, - ce sont les plus importantes -, mais il va falloir te surpasser. Parce que la protéger ce n’est pas l’empêcher, c’est l’augmenter, c’est élargir encore plus son âme, c’est embellir chacun de ses jours, c’est embrasser ses blessures, c’est parfois même les aimer, ses blessures. Pour la protéger, il te suffira de l’aimer. Tu vois, c’est simple. Et tu vois comment c’est compliqué.

Il faut que tu l’aime, que tu lui dises à chaque instant, ton amour. Il faut que tu la nourrice de ton amour, tu sais bien qu’elle ne se nourrit que de ça. Vous êtes les enfants du miracle, alors il faut que tu sois à la hauteur. Je ne dis pas ça pour te mettre la pression. Je te le dis parce que je sais que tu peux l’entendre. Tu comprends, jusqu’à présent tu as vécu dans l’inconscience du monde, aujourd’hui tu es rentré dans le feu du monde. Alors il faut que tu la protéges. Et pour cela il faut que ton amour brûle comme un soleil. Je sais c’est une image un peu banale, mais parfois j’ai du mal à trouvé les mots à la hauteur. Soleil, c’est banal, mais ça représente bien la chose.

Tu sais qu’elle va m’en vouloir de te dire tout ça, peut-être que toi aussi, tu ne vas pas apprécier mon intervention. Mais qu’importe. Tu dois la protéger. N’essaye pas de la saisir, laisse la plutôt aller libre dans les eaux qui l’appellent, même si ces eaux te paraissent glauques, laisse là ; mais aime-là, elle n’a besoin que de ça. Un amour brûlant, comme une éternité.

Voilà ce que je voulais te dire. Je me doute que tu n’avais pas besoin de moi pour le savoir, mais c’était aussi une occasion de faire connaissance.

Vous êtes, tous les deux, les enfants du miracle et vos enfants seront des révélations de miséricorde. De la lumière sur de la lumière.

Pardonne cette intrusion.

Franck."

Publicité
Publicité
24 mai 2005

Biographie farfelue.....

Il y a quelques année j’avais commencé un travail sur Malraux. Sans doute était-il trop ambitieux pour moi, il ne fut jamais terminé. J’avais dans l’idée de montrer comment les mythes existe en nous, comment il s’exprime à travers nos vie, nos actes et nos créations souvent à notre insu. J’avais lu Malraux, et j’avais aimé, et souvent j’étais frappé par la difficulté des commentateurs, des biographes à rendre compte d’une existence. En ce qui concerne Malraux, cet homme innombrable, la tache était encore plus difficile, chaque spécialiste se sentait obligé de découper l’homme et l’oeuvre comme un saucisson. Je n’ai jamais lu ou entendu quelque chose sur Malraux qui rende compte de l’unité de l’homme et de l’œuvre, aucun lien, aucune trajectoire, aucune unité. La facilité consiste donc à découper : le politique, le romancier, l’amateur d’art, le ministre, le dandy, l’inspiré etc….

Comment rendre compte d’une existence, comment en trouver l’âme. Sommes-nous une chronologie, est-ce plutôt que nos vies convergent, ou alors, rayonnent-elle, ou les trois à la fois ? Qui sommes-nous, nos actes, nos pensées, nos rêves, nos secrets ? Sommes-nous plus dans nos paroles ? Ou est-ce que ce sont nos silences qui nous révèle le plus ? Est-ce nos amours, ou nos détestations ?

C’est quoi mon centre ? C’est quoi mon lieu ? C’est quoi ma maison de vie ? C’est quoi ma maison de mort ?

Je voulais montrer en prenant Malraux comme exemple une façon de trouver une unité, un sens à une vie.
Je ne vais pas décrire ici tout le détail. Je l’ai dis, je m’intéresse à l’astrologie, donc aussi aux mythes. J’en parle de temps à autre ici, des mythes. Et je ne suis pas sûr que ce soit les textes qui plaisent le plus.

Je suis parti du thème astrologique de Malraux. Les éléments dominants du thème : le Scorpion (son signe de naissance), le Bélier, (son signe ascendant), Uranus (sa planète dominante) le Sagittaire (qui accueille trois planètes) m’ont désigné les mythes qui correspondent. Bien sur j’ai choisi parfois entre certains. Le Scorpion m’a donne le mythe d’Orphée, Le Bélier celui de Jason, Uranus celui de Prométhée et le Sagittaire celui de du Centaure Chiron.

La deuxième étape consistait à aller repérer dans la vie et dans l’œuvre la présence de ces mythes. Avec un artiste c’est toujours plus facile.

Enfin il restait à monter comment ces mythes s’articulaient entre eux.
Jason : La Voie Royale, Les Conquérants
Prométhée : La Condition Humaine, l’Espoir
Orphée : La Métamorphoses des dieux, Lazare, les Antimémoires
Chiron : L’homme précaire.

Il serait trop long ici de développer. Mais croyez-moi j’ai fait des découvertes saisissantes. Et au bout du compte tout s’articulait à merveille. Jusqu’au ciel de sa morts qui semblait répondre à sa vie.

Cette expérience c’est arrêtée en route. Des événements dans mon existence m’ont empêchés de mener à son terme cette étude. Depuis je n’ai jamais pu m’y remettre, elle reste là en jachère… Bref.

Il ne me reste qu’une chose : un petit portrait de Malraux. Quelques lignes. Inconvenantes, iconoclastes. Et si ce Malraux était plus vrai que des tonnes de biographie….

Il était une fois
un petit enfant qui marchait lentement au cœur d’une forêt trop sombre les yeux écarquillés sur l’ écran noir de la nuit.
Il était une fois un petit enfant qui pour oublier sa peur semblait psalmodier de mystérieuses incantations.
Il ne chantait pas,
il parlait seulement.
Il parlait aux arbres, aux bêtes tapis dans l’obscurité,
il parlait aux ténèbres.
Il parlait et tout semblait se transformer autour de lui.
La nuit se faisait moins menaçante.
Une lumière de lune nimbait sa frêle silhouette, une lumière qui vibrait au seul son de sa voix.
Il était une fois un petit enfant dont les mots fascinaient les monstres autant que la peur elle-même.
Il était une fois un petit enfant qui parla, qui parla et ne s’arrêta plus. Son chant sortait d’une sombre forêt, il semblait lire les mystères et décrypter les cieux, il parlait de la mort, il parlait à la mort et d’un pays encore plus loin que la mort.

Franck.

23 mai 2005

...cette foule en cortège....

Sauvage mendiant d’une obole misérable

J’ai vu sur mes pleurs marécageuses
S’épanouir la candeur irisée
D’un bouquet de laurier rose en fleur.

J’ai vu flamboyer des anges sur des comptoirs obscurs,
Des saintes éclairées par des flambeaux mystiques
Aux corps impudiques, à l’âme immaculée
Frissonnantes sous le givre des jours,
Brûlantes d’un sang de martyr ou d’esclave craintive.

…Et enfin, pris dans la langueur voluptueuse
d’une douce épouvante j’ai rejoint la sinistre féerie ;
cette foule en cortège, engourdie dans des guenilles déshéritées
qui traîne sa maigre frayeur aux seuils frileux des cimetières.

Franck

22 mai 2005

"...en rivière, en fleuve, en océan, en sel, en chant."

Tu es amoureuse. Tu es amoureuse et c’est ça qui est important. Rien d’autre ne doit exister. Concentre- toi sur ton amour. Soit injuste, soit égoïste, soit autiste, ces moments du début sont les plus beaux. Ces moments où l’attente brûle le sang, où la peur a le goût des fruits les plus juteux sont les plus intenses, les plus merveilleux. Laisse-toi aller à cet effondrement, à ce cataclysme, abandonne ta chair, quitte ta maison, brûle-là s’il le faut, laisse entrer la lumière, soit folle, ris aux éclats et pleure avec délice, cours à moitié nue pour attiser le soleil, chante à tue-tête, fais claquer les portes, fais de grands incendies avec tes nuits de douleurs, oublie tout, même ton nom, soit dévastée, soit amoureuse…..

Je porte à la boutonnière du cœur
Ce long lys immaculé
Calice providentiel
Où désormais se nichent tes silences
Assez vaste pour y bercer ton indifférence

Oui, parle, cri, hurle, chante, prie, aussi fort, aussi clair que tu le veux, aussi clair que ton cœur le réclame. Sois libre de dire tous les mots qui traversent ton âme et tes jours. Cueille cet amour qui est devant ta porte, car il t’est destiné. Il t’appartient. Il est à toi seule. Aime d’un amour d’étoile. C’est bien, aussi, un amour d’étoile.

Je suis cette mare sombre
A l’immobile apparence
Sur mon œil lisse
Pénètre les reflets tremblants
Des lumières de la ville
Des lumières de la vie.

Toi qui marche dans la nuit depuis si longtemps, toi qui à connu la peur, la vie foudroyée, toi qui as connu la vie comme un étang noir d’eau croupie, qui t’es arraché le cœur et qui à abandonné son sang dans tous les cimetières, et bien, commence à marcher dans cette lumière éclatante.

Dans mon ventre grouille
Des scorpions aquatiques
Qui glissent entre
Mes rêves filandreux.

Qui pouvait réinventer l’amour, sinon toi ?
Tu conçois l’amour comme un enfant qui le découvre. Chaque mot est neuf, parce qu’il est pur et qu’il n’a jamais était prononcé. Tu es belle quand tu dis l’amour. Quand tu dis ton amour. Chaque instant vécu dans cette intensité simple, dans cette vérité, écrase par sa lumière tous les cauchemars, toutes tes années d’errances. Il t’a fallut tant de courage pour réparer chaque couleur de la vie qu’il est heureux, maintenant, que tu puisses marcher légère sur l’arc-en-ciel qui dresse devant toi.

Et si le soir, entre chien et loup, tu te sens dépossédée de tout, ne crains rien c’est normal, c’est la juste voie de l’amour. Si dans l’attente, tu te prends à douter, à t’effrayer, ne crains rien c’est l’obole obligée pour passer de l’autre coté du ciel.

Je porte à la boutonnière du cœur
Ce long lys immaculé
Calice providentiel
Où désormais se nichent tes silences
Assez vaste pour y bercer ton indifférence

Je me souviens de cette petite phrase de C. Bobin :" " Reste près de moi ", dit le mauvais amour. " Va, dit le bon amour, va, va, va : c’est par fidélité à la source que le ruisseau s’en éloigne et passe en rivière, en fleuve, en océan, en sel, en bleu, en chant. " "

Je suis calme est pauvre ce soir.
Ce soir je ne sais plus chanter.

Franck

21 mai 2005

Une histoire d'amour..... minuscule.....

Au départ on est dans le lointain, on ne se voit pas. Il y a simplement de petites musiques ou quelques fleurs jetées sur le bord de la route. On est aux quatre coins du monde, dans la parole de nos vies séparées, dans l’écume d’une encre chaotique, énigmatique, on est dans la pénitence d’un châtiment de braise. Dans nos maisons c’est les courants d’air, on est dans le vent tourbillonnant de notre âme. Au départ, on ne sait même plus qu’on a une âme, on est seulement dans les ruines d’une église désertée. On est dans un lointain impossible. Parce que nos vies séculaires sont impossibles.

Alors au départ on parle. On est loin et on parle. Parce qu’on pense que c’est la seule chose qui nous reste. Et parler ça fait de la musique, une musique affolée qui vient des chairs, et même de plus loin que les chairs. Tout près de l’os, de l’écorce, de la glaise caverneuse. On vient de l’os, et parler c’est traverser tout le corps, c’est voyager dans le sang, dans les saisons, c’est griffer les nerfs, les vriller, et souvent les mots sont comme des couronnes d’épines. Ils ne sont pas très justes, mais la parole reste toujours vraie. Incroyablement vraie. Une parole farouche et fragile. C’est de la littérature, parce que ça dit toujours les choses vraies avec des mots toujours un peu faux. C’est l’alliance de deux fièvres foudroyantes.

Au départ on est dans une parole trouée, parce qu’on aime les paroles trouées, parce qu’il s’échappe toujours des merveilles de ces trous d’écriture, de ces trous du cœur, de ces trous de vie.

Vous voyez, au départ on est dans le lointain et les mots sont les millions d’étoiles qui nous séparent, et pourtant on est dans le même ciel charitable. Mais au départ on ne sait pas, que le ciel se partage. On continue à jeter des mots au hasard de nos vies. Et puis les mots se touchent, se connaissent, se reconnaissent se mélangent. Bientôt, les mots font l’amour, dans des lits d’orages, dans le temple des étoiles et ils font l’amour dans l’innocence étincelante d’une intimité à peine effleurée, et nous on ferme les yeux, on tourne le dos pour les laisser tranquille pour ne pas déranger leurs noces d’encre.

C’est après que les choses arrivent. Peu à peu. Les mots habitent de plus en plus nos ciels, ils remplissent de plus en plus nos maisons respectives.

Et le temps passe.

Un jour il y a un soleil, puis mille, puis innombrable et on se rend compte qu’il n’y a plus de distance, chaque étoile se sourit dans l’évidence solennelle de leurs seules présences. Il n’y a plus de lointain. On a traversé l’espace et le sang.

Et c’est le trésor d’un chemin tournesol.

Au départ, on est loin l’un de l’autre, on avance dans les pierres de nos vies, dans les cailloux, les ronces, et puis un jour on sent la main de l’autre serrer la sienne. Et c’est la chaleur des mains qui donne cette belle couleur à ce nouveau chemin. On serre une main pleine de mots crucifiés et ressuscités.

Maintenant c’est deux enfants. Ils avaient mille ans et maintenant c’est deux enfants qui marchent main dans la main dans les vestiges tremblants d’une berceuse chuchotée. Elle, elle le taquine un peu ; lui, il lui cueille des fleurs pour les mettre dans sa chevelure. Ils n’osent pas se regarder, simplement des petits coups d’œil à la dérobée. Ils n’osent pas parce qu’ils connaissent l’histoire d’Orphée, eux aussi ils viennent de l’enfer, ils savent que le regard peu tuer, et ils ont envie de vivre. Tant qu’il y a de la chaleur dans leurs mains, ils ont envie de vivre. Dans la nuit ils sont beaux comme une légende, parce que les mots qu’ils disent sont comme des lucioles, et certains soirs on dirait des étoiles filantes.

Lui, il a la tête en l’air, mais elle, la nuit, elle tend l’oreille, et elle jète des pierres sur les loups qui rôdent. C’est lui l’aîné, mais c’est elle, la fille, la petite sœur des mots, qui le rassure. Elle a toujours été comme ça, elle met toujours son doigt là où ça saigne, pour arrêter l’hémorragie du monde, parfois elle en suce les plaies pour en arracher le poison. Elle est comme ça. Elle. L’Ange.

Ils sont sur le chemin et on pourrait croire que leurs pieds ne touchent pas le sol. En fait, c’est vrai, ils volent. Un peu. Mais ça il ne faut le dire.

Lui, il voudrait que le chemin ne finisse jamais. Elle, elle lui dit " avance gros nigaud ! " Il est content quand elle lui dit gros nigaud. Au départ ils étaient dans le lointain, dans l’impossible, et aujourd’hui ils sont dans leur présence. Dans l’évidence, comme dans une révélation. Quand ils sont fatigués, ils se serrent l’un contre l’autre et s’adossent à un talus, et chacun à leur tour ils bercent les rêves de l’autre. La nuit, il aime regarder au fond de ses prunelles : il apprend le vent au souffle de sa respiration, il étanche sa soif avec les gouttes de rosée brodées sur la pulpe de ses lèvres, il entrevois la lumière dans l’or de son corps nu. Il aime protéger son sommeil, il lui dit :" Dors petite guerrière ". Et pour s’endormir, il pose sa tête au creux de son ventre, elle caresse ses cheveux et lui dit : " Dors gros nigaud, dors ".

Si vous êtes attentifs, la nuit, vous pourrez les entendre (ne comptez pas les voir), vous pourrez seulement les entendre si vous êtes assez perdus. Surtout leurs rires, des rires de ruisseaux ou de sources…

Dors, mon Ange….

Franck.

20 mai 2005

Prométhée....

C’est l’histoire de Prométhée. Une partie de l’histoire. Après la jeunesse, après les folies, après les blagues, après le feu, après son frère, après Pandore. C’est la partie la plus longue de sa vie. La partie christique, celle que je préfère, parce que je m’y reconnais. Le rocher, l’aigle, le froid et les siècles immobiles. C’est un morceau de son histoire, un morceau de la mienne, de la votre peut-être. Il y a toujours (presque toujours) un temps dans la vie où l’on est enchaîné sur un rocher. La chair et l’âme prise dans la trivialité des heures, des jours…

" …Je ne sais plus… je ne sais plus depuis combien de jours, combien de nuits je suis là, planté, cloué, enchaîné à ce rocher…. je ne sais plus…

Ma mémoire me fait mal, mes yeux s’effarent dans cette nuit du Caucase, cette nuit du bout du monde. Mon âme s’abîme, tout ceci est trop dur, trop vain, ce cauchemar ne cessera donc jamais ? …

J’aimerais, enfin, m’oublier dans un sommeil lointain, m’évaporer ou me dissoudre, m’en aller sur la pointe des pieds loin de ces chaînes, partir sans effrayer les ombres. Peu à peu mon cœur s’est fané, flétri, recroquevillé dans un chagrin d’une douleur infinie, si seulement les dieux me laissaient mourir. Mourir… un rêve à n’en plus finir. Mourir et devenir si léger, comme une prière à peine murmurée, comme un souffle dans l’azur. J’ai appris que les âmes volent très haut quand enfin elles sont dépouillées des mots qui les portent.

Mon fanal brûle encore : lui, saurait m’emporter au firmament comme un trait définitif, un trait absolu. J’appartiens au ciel, je le sais, je le sens dans ma chair tourmentée. Mourir pour aller moissonner les blés éternels des Champs Elysées. Alors une muse attendrie pourrait écrire sur la pierre noire de mon tombeau une épitaphe couleur de lune :

" Ici dort enfin Prométhée
Il a voulu vivre au-delà des lois du ciel
Il n’a vécu que les chaînes de ta terre
Jusqu’au bout il fut une sentinelle vigilante
Jusqu’à l’absence, jusqu’au silence.
Prométhée, père des hommes, nous est mort comme une promesse. "

Point d’épitaphe, point de mort, ces pensées me torturent dans le froid de cet hiver du Caucase. Déjà les rochers sont pris dans un gel blanc cristallin et la nuit éternelle a condensé l’espace. Je me sens désormais telle une écharde inutile flanquée dans la peau de la terre, un chancre posé là, le foie offert à un aigle vorace, et à la douleur.

Dans cette nuit qui pousse et qui souffle, mes rêves fragiles me livrent à des monstres hideux qui m’écartèlent et me déchirent l’âme. Pourtant les étoiles susurrent d’étranges mélodies, je les sens vibrer dans l’espace, souvent elles agitent mon cœur d’une vérité saisissante et mystérieuse, elles me disent d’aller au bout du temps, des secondes, au bout de l’instant ; quand elles me parlent ainsi, je me sens bouleversé d’une urgence irrémédiable, comme si rien, jamais, n’avait existé ;

Mais les étoiles se taisent parfois, alors éclate et m’éclabousse une peur qui rend tout irréversible ; ce corps enchaîné devient trop lourd, trop douloureux, ma conscience chancelle, même si chaque nuit je veux continuer à croire que mes cris peuvent ouvrirent sur l’horizon divin, même si j’espère expier au pied de ce rocher définitif pour me dire sauvé, un instant, du néant. Alors je tremble de tous mes os au bord de ce crépuscule inhumain et je m’enfonce lentement, inexorablement dans un oubli de l’âme, en silence.

… Silence de mes nuits sans amour, silence des ténèbres quand la lune ne vient pas déposer sa lumière molle et livide sur les brumes évanescentes du soir ; je perçois simplement un souffle, un souffle obscure qui rappelle à ma mémoire les soupirs lointains et les chants si profonds des humains angoissés, terrifiés des tous premiers temps….Silence des nuits du Caucase, silence des nuits du bout du monde…Silencieuse respiration rythmée, noire, longue, infinie. Silence du cœur.

Puis, le jour : un soleil incertain, triste monte à nouveau dans un ciel sans couleurs, presque blanc. Il fait encore si froid, la vie dans mes veines se rétrécis toujours un peu plus ; d’ailleurs il fait froid même dans mes rêves, le désir semble s’être figé en cristaux transparents prêt à se briser, même ma mémoire s’est durcie…Il fait trop froid pour se souvenir, tout est sec en moi, tout est vide, sec et froid, c’est l’hiver de mon âme, un temps d’avant le néant où même le temps perdu à disparu.

Je suis planté, crucifié sur ce rocher comme un grand phare inanimé. "

Franck.

19 mai 2005

Quelques secondes intactes....

s_noir_et_blanc1

Elle est allongée sur le dos. Elle ne dort pas. Moi je regarde son corps, ombre blanche dans la pénombre de la chambre. On connaît tous ces moments suspendus. Tout est là. On n’attend rien de plus. Le désir en nous sait qu’il aura sa part de lumière. C’est un temps sans urgence. Elle est allongée nue, sur le dos et moi je regarde son corps nu. Les pieds, les jambes, les cuisses, le sexe, le ventre, les seins, le cou, les lèvres, les yeux, la chevelure. Je regarde ses cotes s’élargir lentement, régulièrement à chaque respiration. C’est le moment des corps, où il n’y a pas d’enjeu, où il suffit d’être là. Simplement là. J’ai toujours aimé cet instant d’avant l’amour, où les peaux ne se touchent pas encore, où la chair s’offre seulement au regard, et au silence. Un temps sans épaisseur, un temps fragile, car on sait qu’il ne durera pas, mais que c’est sans importance, qu’il est fait pour s’évaporer, pour se diluer, que tout changera au premier contact des peaux. Elle est allongée nue, sans pudeur, sans impudeur, dans l’attente souveraine de la première caresse. Elle sait mes regards, elle les sent. La chair frémit légèrement, comme une houle lente. Elle sait mes regards, pour en recueillir la chaleur. Elle étire sa peau au plus large, elle ouvre un peu plus grand les cuisses, pour ne pas couler dans les draps, pour se sentir porter un peu plus loin par une fraîcheur nouvelle. Rien n’est urgent mais tout est ultime. C’est l’instant du fleuve d’ombres où les souffles se déshabillent, les couleurs sont vulnérables, elles flottent dans le noir laiteux de la chambre. Elle est allongée nue, fantôme de neige sous le velours tremblant d’un voile de cendre. Elle est dans ses basses eaux, dans la volupté des limbes, dans l’éphémère mystère, juste avant l’abîme, juste avant la folie. Et elle énumère ses noms, parce quelle sait qu’elle les oubliera. Et moi j’épèle son nom pour le célébrer et l’exalter. C’est un temps en filigrane, un temps vacillant, une fissure dans laquelle se distingue, à peine, la fulgurance tremblante des aurores boréales. Au pied du lit nous avons laissé nos histoires, nos morsures, nos blessures imprononçables, pour être dans la seule rémission du sang qu’on s’apprête à échanger. L’espace autour de nous est île pourpre ceinte de chasteté, de lenteur, comme une liturgie sereine et dérivante, seulement porté par l’odeur de nos corps en attente.

Tout le poids de l’amour est là. Dans cet instant d’avant. Dans ce silence d’avant. Moment fugitif, quelques secondes arrachées à nos actes précipités, arrachées à nos impatiences, quelques secondes intactes de feu vertical avant que l’horizon bascule.

Franck.

18 mai 2005

Je suis une eau errante...

Je suis une eau errante dessourcé. Je n’en finis pas de couler hors de toute direction, de tout sens.Je cherche un lieu, une âme, un lien, un parfum, une voix. Il n’y a pas d’issue à l’errance, c’est d’ailleurs comme cela que nous la reconnaissons. Pas d’issue.

Il me faut dénuder le temps.
Il gît nu, maintenant, dans son impudique pureté étendu dans le lit de la langue et je posé mon cœur sur l’oreiller des mots et recouvre mon corps d’un linceul transparent…
Temps nu…
Il plante sa lame tranchante dans le gras de ma vie jusqu’à en toucher l’os…
Temps nu d’attente verticale et crépusculaire, parenthèse frémissante aux paupières du rêve.
Faux blanche dans un champ d’asphodèles…
Temps nu du silence…. Ecoulement bourdonnant de substances misérables dans la veine des heures.

Je parle du plus profond de ce grattement d’os. De ce temps arrêté.
Pourtant… j’essaye de rejoindre avec quelques mots murmurés, avec l’écriture la plus virginale, avec rien, une rive inconnue couleur de l’ambre…
Car le monde s’enchante de la parcimonie, de la rareté, cela l’allège du trop plein, de l’excès, de la tonitruance. Le monde a aussi besoin de ce " si-peu ". Comme ces prières qui montent des cloîtres : silencieuses, invisibles, cris inaudibles à force de s’opposer au mal, au vide, au néant, à nos insuffisances…tous ces riens, ces " si-peu " jetés dans l’espace !
Le monde s’enchante d’une seule présence invisible, d’un seul geste, d’un seul baiser, du seul mot prononcé dans le dénuement et dans l’absence de toute réponse.

Mais mon amour va l’amble, battement désaccordé au creux d’un monde désarticulé.

Brûlure sacrée des instants rares
Orchidée cueillie sur les lèvres du jour

Je t’ai vu allongée les yeux fermés
Ni vivante
Ni morte
Plus que vivante
Plus que morte
Plus vraie qu’un soleil
Sur l’oreiller fragile des mots j’ai rapproché ma bouche pour souffler sur ta gorge une caresse rouge.
Sous l’arche de ton sommeil vacillant ma voix devint rumeur innombrable…
Murmure ruisselant…
…. Et ton innocence flotte auréolée d’un tremblement limpide.
Et ta chevelure noire déverse des champs de comètes frémissantes.
Et ta bouche savoureuse s’arrondie dans la chair sanguine des oranges.
Et tes yeux effarouchés chancelles comme des guirlandes de chandelles.
Et tes mains délicates en éventails balaient les poussières désargentées de la nuit comme l’aile du papillon effleure le cœur des roses.
Et ton sourire amande a la chaleur des étreintes.
Et ta voix captivante connaît le luxe et l’harmonie des plus grands paradis.
Et ton front réfléchit la lumière et la grâce des lys.
Et ta peau séraphine se perle de rosée.
Et ton corps élégant traverse enfin l’aurore……

Traverse enfin mon rêve.

Franck.

17 mai 2005

Conquérir l'âme du monde...

Car il nous faut conquérir l’âme du monde pour l’accomplir ou le brûler. Pour l’accomplir en le brûlant.

La puissance n’est rien s’il n’y a pas l’abandon et l’abandon pure folie s’il n’y a pas l’offrande.L’amour véritable c’est peut-être cela, la puissance et l’offrande qui passent ensembles sous la même arche, la puissance qui s’exalte de sa disparition, saisie d’un trouble, d’une douleur sublime pour ouvrir le ciel, éclabousser la nuit.

Alors, il faut y aller d’une parole vraie et folle, d’une parole défaite. Défaite parce qu’en équilibre sur le fil coupant de l’âme, parce que sans cesse inachevée. Inachevable. Y aller d’une parole vraie parce qu’indéchiffrable, puisque qu’elle dit l’impossible de nos existences. La vérité n’est pas donnée, elle est un surcroît, ou un reste plutôt. Il faut user nos vies pour la faire apparaître. C’est pour cela qu’elle fait mal, c’est d’ailleurs comme ça que nous la reconnaissons : parce qu’elle fait mal.

La vérité du mot c’est le silence qui le suit, la vérité de l’amour c’est le silence qui le précède.

La vérité, et la folie pour atteindre une parcelle de pureté. Car la pureté ce n’est pas un état donné, une chose acquise pour l’éternité, la pureté ce n’est pas la blancheur naïve, la candeur intouchable, non, rien de tout cela. La pureté est douloureuse, aussi, parce qu’elle brûle, c’est une marche épuisante vers la dépossession, vers l’abandon ; la pureté c’est arracher de soi des lambeaux de mémoire, arracher la chair des ses souvenirs, c’est enflammer son sang, c’est être dans le jour et inventer la nuit, c’est être dans la nuit et accueillir chaque mot comme des lucioles, c’est savoir que les paroles du soir sont souvent encombrées et qu’il faut avant de s’en servir les blanchir dans un grand bain de silence, c’est savoir que les paroles du matin n’effacent jamais totalement la nuit parce que dans la rosée des mots on décèle toujours quelques chagrins inconsolés, c’est faire rentrer le soleil dans la maison des mots et c’est jeter au vent des poèmes oubliés.

Alors il faut traverser la lumière à son endroit le plus fragile, là où les ombres laissent passer les anges, là où nous déposons nos prières, nos chagrins là où l’aube cache encore quelques astres égarés. Il faut chercher ces instants fugaces du jour où les lueurs s'accordent à nos coeurs, ces instants qui esquivent le temps qui passe, ces petits instants fragiles qui offrent un bout d'éternité à qui sait les voir, comme lorsque nous respirons une rose en fermant les yeux et en oubliant nos larmes ou en nous y abandonnant.

La vérité du mot c’est le silence qui le suit, la vérité de l’amour c’est le silence qui le précède. Car il nous faut conquérir l’âme du monde pour l’accomplir ou le brûler. Pour l’accomplir en le brûlant.

Franck.

16 mai 2005

Mes étoiles.....

Je ne l’ai pas encore dit ici, mon autre passion c’est l’astrologie. Attention, il ne faut pas qu’il y ait de confusion. Mon astrologie n’est pas celle que vous connaissez. Mon astrologie c’est une poétique. C’est lire ou relire le monde avec des yeux d’enfant. L’astrologie, pour moi, n’est ni plus, ni moins vraie qu’un poème. Elle ne vaut que dans l’instant où elle se dit. Elle n’a d’intérêt que si elle approfondit le mystère en nous, et non quand elle semble le résoudre. Des choses résonnent et il faut tendre l’âme comme si l’on tendait l’oreille. Elle se dit dans les murmures avec la voix du lait, avec les mots blancs.

Les astrologues aujourd’hui sont tristes et piteux, ils bafouent une vieille dame sans vergogne. Ils font commerce de ses derniers atouts. Ils saccagent le ciel de leurs désirs impurs, de leur savoir médiocre. Décidément l’astrologie est trop sérieuse pour la laisser aux astrologues.

L’astrologie c’est un chemin. Un chemin de lumières, parfois un chemin de douleurs. Souvent de douleurs. Elle ne se prouve pas, elle se dit comme un conte dont les mots alimentent le feu crépitant de nos vies dans ce qu’elles ont de plus secret, de plus indicible.

L’astrologie est belle et généreuse, cela fait des milliers d’années qu’elle tente d’apporter une parcelle de sens à notre chaos intérieur, cela fait des milliers d’années que des hommes et des femmes, - les astrologues -, ont tourné des yeux effarés vers les cieux silencieux pour entamer un dialogue jusqu’à présent ininterrompu… et s’arracher les yeux…. et l’âme… à sentir vibrer en eux la musique des sphères.

Un jour les premiers hommes ont décidé d’affronter la nuit, ils ont tourné leurs faces tremblantes vers l’espace obscur, puis ont senti monter en eux une vague de ténèbres…. Chaque nuit représentait l’instant étrange, mystérieux, où, de la peur conquise naissait des désirs nouveaux, chaque nuit ouvrait sur des contrées insolites….. Nous sommes les héritiers de ces conquérants crépusculaires, de ces charmeurs d’ombres au cœur des nuits opaques. A l’instar de l’Ermite nous promenons une faible lumière sur les mystères de l’univers, à l’instar de l’Ermite nous traversons solitaires l’espace et le temps des hommes, les yeux tournés vers l’intérieur, vers nos lieux sombres et inquiétants…..

Sous notre lampe vacillante il arrive parfois que de notre désarrois surgisse la révélation d’une certitude absolu, mais vulnérable qui embrase tout notre être….  La certitude que nous sommes possesseurs d’un ciel entier, que l’instant du ciel qu’il nous ait demandé de vivre à travers nos étoiles est aussi un temps d’éternité…..

Solitaire, sous ma lampe vacillante, j’ai fais un vœu de partage le plus insensé qu’il soit, le partage de la nuit, de la nuit primitive, de la toute première nuit du monde…

Oh, mon dieu, je sais des étoiles aux couleurs éternelles, aux chants singuliers.

Oh, mon dieu, la nuit n’est plus la nuit c’est l’amour en partage….

Franck.

15 mai 2005

Et l'orgue de barbarie....

Elle devait venir à Paris. Non, pas pour que l’on se rencontre, nous sommes dans des mondes étanches, séparés par un écran et quelques millénaires. Elle devait venir à Paris. Et puis elle ne vient plus. Quelle importance ? Puisque nous ne devions pas nous voir. Pourtant la savoir proche, permettait d’embellir le réel…

Paris ce soir est triste
Puisque tu n’y es point
Paris ce soir s’ennuie
De ta silhouette
De tes yeux qui s’effarent
De tes mains alouettes
Paris se sent trop vieille et ce soir se languie…

Il y a des jours où ce blog m’exaspère, où je voudrais ne l’avoir jamais commencé. Et puis, je vois les commentaires de Chris, de Cacahuète, de Coumarine, de Sandra…. Alors, je m’assoie et je fouille les fond de tiroirs des mots, j’use ma mémoire dans l’obscurité, et en tâtonnant je tente de saisir le peu de lumière que ces restes de mots m’envoient.

Sous les ponts de la Seine les eaux palpitent lourdement
Charriant les humeurs d’un printemps nauséeux et trop lent
Et l’orgue de barbarie poussif et chaotique
Remonte lentement la rue du Mont Cenis
Remonte lentement la rue du Mont Cenis

Prendre un mot, le poser sur l’établi de la page dévoreuse. Le regarder, le soupeser, le mettre dans la lumière du soleil. Regarder ses couleurs dans la transparence des heures. Et puis, en prendre d’autres, pour les jeter au hasard, ou les mâcher longtemps. Longtemps.

Paris ce soir est triste
Et l’orgue de barbarie arrête sa musique.

Après, il faut les essayer, les assembler, les faire tinter ensembles, les faire se promener dans la langue. Les faire entrer un à un en soi, pour en ressentir le poids, s’éblouir de leurs couleurs. S’aveugler parfois. Ou se brûler. On ne dira jamais assez que certains mots sont plus brûlants qu’un soleil. Qu’un enfer.

Ma lampe pâle… phare fragile hypnotise ma mémoire.
J’y vois flotter la lumière silencieuse d’une étoile lointaine…
Une prière… encore une prière, une désespérance lancinante…qui résonnent sous cette lampe, entre les lignes des souvenirs et des offrandes perdues… pour des dieux perdus ou des nymphes évanouies dans les vapeurs confuses de l’âme… perdues, toujours perdues.

Souvent il faut recommencer, les prendre à nouveau, et les confronter au silence, au chagrin, il faut les caresser du bout de l’âme, les porter à son oreille pour entendre leurs chants. Et toujours les polir avec lenteur. Parfois avec désespoir. Oui, il faut les user jusqu’aux larmes, jusqu’au dégoût, jusqu’à l’écœurement.

Et l’orgue de barbarie poussif et chaotique
Remonte lentement la rue du Mont Cenis
Remonte lentement la rue du Mont Cenis
Heure incertaine où jamais rien n’arrive, hormis ce temps d’attente et cet effondrement de la lumière… dans le fracas du temps qui passe.
Paris ce soir est triste
Paris ce soir s’ennuie
Puisque tu n’y es point.

Et puis, quand tout est fait, et refait, quand enfin, on est dans tous les désordres, dans toutes les tempêtes, quand notre sang a changé de couleur, quand tout est effacé, c’est alors qu’il faut les abandonner. Prendre sa plume la plus acérée et commencer à gratter la feuille. Sang et encre. Encre et sang. Et pour diluer le tout quelques pleurs.

….Maintenant, il fait nuit, comme une éternité, comme ce pauvre poème inachevé…

Elle devait venir à Paris. Non, pas pour nous rencontrer. Seulement venir. Nos mondes sont inconciliables. Elle est vivante, et moi je suis mort depuis longtemps. Enfin, façon de parler… En fait, je suis juste de l’autre coté de la lumière, dans l’ombre des mots.

…. et au cœur du silence surgit, enfin, ton étrange beauté !…..

Et voilà, je trébuche. C’est toujours la même chose. Une chute sans fin.

Franck.

 

14 mai 2005

Neige.....

Je viens de relire " Neige " de Maxence Fermine. Relire lentement, le livre est si petit. Petit, ne convient pas, rare plutôt. Voilà, rare. A chaque fois il faut le lire d’une traite. Un vol droit dans un ciel éclatant. Ecriture lumineuse, pensée lumineuse. Blanche avec cette transparence de pierres précieuses, blanche avec des éclats tremblants, blanche et précise, et blanche à nouveau comme une écume fraîche roulant sur la vague. Blanche, infiniment blanche et sereine, et profonde, et légère. Si peu de mots pour tant d’émotions, tant de couleurs pour la gloire d’une seule, tant de silences pour un son si pur….

Quelques flocons blancs : " Car l’amour est bien le plus difficile des arts. Et écrire, danser, composer, peindre, c’est la même chose qu’aimer. C’est du funambulisme. "

Ou encore : " Lorsqu’il mourut, il se laissa gagner par la blancheur du monde.
Il était heureux.
A hauteur du cœur. "

Enfin, à lire et réciter comme une prière pour affermir notre désir toujours défaillant : " Ecrire c’est avancer mot à mot sur le fil de la beauté, le fil d’un poème, d’une œuvre, d’une histoire couchée sur un papier de soie. Ecrire c’est avancer pas à pas, page après page, sur le chemin du livre. Le plus difficile, ce n’est pas de s’élever du sol et de tenir en équilibre, aidé du balancier de sa plume. Ce n’est pas non plus d’aller tout droit, en une ligne continue parfois entre coupé de vertiges aussi furtif que la chute d’une virgule, ou que l’obstacle d’un point. Non, le plus difficile, pour le poète, c’est de rester continuellement sur ce fil qu’est l’écriture, de vivre chaque heure de sa vie à hauteur du rêve, de ne jamais redescendre, ne serait-ce qu’un instant, de la corde de son imaginaire. En vérité, le plus difficile, c’est de devenir un funambule du verbe. "

Quand je relis ces paroles blanches, je suis dans le même temps, emporté et terrorisé. Enthousiaste et tétanisé. Une grosse boule au creux du ventre. Une boule de neige. Froide et brûlante à la fois. Aurais-je la force de résister au vertige ?

Je repense à mon texte d’hier. Le versant clair de la nuit. Il existe une parole qui chante à merveille le versant clair de la nuit. Versant de neige. Versant blanchi. Elle nous vient des cloîtres. Chants des monastères dont la mélodie complexe semble se frayer un passage à travers l’ombre étroite de nos âmes, à travers nos vies défaites. Les notes semblent avoir été recueillies sur les lèvres des mourants. Ultime souffle vêtu de l’épuisement nécessaire pour entreprendre le plus grand des voyages.

Il faut avoir dépassé toutes les tristesses de nos vies, en avoir effacé toutes les joies pour que demeure seule une respiration pure d’amour. Celle là qui pourra brûler tous nos mensonges.

Cette musique ne pouvait naître qu’au très fond de la nuit, elle ne pouvait issir que de la fragilité de nos songes, car il lui faudra traverser d’un seul et unique trait tous les océans d’indifférence pour enfin se poser sur l’infini d’un silence. Ainsi de la parole blanche…..

Neige. Ce matin il pleut, on se croirait en hiver. Neige.

Franck.

J'ai toujours eu cette sensation que le temps de neige était un temps d’achèvement.
Temps hors du temps… pluie blanche de temps… de souvenirs.
La neige qui tombe c’est la nostalgie qui affleure une dernière fois. La neige qui tombe c’est la définition même de la tristesse ; surgissement de la fin dans un présent qui se décompose… Pluie blanche de temps décomposé.

13 mai 2005

Le temps du silence...

Mon Ange. On est entré dans le temps du silence. Le premier silence. Cela arrive toujours de la même manière. Silence, absence, silence. Là, nous sommes au premier silence. C’est encore un espace habité par des échos, des ombres, mais les mots n’y trouvent pas leurs points d’appuis, ils ne se forment plus, ils ne se disent plus. Les mots se taisent, ils perdent leurs lumières, ils sont écrits à l’encre sympathique, mais il n’y plus la flamme pour les révéler, alors ils restent dans le blanc du papier, dans le blanc du cœur. Noir.

Etre dans ce premier silence, c’est être de l’autre coté de la lumière dans un royaume ombreux, épais, lent, froid. Noir.

Il est de ces soirées
Où l’on parle tout seul
Où l’on parle tout seul
A cette femme absente que l’on ne connaît plus
Mais qui un jour peut-être
Mais qui un jour jamais.

Pourtant je sais qu’après le noir, qu’après nos morts révolues il est un versant clair de la nuit. On y accède en ayant épuisé tous les mots, en se laissant porter par l’aile solitaire du silence.

On y accède par la prière mille fois répétée jusqu’à la perte la plus définitive de soi.

On y accède par un unique regard d’amour. Fragile et transparent.

Le versant clair de la nuit n’advient qu’après que toutes les larmes se soient usées dans le temple de misère. Il faut cueillir assez de perles d’absence sur chaque étoile du ciel pour que jaillisse un jour cette lumière d’après la lumière.

Cette lumière des profondeurs. L’ultime joyau. Lumière de nuit, lumière du manque à la nuit, lumière pure d’amour.

Il est de ces soirées où devant ses mains vides
On dit des mots d’amour
On dit des mots d’amour
Des mots bien trop beaux
Bien trop grands
Des mots bien trop…
On invente des mots qui se noieront demain dans l’océan glacé d’une vie bien trop molle
D’une vie bien trop seule
Elle était pourtant jeune
Elle était déjà belle.

Au bout des cascades de l’enfer, bien au-delà de tous nos souvenirs, fleurit l’élixir de joie, une pluie fine de gouttes de soleil sur l’éternité des temps.

Au versant clair de la nuit il est des fleurs secrètes, chacune d’elles contient un firmament dans lequel résonnent les rires des enfants, les berceuses des mères, les prières des saintes. Chacune d’elles est un sourire tremblant dans les reflets d’un ruisseau printanier.

Il est de ces soirées où l’on pleure dépeuplé sur le tas consumé de ses amours mort nés.
Alors on masque la détresse par des rires inventés
On masque la tristesse
Par des rêves de ciels
De ciels bien trop bleu
De ciels bien trop grands.

Mon Ange, nous y voici. Nous sommes entrés dans le temps du silence. Silence, Absence, Silence. S.A.S. Silence, Oubli, Silence. S.O.S. ti ti ti – taa taa taa- ti ti ti. Cela aussi était inscrit. Combien de mots a-t-il fallut pour en arriver là ? Au départ nous étions sur un chemin, perdus tous les deux et puis la fraternité de la route nous a rapprochés, et puis la lumière t’a reconnue, t’a enveloppée. Maintenant tu es une étoile si proche du soleil. Le ciel entier t’a désignée, le ciel entier t’a appelée. Je suis toujours sur le chemin et je lève la tête et je te vois, tu es si loin déjà, mais tu voles… Tu voles… Tu voles… C’est cela le plus important.

Franck.

12 mai 2005

Juste un peu absente...Juste un peu distante...

passion3

 

 

 

Mon Ange. Elle est dans la révolution de l’amour. Dans l’incendie. Le feu dans toutes les pièces de sa maison. Le feu dans son jardin. Partout le feu.

 

 

Alors je sauve les dernières images, les dernières roses.

Elle ne ressemblait pas à ses mots. En fait, si, mais à l’envers. Il faut l’imaginer :

 

 

Juste un peu absente,
juste un peu distante...

Une eau calme qui se perd dans les reflets du ciel.
Son visage semblait lissé par une étrange sérénité, les paupières baissées comme ces vierges à l’enfant debout dans les ruissellements d’un vitrail.
Visage pali de silence que rien ne pourrait froisser.

Si elle était parfum elle serait mélodie d’un rose léger relevé d’une petite pointe de vert, une senteur du soir à la fin du printemps. Senteur et lueur du soir avec ce je ne sais quoi d’affaibli et de persistant, une note que l’on soutient dans sa dissonance pour parfaire l’harmonie et rendre hommage par avance à la nuit.

Au coin de son sourire s’est logée une douce tristesse.

 

luminae1

 

Visage de neige sur le rouge du cœur.

 

 

Un ange est posé sur son épaule. Il la protège des vacarmes, l’aide à effleurer la lumière, lui donne sans doute cette gravité uniquement pour la vêtir de pudeur pastel. Pour ne pas blesser le soleil.

 

 

Elle vient de loin, du pays des fées, du pays des pluies, des brumes et d’un temps oublié. Elle est d’ailleurs, toujours au-delà d’un voile comme si elle se tenait derrière une fenêtre qu’un déluge éclabousse, pour nous dissimuler ses larmes.

Je l’imagine penchée sur un travail minutieux, brodant quelque étoile sur des robes crépuscules, peignant quelques tableaux, écrivant, ou simplement assise perdue dans les aurores incertaines d’une interminable prière.

Je l’imagine enveloppée de son seul silence dans l’ombre rougissante de la flamme entêtée d’une bougie solitaire, grand aplat de chair blanche sur les sanglots de la nuit.

Droite. Droite sans être raide elle traverse l’espace pour l’orner, simplement l’orner, une flûte qui jouerait entre les cordes d’une harpe, une brise dans les fougères d’un sous-bois, légère comme le pourpre de l’âme enroulé à la candeur des nuages.

Les miroirs à son passage se taisent, respectueux, ils frissonnent de cette coulée d’ombre claire qui les traverse.

Visage de neige sur le sang lourd de la mémoire.

Parfois on croit la voir flotter pareil aux épis mûrs dans la tremblance de l’été, elle semble alors dans une sorte d’attente lointaine comme si l’instant qui devait suivre devait lui annoncer la promesse d’un amour à cueillir. On ne pourrait l’approcher sans risquer de briser l’infini de son rêve sans risquer de dissiper le charme d’un mystère.

Elle est là, simplement, ange discret qui bât des ailes pour frôler la vie.

Visage de neige, caresse du temps sur l’onde mélancolique des eaux.

Sur ses lèvres la brise a déposé les lettres du mot "amour" qu’elle épèle en un lent murmure.

Juste un peu absente,
juste un peu distante.

Si vous la croisez, vous ne la reconnaîtrez pas, à cause du feu. Elle-même ne se reconnaît plus…. C'est à cela qu'on reconnait les miracles....

Franck  (Merci Chris de m'avoir fait découvrir ces si belles peintures de A. Andrew GONZALEZ )

11 mai 2005

Naître.... toujours et toujours, naître.....

Mettre le feu au monde avec mes lettres d’amour.

Donnez-moi un sentier rocailleux qui monte vers le ciel. Je me souviens. Il y a longtemps. Bien avant mon Ange, bien avant mes mots, mes paroles. Le temps où j’étais rien. Le temps où j’étais tout. C’était le temps des méduses, le temps du ventre. C’était avant le lait, juste avant le lait. Le temps de l’eau. Juste avant l’arrachement, juste avant les regrets, juste avant la mort. Mon premier pays, juste avant l’exil, juste avant mon nom. Ce matin j’ai envie de mettre le feu au monde avec mes lettres d’amour. Incendier les brûlures pour les annuler. Le mal, par le mal. Et marcher sur un sentier rocailleux sans me retourner. C’était un temps hors du temps. J’étais là sans être là. Une promesse. Je déteste les promesses…. Je me souviens, un mois juillet écrasé de chaleur. Et l’orage. Un terrible orage. D’où j’étais, je l’entendais. Violent, écrasant comme la chaleur.

Reprenons depuis le début…..

Je suis d’un pays lointain
Où coule une source
Ce pays est si loin, mes souvenirs si fragiles
Que le murmure de l’eau se brouille dans ma mémoire
Et que la lassitude m’envahit soudain.
Pourtant il ne suffit que d’une larme de fond,
Une larme de fond puisée si profond,
Pour que j’entende comme un écho perdu
Le chant de ce pays lointain
Le chant de ce pays perdu…
Je sais un pays où l’eau s’est faite source
Elle s’écoule harmonieuse avec tendresse
Dans un chuchotement de harpe, de flûte,
Laissant parfois s’exhaler le doux hoquet de la terre.
Une claire lumière s’enroule dans l’onde balbutiante
Et fait briller des sons inconnus.
Si je ferme les yeux tout près de cette source,
Dans ce pays lointain
J’entends les rires d’une fée,
Charmante naïade à la chevelure ruisselante
D’une Ophélie ressuscitée
Et de sa lyre magique s’élèvent des chants profonds
Qui me parlent du temps, des étoiles, du ciel et de l’éternité.
L’eau claire de la source défile alors devant mes yeux effarés,
Je passe enfin par le miroir limpide et j’embrasse l’univers tout entier.

(Je n’aime pas cette écriture, je n’aime pas quand j’écris comme ça) (tant pis, je n’ai que ça à offrir ce matin, parce que ce matin j’ai envie de mettre le feu au monde avec mes lettres d’amour)

Reprenons…..

……Mémoire des Mondes infinis….
" Te souviens-tu du torrent fougueux, libre
écumant d’une rage de vivre ?
" Te souviens-tu de la rivière, douce, lascive,
façonnant des paysages changeant ?
" Te souviens-tu des eaux noires de ce lac sombre, mystérieux,
angoissant les crépuscules fétides ?
" Te souviens-tu du fleuve puissant, majestueux, fier,
charriant nos espoirs insensés ?
" Te souviens-tu de cette mer immense, mystique,
Remontant inlassablement ses marées
Comme un chapelet toujours renouvelé ?
" Te souviens-tu ! toi qui as tout connu ?
Je suis toutes ces eaux dans une seule goutte d’eau.
" Te souviens-tu des torpeurs sublimes du Soleil
" Te souviens-tu du feu du Ciel, de l’âpreté de la Terre, de la tourmente du vent
et des rêves bleus de la Lune ?
" Te souviens-tu de mes mains jointes comme pour une prière,
qui recueillaient ton Eau pour nourrir et exorciser mon cœur d’enfant ?
" Te souviens-tu de ce terrible bonheur, de cette déchirure ?
" Te souviens-tu du tout premier jour ;
de ce tout premier jour
où j’ai crié :  " MAMAN !….. "

Franck

10 mai 2005

Tes plus grands silences sont mes plus beaux poèmes...

Chaque jour préciser un peu plus le portrait. Affiner les couleurs. S’approcher pour scruter le détail. Se reculer pour faire vivre l’ensemble. Solliciter les mots pour les rendre vivants. Pour qu’ils me laissent vivant.

Vivant. Mon Ange, tes plus grands silences sont mes plus beaux poèmes….

Dans ce coin d’univers où elle est posée, elle nous dit l’attente sombre, et le monde qu’elle voit au balcon de sa maison des morts.
Derrière la vitre on peut la voir, c’est une silhouette ballottée par les remous d’une onde fraîche, une forme frissonnante dans la marge transparente des jours frivoles, figure dénudée et chaste, figure d’horizon dans le reflux des saisons, chaude icône aux cheveux de brouillards à la peau blanchie d’écume.
Ses yeux ont cette brillance singulière, où dans le même mouvement des paupières apparaissent la joie gourmande de la vie et la tristesse, sans laquelle cette joie n’aurait aucun sens.
Des yeux ardents écarquillés sur l’envers du décor.
Un regard ruisselant qui donnent de la lumière au royaume qu’elle habite.
Un sourire la pare souvent, un sourire de perle dessiné avec un souvenir d’enfance, le sourire lunaire des consolations enfantines avec son infinie douceur, son infinie langueur ; oui, l’infini de l’amour fragile prêt à défaillir.
Un sourire la pare, à moins que cela soit des larmes d’une jeunesse arrachée au ciel.
Elle confectionne un paysage de textes avec une incomparable aisance, ainsi elle le ferait d’un bouquet tumultueux de fleurs sauvages.
Chez elle chaque texte est une chrysalide ; de ses seuls doigts elle fait naître les papillons des mots. Parfois sa main glisse sur le clavier, elle caresse les touches comme si elle traversait mille vies.
Chaque jour elle s’embarque pour un voyage qui pourrait la déposer sur les rivages brûlants des passions crépitantes; navigation incertaine, presque hésitante, toujours au bord d’un naufrage. Les textes sont les nuages qui la guide, qui la sauve, ils sont les alizés qui portent sa dérive, les albatros qui lui composent et saisissent l’âme.

Tout le jour elle est dans le mouvement des mots, dans leurs couleurs, leurs cendres, elle est dans le blanc de la page entre le noir des lettres, elle écoute leurs histoires.

Alors elle se sent pénétrée par un grand fleuve.

Chaque texte est fait de sa chair et de l’attente, de l’attente et de l’amour, de cet amour inachevable et son souffle se suspend lorsque survient des réponses inconnues, réponses de blessures ou de solitude claire. C’est un vertige enivrant, car elle connaît leurs folies désarmées, leur transparence secrète, cette part épuisée qu’ils charrient. Elle sait les secourir en les enchantant d’un regard d’amour, en leur prodiguant le geste d’abandon essentiel : ce baiser protecteur qui les éclairent.

Et lorsque le lecteur, ombre de passage, traverse son temple pour cueillir quelques mots, tel le promeneur absent dans un champ de coquelicot, elle n’oublie jamais un dernier frôlement comme elle le ferait sur la joue rose d’un enfant.

Quand vient la nuit dans l’obscurité religieuse de sa petite maison elle entend la voix des textes, leurs chants et le chuchotement des heures, elle est alors un port scintillant qui veille sur le balancement des barques, la sentinelle des mots, la gardienne d’un phare sur l’océan de la langue, une lueur de crépuscule sur nos chemins d’espérance. Elle est assise, attentive, je vois son visage éclatant, sa beauté émouvante par l’évidence de son regard qui dit l’amour dans sa part de murmure, de don, dans sa part la plus effondrée, celle qui gît au plus profond, dans sa part d’enfance ressuscitée presque sauvée de la nuit, des blessures et des souillures.

Je la vois calme et douce, elle ressemble aux souvenirs comme une source, comme une eau gorgée de musique, de nuances étranges, une eau qui laverait le ciel de nos peurs, un baume de vie pour l’errance.

Chaque nuit elle chante, parfois elle vole, et la course des étoiles s’organise autour d’elle avec lenteur et mesure, car elle a le pouvoir d’arrêter le temps, de le suspendre. Mon Ange, mon amie, n’est pas une ombre, son sang est rouge et il coule comme un torrent fier. Mon Ange, mon amie, ne dort jamais, parce qu’il faut veiller sur tous les fantômes de sa maison hantée, ils pourraient envahir la terre. Alors elle surveille, armée de ses mots et ne laisse rien passer. Surtout pas nos faiblesses, nos complaisances. Elle est là, dans la nuit. Elle veille.

Franck.

Publicité
Publicité
Publicité
J'irai marcher par-delà les nuages
J'irai marcher par-delà les nuages
Derniers commentaires
Archives
Newsletter
Visiteurs
Depuis la création 167 983
Catégories
Pages
Publicité