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J'irai marcher par-delà les nuages

16 juin 2005

Je déborde dans le désordre.....

Là au moment où je suis en train de taper sur le clavier je n’ai pas envie d’écrire. Je me sens vidé. Pourtant je me dis que c’est maintenant que je dois insister.
Ecrire….un mot plus loin, plus haut, une note de plus dans l’arpège…
Sans jamais trouver une réponse sereine.

J’ai longtemps cherché mon style d'écriture, celui qui me correspondrait, celui avec lequel je me sentirai à l’aise, et ce que j’ai trouvé est un peu particulier, souvent cela me donne la sensation d’appartenir à mon style et non l’inverse.

Avant le blog, l'acte d'écrire pour moi est un acte grave. Je l'ai sans doute trop sacralisé, ce qui m'empêchait d'avoir vis-à-vis de lui une attitude simple, légère, naturelle, évidente. D'ailleurs, il en va de même pour beaucoup de chose, entre autre pour mes relations avec les autres, ou mes relations avec le monde. Je n'aborde rien de façon simple, apaisé.
Je suis un être douloureux, sensible, trop sensible. Mon écriture n'est pas une écriture d'histoires, de scénario, c'est une écriture d'émotions.
Mon rêve serait de transmettre avec des mots une émotion la plus pure possible.
Mais quand on y réfléchis, les émotions qui me stimulent sont peu nombreuses : le chagrin, la tristesse, le désespoir, l'amour et plus généralement tous ces instants où l'âme est "effondrée". J'aime cette idée d'effondrement. Elle me parle. Je la ressens très fort.
Écrire pour moi c'est atteindre un monde particulier, ces couches obscures qui gisent en nous, ces sensations souvent contradictoires qui nous bousculent. Le monde de l’autre coté des paroles, de l’autre coté de la vie, un monde fait de choses sans importances, comme les prières, les chants, les murmures, les silences, les larmes, les dons, le dépouillement, toutes ces choses gratuites, qui ne servent à rien et qui pourtant nous sauvent.
Exprimer l'inexprimable, se situer sur les bords de l'indicible.

Je n'ai pas d'inspiration au sens où on l'entend généralement. Les choses arrivent (quand elles arrivent) souvent pas surprise. J'attends qu'un rythme vienne, une sorte de musique (j’en ai déjà un peu parlé), pas une musique normale, mais une espèce de hômmmmm, qui se module, et qui peu à peu raisonne en moi ; puis il y a des sensation de lumières, plus ou moins claires, alors des mots viennent, comme si je mettais des notes sur une portée de couleurs(l'image n'est pas tout à fait juste, mais elle se rapproche de ce que je sens). J'ai l'impression de descendre en moi. C'est profond, c'est au fond. Quand parfois une association de mots, une image, la rencontre de deux sons ou la collision de plusieurs sens touchent au plus précis de mes os, j'ai une bouffée émotionnelle qui m'envahis et les larmes me montent aux yeux. C'est une expérience bizarre, exaltante et douloureuse. Mais une expérience forte, que je ne peux pas renouveler à la demande.
Il y a une pente et je m'y laisse entraîner, avec un sentiment de vertige, d'ivresse, c'est ça que j'appelle l'effondrement.
Il me semble que ce que j'écris s'adresse à l'âme. C'est-à-dire à cette partie centrale et profonde de l’être. Pour moi, l'âme n'a rien à voir avec la religion (catholiques, chrétiens, juifs, musulmans...), mais avec le sentiment religieux, avec la spiritualité ; cette sensation qui nous pousse à nous relier à l'humanité, et même, au-delà de l'humanité. On a quelque chose en nous qui résiste à tout et sur laquelle on s'appui sans le savoir. C'est la partie incorruptible de nous-même. Elle nous fragilise et nous rend fort dans le même mouvement.
C'est de "là" et pour "ça" que j'écris.
.........
Bref, tout ça pour dire que pour moi ce n'est pas si simple. Je pense même que je me crée de façon inconsciente des conditions d'impossibilités, ou pour le moins de difficultés, comme en amour d'ailleurs. Je suis le spécialiste des amours impossibles, douloureux, mais c’est une autre histoire.

J'ai l'impression d'être dans une solitude absolue (ce qui n'est pas toujours vrai), de ne pas être à ma place, nulle part.

Ne pas parler, ne rien dire à personne, ne pas être de ce monde... Bien sûr, c'est artificiel, mais je le ressens très fort, comme une source qui n'a pas trouvé son ruisseau, je déborde dans le désordre en pure perte.

Franck

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15 juin 2005

Les mots croisés de Scipion....

Nous avons passé les derniers mois de sa vie ensemble. Un hasard. J’aurais du être loin. Mais j’étais là, un petit appartement pas très éloigné du sien. Je prenais mes repas avec lui. Le midi et le soir. En silence les repas. Le plus souvent. Dans sa cuisine, chacun à un bout de la table. Lui et moi, face à face. Jean et Franck. Le père et le fils. Deux miroirs face à face. Deux images irréelles. Il parait que nous nous ressemblions, physiquement. C’était vrai. Un jour on l’a pris pour mon frère, ce genre de remarque le flattait. Moi, cette ressemblance me donnait la nausée. Au moment où l’on se retrouve, comme ça, face à face, on ne sait pas que ce sont les derniers mois de sa vie. Lui, devait s’en douter. Enfin, je crois. Entre nous, le silence, plein, compact, il n’existe aucun espace. On s’est déjà tout dit, plusieurs fois. Et puis, je n’ai plus envie de lui parler. De toutes les façons, les mots n’arriveraient pas à traverse ce silence trop écrasant, trop épais, trop dense, trop solide. On était au bout de la route. On avait tout épuisé, seul le silence avait résisté. Ses journées étaient vides, sauf son verre qui lui était plein. Et le soir, c’est lui qui était plein. Histoire de vases communicants. Chez lui il n’y avait plus que les vases qui communiquaient. Les vases. La vase. La boue. La haine. La rancœur. Je voyais tout ça dans ses yeux, ses gestes, la crispation du visage, cette rigidité du corps. Soixante douze ans, pas très vieux pour notre époque, et encore bien conservé. L’alcool conserve. La haine aussi. Comme la rancune et la colère. L’alcool et la haine c’est la même chose, c’est le même mot. Au départ on se hait soi-même, après on hait les autres. On est en face l’un de l’autre. Il ne mange pratiquement plus rien. Plus d’appétit. Tu m’étonne, avec ce que tu bois. Avec ce que tu ressasses toute la journée toutes ces détestations, ça nourrit. Je ne t’aime pas, je ne te maudis pas, je suis simplement prisonnier d’un lien. Être, ta mère ça a été un long apprentissage du désespoir, être ta femme un long apprentissage d’avoir été méprisé et de la peur, être ta sœur un long apprentissage de la trahison, être ton fil… qu’ai-je bien pu apprendre avec toi ? J’ai envie de répondre : rien. Mais en fait c’est la colère qui parlerait à ma place. Chez nous ce n’est pas les Ténardiers . Chez eux les choses étaient claires. Sordides, mais claires. Chez les choses étaient discrètes. Invisible pour l’extérieur. Ton truc à toi, c’était le pouvoir. Posséder les gens. Tu cherchais les faiblesses et tu appuyais dessus. Au départ tu appuyais un peu, après tu appuyais très fort. Mais c’était trop tard. Tu aimais être fort en humiliant les autres. Comme tu étais intelligent et patient tu arrivais toujours à tes fins. Dans la cuisine désormais il n’y avait plus que nous deux. Janine ta dernière compagne, ne mangeait jamais avec nous. Elle t’allait bien celle-là. Pourtant comme les autres tu la méprisais, tu disais en parlant d’elle : " Janine , c’est un insecte…. ".
Tu écoutais la radio. France-inter. Et tu faisais des mots croisés. Et là, tu m’épatais toujours. Même bourré, tu y arrivais. Ceux de Scipion dans Paris-Match. Non, au départ ce n’était pas les Ténardiers. Tu étais ce qu’on appelle un père sévère, parfois tu avais la main lourde. Mais rien de plus que dans beaucoup de foyers. Trois ou quatre fois tu as frappé maman. Mais ce n’était pas tous les jours. Ta violence à toi était d’une autre nature : tu taisais les gens. Tu te mettais à ne plus leur parler. Une fois, j’avais dix ans, non, onze tu ne m’as plus parlé pendant deux mois. Pas un seul mot. C’était un jeu pour toi. Mais je peux te garantir que là, il y avait une vraie violence. Tu faisais du dressage. Tu n’étais pas un frustre, pourtant, jamais un geste d’affection, jamais un mot d’encouragement. Sur toutes les vieilles photos, pas une seule fois où l’on est tous les trois, toi, maman et moi, comme une famille normale.

Quand maman est morte, c’est là que nous entré tous les deux dans le face à face. C’est là que j’ai été piégé. Captif de ton regard. Je commençais à te connaître, et à savoir éviter le pire avec toi, mais cela m’obligeait à beaucoup de contorsions. Il y avait le " lien ", un ramassis de sentiments atrophiés, pervertis, il m’aura fallu quatre ans d’analyse à raison de trois séances par semaine pour m’en défaire.
Ce que tu aimais en moi c’était toi. Tout ce qui te rappelait toi. Tu écoutais la radio, le soir l’alcool aidant, tu parlais un peu, tu commentais les nouvelles. Tu étais devenu lepéniste et j’étais obligé d’entendre tes conneries et les siennes. J’aurais pu partir, mais dans la vraie vie ce n’est pas comme ça que ça se passe. On reste. Tu étais devenu raciste, et tu me parlais de la race supérieur. Pour le coup c’est moi qui te taisais, mais je restais. Tes yeux étaient rouges d’alcool et de colère, et de hargne, et le soir tu titubais et ta haine sortait dans tes mots. Je mangeais, je te regardais, et je me taisais.
Nous étions arrivés au bout du chemin, pourtant je n’avais oublié aucune de tes insultes, quant à bout d’argument tu cherchais à blesser l’autre au plus profond du cœur ; dans le fond tu me méprisais aussi. Mais toi aussi tu étais prisonnier du lien. D’ailleurs pour te faire perdre, pour te faire échouer j’ai du échoué moi-même. Il a fallu que je me perde, pour te faire perdre. L’âme humaine est complexe. Rien n’a résisté à ton désir de détruire ceux qui t’entouraient. A la fin, nous nous sommes retrouvé face à face, avec l’insecte à coté.
Plusieurs fois tu as dépassé les bornes, plusieurs fois nous nous sommes battus, physiquement. Je me souviens, tu bavais des injures sur moi sur ma femme, c’était insupportable. Je ne le supportais plus.
Chez nous il n’y avait pas de brutalités quotidiennes, il n’y avait pas de misère, il n’y avait pas de choses sexuelles, mais il y avait cette tension insidieuse permanente. Ce rapport de force constant.
Et puis il fallait que tu salisses tout, quand maman est morte, quinze jour avant tu es venu la voir. Déjà elle n’avait plus de force, plus de respiration. Tu es resté trois jours. Pour Noël. Le jour de l’enterrement, tout le monde était effondré. Et toi tu la ramenais plus haut que tout le monde. Tu voulais absolument souffrir le plus fort. Je me souviens de ta phrase : " Avec Suzette, on s’est bien battu, mais on s’est bien aimé, d’ailleurs quand je suis venu à Noël, je lui ai fait l’amour… " Qu’est-ce que tu voulais prouver, pauvre fou ? Crois-tu que j’avais besoin d’entendre ça ? Crois-tu que sa mère, à elle, Simone, avait besoin de ce genre de détail, un jour pareil ? Ne crois-tu pas que tu as atteins un sommet de vulgarité ce jour là ? Je me suis levé. C’est ta sœur qui m’a arrêté.
Donc, à la fin, nous sommes tous les deux. La boucle est en train de se boucler. Tes journées sont les mêmes. Radio, mots croisée, et la valses des verres : après ton café, tu commence à la bière, la bière ça compte pas, deux, trois, quatre ; midi, porto une bouteille tous les trois jours, du vin quand même pour faire passer tes deux sardines. Sieste. Puis, bière, une, deux, puis un porto pour faire passer le goût de la bière. Puis à dix-huit précise la soirée commence. Ricard. Mais pas des Ricard de fainéants. Tu appelais ça des " soupes ". Un, deux, trois… Et chaque jour la même choses.

C’est en allant chercher ton ravitaillement que c’est arrivé. Dans tes sacs, que du liquide, Tu étais trop pressé ce jour là. La soif, qu’est-ce que ça fait faire ! C’était un lundi. Tu as fait un léger malaise dans la rue. Samu, hôpital. Je suis là quelques instants après ton arrivé. Tout semble aller bien. Sauf, cette petite toux. Mardi la toux s’aggrave. Je m’inquiète au près de l’interne, la veille j’avais signalé sa dépendance à l’alcool et à la cigarette. A vingt heure quand je pars, il est mal. Déjà intubé. A une heure du matin l’hôpital m’appelle. C’est fini.
J’ai fais ce tu m’avais dit de faire dans ce cas là. Le feu. Et tes cendre dans la baie de St Raphaël. Et puis j’ai désobéi. La moitié seulement. L’autre moitié je l’ai amenée en Creuse, là où est maman. Je me suis dit qu’elle avait deux trois trucs à te dire, et que vous n’aurez pas assez de l’éternité pour vous expliquer.

Le lien était coupé. Non, pas vraiment. Le lien ne se coupe jamais totalement. Je continue de l’user. Là encore, en écrivant ces mots.
Je crois que je ne t’aime pas papa. Même avec le temps je n’y arrive pas. S’il y avait quelque chose à te pardonner je le ferais, mais je ne trouve rien. Alors on en restera là. Je n’ai pas de haine, pas d’indifférence, pas de sentiment. Quand je regarde en arrière pour considérer mon enfance. Je ne vois rien. Un long tunnel noir et gris. Pratiquement aucun souvenirs. Un long ennui. Une longue solitude impartageable. Et cette difficulté à rencontrer les autres. Mais je me soigne papa, j’écris des trucs, c’est pas terrible, mais cela met un peu de lumière sur les choses et le monde. Tu vois papa, j’ai quarante neuf ans et je me sens intact. Il y a des jours où au détour d’un mot je me sens heureux. Je ne suis pas celui que tu aurais voulu que je sois, mais ça cela me rassure un peu. Je vais te dire, je ne suis rien, mais mon cœur bat, et chaque jour j’ajoute un pétale de plus à la fleur de mon âme. Tu ne m’as pas appris l’amour, mais ne t’inquiète pas, pour cela il n’y a pas besoin de professeur, il suffit de se dépouiller un peu et de s’offrir au vent, à l’orage, et chaque jour j’aime un peu plus, c’est parfois troublant, désarmant, même douloureux à certain moment, mais plus le temps passe plus je suis léger. Parce que ce que tu ne savais pas, papa, c’est que j’étais un ange. Et que j’ai besoin du ciel et des étoiles. Tu m’as vendu un monde irrespirable. Et sur bien des aspects tu étais dans le vrai, mais le mien de monde, est un vitrail ruisselant, une source d’eau fraîche, il est fait de quelques prières qu’on jète en l’air pour fabriquer des étoiles, il est fait de rien mon monde, il n’a pas d’épaisseur, pourtant le sang qui le traverse est rouge comme un feu de St Jean. Je ne te dois rien, puisque la vie qui me reste j’ai du la réinventer. A part les mots croisées de Scipion. Que je fais de temps en temps avec rage. Rien, puis que je suis mort une fois, et que là c’est du rab. A part les mots croisés de Scipion. Le reste du temps je les décroise les mots, je rajoute un peu de lumière, quelques notes de musique et je les laisse s’envoler. Pas besoin de grille pour les tenir en respect, pas besoin de définition pour les dire ou les trouver, tu comprends, mes mots sont libres, certains s’envolent, d’autres flottent, ils sont ni horizontaux, ni verticaux, ils sont dans tous les sens, dans les yeux, la bouche, les doigts, les oreilles, et chacun d’eux chante chaque jour un peu plus l’amour, et les plus beau sont les plus silencieux, on ne les prononce pas, on les murmure à peine, on les laisse courir comme une longue caresse qui chercherait la peau d’une amoureuse. Mes mots ne sont pas les tiens, même s’ils saignent c’est leur propre sang qu’ils offrent ; les tiens provoquaient des blessures et les miens sortent de celles que tu as faites. Tu t’appelais Jean, et comme lui au début c’était le verbe, et comme lui à la fin c’était l’apocalypse. Moi je n’ai plus de nom. Et certains jours je les ai tous. Et tout va bien. Je ne suis plus de toi. Je suis d’une errance.

Franck

14 juin 2005

Je viens de me rendre compte que j’avais parlé

nicolas

Je viens de me rendre compte que j’avais parlé d’astrologie mais que je ne m’étais jamais présenté. Ceux qui connaissent un peu, auront sans doute deviné quelques trucs, ceux qui ne connaissent pas prendront ce qui suit pour du charabia. Qu’importe !

Mon professeur d’astrologie se plaisait à dire que le thème astral était la carte d’identité de l’âme. J’aime assez cette définition du thème. C’est à la fois l’histoire et la géographie de notre être intime. En fait, l’alchimie. Je ne crois pas que nos astres prédestinent dans le sens d’une fatalité, c’est plus un clavier sur lequel on pourra jouer. Il n’y a pas de mauvaise musique mais seulement de mauvais musiciens. Il revient à chacun de vouloir, ou non, porter ses étoiles.

Un jour nous naissons, et ce jour là la vie nous confie un " instant du ciel ". Dans l’infinité du temps qui passe, dans la ronde perpétuelle des étoiles, cet instant que matérialise le thème, nous ait donné. C’est le nôtre. C’est dans ce sens là, qu’on peut dire qu’il n’y a pas de bons ou de mauvais thèmes. Chaque instant du ciel porte en lui l’infini du passé et l’infini du futur, quand nous le recevons, il est sous notre responsabilité. Nous incarnons donc un instant du ciel au moment du naître et nous devrons le rendre au moment du mourir. Et la dernière question pourrait être " Qu’as-tu fait de tes étoiles ? ". Je m’égare. Disons que pour moi, cette approche à constitué les premiers éléments d’une spiritualité acceptable. Assez souple. Les images sont concrètes et on n’est pas forcé à des croyances complexes. L’astrologie ne promet rien, elle nous tend simplement la boite à outils en nous disant : " à toi de jouer… ", un peu comme dans le Petit Prince : " …je griffonnais une caisse avec trois trous d’aération et déclarais : " le mouton que tu veux est dedans… " "

En parlant de mouton, j’y reviens.

Je suis né en juillet le 10 précisément. Ce jour là sur Limoges la chaleur avait été étouffante. Au moment où les dernières contractions commencèrent, un terrible orage éclata. Je n’en demandais pas tant. Va pour la symphonie du ciel. Ma mère hurlait qu’elle voulait un bouillon de légumes, c’est alors que je su que pour moi les carottes étaient cuites. Bien sûr mon père n’était pas là, lui il s’occupait de choses sérieuses. Je n’ai jamais compris comment un être si intelligent a pu si souvent passer à coté des choses.

Donc au moment où je naissait le Soleil se trouvait en Cancer. Et l’horizon Est coupait le signe du Capricorne. Dons Ascendant Capricorne. Deux signes à l’opposition l’un de l’autre, ça commençait bien ! Le lieu de la Lune (Cancer) avec le lieu de Saturne (Capricorne). Je suis donc né vieux, depuis je passe mon temps à rajeunir. Je plaisante. Quoi que.

Le signe solaire représente le Moi idéal et le signe ascendant le chemin qui vous y mène. En règle générale on se présente souvent aux autres selon son signe ascendant, disons que c’est lui le plus immédiatement visible. Je suis donc anguleux à l’extérieur et rond à l’intérieur. Bref, mon drame ! J’ai souvent donné l’impression d’être sévère, froid, fermé, distant (j’ai souvent récolté en retour des contres parties négatives à cette première impression), alors que dans le fond, je suis plutôt quelqu’un d’aimable, de sensible et de concilient. Même si parfois le Cancer est un peu capricieux, voir tyrannique affectivement (tyrannie légère), il n’a besoin que d’une chose : d’amour. Ce n’est pas compliqué : d’amour et de tendresse. Des choses en voies de disparition.

Que d’eau… ! Que d’eau… ! Quatre planètes en Cancer : Vénus, le Soleil, Uranus et Mars. Une planète en Scorpion et pas la moindre : Saturne le propriétaire de mon ascendant. Et une planète en Poissons, là aussi une planète importante puis qu’il s’agit de la Lune. A cela s’ajoute ce que l’on appelle le Milieux du Ciel en Scorpion, un lieu essentiel d’un thème.

J’ai toujours pensé que ce déséquilibre élémentale était à la fois la meilleur et la pire des choses. La meilleur, parce qu’intuitivement on peut penser à une harmonie possible, symbolisé par la belle triangulation qui relie les trois signes d’eau, et la pire, parce que trop c’est trop, et que cela pouvait créer un pôle d’inertie. Au fond, les excès sont toujours un point de force et de faiblesse en même temps.

Donc le Capricorne est venu à la rescousse de tout cela ; il a donné une certaine rigidité, une certaine consistance, disons-le une certaine solidité (n’ayons pas peur des mots). Le Cancer avait la tête dans les étoiles et le Capricorne les pieds bien sur terre. Avant d’avoir commencé l’astrologie, j’avais une sorte de devise : " Si tu veux tracer ton sillon droit accroche ton char à une étoile ", je ne sais plus d’où j’ai pu tirer cette phrase ni a qui elle appartient, bref, elle m’a longtemps accompagnée.

Ensuite il faut s’attacher à la planète dite Maître de l’Ascendant, c’est la planète propriétaire du signe dans lequel se trouve l’ascendant. Dans mon cas c’est Saturne. Si mon As avait été Balance c’est Vénus qui aurait été Maître d’Asc, et si mon As était Poisson cela aurait été Jupiter et Neptune, parce que les Poissons on deux Maîtres. C’est comme ça !

Donc dans mon cas : Saturne. Vous avez bien en tête le tableau de Goya, donc je ne vous fais pas un dessin. Une crème ce Saturne. Saturne représente les chutes, les freins, les frustrations, les renoncement, les abandons, la solitude, la fin des choses, c’est la planète des savants, des chercheurs, des religieux, Saturne prend toujours ce à quoi on tien le plus. Il ne faut jamais tenter un bras de fer avec Saturne, car c’est toujours lui qui a raison à la fin. Les lendemain qui déchantent sont sa seule promesse. Si Jupiter est la planète du paraître, Saturne est la planète de l’être. Elle est exigeante, sévère, taciturne etc… pour juger de l’importance du Maître d’ascendant on regarde sa position dans le thème. Dans mon cas il est conjoint au Milieu de Ciel. On ne peut guère trouver plus en évidence. Merci maman ! Donc Lunaire d’un coté et Saturnien de l’autre.

Après avoir regardé le signe solaire et le signe ascendant et la planète maître de l’ascendant, il faut rechercher les planètes dominantes ce sont elles qui vont colorer la destinée. Il existe toutes sortes de méthodes de calcul de la dominantes, les astrologues ne sont pas d’accord entre eux là-dessus ; d’ailleurs ils ne sont d’accord sur rien. Après ils s’étonnent qu’on ne les prennent pas au sérieux.

Mes trois planètes dominantes sont : (dans l’ordre d’entrée en scène) Uranus, et Lune Saturne, presque à égalité, le Soleil serait la quatrième.

Uranus est intéressant. C’est la planète du rythme, de la singularité, de l’originalité, c’est la planète de toutes les transgressions ; tous les mots commençants par " trans " : c’est Uranus. C’est un peu cette planète qui me sauve. Parce que la confrontation Lune / Saturne est souvent catastrophique. C’est d’ailleurs une des confrontations les plus douloureuses. Saturne blesse la Lune de façon irrémédiable. L’une commence, l’autre fini dans le même mouvement. Ca crée des déchirure terribles,( " les plus désespérés sont les chants les plus beaux… " : conjonction Lune/Saturne).

Uranus provoque des irruptions brusques de choses inattendues. C’est l’imprévisible.

Pour terminer le survol rapide d’un thème on regarde l’occupation des maisons. Les Maison sont les lieux d’expérience. C’est une division en douze du cercle du zodiaque en commençant par l’Ascendant qui est la Maison 1.

Dans mon cas la Maison la plus occupée c’est la VII. La VII c’est la maison des contrats, des autres, par extension du mariage, des procès, des ennemis déclarés, de la clientèle. Quatre planètes et non des moindres, Uranus, Mars, Jupiter, Pluton. Outre que mon mariage n’a duré que trois ans, mes rapports avec les gens ont toujours été bizarre, j’ai souvent l’impression d’être à mon corps défendant une sorte de catalyseur dans les meilleurs cas, et un sujet de projection dans les plus mauvais. J’ai souvent l’impression que les autres projettent sur moi des tas de trucs qui ne me concernent pas, d’où beaucoup de mal entendu.

Voilà pour une présentation rapide. Après il faut rentrer dans une astrologie de détails.

Donc mes mythes sont, pour le Cancer  et la Lune: Léda, Endymion, Narcisse ainsi que tous les mythes lunaires.

Pour le Capricorne ; Amalthée
Pour Uranus : Prométhée,
Pour Saturne : Cronos
Pour le Scorpion : Orphée
En ce moment Uranus est aux Poissons, il envoie de bons aspects sur mon signe de naissance le Cancer et sur mon Soleil. Tout peut arriver, même le pire. Non, je plaisante. Quoi que….

Franck

13 juin 2005

Il y a des jours....

Il y a des jours où on laisse la lampe éteinte, on écrit avec une encre d’ardoise sur une page de nuit, et les mots craquent comme des cailloux.
Il y a des jours où l’on trébuche sur un souvenir et voilà qu’on dévale les couleurs de l’arc-en-ciel pour aller s’affaler dans le noir la tête la première, un noir solide et anguleux. On a beau brûler des fagots de secondes pour y voir plus clair on se blesse quand même sur des tessons de ciel.
Il y a des jours qui n’apportent avec eux aucune rémission.
Des jours comme la peau blanche des mourants,
des jours lestés de remords à l’odeur fade.
Des jours sans issue, plombés par l’attente vaine,
des jours sans visage,
jours d’absence en dehors de toute chronologie,
jours que rien ne sauve, ni personne, ni un hier, ni un demain, ni une lumière, ni une prière.
Seulement une épaisseur qui traverse la chair dans laquelle le peu de pureté qui nous reste s’enlise.
Une épaisseur qui étouffe toute flamme.
Les heures s’effondrent les une sur les autres avec un bruit sourd.
Désastre anonyme des heures impossibles à secourir.
Effritement de vie,
décomposition du temps sur des silences inutiles,
et les mailles du temps qui se défont une à une…..
Franck.

12 juin 2005

Les Châtaignes au lait....

Elle s’appelait Simone. Elle a vécu au siècle dernier. Je garde en mémoire le souvenir d’une femme forte, solide, digne, joviale, traversant la vie dans une solitude rayonnante. Simone. Ma grand-mère. La mère de ma mère. Une femme ordinaire, comme il en existe beaucoup. Ordinaire et exceptionnelle à la fois. Et mon regret, aujourd’hui, est de n’avoir rien vu, rien compris. Pas assez aimé. Il y avait en toi, Simone, quelque chose d’absolu, une conviction simple et irrévocable qu’il fallait marcher quelle que soient les embûches ou les fatalités. Tu étais sans illusions et pourtant tu étais éclatante d’espérance. Droite, toujours droite et volontaire, remplie d’audace sereine et de courage. Le courage, je crois que c’est toit qui m’a appris ce que c’était. Le courage sous toutes ses formes, physique, moral et même spirituel. Et il t’en a fallut du courage.

En Creuse, dans la ferme de tes parents il y avait deux vaches, et les terres sur lesquelles ils s’épuisaient ne leurs appartenaient pas. Toi tu cueillais les mûres et les champignons et tu refusais de parler patois. Tu avais de l’ambition ; oh, elle n’était pas démesurée cette ambition, tu voulais simplement quitter cette ferme trop étroite et cet horizon de misère. Tes parents n’avaient rien mais ils t'ont légué ce qu’ils avaient : l’humilité, la ténacité, un sens puissant de la dignité, savoir dire oui et savoir dire non, la pratique du silence et un bon appétit. Avec ça tu étais armée.

Tu y as vécu à la ville, Limoges, (un jour il faudra que j’en parle de cette ville) tu t’y es mariée ; un bon mari, gentil, simple, fonctionnaire et de santé fragile. Lucie est arrivée très vite, mais elle n’a vécu qu’une seule année. Plus tard, au cimetière, quand le caveau fut ouvert, tu me montras le tout petit cercueil abîmé : " C’est ma petite Lucie " tu diras les yeux pleins de larmes. Et puis il y a eut Suzanne, ma mère. Une tempête de soleil dans ta vie. Un ouragan de bonheur. Tu es devenue épicière, mais ce n’était pas suffisant, alors tu as appris la coiffure. Dans la petite boutique aux deux enseignes tu servais du lait ou des pommes de terre entre deux rouleaux et une couleur.

A la libération, tu les as vu arriver, tous ces résistants de la vingt-cinquième heure. Ils étaient, fous de rage, ivres, hurlants, ils étaient presque cent dans la petite cour, ils avaient des armes et il poussait leur trophée devant eux. Ils avaient gagnés la guerre, alors ils avaient le droit de prendre une femme et de la déshabiller, parce que ils étaient courageux, parce qu’ils étaient des hommes, et parce qu’une femme c’est dangereux. Une femme seule et cent hommes, il faut imaginer le tableau. Ils voulaient que tu la tondes. Toi devant la porte, seule au monde, et cette femme nue. Tu m’as dis, la colère qui t’a prise à ce moment là, une colère de montagne. Non, tu n’avais pas peur. Moi, vivante vous ne la toucherez pas, et surtout pas avec mes ciseaux. Et puis, tu as crié, insulté, tu ne te souvenais même plus de ce que tu leur avais dis.

Et celle-là, tu l’as prise, tu l’as fait entrer dans ta petite boutique. Foutez le camp ! Et ils sont partis en râlant. Et ils sont partis parce qu’ils étaient courageux. Celle-là tu l’as prise, tu l’as serré dans tes bras, tu l’as habillée.
Mais la haine dans les yeux de ces hommes tu t’en ais toujours souvenu.

Et, Marcel, ton mari, est mort. Tu avais cinquante ans. Alors tu t’ais dis ma vie commence là. Pour toi les hommes c’étaient finis. Mais seule, ta fille mariée, tu voulais vivre, prendre des risques, sentir bouillir ta vie. Alors tu as plié les gaules. A nous deux la capitale. Seule tu es partie. Avec en poche les quelques argents que t’avait rapporté la vente de ton petit commerce bicéphale. Pas grand chose mais assez pour commencer à t’endetter. Tu as acheté un petit meublé dans le 14ème , rue du Château. Et tu t’es découvert un don jusque là inconnu, tu savais d’instinct quand il fallait acheter et quand il fallait vendre. Un petit Tapi à ton échelle, sauf que toi, tu ne licenciais personne. C’est comme ça que tu as pu acheter un petit hôtel près de la place Clichy. Là, je m’en souviens, je devais avoir trois ou quatre ans. Rue du Mont Dore. Tu étais dans toute ta splendeur. Mes parents eux aussi étaient à Paris. Souvent c’est toi qui me gardais. Malgré l’imprécision de mes souvenirs, je garde de ces instants passés avec toi dans cet hôtel, un souvenir lumineux. Il y avait une quarantaine de chambres, et tu étais seule pour faire tourner ta petite entreprise. Je me souviens, des petits déjeuners le matin, le premier coup de feux, le nettoyage des chambres, le second coup de feu, tu avais une seule petite femme de chambre pour t’aider le matin, venait ensuite le lavage des draps. Ca s’était ta tache. Ton truc. Je t’ai vu des heures et des heures penchée sur cette grande baignoire : laver, rincer, essorer des monceaux de draps. C’était sans fin, ton corps sentait la lessive et des mains étaient toutes fripées comme un buvard trop imbibé. Ton dos te faisait mal, mais tu y allais de bon cœur. Des années cela a durée, et tous les jours son lot de draps plein d’histoires à laver. Le soir tu repassais, jusqu’à épuisement. Je crois que jamais je n’ai t’ai vu effondrée, fatiguée ; au contraire j’ai le souvenir d’une femme plein d’allant, toujours le sourire aux lèvres. Plaisantant avec ses clients, les habitués surtout.

La politique ne t’intéressait pas, pourtant tu accueillais chez toi une foule de gens bizarres, des réfugiés, surtout des yougoslaves, ou des tchèques, des étudiants sans le sou, ou des marginal, des peintres, des écrivains. Ce n’est pas avec eux que tu faisais fortune, tu disais ça en riant, avec des yeux pleins de malices. Pour eux tu étais madame Simone. Et ces gens te respectaient. Quand on est enfant le respect c’est un truc qui se voit, qui se sent. Tu étais dans un quartier un peu chaud, alors tu as connu aussi deux petits macs, Pierrot et Charlie. Mais tu ne voulais pas que ton hôtel soit un hôtel de passe. Alors tu leur as expliqué. Et comme les autres, les deux petits macs t’on respecté. Tu n’étais pas prude, mais tu avais ta morale, et ta morale te disait que ce n’était pas bien de faire travailler des filles. Quand il venaient ils se tenaient bien. Tu jonglais avec ton livre de police, d’ailleurs même les policiers du quartier t’aimaient bien. Alors ça t’arrangeait pour tes petits réfugiés. Souvent Charlie venait saluer Simone, il était accompagne de Brigitte. Brigitte c’était ma récréation. Elle sentait bon, on aurait dit une fée (habillée plus court). Pour l’éloigner un peu de Charlie, Simone demandait à ce que Brigitte s’occupe de moi. Nous partions alors en promenade tous les deux. J’ai encore le souvenir de la chaleur de sa main. Elle me prenait au cou parfois pour m’embrasser sans raison. On s’aimait avec Brigitte. Le soir quand on revenait, je restais accroché à sa jupe. Je l’aimais Brigitte. Elle était belle comme une grande sœur.

Et puis Simone a du vendre cet hôtel, a contre cœur, mais elle n’en pouvait plus, quatre à cinq heures de sommeil pare jour à plus de soixante ans ce n’était plus possible. Alors elle a acheté un autre petit meublé. Elle menait seule ses petites affaires, elle ne demandait à personne un avis qu’elle n’aurait pas suivi.
Elle a eu quelques année de répit, elle travaillait moins.

Et puis il y a eu la maladie de maman. Le Cancer. Six mois cela aura duré. Tu as vu ta fille partir chaque jour un peu plus. Alors j’ai vu ce qu’était le vrai courage. Le vrai désespoir et le vrai courage.

A la fin elle ne ressemblait plus à rien. Avant d’entrer dans sa chambre, tu te remaquillais, tu te recoiffais, tu respirais à fond, tu accrochais un sourire et tu poussais la porte. Et tu restais là, avec elle, parlant de tout et de rien, acceptant avec bonheur les rebuffades de sa part, tu étais devenu son souffre douleur. Et chaque jour tu l’aimais un peu plus. Quand tu sortais de cette chambre, tu t’effondrais. En larmes, en malheur, tu t’éloignais pour crier parfois, en une fraction de seconde ton visage prenait mille ans. A la fin tu ne dormais plus, tu ne mangeais plus, tu veillais assise à coté de sa chambre. Je te jure mamie, tu étais belle dans cet amour désespéré, c’est chez toi que j’ai puisé de la force, et de l’envie de vivre. Oh oui, tu étais belle….

C’est un an après sa mort que nous avons vécu ensemble. C’était l’année de mon Bac, j’étais admis dans un cours privé à Paris. Donc c’est toi qui m’as accueilli. Un an ensemble, j’avais dix-sept ans et toi soixante-quatorze. Pas simple la confrontation des générations. Tu as pris ce défi comme les autres, à bras le corps. Tu as été d’une abnégation et d’un amour sans faille, je n’étais pas très agréable à vivre mais jamais tu ne t’es découragé. Cette année passée avec toi reste gravée dans ma mémoire. L’appartement était petit, moi je dormais sur le canapé du salon, le soir je lisais Sartre, Camus, j’écoutais Chopin et Debussy, ou j’écrivais de longues lettres à une jeune fille qui n’y répondait jamais. Toi, après le repas tu t’éclipsais dans ta chambre.

Souvent la nuit tu ne dormais pas. Tu pensais à ta fille morte, parfois a la petite Lucie, mais c’est Suzanne qui t’empêchait de dormir. L’angoisse et la douleur te serraient la poitrine à la faire exploser. Alors tu te levais et tu marchais autour de ton lit. Des heures à marcher dans la nuit et la douleur. Tu ne voulais pas faire de bruit à cause de moi à coté. Tu marchais en silence, en pleurant, tu marchais dans ta vie de souffrance. Moi, j’entendais parfois le plancher craquer. Je savais ce qui se passait. Un jour tu avais dis à quelqu’un : " La nuit je ne dors plus, j’ai son image en moi, là, devant les yeux, c’est impossible, alors, vous comprenez, je marche. Doucement je ne veux pas le réveiller… ", J’avais entendu. Alors je savais pour les bruits de parquet. Ca craquait, un peu, comme un cœur qu’on écrase. Vous savez, quand il y a beaucoup, mais beaucoup de chagrin. J’ai encore ce craquement dans la tête. Pour moi le courage d’une femme, c’est ce craquement de plancher dans la nuit, dans le silence. Au matin il n’y paraissait rien, elle m’apportait un café " Tiens mon chéri… tu peux le boire ce n’est pas très chaud…" Et moi je savais la nuit quelle avait passé. On ne se disait rien de tout ça. Il fallait continuer. Alors on continuait. C’est là que j’aurais pu lui dire que je l’aimais. Mais à dix-sept ans on est juste un peu con. Quand j’ai eu mon Bac, j’ai vu une joie et une fierté dans un regard que je n’ai jamais revue nulle part. Les yeux brillent, ils sont des océans. Pourquoi je ne t’ai jamais dis à quel point je t’admirais ? Pourquoi ?

Mon père est venu s’installer à Paris. Naturellement tu t’es occupé de lui. Pourtant tu ne l’aimais pas. Il avait trahi ta fille. Mais tu lui as dis que tu le faisais pour moi. Tu as été la seule à lui tenir tête, pendant des années, tu as fais ses courses, lavé son linge, fait son ménage, sans jamais céder d’un pouce sur une reconnaissance qu’il te demandait : " Je ne vous aime pas Jean, je fais ça pour Franck et ma Suzette, pas pour vous.. " Chaque matin elle traversait Paris en métro, pour s’occuper de l’intendance de mon père, le veuf joyeux, chaque soir elle repartait chez elle à la nuit tombée. Jusqu’à quatre-vingt ans. Simone, elle était comme ça, entière, droite, digne. Elle savait l’être pervers qu’il était, calculateur, paranoïaque, rien ne l’impressionnait. Un jour ils se sont accrochés, elle lui a dit tout ce qu’elle avait sur le cœur. Elle était droite devant son nez. Elle n’a rien lâché, elle n’a pas tremblé. C’est sans doute la seule fois où je l’ai vu reculer. Lui. Battre en retraite. Lui. Même dieu ne lui faisait pas peur, d’ailleurs elle l’avait laissé tomber dieu. Elle a trop vu mourir les siens, elle a trop vu mourir son sang, alors dieu il faut comprendre, ce n’est pas possible.

Elle est partie cinq ans plus tard, en douceur. Par épuisement. Sur son lit de fin elle souriait beaucoup, les infirmières l’aimaient bien Simone. Elle leurs racontait des histoires sans queue ni tête, mais toujours avec un bonheur dans la voix.
Et quand elle me voyait c’était de la joie à l’état pur. Il y avait quelque chose dans ses yeux que je n’ai jamais revu.

Je l’ai toujours connu seule, parfois son amour était envahissant, mais sonnait clair comme une source.
C’est quand tu es partie que j’ai compris que je perdais un être exceptionnel.
C’est toi qui m’as appris ce que c’est qu’être digne, droit, courageux. Rien ne te fut donné, rien ne fut facile, mais tu as su aimer avec débordement, la vie, et les tiens.

Comme quand tu mangeais des châtaignes au lait. Tu en avais plein la bouche. C’était un plaisir de te voir, dans cette gourmandise à l’état brut. Tes yeux brillaient d’une malice désarmante et mystérieuse, presque enfantine….

Franck

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11 juin 2005

Je n'en voyais plus qu'un....

Elles ont plusieurs visages, plusieurs vies, elles s’insinuent parfois entre les plis de la nuit, dans quelques ruelles désertées du sommeil pour consumer ce qui reste de nos vides, de nos manques. Elles ont plusieurs visages, plusieurs peaux, mais l’espace d’un rêve, elles ont une présence, une évidence foudroyante. On ne peut les nommer, sans les appeler toutes, mosaïque de chair et d’ombres fuyantes, fusion alchimique de nos amours échoués sur les berges obscures de la mémoire, condensation mystérieuse de nos désirs, de nos tentations, de nos folies libertines. Elles ont le visage de nos passions imprécises, à peine ébauchées, celles que l’on a oubliées, celles que l’on a pas consommées, ou celles plus aiguës encore qu’on a tant espérées. La nuit, dans nos rêves elles ont plusieurs visages, et elles surgissent vivantes dans un jeu de miroirs, si vivantes et si insaisissables, si proches et si lointaines, si belles, toujours si belles…

Tout d’abord j’ai cru entendre le son clair d’une voix de lune, vous savez ces voix juste un peu trop pâles, infiniment blanches et pâles. On en connaît pas, pourtant on pourrait les reconnaître entre mille ; j’ai cru entendre une voix blanche, faite pour la nuit, pour la confidence, une voix qui a besoin de la flamme de cette bougie pour prendre son souffle et son envol, la seule voix possible pour prononcer mon nom. Le son clair d’une voix de lune et des yeux vastes comme un ciel d’orage, des yeux qui s’accrochent à l’âme, qui vous prennent de l’intérieur dans le sens d’une exigence inavouable, regard d’orage saturé de chaleur, encombré de tendre convoitise, mélange de cruauté onctueuse et de bienveillance tyrannique. Son corps n’était pas UN, mais multiple, innombrable ; là, les seins alourdis de désirs et d’offrandes juteuses, tremblants et durs et doux à la fois, des seins en duvet de songes, en souvenirs d’enfance. Là, une bouche de neige fondue aux saveurs sucrées de barbe à papa, coulante comme la lave d’un pécher, avec cette langue légère et grave de tous les mots d’amour quelle a pu susurrer. Et ce ventre aux vagues émouvantes, immense et grandiose, un ventre océan, un ventre univers, souple et tendu comme l’espace sans fin, un ventre velours, un ventre fait pour mes mains qui s’y posent, mes mains qui quémandent, mes mains qui supplies. Et j’ai serré des cuisses larges et amples comme une plage de dunes, bouillantes et fortes, et j’ai serré si fort que j’ai voulu m’enfouir dans ces chairs soyeuses, ces chairs moelleuses, gracieuses et souriantes. Les rêves n’ont pas de poids, et ces cuisses étaient légères, elles ouvraient sur la source ultime, chaude comme un nid, profonde comme la nuit. Elles ouvraient sur une ruche débordante de miel infusé dans l’antre du désir. Elles ouvraient sur la source de chairs vives, la source dévoilée par la soif de l’amant, la source intarissable, toute repliée en étranges secrets, en corolles parfumée d’attente, en pétales froissés par la pudeur des anges, le seul lieu de nos peurs et de nos rémissions.

Le corps du rêve vit et se coule dans la peau du sommeil entre deux plis de nuit. Elle avait cent visages et cent bras de civa aux cent mains de caresses, et elle jouait des doigts sur mes reins musicaux, mes reins de piano, une musique affolante, et je sentais ses doigts légers courir sur mon dos nu pour me dire et me conduire en musique vers la note de son corps la plus aiguë et la plus pure.

Elles ont plusieurs visages, mais pourtant au matin, je n’en voyais plus qu’un. Un visage d’avenir, un visage de demain.

Franck

10 juin 2005

J'ai vu.....

J’ai vu tant et tant…
J’ai vu des visages défaits, par la douleur ou par la peur, j’ai vu des chagrins d’enfants inépuisables, comme ceux-là à la peau si noire, aux ventres si gros sur des corps si maigres aux yeux si effarés, si désemparés. J’ai vu les chagrins ordinaires, qu’on ne consolent pas, ou jamais assez, j’ai vu la violence des mots, des gestes et des intentions s’abattre sur des vies innocentes. J’ai vu des solitudes impensables, des terres frappées par le gel et le vide, où les âmes se cassent comme de la glace. J’ai vu les trahisons, ah oui ! Ca, j’en ai vu, elles poussent comme le chiendent, comme le mépris, comme la haine. J’ai vu les oublis, les omissions, les prétentions, charriées par des fleuves ambitieux, inonder et noyer des existences fragiles et aimantes. J’ai vu blanchir les heures dans l’œil noir de la mort, dans le regard de ma mère, dans la grimace de mon père. J’ai vu partir ma vie sur la pointe des pieds, sans tambours ni trompettes, simplement, comme ça, un long épuisement sans fin. J’ai vu les espérances gonfler comme d’énormes ballons et crever d’un seul coup, par ignorance ou bêtise. Bêtise souvent. J’ai vu la lâcheté ramper, et les lâches gueuler avec les loups, et les loups flatter les lâches, et les lâches aimer les loups. J’ai vu l’amour blessé, bafoué, abandonné et encore espérant, et l’amour démembré recroquevillé comme un animal mourant. J’ai vu les jours sans fin et les nuits sans retours. Et la peur aussi, celle qui fait trembler et celle qui ne dit pas son nom mais qui ronge les jours et le sang. J’ai vu l’humiliation s’écrouler devant le dédain… J’ai vu tout ce que les hommes voient, ni plus, ni moins, ni mieux, j’ai lu beaucoup, souvent mal, j’ai cru aussi que je pouvais écrire, j’ai appris les étoiles espérant mieux comprendre, j’ai même traversé les déserts, les plus grands, pour affermir mon âme, j’ai prié des dieux insensibles ou inconnus et me suis abrité sous la lumière des vitraux, j’ai cru aux idées, j’ai même failli aimer ma solitude, j’ai plusieurs fois recommencé ma vie, j’ai voulu être tout et de mon temps, et être rien, et être rien…

Dix fois j’ai refait mon bilan, dix fois ça n’a servi à rien. Je suis une âme boiteuse qui marche dans son errance, ni plus, ni moins, cahin-caha… ni sage, ni ignorant, assez pauvre ou assez sot pour cueillir de temps à autre quelques trèfles à quatre feuilles, assez pauvre ou assez sot pour lancer en l’air quelques paroles amoureuses, assez pauvre ou assez sot pour croire encore que demain tout est possible, assez pauvre ou assez sot pour n’attendre rien et espérer tout, ou le contraire, assez pauvre ou assez sot pour ne plus croire au bonheur et faire comme s’il arrivait demain, assez pauvre ou assez sot pour faire encore des rêves, des rêves de peau et de chairs et de baisers mouillés, et de mains tendues qui toucheraient mes yeux, et de souffles échangés, et de silences heureux, et de promesses brûlantes, et de sources bleues, et des rêves d’anges….

Assez pauvre ou assez sot pour pleurer à nouveau ou rire aux éclats.

Franck.

9 juin 2005

Une nuit d'été....

C’est arrivé quelques fois. L’été.
Nous habitions notre petite maison au milieu des champs.
La nuit, l’été, avec simplement les draps sur nos corps nus. Isabelle avait un sommeil léger. Tout chez elle était léger, même son sommeil. Alors il lui arrivait de se réveiller. Souvent à cause des rêves. Elle en faisait de toutes les couleurs. Souvent le matin elle en parlait, entre deux gorgées de café, mais elle ne racontait pas tout, les séquences osées elle les enjambait en rosissant légèrement. J’adorais ses bouffées de pudeurs. La nuit souvent elle se réveillait. Il m’est arrivé de la cueillir à ce moment précis où elle se rapprochait de moi et posait sa main sur le haut de ma cuisse. Deux gisants collés l’un à l’autre. Deux gisants de chair chaude. Souvent nous nous rendormions… Et puis, c’est arrivé. La première fois, je ne dormais pas, j’écoutais sa respiration en me laissant bercer. J’étais dans sa seule présence. Les yeux fermés, calme ; elle, allongée à coté de moi. Rien de grave ne pouvait arriver. Et puis elle s’est réveillée, je l’ai sentie se tourner et se retourner. Je ne bougeais pas, même quand elle a repoussé le drap. Et j’ai senti son souffle sur ma poitrine, sur mes lèvres, j’avais l’impression qu’elle respirait mon corps, elle ne le touchait pas ou si peu, à peine un effleurement. J’étais réveillé, mais je ne bougeais pas. Il y avait quelque chose d’envoûtant dans cette nuit d’été, quelque chose qu’il ne fallait pas déranger. Sa main s’est poser sur mon corps, je l’ai reçu comme une eau tiède, ses gestes n’avaient pas de poids, elle ne voulait pas me réveiller.

Ta main, Isabelle, tes doigts de plumes tendres partout sur ma peau, et puis ta bouche, comme une source chaude. Tu embrassais avec lenteur, avec douceur, et moi je sentais ton souffle et tes cheveux. Une symphonie d’effleurement. Et puis tu as commencé à murmurer, des sons à peine audibles, un chant ? une prière ? des mots d’amour ? Que l’exil était doux dans ton pays satin !Qu’il était difficile de ne pas te saisir pour t’embrasser ! Mais il y avait quelque chose d’envoûtant dans cette nuit, quelque chose qu’il ne fallait pas déranger. Le temps s’était déposée sur la table de chevet, à coté de la lampe éteinte et du réveil, et avait jeté sur nos vies un voile de soie. Ta chaleur avait pris la forme de mon corps et tes baisers celle de mon cœur, tu as à peine saisi mon sexe dans le feu de tes lèvres, tu cherchais autre chose, tu poursuivais sans doute ton rêve, et ce corps abandonné au sommeil et la nuit te permettait de le cerner. Je n’ai pas bougé ou si peu. J’étais dans une dérive ouatée. Un temps d’éclipse. Je recevais chaque caresse, chaque baiser comme ces journées d’automne encore gorgées de soleil et lourdes d’un épuisement divin. La nuit, les corps ont une odeur épaisse, enivrante, c’est un parfum qui parle, qui nous dit le désir, je vivais ton odeur Isabelle, je n’étais plus que ça. Longtemps, cela a duré longtemps. Tu étais légère, Isabelle, dans cette nuit tremblante, et ton ombre avait plus de poids que tes doigts, on aurait dit que tu célébrais une messe dont toi seule connaissais les rites. Tu étais une prêtresse appelant à son secours tous les anges et toutes les fées. J’ai eu envie de mourir, Isabelle, dans cette cérémonie. Il y avait quelque chose d’envoûtant et de parfait dans ces instants, quelque chose d’indépassable dans ce don d’amour simple et si définitif, déjà je savais que cette nuit compterait plus que les autres, comme si nous avions franchi un au-delà du désir. Qu’y a-t-il après le désir des chairs ? Qu’y a-t-il après l’arrachement des chairs essoufflées et débordantes ? Que reste-t-il quand les corps se sont frottés l’un à l’autre, quand les sueurs et les salives ne sont plus que des ruisseaux incendiés ? Que reste-t-il après les gestes heurtés et les sexes cognés. Qui sommes-nous après l’effondrement, après l’échange des peaux, après la jouissance ? Qui sommes nous après nos cris ? Cette nuit là tu m’as donné un au-delà du désir, quelque chose de léger et d’infini à la fois, Comme si le plaisir se nourrissait aussi de ces gestes retenus, inachevables, qu’aucun mots ne vient distraire. Cette nuit là, tu t’ais fabriqué un secret aussi léger que ton sommeil, parce que chez toi tout était léger. Un secret dont j’étais l’otage consentant.

Franck.

8 juin 2005

Deux portes.....

Et puis il y a l’attente. L’attente et ses deux grands portails. Souvent je les confonds. Je les connais, pourtant, je me trompe.
Souvent.
Dans l’attente il y a deux portes.
La première ouvre sur un sourire, une retrouvaille. C’est l’attente pleine ; le sang bat plus vite, le cœur se charge, s’embellit, se prépare, c’est un temps qui augmente. L’amoureux, attend l’amoureuse. Les secondes tintent clair. Un ruisseau d’eau vive saute et sursaute, courant toujours plus vite vers le soleil. C’est un temps éclaboussé où ne surnage que l’écume bouillonnante de l’âme. Quelque chose en nous s’aiguise, s’allège, s’apprête. Nous sommes sur le point de partir. On est déjà parti. On ne s’appartient plus on est déjà à l’autre. Ce n’est plus notre corps, c’est le sien que l’on touche, ce n’est plus nos paroles mais ses lèvres que l’on boit, ce n’est plus de la soif mais une eau fraîche qui mouille la peau. Ce ne sont plus les semailles mais déjà la floraison. Le manque vient à manquer au manque. C’est un temps de désordre joyeux, du vent dans les jupes des saules.

La deuxième porte. Celle qui ne faudrait jamais franchir. Et pourtant… On est au cœur d’un temps dévasté, qui n’a plus de rives, plus d’horizon. Chaque seconde s’abreuve de notre sang. Et les secondes sont noires parce que le sang est noir. Rien n’est douloureux, mais tout est lourd. Plat et lourd. C’est un temps qui ne ressemble à rien, sinon à nous-même, un reflet plat et délavé dans une glace fêlée. Un temps de chair molle où les organes s’affaissent, où la mémoire trahit. Rien ne bouge puisque tout a vécu et que renaître est un déchirement. Rien ne bouge dans cette ornière du temps. L’autre n’a pas de visage, plus de souffle, l’autre s’est perdu dans tous les autres, c’est un temps d’aveugle, sans réponse, puisque la question s’est diluée dans nos renoncements, dans nos lâchetés. Le manque s’ajoute au manque. Et le silence n’a plus de sens puisqu’il n’est plus offert.

Et chaque matin il nous faudrait sans trembler recommencer l’inévitable choix entre ces deux portes d’attente. Un peu comme on ouvre la fenêtre ou qu’on la laisse fermée. Et souvent je me trompe en laissant les vitres closes croyant me protéger de quelques courants d’air. Et du vent, qui pourrait m’apporter le chant d’un oiseau, la couleur d’un printemps, ou les rires des enfants. Les nouveaux amours voyagent par les airs, ils s’amusent du vent. Je devrais laisser ma fenêtre ouverte, plus souvent…..

Franck

7 juin 2005

L'eau et la littérature.... (2)(Fin)

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Après des luttes acharnées l’âme peu arriver aux abords des eaux des Poissons. C’est l’ultime étape. Il nous faut dépasser nos propres limites, pour approfondir notre méditation. L’horizon s’élargit et l’on se sent envahi d’un vertige de brume et le cœur se rempli d’une désespérante joie et l’on prie pour que l’ineffable advienne. La mer est devant nous, immense, infinie, c’est l’image même de la divinité. Avec l’eau des Poissons nous sommes dans la pure communion. L’eau des Poissons c’est l’Océan, et c’est aux rythmes de la vague et des marées que les Poissons s’expriment. C’est une eau parfois douloureuse, parce que c’est eau compatissante. Aux Poissons on souffre du monde, on a mal aux autres. C’est la dernière étape, l’étape du pardon et de la miséricorde. Aux poissons il nous est demandé d’être nu comme au premier jour, il faut s’être départi de tout, avoir rompu toutes nos attaches, être dépossédé de tous les biens, être même dépossédé de soi. Alors le voyage est possible. Il faut écouter Mallarmé (Poissons du mois de Mars) :

" La Chair est triste, hélas ! et j’ai lu tous les livres.
Fuir ! là-bas fuir ! Je sens que des oiseaux sont ivres
D’être parmi l’écume inconnue et les cieux !
Rien, ni les vieux jardins reflétés par les yeux
Ne retiendra ce cœur qui dans la mers trempe
O nuit ! Ni la clarté déserte de ma lampe
Sur le vide papier que la blancheur défend
Et ni la jeune femme allaitant son enfant.
Je partirais ! Steamer balançant ta mâture,
Lève l’ancre pour une exotique nature !
Un ennui, désolé pars les crues espoirs,
Croit encore à l’adieu suprême des mouchoirs !
Et, peut-être, les mâts, invitant les orages,
Sont-ils de ceux qu’un vent penche sur les naufrage
Perdus, sans mâts, sans mâts, ni fertiles îlots.
Mais, ô mon cœur, entends le chant des matelots. "

L’eau de la mer invite aux voyages. Et surtout aux derniers voyages. L’ultime fusion, la dernière union, le dernier souffle.

Et c’est donc au rythme lancinant des marées que les Poissons chantent leurs mélopées. On a une bonne idée de ce qu’est l’eau et une marée Poissons, avec le Boléro de Ravel ( Soleil, lune et Mercure en Poissons). Une musique en spirale, à chaque tour une vague de plus, une note de plus, un instrument de plus, ça pourrait durer à l’infini. Vague après vague Ravel monte sa marée jusqu’à l’acmé finale. L’eau des Poissons est une eau qui s’augmente. Il lui faut du temps, parce que la marée est longue à venir et c’est le ciel qu’elle tire.

Victor Hugo, Poissons s’il en fut, retrouve souvent le souffle de la vague dans ses poèmes, la mer peu y être inquiétante, profonde :

" Où sont-ils les marins sombrés dans les nuits noires ?
O flots, que vous avez de lugubres histoires !
Flots profonds, redoutés des mères à genoux !
Vous vous les racontez en montant les marées,
Et c’est ce qui vous fait ces voix désespérées
Que vous avez le soir quand vous venez vers nous ! "

Les marées de Hugo sont des marées universelles, pleines de douleurs et de craintes, au contraire avec l’eau De Ramakrishna ( avec Uranus, Lune, et l’Ascendant dans le signe des poissons) l’âme peut s’abandonner :

" Il était une fois une poupée de sel qui descendit vers la mer dans l’intention d’en mesurer la profondeur. Elle tenait à la main une sonde. Arrivée au bord de l’eau, elle contempla le puissant océan, jusqu’à ce point elle continua à être la poupée de sel, mais elle n’eut point plutôt fait un pas en avant et mis le pied dans l’eau qu’elle devint une avec l’océan et se perdit entièrement. Le sel qui la composait était venu de l’océan et voici qu’il était revenu à l’océan. La poupée de sel ne peut retourner vers nous, pour nous parler de la profondeur de l’océan. "
Il en est ainsi de dieu.
Et pour finir avec Ramakrishna et l’eau des poissons.

" Un jour, j’étais en proie à une intolérable angoisse, il me semblait qu’on me tordait le cœur comme un linge mouillé, la souffrance me déchirait, à l’idée que je n’aurais pas dans ma vie la bénédiction de la vision divine. Une frénésie terrible me saisit, je pensais si cela doit être ainsi assez de cette vie ! La grande épée pendait dans le sanctuaire de Kali, mon regard tomba sur elle, et j’eus le cerveau traversé d’un éclair : elle, elle m’aidera à mettre fin. Je me précipitais. Je l’empoigne comme un fou et voici : la pièce avec toute ses portes est ses fenêtres, le temple, tout s’évanouit, il me sembla que plus rien n’existait et à la place je perçu un océan d’esprit sans limite, éblouissant, de quelques parts que je tournasse les yeux, aussi loin que je regardais, je voyais arriver d’énormes vagues de cet océan luisant, au dedans de moi roulait un océan de joie ineffable. "

J’ai souvent l’impression qu’un créateur, qu’un artiste, s’appuie sur un des quatre éléments pour donner forme à son imagination.
A chaque fois qu’il le retrouve son art se purifie, il est au centre de lui-même.

Bien sûr, ce que je dis n’est une preuve de rien. Certainement les contres exemples existent. Qu’importe. L’important c’est d’être saisi par quelque chose. La sensation d’une révélation.

Pour finir et faire plaisir à une lectrice Taureau, je fais un crocher par un signe de Terre. Le taureau, se pose toujours la question de la forme, de la consistance. Ils sont sensuels, tactiles, même légers ils sont dans l’épaisseur de la matière, ils tirent, ils portent, ils soutiennent, ils aiment les joies simples et naturelles. Giono est un magnifique représentant de l’écriture Taureau ( Avec L’ascendant, la Lune et Vénus dans le signe ). Il termine Regain de la façon suivante

" C’est une joie dont il veut mâcher toute l’odeur et saliver longtemps le jus comme un mouton qui mange la saladelle du soir sur les collines. Il va, comme ça, jusqu’au moment où le beau silence s’est épaissit en lui et autour de lui comme un pré.
Il est devant ses champs. Il s’est arrêté devant eux. Il se baisse. Il prend une poignée de cette terre grasse, pleine d’air et qui porte la graine. C’est une terre de beaucoup de bonne volonté.
Il en tâte, entre ces doigts, toute la bonne volonté.
(…)
Il est debout devant ses champs. Il a ses grands pantalons de velours brun, à côtes ; il semble vêtu avec un morceau de ses labours. Les bras le long du corps, il ne bouge pas. Il à gagné ; c’est fini.
Il est solidement enfoncé dans la terre comme une colonne. "

Tout le signe du Taureau est là. Mieux raconté que dans n’importe quel discours astrologique.

Les choses sont parfois moins évidentes. Par exemple avec St Exupéry, (Cancer) un signe d’Eau donc. Or il fut aviateur. Bizarre. C’est dans ses écrits qu’il retrouve son élément naturel : l’eau. A la fin de Vol de Nuit, l’avion est perdu dans l’orage, c’est l’instant ultime. C’est à ce moment précis que St Ex fait appel aux images aquatiques, l’avion devient un bateau, l’orage est une mer déchaînée. St Ex à écrit les déserts aussi, les lieux sans eaux, ou plutôt, les endroits où l’eau avait de l’importance. Chez lui un désert abrite toujours un puits. Et marcher dans les sables c’est marcher vers une eau pure. Une eau salvatrice. C’est la source qui fait le désert et non l’inverse. L’homme est un vaste désert dont il faut découvrir la source. Et le désert est beau de la source qui s’y cache.

………….

Seigneur je ne suis rien, sinon cette eau aimante….
Cette eau oubliée, simple et désolée, qui attend en silence les lèvres assoiffées qui la feront chanter.

Franck

6 juin 2005

L'eau et la littérature... (1)

(Je me suis lancer sur un sujet qui a un peu débordé, j’ai donc été obligé de couper ce texte. D’une par parce que ne l’ai pas encore terminé et d’autre part pour le rendre moins indigeste.)

C’est avec l’astrologie que j’ai ranimé mon amour des livres. L’univers symbolique de cette discipline me permet d’apprécier la littérature avec une grille de lecture nouvelle et différente. Ainsi je tente d’approcher l’imaginaire d’un auteur au plus près du lieu où s’élabore les images, les formes, les rythmes, les couleurs, les mouvements, au lieu même de l’inspiration. Le lieu des muses. Bachelard en rédigeant ses ouvrages sur les quatre éléments ne savait pas qu’il allait participer à tout un renouveau du discours astrologique. A son corps défendant bien sûr. C’était un philosophe, mieux un épistémologue, donc quelqu’un de sérieux, mais qui malgré son sens du rationnel, a succombé aux charmes de l’imagination et de la rêverie, en bon Cancer qu’il était. On peut même dire que c’est dans ses livres sur l’imagination poétique qu’il a été le plus lui-même. Il est d’ailleurs probable qu’on ne retienne de lui que ces seuls ouvrages. Bref, les quatre éléments le Feu, la Terre, l’Air et l’Eau nourrissent notre pensée la plus archaïque, ils ont été un des premiers cadre dans lequel les hommes ont commencé à comprendre le monde qui les entourait. Pour les anciens les quatre éléments sont à l’origine de toutes choses, ils sont aussi le point de rencontre de l’homme et de la nature. Mais là n’est pas mon propos.

Mon propos c’est la littérature, comment lire ou écrire et en retirer un plaisir nouveau.
Prenons l’exemple de l’Eau, l’élément qui m’est le plus proche. Le zodiaque nous désigne trois signes d’Eau : Le Cancer, Le Scorpion et les Poissons. Trois eaux différentes. Au Cancer, ce sont les eaux primordiales, les eaux printanières, les eaux neuves, les eaux légères, les eaux lustrales, les sources, les ruisseaux. Elles sont claires et servent à se désaltérer, elles lavent, elles purifient, elles sont notre premier bain dans le ventre de notre mère. Au Scorpion nous trouvons les eaux lourdes, les eaux noires, les eaux fixes, les eaux stagnantes, les eaux profondes et inquiétantes, celles des marais où des étangs, elles sont habitées par nos dragons, par les cortèges de nos pensées secrètes, inavouables, par nos ombres, par nos peurs et nos désirs, c’est l’œil qui regarde le ciel, l’œil de Caïn. Aux Poissons ce sont les eaux immenses, l’eau infini de la mer, des grands estuaires, c’est une eau sans contour, comme notre âme, en nous elle appelle dieu, parce quelle est d’une compassion infinie. C’est l’eau de la prière, ici on aime l’humanité entière, on la sauve malgré elle, c’est l’eau du don dans sa plus pure gratuité, dans sa plus évidente oblation. Ici on souffre du monde et on expie aux rythmes des marées de l’âme.

Bachelard (Cancer) nous introduit parfaitement aux eaux calmes du Cancer, dans son livre L’eau et les rêves il abandonne l’espace d’un instant la pensée rationnelle pour nous livrer ses eaux : " Je suis né dans un pays de ruisseaux et de rivière, dans un coin de la Champagne vallonnée, dans le Vallage, ainsi nommé à cause du grand nombre de ses vallons. La plus belle des demeures serait pour moi au creux d’un vallon, au bord d’une eau vive et dans l’ombre courte des saules et des osières… (…) J’ai voué mon imagination à l’eau, à l’eau verte et claire, à l’eau qui verdit les prés. (…) Il n’est pas nécessaire que ce soit le ruisseau de chez nous, l’eau de chez nous. L’eau anonyme sait tous mes secrets. Le même souvenir sort de toutes les fontaines. " Seul un Cancer pouvait écrire cela. Comme d’ailleurs St Jean de la Croix Cancer lui aussi :

" Je sais bien la source qui coule et fuit
malgré la nuit
Cette éternelle source est bien cachée
Moi je sais bien le lieu d’où elle surgit
Malgré la nuit
Je n’en sais l’origine n’en a point
Mais je sais que toute origine en vient
Malgré la nuit
(…)
Cette source vive que je désire
C’est de ce pain de vie que je la tire
Malgré la nuit. "

Ici on y trouve la source, et les autres grands thèmes thème du Cancer : l’origine, le début et la nuit.

Pour le Scorpion il faut faire appel à un grand poète à l’ascendant Scorpion Edgar Poe. " J’habitais seul un monde de plainte, et mon âme était une onde stagnante… " à rapprocher de cette réplique Caligula de Camus lui-même très Scorpion : " Tu es pur dans le Bien, comme je suis pur dans le Mal, tu ne peux comprendre ce quelque chose en moi, ce lac de silence, ces herbes pourries. "

Faire de l’astrologie c’est lire nos gra nds auteurs, écouter de la musique, écarquiller les yeux sur de vastes tableaux.

Edgar Poe, toujours et de façon plus claire encore :
" Dans les lacs qui ainsi débordent de leurs eaux solitaires, solitaires et mortes – leurs eaux tristes, triste et glacées de la neige des lis inclinés – par les montagnes – par les bois gris par le marécage où s’installent le crapaud ou le lézard - par les flaques et les étangs lugubres – où habitent les Goules – en lieu le plus décrié – dans chaque coin le plus mélancolique : - partout le voyageur rencontre effaré, les Réminiscences drapées du Passé…. "

Avec Poe on est au cœur de l’âme Scorpion, les eaux sont inquiétantes parce que nos âmes sont troubles. L’eau des Scorpions est une eau alchimiste elle nous pousse à la métamorphose, elle nous oblige à regarder en face nos misères, nos faiblesses, nos bassesses. Il faut leur survivre et accepter l’épreuve du Bien et du Mal. Avec le Scorpion on est aux portes des enfers. L’eau de feu approche et avec Goethe lui aussi Ascendant Scorpion nous y sommes :

" Alors tous tirent les bouchons et reçoivent dans leurs verres, le vin désiré par eux, qui coule de cette table.
" Oh ! la belle fontaine qui coule là ! " disent-ils tous ensembles
Méphisto : "  Gardez-vous seulement de rien répandre. "
Tous commencent à chanter et à boire.
Méphisto à Faust : " Nous buvons, buvons, buvons comme cinq cent cochons ! "
Méphisto à Faust : " Et maintenant tu va voir la bestialité dans toute sa splendeur. "
Cybel qui boit goulûment et sans précautions. Tout à coup il y a du vin qui coule à terre et le vin se change en flamme. Alors, Cybel est pris dans les flammes et il crie : " Au secours, au feu, au secours, l’enfer brûle ! "
Méphisto parlant à la flamme : " Calme toi, mon élément chéri. " Et et il se retourne vers le compagnon et il dit : "  Pour cette fois, ce n’était rien qu’une goutte de feu du purgatoire. "

(fin première partie)

Franck

5 juin 2005

L'impossible patience amoureuse....

Pour écrire, il faut d’abord entendre une musique. Ce n’est pas vraiment " entendre " et ce n’est pas vraiment " une musique ". C’est une tonalité à l’intérieur. Notre ligne mélodique. C’est sans doute pour cela que nous écrivons toujours la même histoire. Parce que c’est la même musique. Toujours. Les mots sont différents, les situations varient, mais au bout du compte c’est la même histoire. Des étoiles différentes, pourtant c’est le même ciel. Les jours sont méconnaissables mais c’est le même sang qui les traverse. Avant d’écrire on est dans la dissonance, on est au seuil d’une aube de givre ; après, longtemps après, on ressent une sorte de résonance harmonieuse, quelque chose s’est ordonné. Entre temps il faut traverser un orage. Ici, il faut ciseler, sculpter, raboter, enlever toutes les excroissances de chairs, supprimer le trop plein de vie, là au contraire on colmate les trous de la langue en ajoutant des mots lumières, des mots cristal pour raviver chaque couleur. Ici, c’est un silence qu’il faut, et là, plutôt un soupir. Trouver le mot inévitable, irréprochable et l’accorder à l’émotion souveraine jusqu’à en être saisi. Ensuite il faut mâcher la langue avec patience pour en ressentir tout le goût et déceler les " trop " ou les " trop peu ". C’est en disant à haute voix que ces choses là s’entendent, les mots dit doivent résonner avec la ligne mélodique de l’âme.

Il y a des jours où c’est un orchestre symphonique, et des jours où c’est une simple flutte, il y a des jours où c’est un piano virtuose et d’autre jours où c’est un accordéon éventré. Peut importe, c’est toujours la même musique. Souvent l’on se trompe, on espère expier au pied d’une rime définitive ou l’on confond un silence avec l’absence vaine. Souvent on est de trop dans ses propres mots il faudrait les quitter les abandonner et faire un grand feu. Et d’autres jours c’est un espoir rouge qui tisse le fil fragile d’une rêverie miraculeuse. On ne le sait pas assez, il y a en nous des sources magiques à l’eau blanchie par les prières, des sources bordées de fleurs d’oubli, de fleurs savantes. Boire cette eau c’est blanchir sa voix et les mots qui la transpercent, c’est marcher au milieu des champs déchirés par une foudre féroce.

Et quand tout est fini, quand la parole écrite sonne ou tinte, c’est alors qu’il faut s’y remettre et tout brûler avec ce qui nous reste d’amour et accorder les deux rives du temps, et défaire la nuit étoile par étoile, et cueillir les seins de la sainte, ou boire aux lèvres de la morte, en fait, on ne trouve jamais on ne fait que reconnaître. Un peu comme toi quand tu es passé devant mes yeux de cendres, je ne t’avais pas trouvé mais seulement reconnu. Ecrire c’est un peu comme l’impossible patience amoureuse. Un feu sous l’orage.

Franck

4 juin 2005

Voix d'outre-tombe...

Je l’ai dis, actuellement je suis à la campagne. En pleine campagne. Dans la maison familiale. Il y a de l’espace, de la verdure et quelques animaux. Chiens, chats, moutons, chèvres, les carpes de l’étang devant la maison, et Coco le perroquet. Coco à trente-six ans, en pleine force de l’âge. C’est un gabonais. Gris avec le bout de la queue rouge. Coco à intégré la famille il avait moins d’un an, c’est dire s’il en a vu des choses, des drôles et des moins drôles, des belles et des moins avouables. Coco parle, pas comme nous, mais à contre temps. Il parle selon son inspiration comme un poète, il n’est jamais là où on l’attend et se tais toujours quand on le sollicite. Il a un sale caractère Coco, pas méchant, mais l’on sent bien que le vacarme du monde l’exaspère, comme les chiens d’ailleurs, qui passent leur temps à s’agiter devant sa cage espérant grappiller quelques restes de nourriture. Coco n’aime pas les enfants, c’est son droit, on ne lui en veut pas pour ça. Car au fond c’est lui désormais la mémoire de la famille. Coco imite tous les bruits qui traversent son univers, comment les choisit-il ? Mystère. Mais Coco imite bien. Terriblement bien.

C’est quand il est en forme que cela se passe. Il n’a pas d’heures précise, sans doute l’atmosphère ou le besoin de communiquer quelque chose de particulier. Peut-être veut-il signaler aux vivant qu’ils ont (eux) la mémoire courte. Ou bien est-ce l’âme des morts qui l’inspire ; bref, brusquement Coco fait resurgir les morts de la famille. A chaque fois cela fait une impression très bizarre. Par exemple le rire si particulier de ma grand-mère, disparue il y plus de dix ans. Coco rit fort, avec cette voix de gorges largement ouverte qui par en saccades. L’espace d’un instant elle est vivante, elle est là, elle a toute sa place. Avec ma tante on se regarde d’un air entendu sans jamais décider si cette apparition sonore nous amusait ou nous désolait. Coco imite aussi le téléphone, mais il a du mal avec les nouvelles sonneries. Il en est resté aux anciennes. Le Drîînnnn…. fort et puissant. Coco est conservateur la modernité ne l’intéresse pas, il préfère les valeurs sûres. Alors, il sonne comme les vieux téléphones et selon son humeur, il y a un " allô ! " qui suit. A chaque fois on reconnaît la voix d’un disparu. Mon grand-père, ma grand-mère, mon oncle ou mon père.Cela aussi est saisissant. Pour mon père ce n’est pas la voix. Coco a choisit autre chose. Le bruit du ricard que l’on sert. Et dieu sait s’il en a bu du ricard, mon père. D’ailleurs il en est mort. Coco a eut du temps pour apprendre cette séquence de sons. Cling, cling….(les glaçons qui tombent dans le verre), gloup…gloup…( le ricard), ensuite l’eau, un gloup qui va en s’amenuisant, enfin des ting… ting, (les glaçons qui tintent dans le verre). Cette imitation de Coco, ne me fait jamais rire. Trop de souvenirs déchirés autour de ces sons. Souvent je me dis que Coco à retenu l’essentiel, qu’il a su sélectionner ce qu’il fallait ne pas oublier de mon père. Comme pour le rire de ma grand-mère. Coco ! Décidément tu n’es pas dôle. C’est comme quand tu refais les engueulades entre mamie Claire et pépé Georges. De longues séquences où l’on ne reconnaît pas les mots, mais seulement les intonations. Coco cri comme mamie, grommèle comme pépé On s’y croirait. Cela aussi, ne nous fait pas rire. Parce qu’il y avait du désamour entre tous les deux. Gabin et Signoret dans Le Chat. Coco est philosophe, il ne s’encombre pas de nuance, il va droit au but. Il met l’ergot là où la mémoire saigne, il met son bec sur les cicatrices pour décortiquer une fois de plus les croûtes. Tais-toi Coco. N’appelle plus les morts. Laisse-les tranquilles, laisse-nous tranquille. Coco s’en fout, il est comme Diégo : " libre dans sa tête. ". Il pourrait se contenter des gazouillis de la mésange ou du rouge-gorge, non, trop simple. Il va déterrer les souvenirs, en les rendant aussi vivant que possible. Parfois c’est terrifiant. Moi, je suis en dehors de ses imitation, je parle peu et je ne fais pas de bruit. Peut-être va-t-il s’essayer aux cliquetis des touches de l’ordinateur. Pourquoi Coco, ne te souviens-tu de ma mère que du début de cette berceuse qu’elle fredonnait parfois " Do Din… Do Dan… il est mort Bertrant, qui lo tua, c’est lo limace, quo fait sa caisse l’hommo d’Aix, son tro lu maigro, sa prièra quatre bergèras, Do Din… Do Dan…. "

Décidément Coco tu n’es vraiment pas drôle.

Franck

3 juin 2005

Quand le ciel vous écrit......

Changer de lieu, c’est aussi changer de regard, presque changer de mots. Ce matin je ne suis plus dans mon petit appartement parisien, mais en pleine campagne verdoyante. Changer de lieu, c’est changer de regard, mais ce n’est pas changer de cœur… C’est une banalité de le dire. Le mien aujourd’hui est fissuré. Je suis dans le doute et la contradiction. Alors j’ai pris une petite bouteille, j’ai glissé à l’intérieur quelques mots foudroyés, pour les faire parvenir à celle qui s’habille de lumière, celle au cœur de feu, celle à la parole de torrent, aux yeux d’orages. Elle entend les bruissements les plus ténus, dès qu’il s’agit de frottement d’âme. C’est un vrai talent. Pour le posséder, il faut être à vif, être au sang, il faut vouloir, tous les jours, être dans le déchirement des chairs sans jamais se plaindre ou se complaire. Alors j’ai envoyé ma petite bouteille chargée de mes fragilités du jour à Angeline. Elle devait avoir entendu chaque mot au moment où je les tapais sur le clavier. On aurait dit qu’elle m’attendait.

C’est pour ça que je mets sa réponse ici. Parce que je souhaite à tout le monde d’avoir au près de soi tant de lumière pour s’opposer à tant de ténèbres. Je souhaite à tout le monde de connaître une personne à l’âme si vigoureuse, si généreuse.

Merci mon Ange, je te laisse la parole :

" Bon, du joint dans tes fissures, il n'y a rien de tel lorsqu'on s'attaque à son carrelage de salle de bains fissuré.

Ce changement d'endroit tu le sais mieux que moi il va falloir t'habituer. Il faut s'habituer, le temps que tu prennes d'autres rythmes et peut-être en profiter pour arrêter avec les mauvais, les anciens.

Effectivement être mieux dans mon coeur et ressentir de l'amour ça ne m'a pas calmé question écriture, Jean le déplore, il s'attendait à moins de...de rigidité. Tu sais, tu me fais rire, tu dis que tu ne sais pas quelle couleur donner à ton blog, tu crois que moi je le sais avec le mien ? Les périodes de doutes sont salvatrices : ce n'est qu'en période de pression qu'on peut donner à l'art ses plus belles lettres de noblesse. Mais nous, Franck, on est bien au dessus de l'art. Tu vas dire : quelle prétention ! mais ce n'est pas en terme de niveaux que je parle. Je veux dire : si on écrit, des fois on ne sait pas pourquoi on écrit, des fois on sait. Mais si on écrit, on sait au moins que même sans avoir rien à dire, c'est pour de bonnes raisons. Etre juste face à son écriture implique d'être juste face à sa vie. Peu de gens, d'écrivains diraient : je doute de ce que j'écris. Il faut être quelqu'un de fort dans la fragilité, tu comprends ? Donc si tu n'as rien d'autre que tes doutes, écris-les.

Ici il fait chaud comme en août. Je n'aime pas ce mois d'août, ma naissance, le Portugal, les vacances, mon Oncle. L'angoisse revient quand vient l'été, je prends des médicaments pour tenir. J'écris et ça va mieux pendant les petits moments.

Tu dis : je suis envahi de doutes, de contradictions. Tu remarqueras que la forme de mon blog est posée sur des bases de doutes et de contradictions. Tu remarqueras que je donne souvent de fausses infos sur des gens réels pour ensuite donner les vraies, lorsque j'ai leur accord. Ou pas. Lorsque tu te sens découragé, écris surtout là. Quand on me demande : tu trouves où l'inspiration ? : je réponds que je n'ai jamais été inspiré par les écrivains ni par les écritures d'eux : c'est le moyen qui m'intéresse, pas son histoire. Personne n'est jamais vraiment inspiré. En revanche, être avec ses amis, manger ensemble à quatre heures de l'après-midi, quels qu'ils soient, morts ou vivants, ou de la race des survivants, comme toi et moi sommes, cela se voit à nos écrits, être avec eux, répondre à quelqu'un d'honnête et d'entier dans son amitié pour toi comme tu l'es, mon tendre, être avec celui qu'on aime, être avec son animal de compagnie, toutes ces choses sont des instants magiques qui valent tous les chefs-d'oeuvre de la littérature. SOUVENIRS DE LA MAISON DES MORTS y compris. Ce livre dans mon adolescence m'a tellement marqué, j'ai détourné le sens en l'appuyant pour qu'ils correspondent à mes délires intérieurs. Donc si tu es seul et que tu n'as que les vacances où la nature pour te promener, sache que tu n'es pas seul tant que tu peux respirer. Tant que tu es survivant dans le monde. Tant que tu sais, malgré les doutes et les contradictions, que l'écriture sera toujours là pour que tu puisses l'utiliser. Toujours. Et que mille choses infinies t'attendent dans l'avenir. Le soleil brille comme la nuit sensuelle est sanglante la nuit. Tu sais, je vais te dire, cela me rassure que tu sois plein de doutes et de contradictions. Le contraire m'aurait inquiété. Tu es un survivant, pas un mort, donc mon frère je t'enlace tendrement pour ce cadeau de ce que tu es.

On me reproche souvent de revenir sans cesse sur les mêmes choses. Je réponds : et que font les autres si ce n'est revenir sur eux, au moins je prends la chose avec distance, c'est mieux, moi comme sujet, entre autres êtres qui ont des histoires.

Moi je ne prépare rien à l'avance, si je n'ai rien à dire, je le dis quand même (amusant).

Sinon ce matin avec ton message j'ai reçu un message d'un type qui me traite de grosse pute parce que j'ai dit que les skinheads étaient de sales pédés. Il me dit aussi qu'il me souhaite de crever. Aucun pédé n'est venu me dire qu'il allait porter plainte contre mon blog sous prétexte que je dégrade les homosexuels pour l'instant. Sinon il y a les gens intelligents comme toi, pleins de doutes, qui voient vraiment ce que quelqu'un de sensible à outrance a besoin de dire parfois. Pour caresser l'intime et le sensible des gens, au moins une fois.

En fait, malgré le soleil je provoque des réactions contradictoires parmi les gens qui me lisent. Cela aussi ça me rassure. Comme dans la vie, je provoque des réactions contradictoires.

On reste au fond tout le temps fissuré, lézardé, l'année dernière en Ardèche après avoir fui mon ex-mari, dans la maison, la piscine, j'enlevais les petits lézards morts, dans ma main, ces petits corps, ces petites pattes, ces torses, alors que j'ai peur des reptiles, là, pas peur des lézards. Ce sont les seuls avec les tortues qui ne me dégoûtent pas. Tu vois, être égoïste ce n'est pas grave, tant que c'est tourné comme un moyen de donner aux autres, tu vois, je n'aime pas les égoïstes des associations, tu vois je n'aime pas l'égoïsme social.

Des fois on devrait se réjouir de ce qui est autour de nous. Mais je ne suis jamais dans la réjouissance, même si être entre amis en été à quatre heures de l'après-midi, ou seule en promenade en hiver à la recherche de feuilles d'automne pour mes peintures, j'arrive à y prendre du plaisir.

Il y a dessiné comme ça, quatre grands types de personnes. Les morts, se sont les plus nombreux. On les reconnaît assez facilement même si certains font tout pour le cacher et vous trompe. Il y a les vivants, les plus rares, les plus précieux, j'en ai croisé un ou deux dans ma vie. Un. Il y a les survivants, dont je fais partie, nombrse moyens, font tout pour se pardonner à eux-mêmes les erreurs que maman nature leur a pardonné, tu sais. Ils sont la plupart du temps explosifs, originaux, ils n'ont pas peur de penser ce qu'ils disent contrairement aux morts qui ne savent pas trop. Et il y a les Sans-Noms, qui sont juste là pour planter le décor. Si seulement nous étions vivants. Mais les catégories n'existent pas. On peut en changer comme on veut, il faut travailler pour ça (le travail, quelle grande valeur sociale).

Généralement, et même sans le savoir, les morts comme les vivants, surtout les survivants, ont besoin d'amour.

Comme moi qui te donne une partie du mien là tout de suite.

Angeline. "

2 juin 2005

Il y a un début à tout....

Je viens de reçevoir mon premier commentaire d'insultes. J'étais naïf, pensant que les ordures restaient dans leur poubelles. Et bien non, elles sortent. C'est sans doute pour cela que le monde sent mauvais parfois. L'odeur est caractéristique : d'abord la lâcheté, l'anonimat, ensuite l'aigreur. Bref, j'ai supprimé ce commentaire.

Franck

2 juin 2005

Stop.... Rewind.... Play.....

Un jour - et ce jour vient du plus loin de vos années d’orages, de pluie, d’errance - un jour vous vous mettez à écrire, à écrire vraiment. Et brusquement vous êtes dans la fraîcheur d’une aube et cela vous suffi. Chaque mot surgit d’une rosée généreuse. Vous, vous n’avez qu’à l’accueillir dans le silence, reconnaissant d’être encore en vie et de pouvoir sentir le flot du sang envahir toute la langue.
Ce jour là, vous vous retrouvez loin de tout et pourtant vous n’avez jamais été si vivant. Vous êtes dans une désolation lumineuse et cela vous suffi. Vous êtes perdu et c’est justement cette perte qui vous ressuscite. Vous êtes perdu et tout vous paraît plus clair, plus net, plus définitif, plus impératif.
Renaître après des siècles d’agonie.
On n’écrit jamais pour plaire ou séduire, on écrit pour se retrouver. Chaque mot vous rapproche d’un lieu inconnu plein de mystère, un lieu inévitable.

Ecrire prolonge un rêve commencé il y a longtemps, dans l’enfance, un rêve commencé quand vous étiez blottis dans le plus fragile abandon du regard de la mère qui vous avez fait -vous si infirme- roi si rayonnant.
Oui, écrire c’est d’abord retrouver ce sommeil plein de couleur et de chaleur où l’amour n’est pas promis mais donné comme une éternité, offert comme la première nourriture et la seule dont vous aurez jamais besoin. Ecrire vous fait retrouver ce rêve où vous n’êtes là pour personne sauf pour le murmure incompréhensible et attendri d’une mère devenue folle parce qu’elle s’est enfin oubliée et qu’elle divague dans les méandres de votre visage.
Un jour vous écrivez, et c’est ce seul murmure qui compte parce que lui seul peut couvrir le vacarme du monde. Vous ne saurez jamais si cela peut faire un livre, vous êtes dans le pur bercement de la langue, dans l’oublie de votre propre présence, dans cette musique qu’il faut prolonger jusqu’à la fin des temps.
Vous êtes envahi par le blanc de la page et les mots viennent parfois vous secourir du vertige, ils sont les traces, les signes, qui vous relient au ciel, à la terre et l’encre vous retient de sombrer dans la défaite toujours imminente.
Ecrire c’est un grand vent qui secoue les branches de l’âme emportant les feuilles les plus faibles celles qui ne tiennent que par le doute, et qui deviendront les mots les plus brûlés de votre langue.
Ecrire c’est être dans cet arrachement, dans cet envol au milieu d’une tempête, dans cette chute soudaine au cœur d’un vide terrifiant et miraculeux.
Consentir à ce ciel désolé, simplement consentir.
Avec un peu de chance un ange vous prêtera ses ailes et le vent vous poussera dans un jardin de mots prêts à fleurir qui n’attendent que le souffle créateur pour déployer les pétales d’un verbe secourable.
Traverser le rêve d’écriture c’est traverser un amour rouge comme le sang, tranchant comme une lame aiguisée, ardent comme le feu d’une forge, un amour ravagé de silence et de vent.
Le jour où l’on écrit c’est qu’on s’est mis en marche vers un amour ; qu’on en appelle la brûlure et l’âme souveraine, c’est une marche aveugle main tendue vers un noir toujours plus profond.
On écrit avec ses silences, c’est eux qui laissent leurs empruntes d’ombres sur la blancheur des pages. Un silence se couche sur un autre silence et ainsi de suite, silence sur silence, dans un grand lit d’absence pour consommer les noces enflammées de l’espérance et de l’épuisement. Silence sur silence, lumière sur lumière, et ça, éternellement…

Ecrire c’est cette façon d’être au monde, ou de ne plus y être, c’est interroger le silence et en glaner une once de lumière, c’est user le temps, le polir longuement pour en obtenir quelque élixir subtil, c’est entretenir un feu avec de minces brindilles d’encre usée, c’est écouter dans la foule le bruit que fait la solitude et dans la solitude les rumeurs de la foule, c’est ouvrir des portes interdites avec la seule clé des mots, c’est se croire riche et se vouloir pauvre, être désarmé et pourtant invincible, c’est mourir plusieurs fois par jour et renaître pour que demain advienne, c’est dormir dans l’attente et se réveiller dans la prière.
Rien, rien de plus. Née d’un manque l’écriture entretien souvent avec la douleur une relation incestueuse, elle souffle sur nos entrailles pour en attiser les brûlures dans des noces solitaires et sauvages.

C’est tout ça et mille autres choses, c’est la parole la plus épuisée qui puisse être dite car elle gît mourante au fond de notre vie on en cueille parfois les effluves tremblantes dans le creux de quelques mots.
…C’est le moment…l’encre affaiblie glisse sur les cristaux d’une heure éparpillée et solitaire.
Pesanteur douce, attristée, comme un temps de neige.
Se mettre à écrire c’est distiller du temps en chauffant nos jours au rouge du cœur.
Et la brume qui s’évapore c’est nos renoncements, nos peurs qui se délient.
Et ce qui reste est si infime qu’on pourrait le perdre d’un simple soupir, si infime et pourtant si abondant qu’on pourrait en vêtir un ciel entier.
Franck

1 juin 2005

Pour Chris....

Souviens-toi de ces mots de Musset, ils ont bercés ma jeunesse douloureuse :

"Quel que soit le soucis que ta jeunesse endure,
Laisse-la s'élargir, cette sainte blessure
Que les noirs séraphins t'ont faite au fon du coeur ;
Rien ne nous rend si grand qu'une grande douleur.,
Mais, pour en être atteins, ne crois pas ô poète,
Que ta voix ici-bas doive rester muette.
Les plus désespéres sont les chants les plus beaux,
Et j'en sais d'immortels qui sont de purs sanglots."

Bon, je cours prendre mon train, je vais finir par être en retard.

Franck

1 juin 2005

Un jour...

Aujourd’hui je fais une pose. Je change de lieu. Quelques jours à la campagne. Bien sûr j’emporte avec moi mon clavier d’écriture.

En ce moment j’ai envie d’être amoureux. Cela arrive par bouffées. De longues et profondes bouffées. Cela vient sans doute des mes écrits sur ce blog.

Et puis désormais, mon Ange vole de ses propres ailes et son envol a laissé une grande place. Toujours la même histoire du plein ou du vide, du lourd ou du léger, de la pesanteur ou de la grâce, des mots ou du silence.

En ce moment je me sens remplit de ce vide accueillant. Tous mes vides ne le sont pas. Accueillant comme si l’on avait tiré les rebords de l’âme pour l’agrandir. C’est mon Ange qui a fait tout cet effort. Il fallait quelqu’un de puissant. Elle l’est.

Aimer c’est faire le ménage en grand. Non, je devrais dire, avant de pouvoir aimer, il faut faire le ménage en grand. On ouvre la fenêtre, on fait des courants d’air et on nettoie à grands coups de balai. Trop souvent ce lessivage se fait dans une maison trop encombrée, alors on se cogne à la mémoire, on renverse des souvenirs ; dans l’agitation, la poussière des heures perdues vole en tous sens et retombe juste après votre passage.

Ecrire, cela sert à faire ce grand ménage, chaque mot emporte avec lui l’ombre des jours et des saisons. On croit s’appauvrir mais c’est le contraire qui arrive. Un jour je serais cathédrale, la main tendue et le cœur au bout du sang.

Franck.

31 mai 2005

Mais y'a du Chopin aussi....

Hier, j’ai encore passé une journée avec Isabelle, à cause de ma lettre inachevée. Sûrement. Et puis des petits papiers retrouvés. Relus. Quand je suis nostalgique, j’y vais à fond. Pas de demie mesure. Alors j’ai écouté Léo Ferré. C’est bien Léo Ferré, parfois. Ca remet la politique en place. Et puis j’ai écouté Chopin. Simplement pour le frisson et cette montée de larmes qu’il me suscite à chaque fois. Nous nous sommes divisés sans un mot, sans cri, en douceur, en malheur. Comme deux nuages qui se séparent dans un ciel bleu d’été. Et puis hier j’avais dans la tête des ritournelles d’accordéon…. envie de casser mon écriture, de reprendre quelques écrits et de les chanter autrement. Comme une berceuse douloureuse, comme une complainte de Carco ou de Corbière ou de Rictus…Hier j’avais Isabelle en tête, en cœur, en peau et son image était diffuse. Et son image se recouvrait d’émotions récentes. Je pensais aussi à mon Ange qui vole si haut en ce moment. Hier j’ai écouté Léo Ferré pour la révolte, quand on ne peut pas crier c’est bien Léo Ferré. Ça brûle le sang.

Y’a du Léo dans ma cadence
Y’a du Léo dans ma souffrance
Y’a du Léo dans mes absences
Mais y’a du Chopin aussi
L’désespoir c’est des sons qui s’organisent
Des mélodies qu’l’on respire
L’désespoir c’n’est pas simple
Faut l’porter comme un enfant
L’bercer, l’dorloter
Y’a du Nerval dans ma démence
Y’a des soupirs de déchéance
Et y’a toi maintenant
Pensée affolée dérivant dans ma cervelle
Y’a toi qui chavire mon existence
Y’a toi qui englouti mon espérance
J’ai déchiré nos souvenirs
Eparpillé ces morceaux d’vie aux quatre coins de ma mémoire
Y’a du blues dans mon tempo
Mais surtout y’a ma désolation au bout de ton silence
Y’a de la désespérance
Quelqu’chose qu’on peut pas dire
Tellement qu’c’est là devant mon exigence
J’n’ai plus qu’l’avenir de mon malheur puisque t’es partie
J’n’attend plus rien puisque j’ne peux plus t’attendre
J’n’ai plus qu’à envelopper tout c’paquet d’amour dans un linceul
Et l’jeter dans l’néant
Et l’noyer dans un sanglot
J’t’aime tous les matins quand sur le vide mes yeux s’réveillent
J’t’aime tous les soirs pour t’emporter dans mon sommeil
J’t’aime comme un dément, avec fureur et dévotion
J’aurais aimé ton silence, ton indifférence et jusqu’à ton mépris, jusqu’à ton absence
J’désirais tout de toi, même tes errances
J’aimais ton insouciance
J’aimais même tes résistances
J’préférais tes abandons toujours si près d’une défaillance
Toi, fragile lumière au milieu de mes ténèbres,
Flamme évanescente au cœur de ma tourmente
Femme scintillante aux contours vaporeux
Tu charmais mes sens de ta douce quiétude
Apaisait mes tempêtes, guérissait mes blessures, ressuscitait ma joie
Tu es tout ce que j’attendais
L’avenir, c’était tes yeux, ta bouche, ton ventre, tes cuisses blanches,
L’avenir c’était ta peau, tes soupirs
Mon avenir c’était ton avenir, tes rêves, tes espoirs
Mais aujourd’hui y’a du Léo dans ma cadence
Y’a du Léo dans ma souffrance
Y’a du Léo dans ton absence
Mais y’a du Chopin aussi.
Franck.

30 mai 2005

Trois petites photos....

Hier, en répondant à Coumarine, m’est revenu le souvenir d’Isabelle, de son corps, de sa peau blanche, de ses yeux. Et de ses belles années, que nous avons partagées. Te souviens-tu de notre étonnante petite maison posée au milieu des champs ? Moi, le citadin transformé en homme des champs.
J’ai envie de lui écrire, ce n’est pas nouveau, régulièrement cette envie ressurgit. D’ailleurs il y quelques semaines j’avais retrouvé trois petites photos d’elle. Je les ai d’ailleurs toujours posées là, à coté de l’écran. Je n’ai plus son adresse, mais je pourrais toujours faire passer mon courrier par ses parents.

"Isabelle,

Cela fait longtemps que l’idée de t’écrire me travaille. D’ailleurs je ne sais même pas si cette lettre pourra te parvenir.
Les saisons passent, mais dans le tamis du temps il reste parfois de gros morceaux de vie qui ne pourront passer au travers de la grille. A bien y regarder c’est notre trésor. On remue de temps à autre ces petites pierres de passé, les unes ont perdu leurs éclats, les autres, par miracle, brillent d’une étonnante lumière.

Le souvenir est une mer immense dont on n'épuise jamais le mouvement, ni l'espace, ni la profondeur. Il nous réserve toujours des surprises qui sont comme des retrouvailles ou comme ces bouteilles jetées au hasard des destins et qui viennent en silence s'échouer à nos pieds.

L’autre jour, je fouillais dans quelques vieux papiers… je suis tombé sur des petites photos, des photos d’identités. Trois. Trois photos de toi, je ne pensais pas en avoir. Un grand vent chaud est passé. Il y avait le silence et ce vent de mémoire qui soufflait du plus profond de mes souvenirs. Sur la première tu semblais effarée, des photos prises sûrement dans l’urgence. Coiffure un peu défaite, sourire à peine marqué. Tu n’y es presque pas reconnaissable. Les deux autres ont du être faites bien avant que l’on se rencontre, toutes deux viennent d’une même série, même coiffure, même veste. Sur l’une d’entre elle il y a encore une agrafe, tu l’avais sans doute choisi pour une quelconque carte d’étudiante, parce que tu y souriais. Ces deux photos sont belles, tu y es comme dans mes souvenirs. Douce et perdue. Sérieuse ? Non, grave ; même sur celle où tu souris, on perçoit au fond du regard une certaine gravité. Belle et grave, avec ce léger voile ombreux placé juste devant tes yeux, l’ombre de l’ange qui t’accompagnait à chaque instant du jour. Tu sais cet ange qui te donnait cette grâce. Ange facétieux et tourmenteur, ange étourdi, nonchalant, ange qui se jouait de la lumière et des mots, ange aux ailes fragiles, ange timide, inquiet.

Trois petites photos, tout ce qui subsiste. Le reste ? des souvenirs qui se faufilent dans les méandres de la mémoire, des souvenirs comme les champs négligés d’un pays brûlé, et pourtant ces souvenirs ne se diluent pas tout à fait, quelque chose en eux résistent, comme ces trois petites photos.
Je viens de leurs donner un nom à chacune : douceur, bonté, générosité, trois noms pour dire la même chose, trois noms pour dire la lumière, pour dire la couleur des jours, trois pétales d’une fleur précieuse, trois silences posés sur le bord d’une source d’eau claire.

Où es-tu maintenant ? Que fais-tu ? Mariée ? Des enfants ? J’essaie de t’imaginer. Difficile.

Ce matin j’ai dit ton nom et l’encre des mots est venue se déposer ici, comme des oiseaux sortis de l’oubli, des oiseaux qui auraient traversé l’oubli pour faire trembler le blanc de la page.

Es-tu devenue cette femme d’une folie accomplie et rayonnante ?

Ce matin, entre les lignes, dans le creux des mots ta voix me revient…
Grave, sourde, pas une voix de bouche, mais une voix de corps, une voix de nuit chargée d’ombres avec des mots de lumières.
Voix venue du silence, dépouillée, nue, lourde de son urgence, lourde comme gorgée de vie, lourde d’un feu primordial.
Voix propulsée pour se survivre, souffle d’hiver qui appelle la neige, souffle du vent sur la lande.
Pure tension d’absolu, prière vibrante au-delà du murmure, au-delà des couleurs.
Ardeur radieuse, voix de l’amour qui invente l’amour.
Et puis ton regard. Là. Maintenant. Ton regard, captant le bleu au-delà du bleu du ciel, toujours en avance d’une vision. Regard d’abondance. Regard étincelant de fleurs incendiées.
Comment tant de force sans l’ombre d’une violence ? Comment tant de pouvoir sans l’once d’un mépris ?
Tes yeux m’évoquaient des terres brûlées de solitude. Dans une fixité irréelle des lacs de montagne ils me racontaient l’enfance qui s’entête pour ne renoncer à aucun de ses rêves. Ils désignaient cette parcelle de vérité faite d’invisible et de douleur, de véhémence et de piété.
Regard d’étoiles qui consumait mes peurs ; ouvrant l’espace il m’atteignait à la place la plus vulnérable, il aurait pu m’anéantir pourtant il me retenait dans sa flamme en déposant sur mon cœur la poussière d’or d’un ange.
Et ton corps si timide, qui aimait parfois se monter si impudique. Tu aimais passer nue d’une pièce à l’autre, d’un monde à l’autre. Je regardais ta chair déshabillée traverser avec une si belle aisance l’ombre et la lumière, et tu ne manquais jamais de venir me frôler pour déposer un baiser sur ma joue. Cette nudité n’était jamais neutre, au contraire, elle était gorgée de désir. Insouciante et gorgée de désirs. Sans jamais être lascive ou provocante. Non, ton corps nu était léger, il appelait les frôlements prudents et tendres. Tu n’étais pas à prendre, mais à recueillir, comme l’eau de la source. Tu fermais les yeux et ta chair se déployait comme une fleur, avec douceur et avec juste cette petite pointe d’entêtement enfantin qui me désarmait tant. Combien d’heures avons-nous passées dans le silence de notre chambre, mes mains courrant lentement sur ta peau, attentives à tes tremblements, ce n’étaient plus des caresses mais presque des prières. Moments emprunt d’une étrange lenteur comme si nous avions passé le pacte secret d’appeler la fièvre en l’apprivoisant degré par degré, soupir par soupir, pour que l’orage soit plus éblouissant, plus définitif, comme si nous avions décidés de parcourir ensemble cette immense plaine de douceur et cette lande de bruyère avant de consentir au feu et à la lutte amoureuse. Ces instants là me sont précieux, aussi précieux que ces trois petites photos posées sur mon bureau.

…………."

Je ne sais plus quoi lui dire, quoi lui demander. Et maintenant le doute me prend. Elle est certainement mariée. Et cette lettre, ne servira à rien. Décidément, jamais cette lettre ne partira. C’est mieux ainsi, sans doute. Même les mots les plus doux peuvent devenir de vrais poisons. Comme les souvenirs.

Franck.

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