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J'irai marcher par-delà les nuages

10 août 2005

Une étoile vaut un ciel entier...

Hier je travaillais sur un thème astrologique. A chaque fois je suis envahi par les mêmes questions. De quelle personne parle-t-on ? Et qu’est-ce qui va être entendu ? Du temps où je faisais des consultations, plus fréquentes qu’en ce moment, j’ai toujours été étonné de ce que la personne en face de moi retenait de mon discourt. J’en suis même arrivé à penser que l’astrologie n’existait pas vraiment. Qu’elle était un pur moment de création entre deux personnes. Quelle se faisait dans l’instant où on la disait.

Je ne suis pas peintre, pourtant j’ai souvent comparé la consultation à l’élaboration d’un tableau. D’abord, on procède par grandes esquisses, un peu générale, qui dégage quelques formes, ensuite on applique des grands aplats de couleurs, lesquels nous donnent les premières grandes tendances. Les couleurs commencent à se mélanger, faisant apparaître, d’autres teintes, d’autres nuances. Une cette première étape franchie, on change de pinceau, on en prend un plus fin, et on commence à révéler les détails. On part d’un endroit, jamais le même, et on cherche la forme qui nous appelle. Et de détails en détails on s’étend sur la toile, recouvrant les premières formes, les premières couleurs.

Tout cela se passe dans l’instant de la parole. De l’échange. La consultation est interactive. C’est un tableau à deux. Il arrive, que la personne en face de vous, ne veule rien dire, elle vous regarde, elle vous met à l’épreuve de votre parole. Ces consultations sont les plus éprouvantes, mais pas les moins intéressantes. Pourtant, dans ces cas là, les mots ne sont pas les mêmes. Au bout du compte, je sens bien que quelque chose se perd, mais est-ce si important ?

Le vrai défi c’est d’être entendu. Combien de fois au début, ma langue ne s’accordait pas à l’autre. Terrible. C’est là que j’ai commencé à penser que l’astrologie était un langage. Simplement un langage. Qui venait signifier à l’endroit du signifiant de l’autre. Quelques mots à l’endroit du manque. Pour venir boucher la fuite, l’hémorragie, à l’endroit de la blessure.

Mais la question, c’est de qu’elle personne parle-t-on ? A l’adulte, en face de soi ? A l’enfant qu’elle a pu être ? A la personne sociale ? A la personne intime ? Parle-t-on à son cœur ? Ou essayons-nous d’atteindre l’âme de cette personne ? Est-ce que notre parole s’adresse à la conscience ? Ou a L’inconscient ? Répondons-nous à la question posée ? Ou bien à celle latente qui est souvent la vraie question ? Comment faisons-nous avec la résistance de l’autre ? Et nous, où en sommes nous avec nos névroses, nos démons ?
Quelle est notre intention d’astrologue ? Et notre intention, là, dans cette consultation ?

J’ai rencontré beaucoup d’astrologues à une certaine époque. Et ces questions ne semblaient pas les préoccuper.

Souvent, en consultation, j’essayais de raconter une histoire, l’histoire de la personne, je faisais portrait imagé, où j’appelais à mon aide, toutes les symboliques que me proposait le thème. La mer l’eau, le feu, les mythes aussi. L’idée était de trouver, la brèche, la faille. Quelque fois un mot suffisait. Le prononcer permettait d’avancer dans la consultation, et faisait tomber les résistances.

L’autre écueil, c’est la prévision. Comment rester utile sans jouer les apprentis sorciers ? Comment ouvrir, la voie sans être prédictif, ou fataliste ? Comment donner un espace de liberté plus grand, sans jamais appauvrir la parole, ou la rendre manipulable ?

Et puis c’est quoi un événement ? Si l’on regarde bien, nous en vivons assez peu dans une existence. Si l’on enlève tout ce qui nous arrive qui a été initié volontairement ou involontairement par nos actes, qu’est-ce qui reste ?

Alors, je restais le plus souvent, dans une généralité " acceptable ". C’est à dire, pouvant être utile, au consultant. J’évitais les trop grandes précisions. Car on s’aperçoit que la vie est toujours plus inventive, que l’astrologue.

Hier, je travaillais, donc, sur un thème, avec toutes ses questions en tête. C’est sans doute pour cela que j’ai pris beaucoup de distance avec l’astrologie.
C’est un peu comme l’écriture. C’est dire une vérité. Ou, c’est être a l’endroit d’une vérité, sans jamais en avoir la certitude. Plus on essaye de cerner plus cela nous échappe. L’astrologie dit toujours plus sur l’astrologue, que l’astrologue lui-même pourrait dire.
Alors j’ai préféré l’écriture. Qui est la même chose, les masques en moins.

Chaque thème recèle un point focal. J’appelle cela l’âme du thème. On a l’impression que c’est par-là que circulent toutes les énergies. Comme si la personne s’était construite autour de ce seul point. C’est parfois un point de force, mais c’est souvent un point de faiblesse, puisque de nombreux aspect de la personnalité ne sont exploités. Quand c’est une force, ce point entraîne tout, balaye tout, réalise tout. Quand c’est une faiblesse, il noie tout, absorbe tout.
L’astrologue est très souvent impuissant en face de ces personnalités.

Chaque thème est une mine d’or. Et pourtant tant de vies se déroulent dans les ténèbres. L’astrologue peut parfois envoyer un tout petit éclairage, dans une âme. Un tout petit. Mais parfois c’est suffisant.

Parfois, simplement dire, vous êtes immenses. Mais, beaucoup n’aime pas entendre cela. Il préfère, vous êtes petits et votre souffrance est insupportable. Moi, hier j’ai dit à quelqu’un, vous êtes immense ; ce n’était pas pour le rassurer, c’était parce que c’était vrai. Il faut une grande âme pour entendre : vous êtes immense. Il faut vouloir brûler la vie, pour entendre ça. Parce que c’est impossible à entendre. Parce que dans immense il y a l’infini liberté des jours, et l’affirmation sans cesse renouvelée que la mort peut se vaincre, que la douleur peut se vaincre. Il faut du courage, pour vivre immense.

Mais tout le monde est immense, et si peu veulent l’entendre.

En astrologie, il n’y a pas de criminel, pourtant il y a un enfer, et un paradis. Un enfer et un paradis intérieur, qui n’a rien avoir avec le jugement social. Pour le paradis il faut accepter de prendre en main ses étoiles, de vouloir être à leur hauteur. D’être ambitieux pour soi-même, et d’être généreux pour les autres. Toutes choses qui ne sont que bon sens. Et qui n’ont pas besoin de l’astrologie pour être dites.

Après chaque consultation, je suis épuisé. Mais brûlé par une joie extrême. A ce moment là précis, j’ai un amour débordant pour l’humanité. Je sais, cela paraît ridicule de le dire comme ça, pourtant, c’est ainsi. Je touche quelque chose d’indéfinissable. Chaque thème a une issue. Chaque thème à un escalier de gloire. Chaque être est incommensurable. Pour peu, qu’il veuille accepter d’être au plus près de lui, la seule façon d’être au plus près des autres. Dire sa vérité, vivre sa vérité, c’est rendre hommage à tous. C’est ça être immense et innombrable.

Hier, en envoyant mes paroles d’astrologue, j’ai eu le sentiment d’avoir allumé une étoile. Bien sûr pas en vrai. Plus qu’en vrai, puisque je la sentais en moi. Et une étoile vaut un ciel entier.

Vole belle étoile, vole……

Franck

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9 août 2005

Les ans de l'ange......

Certains jours les mots sont encore dans un plus grand dénuement. Aujourd’hui tu as vingt-quatre ans. Auront-ils la force de soutenir cette année qui s’en va ? Auront-ils assez de souffle, assez de fièvre pour encourager celle qui commence ? Il n’y a pas de fête l’été, hormis la chair des souvenirs et la cendre amère des jours. Vingt-quatre. Est-ce qu’un anniversaire éloigne les démons ou bien est-ce qu’il les rapproche ? Est-ce qu’il retient ou rappelle ? Est-ce qu’il dit l’ancien ou le nouveau, le passé ou l’avenir. Du temps sur du temps. L’anniversaire ne dit jamais le présent. Est-ce décent de fêter les anniversaires ? Et est-ce que les années se noient toujours dans l’eau des rivières comme de longs chagrins vermeils ?

Je sais, il ne faudrait rien dire et seulement se faufiler entre les mailles des heures. Parce que l’été tombe comme un voile, un suaire suant le sang des fantômes. Les années passent, certaines ont le poids de la miséricorde, d’autres celui du salut, d’autres encore ajoutent de l’ombre à l’ombre et d’autres meurent lentement comme une vague fatiguée de se casser en mille écumes sur les mêmes rochers.

Je sais, il faudrait se taire. Uniquement. Et se laisser glisser furtivement jusqu’au bout de ce temps d’été. Entre glace et feu, entre cri et murmure.
Alors pardonne-moi de marquer ce jour. Parler est dérisoire, mais se taire impossible. Et prends ces mots comme vingt-quatre bouquets de pluie fraîche.

Aujourd’hui j’ai parlé aux étoiles. Il arrive qu’elles m’entendent. Regarde-les ce soir, elles brilleront un peu plus fort. Elles seront parées de leur plus intense scintillement. J’ai suggéré à la nouvelle Lune qu’elle s’habille de perles fines et de pierres d’opale, j’ai demandé à Vénus qu’elle se drape ce soir de sa grande cape de soie blanche et argentée, et qu’elle vienne te chuchoter ses plus beaux chants et ses histoires les plus douces. J’ai demandé à Mercure qu’il sonne le rappel de toutes les sentinelles du ciel, de tous les anges, il les connaît tous par leur nom, il les tutoie, tu sais comment il est, Mercure, insaisissable et facétieux. Mars m’a promis qu’il viendrait, tête nue, déposer à tes pieds ses armes, ses boucliers, ses vains trophées. Jupiter, du haut de sa gloire, ordonnera aux dieux, aux titans, à tous les animaux, à toutes les plantes et à toutes les fleurs de faire pour toi un vœux secret. Saturne, ce soir t’enverras ses anneaux pour sacrer ton front et parfaire ta beauté. Uranus prendra la forme d’un aigle royal revêtu d’éclairs pour illuminer ta nuit, comme un feu d’artifice. Neptune suppliera les marées de tous les océans de pousser un si profond soupir que les prières du jour seront toutes exaucées. Et Pluton le grincheux t’offrira son casque sacré aux mille pouvoirs secrets. Oui, regarde le ciel ce soir. Ecouté cette rumeur, ce chant qui vient de si loin.
" Est-ce un cri qui éclate là-bas ? "
" Non, c’est une Reine qui naît "
" Est-ce le canon qui tonne là-bas ? "
" Non, c’est un Roi qui se meurt. "
" Est-ce l’orage qui éclate là-bas ? "
" Non, c’est l’aube chargée de roses qui appelle. "
" Est-ce le glas qui sonne là-bas ? "
" Non, c’est l’amour qui avance à grands pas. "

Franck.

7 août 2005

Les anges sont blancs.....

Souvent il nous arrive de parler d’amour. De cette chose qui en nous provoque l’effondrement des frontières du " moi ". De cette chose inconcevable parce que les mots manquent toujours, quand ce n’est pas nous-même qui manquons à nos mots. On pense, on parle, d’amour, pour lui, pour elle, de celui qui s’en va, de celui qui revient, de celui vers l’on marche. On appelle pour être dans la profusion, dans l’abondance et écrire nous est comme une préparation. Ecrire c’est souvent pour apprivoiser le temps qui nous sépare encore de l’autre, ou dépasser l’espace qui nous entrave.
Tous les jours je la lis. Comme beaucoup. Parce qu’elle est une véritable révolution. Et peut-être parce qu’on regarde l’a même étoile, la plus lointaine. Celle qui s’est allumée la première dans l’œil du monde. Beaucoup lui écrivent, ou commentent sa littérature. C’est normal, puisque sa littérature est en avance d’une saison, en avance d’une écriture. Alors beaucoup lui écrivent. Ils arrivent dans sa maison où elle parle d’amour. Beaucoup disent que ce sont des horreurs. Elle, elle me dit toujours : " L'important c'est la vie. Tu sais. L'important c'est de tenir dans la vie. L'écriture est un outil superbe pour ça. Le monde veut nous dire : vous n'êtes rien, vous n'êtes pas beaux, vous êtes à nous, faites ci, faites ça. Le monde accable. Pourtant dans la vie, sans le monde, l'univers nous crie : vous êtes beaux, pas plus que les fleurs mais vous avez quelque chose en plus, et vous êtes libres. Les possibilités sont infinies. " Parce que c’est cela qu’elle dit. Toujours, chaque jour. Mais beaucoup n’entendent pas. Ils préfèrent s’écouter eux-mêmes. Alors ils veulent toucher à ses mots. Mais ils ont le cœur et les mains sales.
Elle me racontait l’histoire de cette lionne :
" Mais il y a eu une lionne qui adoptait des bébés antilopes.
C'est vrai, tout le monde prenait ça pour un message de Dieu. Elle était en mal de petits. Et volait les bébés antilopes qui lui faisaient confiance. A chaque fois ils mourraient parce qu'ils n'étaient pas sevrés.
Et elle en volait un autre. Cela prouve que la chose est possible, si c'est arrivé une fois : une Lionne peut prendre une proie potentielle comme amour…..
Ce comportement "anormal" pour moi est magnifique. Sublime "
Parce qu’elle sait, que l’amour est dans cette rupture, dans cet impossible. Dans ce miracle qu’il faut renouveler chaque jour. Un jour je lui parlais de compassion. Mais elle est précise. Les mots ont du sens, même dans leurs inaccessibles définitions. Amour, infini, absolu.
" Il suffit d'imaginer : si les gouvernements arrêtaient de se faire du mal, si on arrêtait de se cracher dessus même dans la vie sociale classique, il est probable que nous verrions alors le vrai visage de ce qu'on appelle l'amour. Ce n'est pas le mot compassion, car sinon je serais obligée d'en avoir pour moi. C'est plutôt le pardon que j'ai fait. J'ai pardonné aux choses mauvaises. "

Mais beaucoup préfère lui cracher à la figure. Parce que, eux ne pardonnent pas à la parole vraie. C’est pratique. Ils arrivent chez elle et ils " s’autorisent ", alors qu’il leur ait " demandé ", ils blessent, alors qu’elle appuie sa chair et son âme à l’endroit où le monde saigne et se gangrène. Ils préfèrent cracher, alors qu’il nous est exigé de nous mettre seulement en face de nous même, avant de parler.
Et c’est comme cela qu’ils blessent la blessure, qu’ils rajoutent du sang au sang.

" J'ai décidé de plonger dans ce qui aurait pu me faire peur. Et finalement, j'ai vu que ce n'était pas si effrayant que ça, le sang. Il suffit de lui dire non. "

Ceux qui viennent cracher, ont depuis longtemps dit oui, au sang. Puisqu’ils viennent en rajouter.
Alors, quand je la lis…
Alors quand je te lis, je sais seulement, pourquoi j’écris, pourquoi c’est si difficile, comme aimer, comme prier. Quand je te lis, je sais qu’il faut aller la chercher loin la lumière, parce que le monde veut l’étouffer, par ce qu’il voudrait éteindre cette étoile qui brille, cette étoile qui s’épuise à traverser les ténèbres pour dire simplement : vous existez, nous existons et nous pourrions nous aimer.
Oui, quand je te lis, je sais enfin pourquoi j’écris. Et c’est la plus inoubliable offrande.

" Les anges sont blancs, chauffés à blanc et l’œil se fane qui les regarde en face.
Il n’est pas d’autre voie, il faut devenir comme la pierre quand on cherche leur compagnie.
Et quand on cherche le miracle il faut semer son sang au quatre coins du vent,
Car le miracle n’est pas ailleurs, mais circule dans les veines de l’homme "

(Georges Séféris )

Franck.

6 août 2005

Forcément je reviendrais.....

La première fois que j’ai découvert cet endroit ce fut pour l’enterrement de maman. C’est l’endroit du monde le plus oublié que je connaisse. Souvent nous y sommes revenus avec Isabelle. St Médard. Dans la creuse. Il faut se perdre pour y arriver. Cela ressemble à un bout du monde. A une fin. C’est sur une colline. Une colline qui domine la vallée de la Creuse. Une petite route, qui serpente à travers bois, quelques lacets serres en haut elle contourne quelques maisons et brusquement elle monte à nouveau pour terminer sa course auprès d’une petite église. J’ai toujours aimé cette église, plantée sur cette colline. La dernière maison avant le ciel. Oui, elle est petite cette église, trapue et pourtant avec un joli clocher élancé. La première fois que je l’ai vue c’était en plein hiver. Le sept janvier. Il fait froid en Creuse l’hiver. Ce jour-là il faisait très froid. Le ciel était gris et bas. Un vent glacial soufflait. Moins quatorze à dit le terrassier. La haut nous étions dans un camaïeu de gris. De gel et de gris. A ce moment précis nous étions au-delà des nuages. Pris dans le gris et la pierre. Dans le froid et le ciel si bas. Dans les cendres des cieux. Et l’épaisseur du gel. Même les ombres avaient disparues, elles crissaient sous nos pas lourds. Lent. Portant j’ai aimé cette église sur-le-champ. Elle semblait s’accorder à l’instant et au froid de l’instant. Une dernière halte avant le néant. Un dernier sursaut avant le dernier saut. Il y avait beaucoup de fleurs. Les hommes en noirs ont commencé à les disposer au pied des murs de l’église. Comme une guirlande d’arc-en-ciel. Comme une frise improbable. Et puis très vite le froid a saisi les couleurs, les pétales. Un a un. Qui cassaient. Un à un.

A l’intérieur, des dizaines de cierges. Avec leurs lumières tremblantes. Qui léchaient les parois de pierres froides. Avec nos silhouettes obscures qui tremblaient derrière les petites flammes rouges et jaunes, rouges blanches, rouges et noires. Des tressaillements d’âme. Ou de silence. Les bouches fumaient. Les yeux cassaient sous le froid. Et l’absence impossible. Des yeux envahis de gris et de lucioles. Comme après la mort. Comme ce seul vitrail rond au-dessus de l’autel qui n’avait plus de transparence. L’œil de la mort. Couleurs refroidies. Cassées. Ou usées. Par les larmes.

Il fallut se serrer, les uns contre les autres. Parce qu’elle était petite cette église. Et faire, en plus, de la place à la parole vaine du prêtre, dont les mots se cassaient les un après les autres dans le froid et le tremblement des flammes. Les mots se défaisaient et tombaient sur le sol gelé, sur les pierres usées par les prières des siècles passés. Usée par les pas des pénitents. Par les pas des morts. Comme si les morts s’enterraient eux-mêmes. Ne peut-on pas aller en terre en silence ? Le crucifié baissait la tête. Lui aussi avait froid. Et honte. Depuis des siècles il a froid, et honte. Et les cierges n’arrivent pas à guérir ses engelures. Ni la honte. Dans ce froid personne ne pense à le couvrir d’un manteau. Alors il saigne. Et il a honte d’être si nu.

Même la musique de l’harmonium hésitait. Dans cet hiver les notes se brisaient, elles tombaient de la portée, comme les pétales des fleurs, qui tombaient de leur tige, avec le même tintement légèrement sourd. Comme une fin. Comme une mort. Comme la morte, là, froide elle aussi.

C’est une petite église égarée entre le ciel et la terre de Creuse. La dernière étape avant les étoiles.
Nous habitions dans la vallée avec Isabelle. De chez nous nous apercevions le clocher élancé de cette petite église. Drôle de hasard qui nous a fait habiter là. Docteur Freud aurait aimé la coïncidence. Souvent nous montions là-haut. L’été. Isabelle aimait la fraîcheur des murs, et la lumière sombre, et les petites statues des saintes, et les yeux perdus de la vierge, de la mère. Elle aimait allumer un cierge, là, dans cette petite église. Elle aimait lire le petit livre d’or à l’entrée.
Quand nous fûmes séparés, je suis venu laisser quelques mots sur ce livre.
" Toi petite église, tu sais tout de moi et de mes êtres qui sont partis, tu as cette beauté étrange qu’a la mort quand elle s’appelle amour. J’ai connu dans ton ventre le froid et la lumière, et les couleurs du ciel quand on a l’espérance. Toi petite église recueille mes prières, protège mon absence. Je reviendrais, tu sais. Un jour ou l’autre je reviendrais. Forcément, je reviendrais. "

Franck

5 août 2005

Seul, mais innombrable........

C’est une marche silencieuse. Qui vient de plus loin que nous. Comme une traversée de désert. Le désert de la langue. Le sable des mots. Toujours le même sable, toujours les mêmes mots. C’est à la fois lancinant, mais nécessaire. Ecrire c’est rejoindre. Unir à nouveau. Mais on ne sait pas quoi, on ne sait plus qui.
Mais toujours rejoindre. D’abord une musique. C’est épuisant puisque c’est un désert. Sans secours, et la mort au bout. Au bout, qui donne l’urgence. La véhémence du mot. Un mot presque plus vivant que vous. Qui est là, qui s’impose. Nu, cru, presque indécent dans son évidence.
C’est une marche silencieuse vers quelque chose qu’on pourrait appeler " absolu ", parce qu’on ne sait pas le définir. Alors on dit : absolu. Comme amour. On dit amour, parce qu’on ne sait pas dire autre chose.. On récupère le mot, on se l’approprie par lassitude, par dépit, par facilité. Tu m’aime ? Oui, je t’aime. Tout est dit. On peut, ne plus se parler, ne plus se regarder. Ecrire, c’est partir à la conquête de ce mot, à sa recherche. Et pour cela on choisit le désert. Conquérir un mot n’est pas simple. Il ne suffit pas de le dire pour qu’il vous appartienne, pour qu’il pare votre langue. Parfois il ne vous appartient jamais. Il vous fuit, comme l’amour. Comme le soleil ou la nuit. D’abord une musique. Entrer dans sa musique. Retrouver le mouvement, le premier mouvement, celui de la mère, qui berce comme la mer. Longue marche berçante. Balançante. Comme si seul l’infini de la mer pouvait répondre à cet absolu si nécessaire. Retrouver l’eau des mots, dans le vague de la vague des mots. L’eau des mots, qui cherche l’amour, au-delà de la mort. Mourir comme cette marche harassante dans un désert toujours plus grand, toujours plus vain. Et se perdre mille fois dans les reflets des mirages tremblant. Le mot vous appartient le jour où vous n’avait plus à le prononcer, comme l’amour qui n’est plus à dire le jour où Elle pose son souffle vos lèvres. Souvent, plus on dit les mots plus on s’éloigne d’eux. C’est terrible. Comme la marche dans les sables de la langue, qui nous fait tourner en rond. Sur nous-même. A cause de nos égo boiteux. D’abord une musique. Une musique qui vient des chairs. Les mots ne naissent pas dans nos têtes, ils doivent venir des chairs. Comme l’amour. Comme la musique qui l’appelle ; l’amour, ou la mort. Dans les chairs. Et nos chairs sont menteuses parce qu’elles ont faim. C’est pour cela que c’est impossible d’écrire. Hormis, cette marche, hormis le balancement de la mer. Il y a toujours un sens qui s’accroche à la chair, à la parole, aux mots. Le sens doit venir du son, de la musique, il faut qu’il s’enroule avec lenteur, dans la musique et le son. Le sens vient après, pas toujours, mais toujours après. Il est un couronnement, une apothéose, fragile comme une aurore. Aveugle et sourd, je suis perdu, et j’appelle. En vain. Toujours. Et je recommence. La même phrase. Usant encore un peu plus la semelle de mes mots. La chair de ma chair. Jamais assez de musique, jamais assez de son. Comme l’amour. Qui est d’abord une musique, et qui devient chant, le chant d’une source au milieu des sables. Puis prière. Puis souffle. Puis rien. L’infini du rien. L’absolu du rien. Alors je vais seul, mais innombrable.

Franck

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4 août 2005

Une explication parmis tant d'autres....

Je me rends compte en écrivant ici, que je laisse de grandes périodes dans le silence. Parce que je n’arrive pas à en tirer quoique ce soit. Avec Sandrine par exemple. Je n’ai jamais parlé d’elle. Pourtant c’est avec elle, que j’ai vécu le plus longtemps. Et je n’ai rien à en dire. Ca a un coté terrifiant. Cinq ans. Cinq ans à marcher cote à cote. Comme si nos mondes n’étaient pas perméables. La vie avec elle n’était désagréable, mais rien qui ne ressorte maintenant. Nous étions proches, malgré tout, mais rien à dire. Nous étions dans une sorte de résistance sourde, qui ne disait pas son nom. Qui se résumait à ne rien donner à l’autre. D’un commun accord et avec tacite reconduction. Cela aurait pu durer indéfiniment. Quand j’y réfléchis, nous partagions du temps, des paroles, mais rien de l’intime ? Beaucoup vivent ainsi. L’amour en roue libre, pas besoin de pédaler. Sourd et aveugle à l’hémorragie de vie. Quand je dis amour, ce n’est pas le bon mot, mais à l’époque je ne le savais pas. Je n’étais pas encore mort. J’avais connu une mort sociale, mais celle-là de mort ne compte pas. C’est après que je suis mort. Vraiment. Après Sandrine. Donc j’appelais amour ce qui n’y ressemblait pas. C’est surtout Isabelle qui m’a appris le sens du mot, et les silences qui vont avec. L’arrachement, et l’effondrement. Elle était jeune pourtant elle savait, comme un vieux sage, ces choses mystérieuses. Ouvrir tout en soi, pour vider le trop plein de soi. C’est après Isabelle que j’ai commencé à regarder les chevilles des Reines et non plus leur couronne. Et surtout à écouter leur voix. Leurs chants auxquels sont toujours suspendues des bribes de prières, ou des rires. Vous reconnaissez une reine non pas à ses bijoux, mais simplement pas sa marche, cette façon qu’elles ont de frôler le sol, d’être sur terre sans vraiment y être. Mais pour cela il faut regarder les chevilles. D’ailleurs elles ne dévoilent que leurs chevilles.
Avec Sandrine nous étions dans cette résistance sourde. La vie était paisible. Non, en fait ce n’était pas la vie. Quelque chose s’échappait de nous. Qui faisait croire, seulement croire que nous étions vivants. Pour être vivant il faut d’abord mourir. Après on est un renaissant, ou un survivant. Et on ne peut plus faire machine arrière. C’est Orphée qui nous le dit. Quand on sort des enfers, attention à ne pas se retourner. Pourtant elle avait des qualités Sandrine. Intelligente, courageuse, elle était belle aussi, ce qui ne gâtait rien. Nos corps s’entendaient bien. Pourtant, jamais l’amour ne fut ce grand lac de lumière bleue comme avec Isabelle.

Plus tard l’astrologie me donna quelques explications. Avec Sandrine je commençais à apprendre. Et mes débuts furent laborieux. En fait l’astrologie, c’est comme l’écriture, ou l’amour, si vous n’abandonnez rien avant de vous embarquer elle ne donnera que des fruits secs et rassis. Il faut pouvoir accueillir. Si vous êtes ambitieux il faut une place démesurée en vous. Sandrine et moi, étions remplis de nous-mêmes. Alors, bien sûr… Avec l’astrologie on apprend à reconnaître ce par quoi on est rattaché à l’autre. Avec Sandrine nous étions rattachés par Saturne. Avec Isabelle par la Lune. Toute la différence est là. Nous recevons les gens par certaines de nos planètes. Toutes les combinaisons sont possibles. Toutes les nuances. Avec les multiples inter-relations planétaires. La vie n’a plus qu’à broder. Avec Sandrine, c’était Saturne, d’où cette résistance sourde. Cette attente, lente, qui ne disait pas son nom. Ce repli sur nous-même. Cette glace peu à peu sur nos corps. Cette jouissance froide. Cette distance. Même dans le proche.
Isabelle c’était la Lune. La lune et Vénus. La Lune chez moi est démesurée. Avec elle, je vivais la part la plus importante. La plus vaste. Et je crois que je le lui rendais.
Parfois on s’accroche aux personnes pour de mauvaises raisons. Ces choses là se voient dans les thèmes. Et pourtant cela ne veut pas dire que leur union ne durera pas. Les astres qui sont pure durée, ne connaissent pas notre temps. Un jour sera mille ans, et cent ans une seconde. Chaque âme a son degré d’évolution. Il arrive, que des thèmes se correspondent, mais que ces êtres vivent dans des sphères différentes et la rencontre ne se fera pas. La vie brode. Et les dieux nous tirent la langue. Ils s’amusent à déjouer nos tristes stratégies. Ils nous guident vers des lumières pour mieux nous perdre, ou vers l’ombre pour mieux nous révéler. Plus nous voulons les saisir, plus ils s’échappent. Plus ils nous trompent. Ils attendent de nous une chose. Qu’on soit dans la vérité de nous- mêmes. Immense et innombrable. Comme en amour, comme dans l’écriture, qui est la même chose. Hier, je parlais de St Thérèse de Lisieux. Très marquée par le Capricorne et Saturne, et par Vénus aussi. Elle a vécu la vérité de ses étoiles. Et elle est devenue une étoile.
Celui-là, ou celle-là vous touche, vous intéresse, regardez quelle planète il active chez vous. Ou quel point de votre thème.

Les thèmes parfaits n’existent pas, les rencontres parfaites non plus.
Hormis quelques Reines qui font pâlir et mentir même les étoiles.

" Le vent se lève, il faut tenter de vivre ".

Franck.

3 août 2005

Toujours un peu décalé de la réalité.....

Avec elle j’ai fréquenté les églises. Avec dieu et sa famille nous nous parlons peu souvent. En fait, pas du tout. De puis l’enfance. Je n’ai jamais bien compris tous les contes autour de lui. Il existe, il n’existe pas, et les autres dieux. Et puis toujours ces mêmes histoires d’amour ; dieu nous aime, mais….Il y a toujours des " mais ", des conditions… des échanges. Il veut régler nos vies, nos lits, sans compter tous ses serviteurs zélés, qui font des morales à n’en plus finir, pendant qu’ici la terre brûle. Portant malgré cela, j’ai toujours pensé qu’une foi était possible. Je ne saurais pas l’expliquer. Sans doute est-ce un mouvement naturel de l’âme. Une foi sans vrais dieux, ou bien alors tout un cortège de divinité, sans prêtres, sans cardinaux, sans pape. Une foi qui vous pousse seulement à vous arrêter, à fermer les yeux, et à appeler un grand silence. Une foi, qui ne réclame rien, qui est seulement là pour accueillir, une foi ou l’on abandonne ses oripeaux et qui nous fait tendre les mains, avec le sentiment fort d’une humilité.
De toutes mes détestations religieuses, quelques figures surnagent. J’ai un faible pour les saints et les saintes. Enfin, ceux qu’on à arbitrairement désignés ainsi. Qui ne sont pas plus saints que d’autres. Disons pour faire simple que les mystiques, d’une façon générale, me touchent. Je n’aurais pas pu être mystique. Trop d’égo. Encore. Toujours trop d’égo. Ce n’est pas tellement le fait qu’ils soient bons, qui me touche, parce que la bonté je m’en méfie souvent, de la mienne, comme celle des autres ; non, pas la bonté, mais l’amour comme absolu. Un truc qui les incendie de l’intérieur. Qui les fait rire, pleurer, jouir, prier. Un truc qui les emporte dans la lumière. Je crois qu’à une période je devais être amoureux de St Thérèse de Lisieux. Il y a chez elle quelque chose de désarmant. Une sorte de naïveté bouleversante. Elle a vingt-quatre ans quand elle rentre dans sa passion. Isabelle lui ressemblait. La même tête ronde. Le même regard délavé par les prières et les larmes. Mais Isabelle était plus belle encore. Et puis, elle n’était pas sainte. Ce que nous faisions de nos corps emmêlés n’était pas reconnu par la sainte église et le droit canon.
Mais Isabelle, elle aurait pu être une sainte. D’ailleurs, peut-être qu’un jour elle le sera. Qui sait ? Moi cela fera longtemps que je serais damné. Quand on rentrait dans les églises ensembles, avec Isabelle, elle avait presque vingt-quatre ans. Comme Thérèse. Comme d’autres.
Thérèse a le feu dans sa poitrine. Pas sur ses seins, que personne n’a vu ou touchés. A l’intérieur. Il y a tellement d’amour que ça lui brûle les poumons. C’est une maladie de l’amour, la tuberculose. Comme ma mère qui à été soigné pour la tuberculose, alors qu’elle avait un cancer. Ma mère aussi, c’était une maladie de l’amour. Ou du désamour, c’est pareil. Thérèse, elle, elle aime jésus. C’est son époux, qu’elle dit. Il a de la chance jésus d’avoir tant d’épouses comme la petite Thérèse. Plus ça la ronge à l’intérieur, plus elle l’aime son jésus. Il faut avoir lu la passion de Thérèse. A chaque fois que je la lis les larmes me monte aux yeux. C’est impossible un amour si grand. Quelques heures avant de mourir, c’est un grand trou noir. Elle a peur. C’est terrible. Elle doute. Une seule fois elle doute. Une fraction de seconde. Et puis, non, une grande marée la submerge. Elle est à nouveau toute entière à son amour. Ses derniers mots : " Jésus, je t’aime ". Isabelle lui ressemblait. Mais ses seins je les avais touchés, embrassés, cajolés. Isabelle aimait être nue aussi. Quand elle ne priait pas. Elle aimait les caresses sur sa peau. J’ai dit ici, nos silences amoureux, nos étreintes lentes et douces comme du miel. Je n’ai pas dit nos étreintes de feu. Quand les caresses se durcissent un peu, quand les corps se cognent l’un contre l’autre, quand les soupirs deviennent halètements et les souffles courts. Quand les baisers débordent largement de la bouche et que nos langues couvrent les figures, et que nos ventres se collent fort l’un dans l’autre avec nos mains crispées dans la chair. Elle priait Isabelle, mais elle aimait l’amour aussi, l’amour fort, celui qui lui arrachait des larmes, elle aimait s’abandonner à des gestes qui la faisait rougir de honte et de plaisir. Après elle priait. Ses prières étaient toujours secrètes. C’est normal. Thérèse, elle, elle écrivait, pour qu’on sache tout son amour. Cette chose infini, qui la consumait, mais jamais elle ne parlait de ses orgasmes divins comme l’autre Thérèse, l’Espagnole.

On est entré dans l’église. Il y avait une messe. Nous nous sommes assis. Je la regardais. Elle ne voyait pas que je la regardais. Ses yeux surtout. Des yeux perdus. Grands ouverts. Avec un léger sourire. Il y avait là quelque chose qui m’échappait. J’étais presque jaloux de cet abandon. Les paroles du prêtre me parvenaient. Toujours les même discours. Elle, Isabelle, priait en silence. Et sa figure rayonnait. Il faut avoir vu. Comme si la lumière s’accrochait différemment. Comme si cette lumière n’était pas reçu, mais donnée. Qu’elle émanait de son visage. De ses yeux. Et puis, je ne sais pas ce qui c’est passé. J’ai eu un malaise. Je n’en fait jamais de malaise. Là, c’est monté progressivement, chaleur et frissons. Vertiges. Je me suis rassis sur le banc. J’ai fermé les yeux. J’ai perdu connaissance. Quelque secondes. Je me souviens après, nous sommes dans la rue, je marche lentement à coté d’elle. Elle me tient le bras. J’ai dans la tête une lumière. Une lumière douce et bleue. Je sens sa présence à coté de moi. Isabelle dans une lumière bleue. Moi, dans une lumière bleue. Il n’y a rien de divin la dedans. Sauf, quelque chose qui ressemble à de l’amour, à un abandon, a un don que je recevais. Nous sommes rentrés. Elle m’a allongé. Elle s’est allongé près de moi. Nous avons attendu que la nuit assombrisse la pièce. Sans bouger. Sans commentaire superflu. Rien que sa main sur mon cœur. Que son souffle dans mon cou.
Avec elle tout était simple, pourtant rien n’était habituel. Chaque geste avait une dimension étrange et légèrement mystérieuse. Toujours un peu décalé de la réalité.

Franck

2 août 2005

Les pires mensonges du Prince

  • Femme noire, femme d'esclave, objet des négriers.

  • Que cessent donc ces cantiques

  • Mélancoliques

  • Qui san...    Comme du sang

  • Glo...   Comme des flots

  • tent...

  • Flottent

  • Aux rythmes des bateaux négriers.

  • MAXIME N'DEBEK, poète du Congo.

Puisque lorsque le soleil se lève tes yeux brillent. Puisque l'amour que tu ressens tu ne sais pas comment le faire évoluer. Puisque cet amour en toi il en existerait presque une partie pour chaque être vivant. Puisque tout cela est si important. Puisque la nuit tu fermes les doigts dans la douleur des jointures. Et que le ciel brille dans mes yeux pour toi. Puisqu'il ne faut pas être triste. Dans ta parole. Dans tes attentes. Puisqu'il ne faut rien attendre, puisqu'il faut guetter. Le soleil se lève dans tes yeux pour moi. Et puisque c'est bientôt fini dans la cuisine. Les travaux dans les latrines. Puisque les enfants jouent encore avec des ballons. Sans s'approcher de la forêt aux monstres dantesques. Puisqu'il faut toujours parler pour avoir raison. Et demander à quoi servent les progrès de ta science. Le Prince ne fait que mentir, souvent il vous ment, il ne sait faire que ça même, il n'y a que ça qui lui procure du plaisir. Puisqu'il cache son odieuse et superbe tristesse. Puisque dans les églises calmes et sereines de mensonges on passe à confesse. Puisqu'il est sorti de l'enfer version liquide. Puisque ses yeux le matin sont fatigués des rêves qu'il a fait. Sans moi. Puisqu'il est là pour parler de ça. Et que l'amour est un mot plaqué sur une chose indéfinissable. Puisque sinon on ne le supporterait pas. Puisque la lune se couche avec eux. Puisque le manège recommence chaque matin. La voiture, le taxi, le train. Puisqu'il faut partir d'un endroit pour en rejoindre un autre. Puisqu'il a fallu donner un nom aux villes. Puisqu'il faut faire comme si les regards des gens des trains étaient chauds. Puisqu'il faut marcher droit devant. L'amour attend. Même quand la neige tombe dans ton regard. Chantaient donc les négriers, qui flottaient. Les batailles de ta jeunesse alors te disent : tu te souviens de papa, de maman ? Puisqu'il ne faut pas avoir peur. Puisque demain ça sera une autre heure. Puisqu'il est maintenant clair qu'on va dormir. Puisque le soleil se lève dans tes yeux pour moi. Le rêve est une chose douce lorsque les yeux sont fermés. Mais une fois ouverts les choses changent bien sûr. Ta tristesse de Prince ils devraient la goûter comme moi je la goûte. Ma chère, voudriez-vous voir ce que je vois ? Ma chère, voudriez-vous promettre quelque chose pour moi ? De ne pas le répéter ? A personne ? Un secret ? Puisque les secrets n'existent pas. Puisque dans les paumes on tient un chapelet noir. Puisque dans la chambre d'hôtel il doit se passer des choses en mon absence. Puisqu'on se regardait lui et moi en chiens de faïence. Puisque les malades du Sida peuvent tenir plus longtemps de nos jours. Puisque les morts continuent de pourrir. Puisque vos chers morts sont en train de disparaître. Pour aller dans la mémoire des pouponnières d'étoiles. N'est-ce pas Hubert ? Puisque le Prince vous ment. Puisqu'il passe son temps à vous mentir. Normal, c'est un poète. C'est normal. Les mensonges n'existent pas en poésie, en fait ce n'est pas un menteur, le Prince. J'ai eu tort de dire ça. Ce n'est pas un menteur juste sur une chose : je ne suis pas un Prince qu'il a écrit dans son texte précédent.

Puisque tu n'es pas un Prince, tu es sûrement un Roi.

Puisque le soleil se lèvent dans nos yeux qui brillent.

ANGELINE.

2 août 2005

Je ne suis pas un Prince.....

Je ne suis pas un Prince, ni un grand, ni un petit. Pourtant je suis chevalier. Mon royaume est étroit et mon âme est immense. Mon royaume est étroit c’est une longue route qui se tord et serpente entre deux infinis. Entre ces torrents d’ombres constellées de mouches écarlates, entre les saisons où le noir passe à grands flots, entre les squelettes qui ricanent.
C’est une longue route bordée de souvenirs et qui se perd dans le ciel entre de beaux nuages. C’est une longue route qui monte vers une Etoile. C’est une longue route où un soleil vainqueur montre d’un doigt rageur, le chemin, et sa gloire.
Je ne suis pas un Prince.
Mais je suis chevalier.
Ma couronne n’est pas de cuivre, ni d’or, c’est une brassée de pétales ornée de rosée.
Mon manteau n’est pas d’hermine, c’est une seulement aurore qui s’effiloche dans la lumière des astres.
Mon sabre n’est pas d’acier, je l’ai forgé à partir d’un silence et pour le faire briller, je l’ai poli sur ma solitude amère.
Mon armure n’est pas de fer c’est ma chair mise à nue.
Mes bottes ne sont pas de cuir, de simples plumes suffisent, d’aigles ou de corbeaux, parfois celles d’un ange.
Et mon cheval galope, sous la pluie et l’orage.
Je ne suis pas un Prince et pourtant tu es Reine.
Tu traverses des mondes que des armées entières redoutent. Sur ta peau est inscrite l’histoire universelle. Dans tes yeux c’est la foudre, dans ton cœur le tonnerre, dans tes mots la lumière, et dans ton âme cette chose étrange, le bruit de l’océan qui tire ses marées pour laver sans relâche, le sang de l’indécence venu s’échouer sur nos plages l’été.
Tu traverses des mondes d’un seul de tes regards, pour qu’apparaisse un jour, à force d’user la langue, derrière les chairs vibrantes, un rayon de soleil, pour brûler les gisants, un rayon de soleil assez fort, assez droit pour incendier d’un coup le ciel, ses trous noirs et même les galaxies.
Ton âme est passerelle de l’horreur au sublime ; et chaque jour tu fais cet effroyable chemin pour sauver ce qui reste de nos tristes destins. Chaque jours, du reviens des fumures des enfers les bras chargés de chair, pour en faire des rosiers.

Je ne suis pas un Prince, et pourtant tu es Reine.

Franck.

1 août 2005

Puisque.....

" Aujourd’hui que sa jeunesse est finie, ma vie est pareille au fruit qui n’a plus rien à épargner ; elle attend pour s’offrir tout entière avec son fardeau de douceur. " (Rabindranath Tagore)

Puis que je n’ai plus peur du vent qui fait frémir les ombres, comme des morts tremblants de leurs futurs trépas.
Puisque au rivage de ma folie, à l’heure insoutenable, j’ai fait escale, pour déposer les armes.
Puisque j’ai traversé les nuit sur les arc-en-ciel les plus sombres.
Puisque j’ai épuisé l’eau noire de mes lacs mélancoliques.
Puisque j’ai affronté l’austérité d’un ciel dépouillé de ses feux..
Puis que j’ai vidé dix fois mon sang dans les veines du temps et dix fois franchi le grand fleuve de mémoire en usant mes semelles sur les graviers coupants des souvenirs cendreux.
Puis que j’ai survécu à l’écume des réponses.
Puisque j’ai incendié tous mes mensonges.
Puisque j'ai ravalé un a un tous les mots froissés et parcouru muet les chemins décomposés de la langue.
Et puisque aujourd’hui entre ma bouche et l’étoile il n’y a plus qu’un soupir.
Je peux descendre encore dans les ténèbres oscillants pour brûler tes saisons de poussières, tes saison de douleurs, de cœur fendu, de ventre vulnérable.
Je peux blanchir jusqu’au sang la chaleur de tes étés carminés pour attiser l’agonie du mois d’août.
Je peux traverser sans faiblir les grands déserts de tes couleurs mortes et user l’arrête des heures insoutenables.
Je peux braver l’en dessous de tes peurs, l’en dessous de ton crane, l’en dessous de tes rêves.
Je peux tendre la main sans le moindre regret, et te dire " viens " sans la moindre impatience. Ou simplement ne rien dire
Puisque……

" Aujourd’hui que sa jeunesse est finie, ma vie est pareille au fruit qui n’a plus rien à épargner ; elle attend pour s’offrir tout entière avec son fardeau de douceur. "

Franck.

31 juillet 2005

Absolue.....

Parce qu’elle écrit. Vous savez de qui je veux parler. Tout le monde le sait qu’elle écrit. Un jour la terre entière le saura. Ce qu’elle écrit n’a jamais été écrit. Il faut inventer les yeux pour la lire, inventer la langue pour la dire. Alors ce que je vais dire est forcément mal dit, forcément faux.

Et puis un jour on est pris dans son texte. On est écrit avec les mots d’une littérature. Vous lisez avec votre œil, parce que vous êtes borgne, Et vous ne savez plus quel est l’œil qui lit. Celui qui voit ou celui qui ne voit pas. Vous voyez bien que c’est vous. Vous et pas vous en même temps. Une excroissance de vous. C’est une littérature. Quelque chose de nouveau. Une littérature avec un surcroît de vie. Votre parole est prise dans un texte. Vous aussi vous êtes un élément du texte. Pas un personnage. Parce que les personnages n’existent pas. Jamais. On est un vivant dans le vivant de l’écriture. C’est à la fois vous et pas vous. Quelque chose de soi existe en dehors de soi, en plus de soi. Un soi sans égo. Dépouillé de l’égo. En fait c’est comme un surcroît de vie.

Son écriture vient redonner une place à la parole. Une parole dénudée. Le texte et la parole s’échangent. L’un approfondit l’autre, le complète, le répète autrement. La parole est prise dans une autre parole. Comme les poupées russe. L’une englobe l’autre et l’amplifie et ainsi de suite. Toujours plus grand, toujours plus large.

On est devant un texte qui nous parle. Mais pas à nous seulement. Il nous désigne. Mais pas nous seulement. Alors on comprend que la littérature n’est plus tout à fait à l’endroit où l’on pensait la trouver. Juste décalée. Juste après le vrillement de l’espace, du temps, et d’un égo mort. Plus dans l’égo, mais avec toujours ce surcroît de vie.

Du vivant se crée. Et il n’y a pas de maîtrise. Sauf l’auteur. Parce qu’elle est auteur. Mais un auteur arraché. Elle choisit. Elle choisit dans le noir de la vie, ce qui doit être dit. Mais ce n’est pas dieu. Ni satan. Elle est déjà plus loin. Dans l’invention de la vie elle choisit et elle dit.

Elle dit le vrai. L’inaudible. Elle dit juste ce qui ne se dit jamais. Ce qui reste dans l’obscure de nos égo. Mais, là dans son écriture, il n’y a pas d’égo. Juste un peu de soi. L’égo est toujours faux. Tout le monde le sait. Et tout le monde fait semblant de ne plus s’en souvenir. Il faut comprendre c’est nouveau. C’est interactif dans un sens inhabituel. Parce que le texte crée une coupure entre vous et le vous du texte. Et dans cette coupure, si vous regardez bien, il y a du vrai pur. C’est bien là dans ce vide crée, que lecteur, si son âme est ferme, peut créer lui aussi de la vie. Dans la faille du texte, parce que le texte n’est pas plein. Il est en ellipses, en trous, en crevasses. Et là, brille de la vérité absolue. Absolue.

Franck.

30 juillet 2005

Mais c'est mieux....

Il y a un moment où l’on sent que c’est dans la solitude la plus profonde, la plus absolue que vous serez à l’abri. Vous la connaissez bien, celle-là. Sa forme, son goût. C’est votre meilleure ennemie. Elle sait tout de vous. L’intérieur surtout. Les endroits qu’il faut serrer, presser. Parce que c’est dans le corps qu’on la sent au mieux. Au plus intense. Quelque chose qui circule. Lourd et lent et profond, à l’intérieur. Parfois ça touche l’os, les articulations et ça fait de grosses bulles qui claquent et qui montent jusqu’au cerveau. Ensuite c’est l’œil. Je dis l’œil parce que je suis borgne. Un virus que j’ai ramené d’Afrique. Il y a longtemps, et qui m’a bouffé les tissus de l’œil droit. Sans doute avais-je voulu toucher les yeux avant les mains. Je n’en sais rien. Bref, borgne. C’est pour cela que je suis si bien chez les aveugles.
Donc l’œil. La solitude investie l’œil. Elle absorbe d’abord les couleurs. On voit toujours les couleurs mais vous ne les comprenez plus, elles n’ont plus de sens. Devant vous c’est plat. Chaque chose a perdu sa profondeur, même les paysages. Une hémorragie de vie.
En fait, c’est faux. Autour de vous tout continue mais sans vous. On est séparé du monde par une énorme boursouflure d’égo. Et c’est l’œil qui vous le dit. Et c’est le ventre qui l’entend.
Souvent je me dis que mon ventre sait beaucoup plus de choses que mes neurones.
Donc, là, j’écris ces mots avec mon ventre. C’est une sensation bizarre et absurde en même temps.
Mais j’ai l’habitude, c’est ma compagne. Elle me connaît par cœur. Elle sait très bien s’enrouler autour de moi, la peau, les membres, les idées, les rêves. Surtout les rêves. Elle les suce avec amour, délectation. Attention tout est chaste entre nous. C’est une sensualité à l’envers.
Avant quand je buvais de l’alcool. Beaucoup d’alcool. Le corps ne suivait plus. A force, il craquait, il suintait. Dans la tête il y avait un véritable champs de mines, et de drôles d’incendies mélangés à un brouillard sans fin. Lent, lourd, épais. Et sans fin. Sans fond. Et c’était tous les jours, dans chaque heure du jour. A la fin, les jours n’existent plus, ni les heures. Et dans le cœur il n’y avait plus rien, une lande où seuls quelques fantômes subsistaient.

Mais c’était avant. Maintenant ça fait plus mal. Mais c’est mieux. Plus mal c’est toujours mieux.

Franck

29 juillet 2005

La chute....

Il y a toujours un vide à franchir. Un pas à faire. Et une chute.
Et dans la chute toujours quelque chose d’incompréhensible pour l’esprit. La chute n’est pas naturelle, ni le vide. On est fait pour être dans le plein. En fait on croit qu’on est fait pour être dans le plein. Lui tous les samedi il était plein. Et il me racontait sa guerre. Tous les samedi. J’étais obligé d’écouter et de faire le plein avec lui. Il parait que c’est comme ça qu’on devient un homme. On parle de la guerre, on boit, on fume. Lui il est parti en Indochine faire sa guerre. Et tous les samedi il me racontait. Encore aujourd’hui j’ai l’impression de connaître cette région du monde. Saïgon, la rue Catinat, la cathédrale au bout, l’hôtel, le Continental je crois, et puis bateau qui amenait les troupes, le ¨Pasteur. Les rizières, les buffles.

Je ne l’aimais pas, pourtant le " lien " a été tressé. Oui, le lien. Je crois que j’en ai parlé ici. C’est un truc terrible. C’est l’image du plein entre deux personnes. Une relation sans espace. Sans vide. Tout est occupé.
A Quinze ans je voulais être capitaine. Capitaine aux frontières de l’Empire. A Quinze ans on très bête. Plus tard, aussi. J’avais des rêves de frontières. Je n’avais pas encore lu Buzzati. Je voulais être sentinelle perdue. A la frontière, comme si je me doutais que l’essentiel se trouvait au-delà des nuages. Déjà.
J’écoutais sa guerre. Un peu pourrie sa guerre. Mais a quinze ans j’écoutais. Et je voulais être capitaine. Le " lien " est une chose terrible. Ma seule façon d’exister était de faire comme lui. J’ai donc tout dupliqué, mais plus vite que lui. Parce que s’était un vrai jeu de con. Mais à cette époque je ne le savais pas.
Il fallait que je finisse sa vie au plus vite. Que je meurs pour renaître.
Dans la vraie vie, les choses ne sont jamais aussi claires que cela. Il est parti en Indochine, je suis parti en Afrique. Il a commencé sa carrière comme manutentionnaire dans une grande société. J’ai commencé comme manutentionnaire dans la même société. Il s’est marié avec une esthéticienne, je me suis marié à une esthéticienne. Il était alcoolique, je suis devenu alcoolique.
Il y avait là une sorte de marche de fou. Être le même pour mieux s’en séparer, pour mieux le nier. Echouer, s’était le faire échouer. Lui est mort, moi je renaîs. Sans cesse.
Alors c’était normal. Je voulais être capitaine aux frontières de l’empire. Dans mes rêveries j’étais un soldat perdu, oublié. Le dernier soldat, sur la dernière frontière.

Quand il fallut faire l’armée, j’ai choisi. Je serais parachutiste. Parce que lui, ne l’avait pas été. Et le lien derrière qui se nouait. Toujours un peu plus fort, un peu plus serré. C’est comme cela que j’ai fait mes premiers pas dans le vide. Huit jours après mon incorporation je savais que ce monde n’était pas le mien. Mais j’y étais pour un an. Mes rêves de capitaine se sont évanouis presque instantanément. Ma mythologie s’est effondrée comme un piteux château de cartes. Alors, un an avec les hommes, les vrais, les durs, les tatoués, les fortes têtes. Mais s’était la dîme à verser au " lien ".
Il a fallut sauter. Bien sûr. En tout je l’ai fait quinze fois. Quinze fois avec la même peur. Mais j’ai appris une chose : que je n’avais pas peur de ma peur.
Le saut militaire n’a rien à voir avec les sauts du dimanche. Les ordres, les cris des largueurs, la sonnerie stridente, d’autres cris et puis la porte… on est aspiré dehors pris dans le vent des hélices et brusquement saisi par le calme. La chute. Courte. Nous avons une sangle qui tire le sac à parachute. Le premier saut, je suis trop près de celui qui me précède. Le largueur veut me retenir. Je suis emporté, mais la prise du largueur me plaque contre la carlingue. Mon casque cogne. Les courroies du casque cassent. Mon casque tombe. Le vide, sur la tête nue. La parachute s’ouvre. Je suis suspendu. Là, il y a un instant magique. Impossible à décrire. La chute lente, vers le sol. Le silence. La peur terrible se dissipe en une fraction de seconde. Seulement une chute lente. Un jour, je suis sorti de l’avion, et j’ai été pris dans un courant ascendant. Les autres étaient déjà au sol moi je restais suspendu. Je l’ai entendais crier. Là aussi se fut magique.
C’est après mon deuxième saut que j’ai compris que j’aurais toujours du mal avec mes congénères. Le gars, devant moi fait un refus de saut. Il se cabre, bloque ses bras à la porte. Hurle. C’est difficile un homme qui hurle comme ça, dans sa peur effroyable, dans le bruit des moteurs, et de la sonnerie stridente. Les largueurs s’acharnent. Ils poussent, ils tapent sur les bras. Rien n’y fait. C’est un instant de violence absolu. Cinq, six seconde, peut-être dix. Le temps presse dans l’avion, il faut continuer le largage. Alors on le tire en arrière et le jette au fond de l’avion. Tans bien que mal je repars. L’air aspire. Le vide à nouveau. Le silence. Le gars à refusé de sauté. Je me sens proche de lui. Cela aurait pu être moi. Je sais qu’il est entré dans une saison de douleur pour un homme. Il est resté dans l’avion. Il a atterri avec l’avion. Ils l’ont raccompagné au casernement, ils lui ont demandé de préparer son paquetage. Et d’attendre, là, devant. J’ai failli vomir. Une glaire de bile a brusquement remonté. Un goût amer, dans la bouche, dans tout le corps. Ils nous ont obligés à défiler devant lui, le refus de saut. Parce qu’il fallait l’humilier. Autour de moi, les insultes, que les autres lui jettent à la face, toute la peur jetée à la face de l’autre, comme s’ils lui reprochaient leur propre peur. Je ne sais plus quoi faire. J’ai honte ? Honte pour eus, pour lui. Je voudrais vomir. Pleurer. Je voudrais le serrer contre moi. Et puis, je ne fais rien. Je me tais. Ce jour là, je me tais, et je les ai haï, les hommes, les durs, les vrais, les tatoués. J’avais eu le courage physique de sauter de l’avion, et pas le courage de sortir du rang dire ma révolte, mon écœurement. J’étais lâche, dans mon silence, et dans ma honte et dans la sienne qui devenait la mienne. Longtemps, cette image m’a hanté. Pourtant elle m’a libérée aussi. Ce jour là j’ai su de quel coté j’étais. Même mal, je l’ai su. Même lâche on sait.

Je hais les foules, les groupes, les pensées de groupe, les pensées de foule. Sans le savoir j’avais fait mon premier pas dans l’errance. Mais il faudrait détruire le " lien ". Le lien c’est le plein. Et je venais de faire l’expérience du vide. La plus facile.
Plus tard, je saurais que le vrai vide est ailleurs. Dans les mots souvent, dans l’espace entre les mots, dans les silences. Et pour cela il ne faut pas être plein. Ecrire, s’est être dans le vide. Dans la solitude et dans le vide. Le contraire de sauter d’un avion.

Souvent j’ai pensé à toi, le refus de saut, et j’ai voulu croire que ce qui t’était arrivé ce jour là t’avait sauvé. Sauvé des gueules rasées, des torses bombés. Quand je vois le temps que cela m’a pris… Souvent j’ai marché à coté de ma vie. Même aujourd’hui. Je ne sais pas. Je ne saute plus des avions, mais le vide est plus profond.

Franck

28 juillet 2005

J'ai des trous dans la mémoire des mains....

En ce moment je lis des textes, ici ou là. Des textes souvent durs. Il faut des mémoires en béton armé pour supporter des souvenirs comme ça. Moi je suis dans l’errance, enfin je crois. On n’est jamais sûr de rien. C’est comme l’amour, on ne sait jamais le définir. Alors on enroule nos mots comme autour d’un coquillage. Mais on ne dit jamais la vérité de l’amour. Parce qu’on ne la connaît pas. Dans mon errance je traverse ma mémoire.
Il a y des souvenirs qui ont une couleurs, vous les avez apprivoisés, vous pouvez en parler, vous savez qu’ils veulent dire quelque chose en regard de votre vie, ou de l’idée que vous vous en faites. Et puis, il y en a que vous ne savez pas dire. Ils n’ont pas leur place, parfois ils sont troués, incomplets. Ils ne disent rien, ou alors des choses obscures, ils sont en morceaux. Vous revoyez la scène, quelques lumières, quelques gestes, et puis il y a des trous. Les vides autour.

Quand elle est morte elle avait quarante deux ans. J’ai dons la chance de l’avoir toujours connue jeune et belle, ma mère. Parce qu’elle était belle. Tout le monde le disait. J’ai retrouvé une photo : elle est à Royan, sur la plage. Une photo noir et blanc. Elle porte un maillot une pièce à fleurs. Elle sourit à l’objectif. Elle a de larges lunettes de soleil.

J’ai habité Paris jusqu’à l’âge de sept ans, puis nous avons déménagé pour Marseille. Avant Marseille je n’ai pratiquement aucun souvenir.
En arrivant à Marseille elle a trente deux ans. Lui, mon père, est dans son ascension sociale. A paris mon lit d’enfant était dans leur chambre. Pendant sept ans j’ai été sourd. Mon sommeil fut de plomb. Aucun geste entre eux. Aucun soupir, aucun gémissement. Quand on veux pas entendre on entend pas. A Marseille j’ai ma chambre. Un soir j’ai entendu. D’abord des cris. Ma mère, lui. La dispute est violente. Toujours des cris. Je suis réveillé. J’ai peur. Je me lève. La porte de leur chambre est ouverte. Il la secoue. Elle est nue. C’est la première fois que je me rends compte que ma mère peut être nue. Il frappe. Elle crie. Il la jette sur le lit. Elle se débat. J’ai peur. Je repars dans ma chambre me cacher. Le temps passe. Des bruits à nouveau, des gémissements. Je ne sais plus ce que c’est. C’est plus le même danger. Je me dirige une nouvelle fois vers leur chambre. La porte est toujours ouverte. Lui il est couché sur elle. Entre ses cuisses. Elle le serre. C’est plus le même danger. Je ne comprends rien. Après je m’endors.

Il n’y avait pas d’affection visible. Lui, il ne me touchait pas. Jamais. Sauf pour les raclées. Il n’y avait pas de gestes entre eux. Pas de mots. Jamais devant moi. Pas la main sur l’épaule. Ou le regard dans regard de l’autre. Pas de noms rigolos. Rien.
On est dans la petite cuisine, ma mère s’occupe à nous servir. Il fait nuit dehors. Elle est face à l’évier. Il ricane. Je me souviens du ricanement. Il a toujours ricané. Même plus tard. Il avance sa chaise vers elle. Il peut la toucher. Je suis là je vois. Je mange. Mais je vois, je suis là. Là, papa ! Je suis là !Il soulève sa robe. Ils sont à deux mètres de moi. Elle cri. Pas très fort. " Le petit, Jean ! " Je vois ses cuisses. D’un geste rapide. Enfin je crois. Je ne suis plus très sûr de la rapidité du geste. D’un geste rapide il baisse sa culotte et glisse une main entre ses fesses. Je suis là. Alors je peux voir. Je ne comprends pas. Lui, il ricane. Elle se dégage. Je crois qu’elle rit. Je n’en suis pas sûr. Peut-être qu’elle rit. Je ne comprends pas ces gestes. Il y a en moi deux éclairs qui me traversent. Un blanc, un noir. J’ai mal au ventre. Je me souviens. J’ai mal au ventre. J’ai vu le geste. Je sais qu’il n’y a pas de douceur. Je sais qu’il n’y a pas d’amour, là, dans ce geste. Ce n’est pas un geste pour toucher, mais pour prendre. Je le sais, ça, d’instinct.

Et puis un jour j’ai dix ans. A peu près. C’est un dimanche puisqu’il est là. C’est l’après midi. Il fait chaud. Lui est en short. Ma mère a encore son peignoir. Il veut lui ouvrir son peignoir. Il ricane. Moi je suis assis sur la banquette. A chaque fois qu’elle passe, il veut lui ouvrir son peignoir. Je vois. Elle évite. Mais je vois ses jambes, ses cuisses. Je suis là. Ils ne se disputent pas. C’est un jeu. Je comprends que s’est un jeu. Et puis, je veux défendre ma mère. Je saute sur lui. Pour s’amuser. Et puis il y a une mêlée. On est tous les trois, dans une bagarre de jeux. Enfin, je croyais. Je m’acharne contre lui. Lui, il ricane. On est sur le tapis devant la banquette. Elle rit. Là j’en suis sûr. Lui il essaye d’ouvrir son peignoir. Elle secoue les jambes en l’air. Je vois. Entre ses cuisses des poils noirs. Beaucoup de poils noirs. Je ne comprends pas. Lui, il se défait de mes prises, et me pousse vers elle. Je me souviens le peignoir est complètement ouvert. Je me souviens, je veux que tout s’arrête, et je veux que tout continue. Il lui enlève son peignoir. Et il ricane. Elle rit. Elle gigote dans tous les sens. On est emmêlé. Moi aussi je gigote, je veux la défendre. Lui, il a mis sa main entre ses cuisses, là où il y a tous les poils noirs. Elle cri. Mais elle rit. Ma tête tourne. J’ai mal au ventre. Non plus bas. Dans mon pyjama, mon sexe, me fait mal. C’est ça. Le sexe. Il nous retourne dans tous les sens. Il est fort. Elle n’a plus rien sur elle. Ses seins, ses fesses, ses poils noirs. Dans la bagarre ma main touche son corps nu. Non, je ne peux pas, je ne veux pas. Non elle ne touche rien, ma main. Non, je ne touche pas ses seins. J’ai du rouge dans les yeux. Je ne vois plus rien. La rage. Je ne sais plus. Lui il s’amuse. C’est un jeu, il ricane. Il est essoufflé, et il ricane. Il me pousse toujours sur elle qui se débat. Il lui écarte les cuisses. Non, elle crie plus fort. Elle ne joue plus. Non, ma main ne la touche pas. Elle s’en souviendrait, ma main, si elle l’avait touchée. Elle a pris son peignoir et elle essaye de se couvrir avec. Lui, aussi il ne joue plus. Il est essoufflé. Je vois ses yeux. Je suis là, c’est pour ça que je peux voir ses yeux. Elle se relève. Le jeu est fini. J’ai dix ans. Je suis dans ma chambre. J’ai l’impression d’être troué. Je ne sais pas ce qui vient de ce passé. Lui, il jouait. Elle, aussi je crois. Moi, je ne jouais pas.

Je n’ai jamais rien compris aux jeux des adultes. Maintenant encore. Lui je ne l’aimais pas. Je l’ai su plus tard. Bien plus tard. Elle ? Je ne sais pas. Je n’ai jamais su sa connivence. Mais je crois qu’à partir de ce jour je ne l’ai jamais regardé comme avant. Ma mère. J’ai l’impression que toute une partie de mon enfance est partie, là, ce jour là. C’est un peu exagéré. Mais quelque chose c’est cassé ce jour là. Il m’a semblé que j’étais à coté de l’histoire, et pourtant en son centre en même temps. Il y a quelque chose de l’intime qui s’est passé. Que je n’ai pas compris. Que je ne pouvais pas comprendre. Souvent cette image de ma mère, nue, riant, s’agitant en tous sens s’est imposée à ma mémoire. Quelque chose de mon désir c’est joué ce dimanche. Tu comprends papa, je suis là, alors je vois, c’est obligé. Je suis là. Mais toi, tu ne vois pas que je vois. Et tu t’en fous. C’est impossible à voir. Tu ricane. Tes gestes sont laids, papa. Laid. On ne touche pas comme ça. On ne touche personne comme ça. On tend les mains, papa. On les tend, et un jour, une joue se pose dans leur creux. Un jour des lèvres les effleurent. C’est tout papa. On ne touche pas comme ça.

Franck

26 juillet 2005

...Tout ton silence.....

Elle m’a dit la colère est mauvaise conseillère il faut en faire quelque chose. Elle a dit cela dans sa saison d’avance et dans sa bienveillance d’avance. Tout le monde cherche quelqu’un et personne ne trouve personne.
On voit souvent cela dans les films, des personnages perdus dans leur vie qui se cherchent. A la fin ils se trouvent. Parfois, ils se frôlent mais ne se trouvent pas.
Chez Dhôtel on peut lire des histoires de ce genre. Au début ils sont là, mais ils ne se voient pas, ils ne se connaissent pas, ils ne se reconnaissent pas, alors ils partent aux quatre coins de leur vie, ils traversent la terre, ou simplement leur jardin. Il arrive que ça prenne toute une vie de traverser un jardin. On est distrait, par les oiseaux, les fleurs, on est occupé par le quotidien, les nouvelles à la radio, à la télévision. Et puis un jour, très longtemps après, au détour d’une phrase, ou parce que la lumière du soleil se prend à dessiner les contours d’un visage tout revient dans une immense marée à l’envers.

Dans nos vies nous parlons à contre courant de nos mots, de nos vérités. Souvent. Un peu comme dans Narcisse. Il veut se rejoindre dans l’eau, et il se noie dans son reflet, et la petite nymphe Echo appelle, et c’est sa voix qui lui revient. Personne ne voit personne. Personne n’entend personne. Des reflets, des échos. Chez Dhôtel les histoires se finissent bien, parce que tous les deux ils se retrouvent. Ils ont traversé le livre dans l’ignorance d’eux-mêmes, et à la fin ils trouvent des éclats lumineux dans le regard de l’autre. Dans la vie, les histoires ne finissent pas toujours bien. Elles bégaient, les histoires, elles hoquettent, et nous trébuchons sur nos valises trop lourdes de souvenirs. Les trains se croisent et ne s’arrêtent pas. Ou trop tôt. Ou trop tard.

On est simplement dans le fatras de nos vies. On voudrais dire  " je t’aime " et au moment de parler il nous manque les lettres pour le dire, et on en prend d’autres au hasard de la langue. Tout le monde voudrait dire " je t’aime ", et que tout s’arrête là, dans l’instant, comme dans les contes ou les mythes. Il y a jamais d’histoires, ou de vie après " je t’aime ", dans les contes ; tout reste suspendu. Personne ne sait dire la vie après. Tout le monde veut rester dans l’éternité de ce seul instant. Et un train passe, deux, trois…on est à coté de nos mots, être dedans serait insoutenable.

On est dans la chambre. Nous sommes assis en tailleur sur le lit. L’un en face de l’autre. Nue. Je l’ai toujours trouvée belle, nue. Ses épaules, sa poitrine juste assez lourde pour qu’on ressente le poids sans la toucher. Isabelle me dit : " Chut !… ne dis rien… laisse le silence… laisse le silence et la pénombre. N’use pas les mots… les silences ne s’usent jamais. " Je dis : " Pourtant il y a certains mots qui s’usent si l’on ne s’en sert pas. " Elle sourit. J’adorais son sourire. " Non, même les plus rares, même les plus précieux, s’usent. Surtout les plus tendres. Donne-moi ton silence, tout ton silence…. "
Elle savait des choses divines, elle parlait à Marie et à son fils, mais là, dans cette chambre, dans cette pénombre, elle n’attendait qu’un silence. Qu’un silence plein. Je voyais son corps, ses épaules immobiles, sa poitrine qui se gonflait lentement. Son ventre. Ses mains dans mes mains.
Et puis ses yeux dans mes yeux.
Et puis ses larmes douces, des larmes de silence, si douce, si douce, si douce….

Franck

26 juillet 2005

Les indécences

Je crois qu'il s'agit de Nobody, qui m'avait dit en résumant son poème, qui m'avait plu, ce qui avait même choqué, enfin choqué n'est pas le mot, interloqué Simone, parce qu'elle m'a dit que Nobody était hypocrite, et faisait du mal à une certaine Catherine, enfin bref, peu importe, donc Nobody m'avait dit en gros : on ne doit pas repousser l'amour lorsqu'on a la chance de le posséder à hauteur de coeur. A portée de main. On ne peut pas repousser l'amour. Son texte sous-entendait même qu'il était plus que stupide de repousser cet amour : c'était même indécent. Sur le coup, en lisant, j'étais d'accord, d'ailleurs lorsque je fais quelque chose de mal pour moi pour les autres, je m'en rends compte, finalement je suis un monstre avec des émotions humaines. C'est juste ma langue qui est perverse. Non je plaisante, ma langue est tout sauf perverse. Et donc cette langue qui aime tant écrire la vérité, ou ce qu'elle voit de la vérité, après tout il s'agit de mon point de vue, dans la vie normale, pas dans l'écriture se trouve confrontée à la frustration parfois triste de vivre auprès de gens qui ne s'accordent pas le droit de dire ce qu'ils vivent en eux. Dans leur coeur. Certains trouvent ça indécent. De parler de ça. En fait, ils n'ont pas tort, mais ça n'est pas toujours indécent. Alors que de repousser l'amour, c'est plus que stupide, c'est indécent. C'est renier le pourquoi de nos réveils douloureux le matin. Pourquoi je suis vivante, c'est renier pourquoi je suis en vie. C'est monstrueux. M'a dit je ne sais plus qui. Ce n'est pas Simone. Je ne pense pas. Simone ne dirait pas ça. Simone ne va pas dans les chats cochons comme moi dans le même but que moi. Je suppose. Enfin bref, toujours est-il qu'un jour je m'attache à une personne, qu'on s'aime, qu'on fait un bout de chemins ensemble et qu'un jour se termine pour qu'un lendemain je me réveille en trouvant qu'il me manque quelque chose. Pleurer en regardant le ciel, alors, ça aide ? Mes peintures ne parlent que de violence, la vie ne parle que de violence, pourtant je ne suis plus agressée physiquement depuis longtemps. Certains pensent : les mots font mal. Pour qui a de l'orgueil à perdre certainement. On a oublié de dire. Parler de ce qu'on vit en soi, c'est certainement infernal, pas intéressant. Et si tout le monde le faisait, honnêtement, il est probable que je serais pas la seule à être sordide. Ou étouffante. Je serais même classée dans les malines lumineuses qui utilisent les ténèbres pour mieux les affronter. Vous pensez que c'est facile de les affronter ? Par exemple, Simone, je m'adresse à vous directement, Franck m'a dit ceci : "Je crois que je n'ai pas été assez clair.
Simone c'est à vous que je m'adresse. Foutez le camp de chez moi ! Vous n'êtes pas la bien venue. Vous m'emmerdez, avec vos commentaires à la con."
Non pas que je suis la porte parole de mon compagnon de fortune car il est assez grand pour se défendre, mais son texte n'était pas littéraire et il ne voulait pas en faire ce soir. Avec son style. C'était un message adressé à votre personne, je lui ai rappelé que la colère  était bonne une fois passée. C'est écrit dans la Maison du Christ. Quand vient l'été, on est envahis par les mystiques, avec leurs piqûres. Simone : "c'est toujours la question du père". Franck : "Si l'écriture vous démange faites votre blog, où publiez à la NRF, ça vous occupera et vous éviterez de faire la mouche du coche sur le blog des autres." Vous m'aviez dit Simone que Nobody vous avait fait du mal, qu'elle vous avait pris votre innocence. Votre coeur sans haine. Une phrase du même genre. Je m'en souviens bien. Moi aussi on a essayé de tuer ce que les gens trouvent indécent : la vie intérieure. Secrète. Le jardin secret vous savez, ce qui devrait rester dans nos poitrines. Mais non, moi j'ai décidé de le mettre sur mon étal. Ce n'est pas forcément bien de le faire, il faut avoir une bonne drogue pour tenir. Franck était en colère contre Simone, c'est vrai qu'elle règle ses comptes chez les autres, c'est vrai qu'elle aurait pu le faire chez moi, chez moi ça se prêtait mieux. Que chez mon compagnon de galère. Donc Simone, en gros, Franck ne veut plus que vous déposiez de commentaires qui à l'avenir seront supprimés. Il a le droit de faire ce qu'il veut, ici c'est chez lui. Et puis aussi, il n'a pas aimé quelque chose : vous m'aviez dit, d'une manière à mes yeux innocentes ou alors pas si innocente que ça qu'il était socialement versatile. Je lui ai dit. Il n'a pas apprécié. Je n'ai pas compris où vous vouliez en venir. J'avais trouvé ça étrange. De votre part. Parce que je ne comprenais toujours pas où vous vouliez en venir avec moi. Vous me faisiez penser à Sacha. Avec ses commentaires à la noix. Par exemple quand Simone vous dites : "je vais cailler le lait", c'est magique vous comprenez pour moi. Non vous ne comprenez pas ? Un homme, comme vous me disiez de Nobody, votre version des faits, un homme est monté sur moi. Je l'ai déjà dit mille fois, je vais le redire, je sens que le lecteur a besoin que je radote. C'est bon de radoter, en plus on ne peut pas m'accuser de le faire, je suis loin d'être la première, je suis loin d'être la seule. HA. Donc il m'a un peu serré la gorge, en me déshabillant. J'étais tétanisée, à mon âge ingénue, on peut le dire mais je me suis bien vengée depuis (j'espère qu'aucun imbécile ne viendra me parler de ma souffrance après ça, s'ils ne lisent que de la souffrance alors franchement c'est que les églises et les mosquées  et les crises de foi ne servent à rien). Non, pas le temps dans la souffrance, le mec il vous étrangle, le mec il a le même sang que votre mère, c'est son frère. J'ai eu une occasion unique dans ma vie : faire l'amour avec quelqu'un de ma famille, de mon sang. On peut voir les choses comme ça. J'ai reçu un message comme ça d'un lecteur qui me disait : "franchement, votre viol est-ce que vous n'avez pas pris de plaisir pendant ?" Sanguine j'étais à l'époque, je l'avais traité de "suceur de bites grasses" et je lui avais dit aussi : "tu suceras des bites en enfer sombre imbécile". Il n'avait pas répondu j'avais dû passer pour une folle furieuse qui ne se remet jamais des traumas. Car le monde se passe là-dedans. C'est un désastre cette planète lorsqu'un homme vous déshabille, agite son sexe mouillé au bout contre votre sexe qui n'a jamais connu de perforation. Et il rentre en vous et là, même les Dieux se cachent la figure, la bouche et les oreilles. Même les déesses aux regards tourmentés. Bien sûr. Il prend du plaisir malgré vous. C'est vrai que par la suite, pour parler de mécanique (le sport n'est pas indécent, le sport automobile et puis ça évite de parler de la vraie chose importante) on a le sentiment d'avoir été amputé, à l'intérieur. C'est vrai. Je l'ai encore ça. C'est vrai qu'on baisse les yeux. Parce que dans vos rues, forcément, on le cherche un peu, le sexe. On aime ça. Donc le viol c'est normal si ça ne l'était pas, ça n'existerait pas c'est logique. Le viol est la forme de violence la moins traumatisante que je connaisse, si j'avais été éventrée, mes parents m'auraient pleurée, ma famille, et cette idée me fait horreur. Vous savez, avant ça j'étais une fille qui aimait l'ordre, j'écrivais même des petits billets comme Coumarine, c'était beau, et c'était emportée, il y avait plus d'affects que de vérité mais c'était pas important et en plus on me disait des trucs mielleux, que j'écrivais bien, que c'était merveilleux, qu'on n'en pouvait plus tellement t'étais note copine etc. Je me prenais pour une révoltée qui était capable de choquer (alors qu'aucune révolte n'existe vraiment et que choquer les gens choquables, c'est piètre contrition), pour quelqu'un qui aime, pour quelqu'un qui aime la beauté. Sans savoir qu'un tas de cadavres Juifs sur un bûcher ça donne une certaine forme de beauté qu'il faut absolument ne plus revoir demain. Mais les photos, on ne devrait pas les jeter. La colère des hommes les poussent à beaucoup de choses. Son sexe en moi. Et le plus étrange ce n'est pas l'acte en lui-même à passer le plus dur (d'après mon expérience), car ça va vite. Ce sont les années qui suivent. L'enfer que ça vous fait vivre. Et les gens que vous rencontrez, leur regard, à la limite même ils étaient pires que le sien. Au moins lui avait été honnête avec son horreur intérieure. Mais il ne pouvait pas en parler. C'est indécent bien sûr. Surtout surtout surtout. Pourquoi on ne voulait pas que les femmes travaillent avant ? Parce que les femmes étaient liées à la maternité, et parce que la maternité a  toujours été liée à l'intime, à l'amour, à l'invisible, au lien sain et secret (c'est finalement logique) entre un enfant et sa mère. Forcément. Un enfant. Qui prend dans sa bouche le mamelon de sa mère. C'est loin d'Angéline qui putain mettait ses pointes dans la bouche de ses clients. Qui n'étaient en rien ses enfants. Et du jour au lendemain, cet événement a fait de moi un monstre. Le monstre c'était plus lui que moi. Bien sûr. Même si aujourd'hui, je suis du côté des Assassins, des violeurs et des pédophiles, parce qu'il faut bien que quelqu'un aime tout le monde (sans aimer rien du monde, on peut faire les deux). Donc j'ai couru, bien sûr, la rivière, bien sûr, le sperme, nettoyer, bien sûr, mais tout ça je l'ai déjà dit. Je radote, ça aussi je le redis. Donc Simone il ne faut plus venir parler ici. Vous avez compris je pense ? Je l'espère, car Franck ne plaisantait pas. C'est mon ami et je me devais de lui dire que son texte en entier ne passait pas. J'ai proposé de calmer le jeu (je suis très diplomate) Il a accepté mon offre. Vous n'avez aucun respect même envers la littérature que vous prétendez défendre. Votre " pose " n'a aucun intérêt sur mon blog. Il était remonté on va dire. Donc sur le coeur, en ce moment, j'ai dit à quelqu'un : je ne sais pas. Ce mois de juillet est une espèce de baluchon dans lequel tout et son contraire est possible, c'est épuisant. Epuisant de vivre comme ça. J'aimerais tellement vivre comme les Morts: de l'extérieur on dirait que c'est pas désagréable par moments. Je dis bien par moments. Ils ont des travails éreintants l'année, des vacances fantastiques pendant l'été, des barbecues (au secours, Jésus) Ils ont l'air heureux parfois. Ils croient éventuellement à la Vierge Marie, votent éventuellement Sarkozy. Bref, ce monde qui sent la pourriture a une certaine logique finalement. Dans le parc samedi, d'attractions, je me disais : les gens ne sont pas prêts à abandonner leurs loisirs. Pourtant ça va continuer combien de temps comme ça ? A ne rien faire sinon penser à satisfaire son estomac ? A pomper la terre, les autres, à pomper le mensonge, comme Jean pompait le chef de la gendarmerie de la commune de Chavigny. Car les homos, malgré leur sensibilité plus assumée, ont autant de problèmes que les autres dès qu'il s'agit des questions intérieures retournées. Un de mes lecteurs m'avait dit un jour : "oui mais vous parlez d'intérieur, dans votre intérieur vous n'avez que des os, du sang et des barbaques". Je lui avais répondu qu'il était peut-être temps pour lui de parler aux animaux, de parler aux arbres, d'ailleurs comment la sorcellerie est née ? A cause des femmes, elles parlaient aux animaux, aux arbres, même Duras le disait. Comme elle balançait ses délires sur Villemin, la mère du petit Grégory. Bien sûr, ils n'ont que leur sang, que leurs viscères, que leurs merdes digérées à regarder, que voulez-vous, ce n'est pas de ma faute. Si j'étais vierge avant de me faire poignarder dans le sexe par un pénis.

Je n'aime pas la colère. Je n'aime pas le manque de respect. Pourtant je tombe souvent parfois, n'étant pas parfaite (ce n'est pas de ma faute). Cela me fait horreur de voir des gens avoir des gestes indécents dans la parole. J'en ai des tas, dans ma littérature, des gestes envers les autres, cependant, la littérature est un terrain neutre, on a le droit si on veut. Tout est possible. Franck à Simone :
Pour finir, je vous indique qu'a compté de ce message je supprimerais vos éventuels commentaires. Et n'imaginez pas que c'est de la censure, vous risqueriez d'en être fier, vos pieds sur la table et vos bruits de bouche m'exaspèrent.

Waouh.

Je ne l'ai jamais vu comme ça. Franck. Je ne t'ai jamais lu comme ça. C'est vrai que Simone elle arrive, elle dit bonjour, des fois elle dit rien d'autre. Ou alors, elle rentre et puis elle vous parle de Catherine N, son amour, son autre, comme Maurane et Lara Fabian. Elle ne veut pas de liens avec vous, pourtant elle vous parle. Elle vous pose deux trois questions sur vos intentions d'écriture. Elle vous lance des piques ici et là. Elle voudrait vous dire : je t'adore, je t'aime, ou je te baise, ça revient au même finalement, elle dit rien. Je ne sais pas à vous mais à moi elle m'a dit : mon mari aime me regarder faire l'amour avec des femmes". Elle est bergère. Son lait il caille. Et elle parle de la question du père. Quand vient l'été, on est envahis par les mystiques, ils pîquent durs. Dans la montagne, elle doit voir des moutons, des chiens de berger, et des boucs isolés, qui fièrement de leurs yeux de démons, de diables, vous dévisagent calmement.

Comme lui qui était sur moi, dans la grange au Portugal, dans la paille, dans la chaleur, juste avant que j'aille me nettoyer les cuisses dans la rivière, car parfois le sperme coule, et ça, même la foi et le calme des monuments historiques, féeriques, menteurs et religieux ne peut rien y faire. A cette rivière qui m'avait à peine calmée sur le moment. Sur ce moment où je lui montrais mes cuisses, mon intimIMTE (à ne pas confondre), et cela, je peux vous l'assurer avec certitude, sans indécence.

Texte : ANGELINE

Extraits d'un message de FRANCK intitulé "Simone'.

25 juillet 2005

Alors j'écris..... j'écris.......

Depuis ce matin je suis passé par toutes les couleurs des émotions. Et là, à l’heure où j’écris, je ne sais plus très bien où j’en suis. L’errance c’est aussi ça, ne pas savoir où l’on en est, ni qui l’on est, ni qui sont les autres. C’est traverser. Traverser une nouvelle fois sa chair et son sang. Elle m’avait prévenu : les morts sont bruyants. Et elle avait raison. Parce qu’elle a une saison d’avance, une couleur d’avance, une bienveillance d’avance. Parfois même, elle a un silence d’avance.

Ce matin c’est vite devenu irrespirable. Pour moi. Moi. Parce que j’existe aussi. Encore. Ce matin c’est devenu irrespirable. Inaudible. Brouhaha égotique.

Elle m’avait dit : tu devrais faire un blog, parce que quand tu écris, il y a un peu de lumière. Ce n’est pas tout à fait ses mots, mais ça voulait dire à peu près cela.
Alors j’ai écris. Parce que , elle, je la crois. Elle vient d’un endroit où la langue est de la fine porcelaine immaculée et où les mots sont en cristal. Donc, je la crois. Alors j’ai écrit. Bien, mal, j’ai écrit. Tous les jours j’ai appris franchir le fleuve de la parole.

Je vais vous dire, certains jour j’en chiale. Je ne chiale pas sur ma mémoire, sur mes souvenirs, ou sur ma vie qui part en quenouille. Je chiale parce que c’est dur, dur d’écrire, parce que je n’y arrive pas, parce qu’on à beau curer la chair jusqu’à l’os, il reste toujours les même ténèbres à affronter. Et c’est comme ça.
Alors comprenez-moi bien, si vous ne voulez plus me parler, tant pis, si vous ne voulez plus venir me voir, tant pis, allez-vous en ! quittez ma maison ! Arrêtez de rentrer ici, et de mettre vos pieds sur la table. Ca fait dix jours que je n’entends que des gens qui veulent me quitter. Alors, je vous en supplie partez ! partez tous et laissez-moi. Ici, ce n’est pas un terrain de jeux, ni de " je ". Vous comprenez, ici, je voulais toucher au plus près de mon cœur, au plus près de ce qu’il y a de vivant en moi, l’impossibilité de dire l’amour et la lumière. Je voulais qu’ici, à mon infime niveau, puisse couler quelque goûtes de lumière pure. Vous comprenez moi je ne suis pas intelligent, j’essaye seulement de survivre. Et je vous garantis que ça fait mal parfois de vouloir survivre. Vous comprenez, moi je n’écris pas avec ma tête, j’écris avec ce qui me reste de vie. Alors vous comprenez aujourd’hui, j’ai mal, j’ai mal au monde, j’ai mal à vous, j’ai mal dans mes mots, j’ai mal dans mes silences, dans les vôtres, dans les siens.
Elle m’avait dit : tu verras, ils ne savent pas lire, ou quelque chose d’approchant. Et elle avait raison. C’est pour cela qu’il faut toujours réécrire la même choses, c’est pour cela que c’est épuisant. Et ils n’entendent pas. Comme l’autre de Judée " Père, ils ne savent pas ce qu’ils font ".

Alors, partez ! partez tous ! allez-vous-en de chez moi ! Aujourd’hui je me sens un peu plus seul qu’avant. Certains dirons que c’est bien, que je suis en train de grandir. Je m’en fous de grandir. Ce qui m’intéresse c’est le rêve. Puisque votre monde est mort. Et aujourd’hui j’ai mal dans mes rêves.
Certains disent qu’il faudrait que je me protège. Me protéger ? Non, jamais. De quelle écriture je serais si je me protégeais, de quelle honte je serais. Je ne pourrais plus la regarder. Je ne pourrais même plus la lire.

Alors faites ce que vous voulez. Venez, ou ne venez pas, parlez, ou ne parlez pas. Vous comprenez ici, avec mes moyens j’essayais de trouver le point ultime sur lequel l’espérance peut s’appuyer, ici je voulais croire que même l’impossible pouvait advenir, et qu’un jour l’indicible montrerait sa face écarlate. Il faut des années, des années de souffrances, d’absence, de renoncement, pour fabriquer un misérable rayon de lumière. Une luciole en forme de mots. Des années. Et une seconde pour que le vent l’emporte. Une seconde pour l’éteindre. Comme les étoiles. Vous savez comment elles s’éteignent les étoiles ?C’est simple, un oubli suffi. Mais on s’en fout des étoiles, il y en a tellement. Un oubli, ou un mot en travers de la langue, ou un relâchement du coeur, ou simplement un geste maladroit. Et elle s’éteint l’étoile, et sa lumière saigne tout au fond de l’âme. Mais on s’en fout, il y en a tellement d’étoiles.

Alors vous comprenez, je ne ferais pas le tri, entre les bons et les mauvais, entre ceux qui lisent et ceux qui ne lisent pas, entre les sourds et les aveugles, je ne suis pas dieu, chez moi il n’y a pas le bon grain et l’ivraie, je ne suis pas dieu. Je suis rien. Mais un rien qui a mal à sa chair aujourd’hui.

Ici, je voulais offrir à ma rose le versant clair de la nuit, je lui dire : c’est possible. Et puis non, rien n’est possible. Les égos, le bruit, l’infini tristesse du monde…Alors j’écris mon Ange, j’écris… j’écris….

Franck

24 juillet 2005

Questions pour un champion.......

La question arrive comme ça, le matin. En plusieurs temps. La question se pose sur le bout d’une tartine de beurre.
" ……mais en même temps n'encercle-t-elle pas (l’écriture) l'écrivant dans un cercle de flamme ?
…..mais la vie n'est-elle pas en dehors du cercle ?
…….N'est-ce pas une illusion que de penser que deux encerclés peuvent se rejoindre ? "

La journée commençait bien. En face de ce type de question j’ai du mal à me positionner. Oui, elle se pose la question. Mais quand je me la pose ce n’est pas dans ces termes.
En fait, lui il écrit un peu. Elle, elle écrit beaucoup. Leurs écritures ne sont pas les mêmes. Pourtant, ils sont souvent sur les deux versants des même mots. Mais de loin les écritures sont très différentes. Mais quelle importance. Tous deux usent inlassablement la langue. De toutes les façons il est question d’amour dans leur écriture. Pour tous les deux. Même s’ils le disent à l’envers l’un de l’autre. Dans l’écriture il est d’abord question d’amour. Sinon, ce sont des essais, de la philosophie, des guides touristiques ou des modes d’emploi d’aspirateur. Même dans Arlequin il est question d’amour. Mais ce n’est d’Arlequin dont il est question.

La question, c’est ; c’est deux là ne sont-ils pas en train de se raconter une belle histoire à mille lieues de la réalité ?
Ou de façon plus précise : est-ce que l’écriture qui semble les rapprocher dans un premier temps, ne rend pas impossible une rencontre véritable ? Véritable, veut dire dans la vraie vie.
Même posée ainsi je ne sais pas vraiment répondre. Parce que mon monde n’est pas fait de certitudes.
Admettons l’image du " cercle de feu " que crée l’écriture autour de " l’écrivant " ; si c’est affirmer l’absolu solitude de cet écrivant. Oui, au même titre que chacun, écrivant ou non. L’écriture ne fait que dire cette vérité universelle. Elle ne l’a crée pas. Sans doute l’écrivant est-il plus centré sur cette solitude. Mais au niveau du sang c’est la même.

Est-ce que la vie est en dehors du cercle de flamme ? Là aussi je n’en sais rien. D’une façon théorique. L’écrivant sincère, touche au plus près sa vie, et la vie du monde. Quand il est penché sur sa feuille ou son clavier, c’est son corps tout entier qui s’arc-boute et s’épuise. C’est de la vraie vie. Bien réelle. Les sentiments qui l’animent, sont de vrais sentiments. Nous parlons des écrivant sincères, évidemment. L’écriture permet de se situer à un endroit de la parole, encore faut-il habiter cette parole. Ecrire ce n’est pas être hors du monde, c’est au contraire être au plus près d’une vérité toujours fuyante. Si je voulais faire une boutade, je dirais que les écrivants créent un monde que les autres habitent. Ils vont planter des formes, des couleurs, des odeurs, des paroles dans les lieux inexistants de la conscience, ils en repoussent les limites, les bornes…ensuite l’humanité s’y engouffre. Autre image : ils inventent du " rien " que d’autres nommeront.

Mais là on s’éloigne. Souvent, enfant, je sortais du sujet, j’avais toujours l’impression que les questions étaient mal posées. Souvent je m’ennuyais dans ces questions, alors je rêvassais sur autre chose.

" Est-ce que deux encerclés peuvent se rejoindre ? " Cela me fait penser à la boutade de Lacan : " l’amour c’est vouloir donner quelque chose qui n’existe pas, à quelqu’un qui n’en veut pas ".
Les deux encerclés ne le sont pas plus que n’importe qui. Tout le monde face à l’autre est un encerclé. L’écrivant n’est qu’une métaphore du monde. (là, il faut que j’arrête, mes deux neurones vont exploser).
L’amour n’a jamais annulé la solitude. Aimer c’est d’abord aimer la solitude de l’autre.  Ta solitude m’est nécessaire puisqu’elle te fait toi, dans la plénitude de ta vie. Ta solitude est un cadeau pour moi puisqu’elle parfait la mienne, et que la mienne illumine la tienne.

Tout le reste n’est qu’une question de respect, d’authenticité, de vérité, d’offrande, d’évidence, toutes ces choses qui ne sont pas l’apanage des écrivants. Mais de tous les êtres.

Plus clairement encore (je fais des efforts) :
Est-ce que Angeline et Franck peuvent se rencontrer : Oui
Est-ce qu’ils peuvent s’aimer :Oui
Est que le fait qu’ils écrivent est un handicap : Non
Est-ce que c’est un avantage : Oui, au début, Non, par la suite
Est-ce que l’écriture est une garantie de bonheur : Non, comme rien, d’ailleurs, ne peut garantir quoi que ce soit.
Est-ce que c’est un handicap au bonheur : Non, l’écriture est neutre dans cette question, elle ne préserve rien, et ne freine rien.
Maintenant dernière question : est-ce qu’ils vont se rencontrer vraiment ? Je n’en sais rien. Entreprendre ne veux pas dire réussir, être en marche ne veux pas dire arriver.

Je ne connais pas la journée de demain, parce que je ne sais pas qui je suis et que j’ignore qui elle est. Et que cette ignorance nous éclaire. Et que j’ai peur, mais que cette peur m’est douce puisque c’est elle qui m’en fait l’offrande.

Franck

23 juillet 2005

L'infini pour toi et pour celle qui viendra...

Difficile de rester centré sur son écriture. De lui donner la consistance voulue. Parfois on passe à coté. Comme hier. Mon texte. Sans doute écrit trop vite. J’étais mal assis dans mes mots. J’avais du mam à suivre la ligne mélodique. En écrivant j’entendais des couacs.
Il arrive qu’on soit trop profond, ou au contraire qu’on soit trop à la surface. En fait, pas à la bonne distance de la langue. Les mots qui viennent sont alors trop épais, ou trop léger. Ils n’ont pas le poids juste. A force de vouloir signifier, ils ne disent rien de l’essentiel.
En réalité hier je voulais parler de Lionel. Dans toute l’histoire c’est lui le plus important. Les mots ont un juste poids. On ne le sait pas assez. Pour le comprendre, il suffit de les lancer au plus loin de soi et de les regarder retomber. Trop lourds, ils se cassent. Trop légers ils se retrouvent dans tous les sens.
Les justes, reste en l’air et s’inscrivent sur la ligne d’horizon. Les mots justes on les aperçoit en transparence dans le soleil levant. Pour écrire juste il faut disposer son âme dans l’alignement du soleil et d’une étoile. Pour écrire juste il faut faire entrer le sens dans le son. Quand sa vibre, c’est bon.

Mais c’est Lionel qui est important. C’est quoi le courage Lionel ? Tu n’en sais rien ? Tu as raison… Toi tu étais une étoile brûlée tombée sur une terre d’absence. J’ai lu ta mort dans le journal. Au téléphone ta femme m’a dit : " Ca faisait huit jours que je lui disais : appelle Franck. " Elle pleurait ta femme.
Tu savais que tu étais arrivé au bout, alors tu n’as pas appelé. Pour dire quoi. Que tu étais au bout.
On avait la même chambre. C’est là qu’on s’est connu. En l’espace de deux jours on a fait rentrer le soleil dans cette chambre. Le courant est passé. On a commencé à rire. A rire de nous. Les infirmières aimaient venir dans notre chambre. Nous étions les enfants terribles du pavillon. On nous appelait les intellectuels. Cela devait être à cause de toi. Toi tu étais docteur. Un vrai docteur. Pas comme Clooney dans Urgence. Un vrai docteur alcoolique. C’était ta troisième cure. Le courant est passé tout de suite. On riait. On parlait beaucoup. Un peu de l’alcool. Très peu, question de pudeur. On peut être alcoolique et avoir de la pudeur. Parfois elles étaient trois dans la chambre, même la "chef" venait ; avec toi elles parlaient médecine, avec moi astrologie.
Tu t’en souviens, nous faisions de longues promenades dans le parc. Tu parlais des livres que tu aimais, Tolkien, avant que tout le monde en parle. Le seigneur des anneaux c’était toi. Nous parlions même du Petit Prince. C’était moi le petit Prince. Parce qu’il faut dire que tu étais un surdoué. Un vrai. A plus de cent soixante de QI, tu avais fait médecine, parce qu’il fallait faire quelque chose. Toi tu aimais le rêve. Ta passion c’était la photo. Marcher dans la nature et surprendre un trou de lumière, la forme d’un ange. Et puis tes filles. Adorable. Tu te souviens quand elles sont venues te voir. Deux têtes blondes papillonnant dans la chambre. Tu peux dire qu’elles l’aimaient leur papa alcoolique. Toi aussi tu les aimais, tu m’en parlais souvent. Ta femme, plus tard me racontera quand tu tombais dans l’escalier devant elles. Et qu’elles de soignaient comme deux petits infirmières dévoué. Dans nos promenades on ne parlait que du beau, que des choses que l’on aime, tu adorais que je te parle d’astrologie. Tu étais scientifique, mais tu aimais cette façon que j’avais de mettre du rêve un peu partout. Et de raconter des histoires de la mythologie. Tu étais Poisson, et je te parlais de la mer et de son mouvement. Et de l’infini. Je connais deux être pour qui l’infini n’est pas un mot creux, pour qui l’infini veut réellement dire " infini ". Toi et Celle qui viendra. Alors dans le monde tu étouffais. Le monde te faisait souffrir. Une souffrance qui s’apaisait qu’avec de l’alcool. On se ressemblait, nous partagions une douleur indicible. Mais nous n'en parlions pas. A cause de la pudeur. Les autres qui t’avaient dénoncé au Conseil de l’ordre, disaient que s’était une honte, un docteur, vous comprenez, un docteur. Il a tout pour être heureux, une si gentille femme, et des petites si mignonnes. Alors on riait, tous les deux, comme des enfants turbulents.

A la sortie nous avons décidé de suivre ensemble des séances de gestalt-thérapie. Là nous avons appris à nous connaître de l’intérieur. Des séances difficiles. Souvent on finit en larmes. Parce qu’on visite des endroits sordides de la mémoire. Quand on parlait, je te disais comment se passait ma psychanalyse. Ma jubilation à rentrer dans les mécanismes du néant. Toi, tu ne pouvais pas. Tu as arrêté toutes les analyses que tu as commencées. Dans ta vie il y avait des choses qui ne pouvaient pas se dire. A l’intérieur tu saignais. C’est tout. Alors on riait parfois. Et parfois on était en silence. Ta femme était autour de toi, avec un désespoir aussi grand que l’espoir. Elle t’aimait ta femme. Je peux te le dire. Je l’ai vu après. Comment elle a fait face, aux paroles de fiel qui on accompagné ton cercueil. Vous étiez rencontré en Inde, parce que tu faisais ce que les gens appellent de l’Humanitaire, elle, elle était infirmière. Après vous êtes rentés en France. Tu es devenu un grand spécialiste. Angiologue. Avec tes cent soixante et plus, s’était facile pour toi. Tu avais déjà appris à lire tout seul. Mais sans le montrer, tu imaginais que tes parents ne comprendraient pas. Et tu avais raison. Ils n’ont jamais rien compris. Une fois par an, tu allais a Paris pour des congrès, c’est toi qui parlais, et ils venaient des amériques pour t’écouter. Mais toi, ça te faisait rire tout ça. Le social, la reconnaissance. Toi ce qui t’intéressait c’était la photographie. Les ciels, les fleurs, tu cherchais toujours des formes à l’intérieur d’autres forme, des lumières à l’intérieur de la lumière. Alors les congrès. Un jour tu as même était leur parler bourré. Mais bien bourré. Tu riais en me le racontant. Le monde n’était pas fait pour toi. Tu t’y ennuyais. Et puis cette douleur qui ne passait pas. L’indicible. L’impossible a dire. Un jour on en a parler de l’indicible. Parce que le paradoxe, moi, je ne t’ai jamais vu ivre. Donc on parlait de l’intime de nos vies. Pas souvent. Tu m’as dis que le jour où c’est arrivé s’était une belle journée. Tu traversait les champs pour aller à la pêche. Tu étais dans l’insouciance de tes huit ans. Culottes courte et canne à pêche sur l’épaule. Et puis le ciel s’est assombri pour toujours. L’homme t’a attrapé, il t’a déshabillé et il ta violé. Là, dans le champs. Huit ans. A un age où l’on sait pas ces choses là. Par derrière, il t’a fait mal. Si mal que ça résonne encore. Le temps à blanchi d’un seul coup. Il était dedans. Dedans toi. Il n’y a pas de mot pour le dire. Alors tu ne l’as pas dit. Quitte à être rempli, tu t’es bourré. Tu sais comme font les psy avec les mots. Tu étais devenu le saigneur de l’anneau. Tu comprends, Lionel, j’aimais lorsque nous marchions ensemble. Je te parlais poésie, astrologie et toi tu me disais la lumière, le ciel, les étoiles. Et les anges. Souvent on aurait dit que tu les voyais, les anges.

Tu es mort à ton bureau. Une nuit. Le sang saturé d’alcool. J’ai écris à ta femme pour lui dire de quoi il était saturé ton sang, ton vrai sang. Je lui ai parlé de ton rêve prométhéen, celui de libérer les anges du ciel pour en peupler la terre. Je lui ai dit que tu étais mon ami. Non, pas à cause de l’alcool, mais à cause de la lumière et des anges. Tout le monde t’a rejeté : tes parents, tes collègues, tes amis… jamais ta femme n’a dit un mot qui aurait pu froisser tes ailes de géant. Et tes filles elles étaient la lumière que tu cherchais. Les cheveux couleur de sable et des rires plein la gorge.

Tu vois Lionel, il m’arrive de penser à toi. Et ce qui me revient en premier c’est nos fous rires dans la chambre d’hôpital.

Dans cette histoire qui n’a rien à voir avec une histoire d’alcool, il faut retenir, les promenades, les rires, et les anges qui se cachent dans les replis de la lumière, ou qui jouent à saute mouton sur le bord des nuages. Le reste n’a aucune importance.

Franck

22 juillet 2005

....Notre marche est ferme et dans la lumière..

Drôle ce qui se passe ici parfois. Avant la prière, des gens font du mal comme pour s’excuser qu’ils prient. A ceux là je dis que la prière ne lave rien. Il faut d’abord enlever tous les masques. Avant de s’adresse au ciel, ou aux Anges, ou a l’Ange.
Bref, quelle importance, ces gens…..

Toi qui viendras, tu sais lire les mots, et juste derrière, ce qu’ils cachent. Tu sais les retourner comme un gant mal ajusté.
Tu as raison, il y a un temps, pour les mots et leurs couleurs, et un temps de silence et de vérité crue. Celui qui viendra, n’aime pas le bruit, le vacarme social. Il a déjà survécu à des choses tristes. Il fallut qu’il renaisse. Celle qui viendra, je sais d'où elle vient, je sais ses cauchemars, je sais ses peurs parfois, ses larmes aussi, je sais les nerfs qui se vrillent dans la tête. Mais je sais tellement d'autres choses.
Je sais que mes couleurs, quelques soient leurs brillances, ne changent, ni ne changeront le monde, oui je le sais.
Celle qui viendra a connu les endroits sordides, les échanges de sexe, les souillures. Celle qui viendra aura mal à sa mémoire, mal dans ses rêves.... et je ne suis pas magicien.
Je ne prétends rien.... la seule chose que je sais c'est que son passé vaux le mien.

Tu connais mon passé. Du moins la part légèrement caché.
Je ne la cache pas, mais je ne la dis pas. Avec un père comme ça s’était inévitable. Au départ on en sourit. Cela s’appelle de l’alcoolisme mondain. Au départ j’ai quinze ans et le samedi soir mon père parfait mon éducation. Pour cela il lui faut de la bière. Beaucoup de bière. Je suis autorisé à l’accompagner. Ce sont les rites de passage. Après je n’ai plus besoin de lui. Ca prends des années. Rien ne se voit au départ. Mais très vite c’est tous les jours. Un peu tous les jours. Après c’est plus. Enfin c’est beaucoup tous les jours. Oh, certes. Je n’ai pas été un alcoolique violent. J’étais un doux, un parlatif, un explicatif. Socialement personne n’a jamais rien remarqué. Avec Sandrine nous nous sommes séparés. Pas à cause de l’alcool, mais je crois que ça ne m’a pas aidé à être lucide. Lentement, mais sûrement les doses augmentent. Dés le matin pour lancer la machine il faut du carburant, et ça dure toute la journée, le soir on se couche épuisé. Et le lendemain cela recommence…. Il parait que c’est une maladie. Mais c’est une maladie honteuse. On la tait. Les jours et la vie se construisent autour de l’alcool. D’abord le manque, puis la chaleurs des premières gorgées, puis le début de l’ivresse, et cet instant magique où l’on se sent un roi, puis la légère dépression où la tristesse s’insinue, puis la marée de désespoir. Chaque jour pareil. Sauf que c’est n’est pas pareil, mais vous ne le savait pas. C’est chaque jour un peu plus. Un peu plus de tout. Plus d’alcool, plus de tristesse, plus de désespoir. Un désespoir dont vous ne savez pas d’où il peu venir. La douleur de ce désespoir est violente, elle est dans tout le corps. Pour l’apaiser il faut continuer à boire. Et puis un jour les choses basculent. Au fond de vous vous savez que vous avez un problème, mais vous vous le taisez. Parce que vous n’y pouvez déjà plus rien. Vous ne pouvez plus décider d’arrêter. Alors vous continuez. Et un jour, cela bascule. Les doses augmentent brusquement. Quelque chose est cassé à l’intérieur. Ce n’est plus mondain, c’est compulsif. Vous voulez en finir. Vite. Alors les doses sont impressionnantes. Un litre de Gin, deux litres, ou de whisky. Certains jours c’est trois. Vous avez la tête fracassée. Vous n’êtes rien. Plus rien. Sinon cette douleur incommensurable. Ce désespoir. Vous êtes proche de votre tante. Elle supporte les deux ou trois litres. Et puis un jour vous êtes hospitalisé. On vous dit que vous êtes alcoolique, on vous dit qu’il faut arrêter, et qu’il faudra ne jamais plus boire d’alcool. Vous écoutez, mais vous ne croyez pas ce que l’on vous dit. C’est impossible à entendre. On ne croit pas ces paroles. Vous restez trois semaines. Première cure. A la fin de la cure ils vous font le test de dégoût. Trois fois. Il vous donne un comprimé d’Espéral, et ils vous servent votre alcool préféré. Et pendant cinq ou six heures vous allez agoniser sur votre lit, le cœur battant à cent trente, les boyaux qui se tordent à l’intérieur, les vertiges. Trois fois, histoire de vous faire comprendre. Après vous sortez. Et c’est là que tout commence. Rechute, plus grave encore. Comme si la mort m’appelait pour me rejeter, pour me narguer. J’apprends à gérer le temps. S’arrêter un jour, deux jour, trois jour, ….. A chaque rechute, gagner un peu plus de temps. Le temps : le pire ennemi et le meilleur ami de l’alcoolique. A chaque fois que vous rechutez vous êtes submergé par un océan de culpabilité noire. Vous êtes sans issue. Sans avenir. Vous ne pouvez pas admettre une vie sans alcool, vous transigez, vous dites que dans quelques temps vous pourrez recommencer, de temps en temps…. Non. Jamais plus. Plus une seule goûte. C’est toujours impossible à entendre. Un jour, je suis allongé sur un lit, j’ai une perfusion dans le bras. Je sens que la vie s’en va. J’ai la certitude absolue que si je ferme les yeux je ne pourrais plus les ouvrir. Tout reflue à l’intérieur, je n’ai plus de force, plus de désir, plus rien. Je ne veux plus rien, j’ai envie de fermer les yeux. Pourtant non. Ils restent ouvert. Une après-midi entière à être dans cet état d’absence absolue. Peu à peu le sang est revenu. Avec un peu de vie autour. Autre hospitalisation. C’est là que je rencontrerais Lionel. Un compagnon d’infortune. Mon ami Lionel. Il est mort quelque mois après. J’en parlerais un jour de Lionel. De sa lumière.

Voilà mon passé. Cela fait treize ans. Je suis toujours alcoolique puisqu’on le reste toute sa vie. Mais je ne bois plus d’alcool. Treize ans que je suis sevré. Treize ans de lucidité absolue. Et je peux dire que depuis treize ans pas un seul jour où une pensée mauvaise ne m’a pas traversé la tête. C’est un combat jamais fini. Chaque jour il faut refaire un serment. Dire oui, a la vie. Dire non, au verre qui vous nargue. Aujourd’hui c’est un combat facile. Mais il a fallut le mener jour après jour, certaine fois heure après heure. Avec des encouragements tel que : qui a bu boira.

Alors, à celle qui viendra je peux dire : je ne sais pas ce que c'est que le bonheur, mais je crois aux êtres qui se veulent du bien, aux êtres qui s'offrent mutuellement, sans masque, je crois qu'entre les êtres qui s'aiment s'invente chaque jour un printemps et que les blés repoussent d'autant mieux qu'on a trempé la terre aride de nos larmes.
Celui qui vient ne peut pas faire de promesses, car il croit que souvent elle sont stupides, et n'engagent comme dit l'autre que ceux qui les écoutent. Non, pas de promesses "bourgeoises", sauf celle d'être avec toi, à coté de toi, au plus près de toi.

Je connais Princesse les monstres qui marchent avec toi, et ceux-là ne me font pas peur. J'ai vaincu les miens, on vaincra les tiens.
C'est le regard que tu pourrais poser sur moi qui m'effraie. J'ai peur de ne pas être digne, ou a la hauteur. Notre route est singulière, très peu la fréquente, elle n'est pas balisée, elle est pleine de fourrés, de ronciers, mais notre marche est ferme et dans la lumière.

Franck

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